Paul Sala ne figure pas parmi les auteurs considérés comme majeurs, dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir. On se souvient surtout de sa série consacrée au Savoyard, déjà évoquée ici. Pourtant, ses intrigues ne sont pas moins solides que la moyenne. Et sa narration reste d'une fluidité très agréable. Parfois, il exploita même des idées quelque peu originales. Il y a quarante ans, les femmes juges d'instruction étaient encore rares, par exemple. Voici une sélection de quatre titres, probablement parmi ses plus réussis. Mention spéciale au sympathique “Filière blanche pour l'ami Noir”. Des polars qui n'ont rien perdu de leur intérêt...
"Le journal d'un juge" (1973)
Juge d'instruction à Châteauneuf, Claude Chaumont est une femme. Pour les affaires qu'elle traite, elle est entourée de son assistant Raguineau, du substitut Legrand, du capitaine de gendarmerie Extève, et du commissaire Huart. Ce dernier n'est pas insensible au charme de Mme le Juge. Deux meurtres sont commis à vingt-quatre heures d'intervalle, dans un petit bois à la sortie de la ville. Rapprochement vite évident entre les deux affaires, puisqu'il s'agit de femmes des mêmes âges, tuées de façon similaire. Afin que la panique ne gagne pas la population, il convient d'agir sans tarder. Thièvenard, le garde-chasse de la baronne de Courchamp, ayant découvert les cadavres, ferait un excellent suspect. L'homme est trop simple pour ce genre de crimes.
Le nom de Pierre Drouet apparaît plusieurs fois dans ces affaires. Négociant en boissons, suspecté de trafic d'alcool, il possède un passé judiciaire. Il ne peut fournir d'alibis avérés. La juge Chaumont inculpe bientôt Drouet pour ce double meurtre. Mais un nouveau crime est commis. Témoin des trafics du négociant, Mme Millet en est la victime. Ce n'est pas seulement parce que Drouet est séduisant que la juge se met à douter. La culpabilité du présumé coupable semble trop fabriquée, préparée. Claude Chaumont pourrait s'entendre avec le vieil avocat du peu coopératif Drouet, Maître Ranzac. Hélas, plus elle s'informe sur son suspect, plus son passé accable celui-ci...
"Code vénal" (1976)
Charlie est convoyeur de fonds pour la société King's Bank depuis plus de dix ans, un employé sérieux. Pourtant, il a décidé de dévaliser son propre véhicule, avec la complicité de ses collègues Ferdinand et Germain. Il a une bonne raison : sa troublante épouse Véra. Charlie est prêt à tout pour lui offrir une meilleure vie, la leur étant indigne de celle qu'il vénère, la sensuelle et passionnée Véra. Il a élaboré un plan simple et sûr. Ni lui, ni ses complices n'ont envie de prendre le risque de finir en prison. Mardi, en fin de journée, ils simuleront une attaque du fourgon par un lourd camion venu les emboutir. Pour faire bonne mesure, ils seront légèrement blessés. L'opération ne va pas se passer ainsi. Le véhicule percuteur fonce trop vite sur le fourgon, tuant Germain et Ferdinand. Témoin, Charlie tire sur celui qui a fait foirer leur plan. Blessé lui-même, il perd conscience.
Robert Bose, motard qui passait près de là, a transporté immédiatement Charlie dans un hôpital proche. Lui aussi tombe bientôt sous le charme de Véra. La jeune femme est la maîtresse du directeur de la société de transports de fonds, Risko. Ce dernier n'était pas loin au moment de l'attaque, comme s'il en était informé. Pas par Véra, qui ignorait tout. Peut-être Ferdinand ou Germain auraient-ils trop parlé ? Le commissaire Oviéta, de la BRB, a sa petite idée sur cette affaire, sur ceux qui l'ont déréglée. Quand Charlie voudra tirer au clair les responsabilités de chacun, il suffira qu'il prenne en filature le policier...
"Filière blanche pour l'ami Noir" (1977)
Rockfeller, c'est le surnom du type le plus pauvre d'Orange Grove, riche petite ville de Floride. Ici, tout le monde apprécie ce Noir, ancien combattant, ex-boxeur. Rock se contente de peu, vivant dans une maison inachevée, récoltant une pièce par-ci, par-là, en échange de menus services. Anonymement, par courrier, on va lui proposer une mission rapportant dix dollars. C'est le début des complications pour ce brave bougre, qui cherche tant à les éviter. Car il s'agit de racket, trois citoyens locaux étant rançonnés par un nommé Dixit. Ça pourrait valoir des ennuis à Rock, déjà qu'il hébergea récemment un cambrioleur bientôt abattu par la police.
Compréhensif, le shérif Gibbson ne poursuivra pas Rock. Celui-ci réfléchit à la situation. Un indice permettra peut-être d'identifier l'homme se faisant appeler Dixit. Ce pourrait bien être son copain Buddy, musicien de jazz. En cherchant la vérité, Rock rencontre un détective qui pourrait devenir un allié fort utile. Quand Kay, une des meilleures amies de Rock, est assassinée, le danger se précise. On ne va pas tarder à tenter de l'éliminer, lui aussi. La vérité s'annonce plus compliquée qu'il pouvait le penser...
"Des cendres à chaque otage" (1978)
En Grande-Bretagne, de curieux événements se produisent dans la paisible région de Burton. Scotland Yard y envoie David Bartow, chargé de reprendre à zéro l'enquête commencée par Cornélius Hall, le policier local. Résumé des faits : selon le témoignage de Rosalind Chester, employée chez le banquier sir William Ward, la fille de ce dernier et elle-même ont été attaquées de nuit, alors qu'elles revenaient d'une soirée dans un club. Alison Ward ayant disparu, une rançon est réclamée, mais personne n'est venu chercher l'argent. Rosalind Chester soupçonne fortement le musicien qui les raccompagnait ce soir-là, Morrison. Ce dernier est emprisonné par la police. Peu de temps après, c'est sa propre épouse qui est enlevée. Nouvelle demande de rançon et, cette fois encore, nul ne vient chercher le butin. La culpabilité de Morrison est de moins en moins probable. La victime suivante est l'épouse de Cornélius Hall. On peut redouter qu'elle subisse le même sort que les deux précédentes, retrouvées mortes assassinées entre-temps.
Reprenant l'enquête, Bartow s'aperçoit vite que de nombreux mensonges ont émaillé cette série criminelle. Il s'intéresse en particulier à Philip Parker. Employé de la bande dirigée par sir Ward, il est amoureux de Rosalind. Un type au comportement curieux, ce qui mérite que Bartow fasse le tour des psys du secteur afin de mieux cerner le personnage. Si Parker n'est pas le coupable, il peut servir d'appât pour approcher de la vérité. Car cette histoire cache une perverse machination...
L'Oncle Paul nous a présenté un "Portrait de Paul Sala" et l'ami Pierre a évoqué un de ses romans, "Monsieur Lucien".