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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 04:55

Recueil de treize nouvelles, publié en 1999 dans la collection Le Cabinet Noir (n°27) dirigée par Hélène et Pierre-Jean Oswald.

Le passager – Il sillonne depuis quelques jours les routes du Var dans sa voiture de location. Des auto-stoppeurs, il en croise parfois sans les prendre à bord. Cette fois, c'est le bon, un type de trente-sept ans, marié, habitant Toulon. Puisqu'il fait si chaud, Philippe Chaissac accepte volontiers à boire. Le plan du conducteur se déroule sans problème. Il va se débarrasser de son épouse, de sa propre identité et de sa vie d'universitaire à Aix-en-Provence. À Zurich, il se fait oublier, en attendant que sa maîtresse le rejoigne.

Le bout du monde – Pour lui, c'est un retour aux sources, dans cette bourgade où il a vécu étant enfant. Trente ans ont passé. La maison familiale est toujours là, en mauvais état. Il n'y a plus que le vieux Georges Bondeville qui se souvienne du drame de l'époque, chez les Detheux. L'enfant avait huit ans. Son père avait déserté leur foyer. Sa mère allait se remarier. L'ayant appris, le père revint chez eux ce jour-là. Un double meurtre fut commis. Inutile de chercher loin le coupable : on connaissait le caractère sanguin du père.

Terminus – Bien qu'il n'ait que cinquante ans, Thomas se sent brusquement vieux. Terrible impression de vieillesse, aggravée par sa solitude. Pourtant, la vie citadine reste animée autour de lui. Coup de fièvre ? Autant qu'il rentre chez lui. Dans la rue, il suit quelques instants une femme au chapeau rouge. Il ne comprend pas la suite, quand il regagne son domicile.

L'affaire Kléber – Éminent politicien du Parti du Renouveau, Wilhelm Kléber a été assassiné dans un endroit isolé. Ce qui va être largement commenté dans les médias, c'est la face cachée de Kléber. On apprend qu'il avait des accointances avec la Mafia, qu'il possédait un compte secret bien garni au Luxembourg. Ressemblant au lieutenant Columbo, le policier qui enquête ne croit pas en ces accusations post-mortem. Il imagine plutôt une sombre machination. Marcel Young, le trésorier du parti, premier mari de Christiane l'épouse de Kléber, garde un parfait sang-froid face au crime et au scandale. Le président du parti, Christiane Kléber et Young n'ont effectivement pas à s'inquiéter : ils disposent de solides alibis et n'avaient pas de raison de supprimer le charismatique Kléber.

Le livre rouge – À Bruxelles sous la pluie de décembre, il remarque une boutique vieillotte. Tout est fouillis dans ce véritable capharnaüm, tenu par une femme distante ou blasée. Lui, ce qui l'intéresse, c'est un gros livre intitulé "Histoire de l'échafaud en France" datant de 1863. Les grands criminels fascinent, à travers les siècles.

L'échappée belle – Vanderem a deux femmes dans sa vie : son épouse Geneviève et sa maîtresse Véronique. Elles sont par ailleurs amies, et un peu envahissantes. La situation se complique pour Vanderem bientôt victime d'un "accident". Le policier Willems n'accorde pas vraiment crédit à la version de l'homme, puisqu'il a toutes les preuves nécessaires.

Les gens de l'autobus – Âgé de 44 ans, Fabrice Moreau mène une désespérante vie routinière. Employé administratif, il côtoie matin et soir les mêmes passagers dans son autobus. Des voyageurs sans histoire qui ne l'intéressent guère. Quand la grosse Mme Leroux n'en fait plus partie, les autres habitués ne réagissent même pas. Lorsque Marcel Servier ne prend plus le bus, il va y avoir une enquête pour meurtre car on a retrouvé son cadavre. Puis c'est une des sœurs Ventillard qui est assassinée. Mais pourquoi la police ne parle-t-elle pas de la mort de Ginette Leroux ?

Le crime de juillet – Un petit village dans la pure tradition française. Avec son château où, chaque été dès le 1er juillet, reviennent les propriétaires, la riche famille Hoffmann, fiers de leur puissante voiture. Ça obsède Derême, le boucher-charcutier local. Lui, sa vieille bagnole est quasiment une épave. Et pour sa modeste maison, il passera toute sa vie à en payer le crédit. Derême rumine sa détestation : il est jaloux de ces châtelains, jusqu'à en avoir de meurtrières hallucinations.

Rien ne va plus – Il séjourne à Genève pour affaires. Il se laisse tenter par une virée dans un casino, où il perd plus qu'il ne gagne. Et quand la chance lui sourit enfin, c'est à une vieille dame acerbe qu'on attribue ses gains. Il proteste, mais le compagnon antipathique de la bonne femme témoigne pour elle. Rien à faire, c'est rageant. Le lendemain, il ne sera pas davantage veinard en affaires, alors qu'il espérait un juteux contrat.

Et aussi "Les retrouvailles", "Flics de nuit", "La femme d'en face", "Résidence secondaire".

Jean-Baptiste Baronian : Parmi tant d'autres crimes (Ed. Les Belles Lettres, 1999)

Né à Anvers (Belgique) le 29 avril 1942, de parents arméniens s'installant à Bruxelles quand il avait deux ans, Jean-Baptiste Baronian débuta tôt dans le monde de l'édition. Dès 1969, il devient directeur de collection aux éditions Marabout. Il occupera plus tard le même poste chez Le Masque, Le Livre de Poche, Fleuve Noir et divers autres éditeurs. Il fut par ailleurs critique littéraire et auteur sous le pseudonyme d'Alexandre Lous. Le survol de sa carrière d'écrivain et d'éditeur est retracé dans "Le Cahier du Cabinet Noir", à la fin de ce volume. Président des "Amis de Georges Simenon", association créée en 1986 à Bruxelles, Jean-Baptiste Baronian est membre de jurys décernant des prix littéraires.

Dans Parmi tant d'autres crimes, on peut lire treize nouvelles. Ce qui n'est pas sans rappeler les trois célèbres séries de Simenon (13 énigmes, 13 coupables, 13 mystères). Les préfaces des deux tomes de “Nouvelles secrètes et policières” de Georges Simenon (Omnibus) sont de Jean-Baptiste Baronian, qui retrace le parcours de l'écrivain. Le présent recueil possède une très belle qualité : la diversité des intrigues et des tonalités. Certaines histoires courtes n'en sont pas moins des sujets criminels ou des vraies enquêtes, avec leur "chute" finale. D'autres nouvelles sont plus psychologiques, "intérieures". On n'hésite pas à passer de l'une à la suivante, en sachant que l'auteur nous plonge en quelques lignes au cœur du récit énigmatique.

Comme ses nombreux romans et ses anthologies, les recueils de nouvelles de Jean-Baptiste Baronian méritent d'être redécouverts.

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8 octobre 2015 4 08 /10 /octobre /2015 04:55

Âgé de trente-huit ans, Roger Brisseau est un grand costaud plaisant aux femmes. Ce combinard endetté qui s'affiche homme d'affaires peut se montrer nerveux, impulsif. À son bureau, la jeune secrétaire Suzanne est surtout chargée de répondre qu'il est absent. Le couple formé par Brisseau et son épouse Gisèle habite un pavillon en proche banlieue de Paris. Ce midi-là, il rentre comme prévu chez lui, et tombe sur le cadavre de sa femme. Il est bien obligé d'appeler la police, car son vieux voisin Mauclère apparaît sur son chemin. L'inspecteur Saverny, de la Criminellle, dans le service du commissaire Tardieu, est envoyé sur les lieux. De menus indices, mais pas de traces flagrantes de l'assassin, probablement connu de la victime qui l'a laissé entrer.

Retraité des Postes, M.Mauclère était un peu le confident de la défunte Gisèle Brisseau. Il est accusateur envers le mari, qui aurait profité de l'absence matinale du voisin pour tuer son épouse. Brisseau possède de parfaits alibis pour la demie-journée. Il était avec sa maîtresse Germaine Deny, dite Lily, puis il a vu sa secrétaire avant de se rendre à un rendez-vous avec Max Wurtzbach. Sanguin, Brisseau se bagarre avec les flics, avant de prendre la fuite dans sa Frégate. Il tient à disposer de toute sa liberté afin de se défendre. S'il figure comme suspect n°1, il n'a pas assassiné Gisèle, et il ne compte guère sur la police pour retrouver le coupable. Après avoir donné des consignes à Suzanne et à Lily, Brisseau contacte son fidèle ami Lulu, qui tient un stand d'autos-tamponneuses.

De son côté, Saverny contraint Germaine Deny a lui dire la vérité, avant de rendre visite aux parents de Gisèle. Directeur d'assurances, M.Pontier lui semble plus cordial et juste que sa femme, très remontée contre leur gendre. “Pour parler net, c'est un drôle de lascar. Pas méchant bougre au fond, mais de morale élastique !” résume M.Pontier. Il admet que Brisseau n'avait aucun intérêt financier dans la mort de Gisèle. Saverny s'avise que le beau-père est finalement plus cynique qu'il ne l'a cru.

Ayant interrogé la secrétaire puis Max Wurtzbach, l'inspecteur suit la piste du nommé Tavenier. Celui-ci vient que quitter son immeuble avec précipitation. Sa concierge, qui est aussi voyante, donne au policier une adresse où il a pu se réfugier. Saverny rencontre encore Yolande Vincent, une dame assez foldingue, très généreuse envers Brisseau. Tandis qu'un indic renseigne Brisseau et Lulu, la police rate de peu le fuyard. Le duo enlève bientôt Tavenier, afin de l'interroger. Le mari cocu de Germaine Deny réfute tous les témoignages, mais Saverny ne se décourage pas. Bien que le policier et Brisseau aient un contact téléphonique, le suspect n'envisage pas de se rendre, persévérant au contraire jusqu'à la découverte du vrai coupable…

Jean Dorcino : Ma femme est morte (Un Mystère, 1962)

De son vrai nom Jean Paulhac (1921-2011), Jean Dorcino a signé quatre polars : “Le crapaud” (Série Noire, 1956), “Pas de dragées pour le baptême” (Série Noire, 1957) “À brûle pour poing” (Presses de la Cité Espionnage, 1961), “Ma femme est morte” (Un Mystère, 1962). Le personnage de l'inspecteur Saverny déjà présent dans “Pas de dragées pour le baptême” mène aussi ses investigations dans “Ma femme est morte”. Il s'agit d'un policier sans préjugés (il ne croit pas dans la culpabilité de Brisseau) s'accordant de courts moments de réflexion pour de petits bilans. Un bon professionnel qu'on ne dupe pas, sans être une copie conforme de Maigret. En face, le mari suspect est un margoulin intrépide, pas antipathique, qui vit d'emprunts plus ou moins remboursés, et qui n'éprouve que de la répulsion contre les flics.

L'histoire se passe dans la tranquille région parisienne autour de 1960, avec ses pavillons en meulière et ses routes quasi-campagnardes. Bien loin du Rosny-sous-Bois actuel. Il n'y a pas de chapitre, car la narration est "en continu" : l'action est supposée se dérouler sans temps morts, à partir du midi jusqu'au lendemain. Avec habileté, l'auteur évite d'insister sur les repères horaires qui trahiraient l'approximation. L'écriture est claire, les portraits bien dessinés : “Dans sa cabine de verre, Lulu surveillait les opérations de ramassage du fric, menées par deux gars en blue-jeans. Trapu, costaud, il avait une tête de vautour chauve, émergeant de son chandail à col roulé. Un grand pif aigu, et pas un poil sur le crâne. Le regard attentif sous les sourcils broussailleux.” S'il s'agit d'un roman d'enquête, la succession de scènes est vive, apportant son lot de péripéties. Un très bon petit polar de l'époque.

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2 octobre 2015 5 02 /10 /octobre /2015 09:30

Une nuit, un incendie cause huit morts à la Résidence des Cèdres Bleus, maison de retraite appartenant au groupe Aliamed. Le journaliste Raoul Walberg est appelé à enquêter sur un autre décès accidentel, celui de l’ex-légionnaire Julio Lebowski. Cet ancien résident des Cèdres Bleus s’était échappé de l’hôpital psychiatrique où on l’avait interné. Il voulait dénoncer les maltraitances et les méthodes douteuses constatées à la maison de retraite. Il avait constitué un dossier, que de faux-policiers ont tenté de retrouver dans ses affaires à l’hôpital.

Walberg et son amie photographe Véronique se rendent dans la région où a eu lieu l’incendie. Ils y croisent la revêche juge Frémont, qui dirige l’enquête. Si le maire semble aimable, il fait partie d’une mafia locale de notables ayant tiré profit des Cèdres Bleus. Une employée virée évoque le suivi médical bâclé, la nourriture infecte, le personnel insuffisant et peu compétent. Encore ignore-t-elle que des tests de médicaments pour un laboratoire étaient pratiqués à l’insu des patients. Walberg et Véronique ne sont pas autorisés à visiter la Résidence des Acacias, du même groupe Aliamed. Un couple voulant créer une petite maison de retraite concurrente a subi divers sabotages, et le blocage de leur dossier. Un commercial confirme à Walberg les méthodes véreuses de la direction des Cèdres Bleus.

Jean-René Lelou, PDG d’Aliamed, est informé du futur article de Walberg. Pour rétablir l’image du groupe et faire remonter le cours des actions, il faut communiquer de façon positive. Bien que le profil de Lebowski ne soit pas celui d’un pyromane, des indices l’accusent. La conférence de presse de la juge Frémont clôt l’affaire. Pourtant, des points restent obscurs. Sous la pression d’Aliamed, l’article de Walberg est largement censuré. Invité par Jean-René Lelou, le journaliste reste insensible à son charisme supposé. Un informateur anonyme transmet des documents accablants à Walberg. Une menace mortelle plane désormais sur le reporter…

Gérard Delteil : Retraite anticipée (Fleuve Noir, 2003)

On voudrait pouvoir affirmer qu’il s’agit d’une fiction très éloignée de la réalité. Les personnes âgées constituent un énorme enjeu financier, faut-il le rappeler ? On aura compris que le thème, absolument actuel, ne peut laisser insensible. Certes, on nous répondra que depuis la parution de ce roman en 2003, les pratiques évoquées n'existent plus, que les choses ont évolué. Et nous goberons discours formaté, lisse, si bienveillant envers nos anciens. Là comme ailleurs, ce n'est pas le personnel qui est en cause, mais la rentabilité… Autrement dit, les énormes bénéfices des investisseurs. Cette fois encore, Gérard Delteil visait juste, nous racontant une histoire parfaitement crédible, captivante, et qui donne à réfléchir.

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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 04:55

Début 1944, avenue Daumesnil à Paris. C'est dans l'abri 27, sous les immeubles du 111 et du 111bis, que se réfugient les scolaires et les habitants des environs lors des alertes aux bombardements. Surprise ce jour-là, quand on y découvre le cadavre étranglé de la belle-mère du marchand de couleurs, M. Saturnin Coquenlorge. Il est chef du secteur de la défense passive. “C'est à n'y rien comprendre… Il y a deux heures, je l'ai installée dans le train de La Roche.” Néanmoins, pour le commissaire Bardanges, le gendre est rapidement suspecté, car c'est un sanguin. Possible, mais des lettres anonymes annoncent d'autres meurtres. Quelques jours plus tard, la concierge Mme Arthon subit le même sort que la belle-mère de Coquenlorge. Là, on soupçonne moins son fils ou sa belle-fille que le voisin dentiste M.Catinon, dont on considère qu'il affiche des airs supérieurs.

Sous-estimé dans le quartier, le petit herboriste M.Vérioux suspecte pour sa part le nommé Vrignand, un comptable au passé douteux qui s'intéresse un peu trop à l'abri 27. La série continue, une autre dame est agressée mais pas assassinée. Avec la mère du dentiste et la belle-mère de l'herboriste, voilà trois cibles idéales pour le criminel. Agitation et suspicion règnent désormais dans le double immeuble. Ce qui ne trouble pas le commissaire Reverseau, chargé de l'enquête. Il recueille les indices, et fait surveiller quelques habitants. Toutefois, Vrignand ne paraît pas l'intéresser. À l'occasion d'une nouvelle alerte, la belle-mère de M.Vérioux est étranglée dans l'abri, tandis que l'épouse de Saturnin Coquenlorge fait une chute mortelle dans un escalier. Reverseau s'applique à calmer l'excitation ambiante, avant de réunir les suspects et de désigner le coupable…

Luc Rivière : Le mystère de l'abri 27 (Coll.Le Labyrinthe, SEPE, 1947)

Odette Sorensen utilisa le pseudonyme de Luc Rivière pour ses premiers romans, publiés chez Arthème Fayard (Drame en Sorbonne, 1943) et dans la collection Le Labyrinthe, aux éditions SEPE (Cinq pour un meurtre, 1944 – Double jeu, 1946 – Le mystère de l'abri 27, 1947). L'éditeur indique en réalité les deux noms, celui d'Odette Sorensen étant entre parenthèses. Elle fut récompensée en 1949 sous son patronyme par le Grand prix de Littérature policière pour “La parole est au mort” (Éd.Le Portulan). Par la suite, elle produisit surtout des livres destinés à la jeunesse.

Le présent roman utilise la forme classique d'un roman d'enquête, avec une narration très vivante, chacun des protagonistes pouvant être le coupable. Ce qui reste plus intéressant pour les lecteurs soixante-dix ans plus tard, c'est l'époque : Paris vers la fin de la guerre, avec sa population traditionnelle et modeste. Tout ce petit peuple qui, à nos yeux, fait penser aux photographies en noir et blanc, ou aux vieux films. L'originalité, c'est évidemment de placer les crimes dans cet abri anti-aérien, comme il en exista durant la guerre. Ces caves n'étant utilisées qu'en cas d'alerte, on pouvait y trucider librement qui on voulait… Sans doute est-il anecdotique de présenter ce titre, mais il n'est pas impossible que ça excite la curiosité d'amateurs de polars d'autrefois.

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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 04:55

En 1980, au Nouveau-Mexique, Jim Chee est un policier de la réserve indienne, en poste à Crownpoint. Appartenant à une tribu Navajo, il reste fidèle à leurs rites et traditions. Jim Chee estime encore mal connaître les Blancs, leur état d'esprit. Comme le lui a conseillé son oncle et tuteur, Hosteen Nakai, sorcier de leur clan, Chee observe le comportement de la population blanche. En l'absence de son riche mari, Rosemary Vines fait appel à Chee, car un coffret précieux a été dérobé chez eux. Grand chasseur, B.J.Vines s'est enrichi grâce à l'uranium, il y a une bonne vingtaine d'années. Au lointain temps où il employait un Navajo nommé Dillon Charley, B.J.Vines s'intéressa à la secte dirigée par cette Indien. On pense même qu'il finança ces adeptes du Seigneur Peyotl. Pour Mme Vines, si le voleur était si bien informé, c'est qu'il pourrait s'agit d'Emerson Charley, le fils du défunt Dillon.

Shérif du canton de Valencia, Lawrence "Gordo" Sena garde une forte rancune contre B.J.Vines. Ça remonte à un accident dû à une explosion de nitroglycérine autour d'un puits de pétrole, dans les années 1950. Il a toujours pensé que ni le rôle de Vines, ni celui de Dillon Charley n'étaient clairs dans cette affaire, où Gordo Sena perdit son frère Robert. Le shérif dissuade Jim Chee d'enquêter sur le vol du coffret, sous prétexte de juridictions trop compliquées dans le secteur. Quant à Emerson Charley, cancéreux, il est mourant dans un hôpital d'Albuquerque, ayant peu avant échappé à l'explosion de son véhicule. Par contre, son fils Thomas Charley apparaît cinglé, dangereux. B.J.Vines convoque Jim Chee, afin de relativiser la gravité du vol commis chez lui. Les babioles dérobées, c'est juste le passé. Il ne cache pas sa rivalité avec le shérif Gordo Sena, qu'il accuse pour l'accident à la nitro.

Le blond Colton Wolf est un inquiétant voyageur, à la recherche de ses origines, payant une agence pour retrouver sa mère. Des missions particulières, il en accepte de son côté. Comme de faire disparaître le corps du défunt Emerson Charley à l'hôpital d'Albuquerque. Un cas dont la police locale sera à peine informée. Colton Wolf reste dans la région, car son rôle n'est pas terminé. À une vente aux enchères de tapis indiens, Chee contacte Thomas Charley. Celui-ci admet implicitement le vol du coffret, qui ne contenait que des morceaux de roches et des souvenirs de B.J.Vines. Ce serait Vines qui, selon Thomas, a commandité le vol du cadavre d'Emerson Charley. À cette même vente, Jim Chee fait la connaissance de Mary Landon, jeune enseignante blanche curieuse de la culture Navajo. Le policier ne masque guère son attirance.

Dès le lendemain, espérant y trouver le coffret, le couple se rend dans les terres volcaniques du Malpais près du Mont Taylor (Mont Turquoise). Colton Wolf vient d'y passer, causant une victime. Échange de tirs et incendie de la voiture de patrouille lui permettent de prendre la fuite. Il lui faudra forcément supprimer ces témoins gênant que son Jim Chee et Mary Landon. Le policier Martin, du FBI, est sur sa piste, mais sans grand espoir. Le sergent Hunt, de la police d'Albuquerque, voudrait aussi comprendre le lien avec l'attentat qui visa Emerson Charley. De son côté, suite à l'incident, le shérif Sena est plus acharné que jamais contre B.J.Vines et les méfaits qu'il impute au Peuple de l'Ombre. Jim Chee et Mary Landon retrouvent la trace d'un certain Lebeck, dont le rôle néfaste explique nombre de morts…

Tony Hillerman : Le peuple de l'ombre (Série Noire, 1981)

Si ce n'est pas le premier qu'il écrivit, c'est avec “Le peuple de l'ombre” que les lecteurs français découvrirent l'œuvre de Tony Hillerman (1925-2008). Polar ethnologique, s'il faut y accoler une étiquette, il s'agit avant tout d'une histoire riche de culture et d'humanité. Enquêteur encore débutant, Jim Chee est un observateur qui se refuse à juger les faits et les gens. Le scénario, qui ne manque pas de péripéties, nous initie à la tradition du peuple navajo. Exemple souriant : Jim ne présenterait pas Mary sous son nom et son métier car “ce serait considéré comme impoli” par la coutume. On nous rappelle également que le peyotl, cactus hallucinogène, fait depuis toujours partie de la culture indienne de cette région des États-Unis.

Plus tard, ce roman a été retraduit par Danièle et Pierre Bondil sous le titre “Le peuple des ténèbres”, pour les Éditions Rivages, où tous les romans de Tony Hillerman figurent au catalogue. Il n'y a pas là matière à polémique, chacun défendra "la meilleure version" qu'il veut. L'essentiel reste de ne pas négliger la lecture des aventures de Jim Chee, et de Joe Leaphorn, d'entrer dans l'univers de cet écrivain. Dernière minute : le 8 octobre 2015, réédition chez Folio policier de “Le peuple de l'ombre”, présenté par Thierry Bourcy.

Tony Hillerman : Le peuple de l'ombre (Série Noire, 1981)
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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 04:55

Début des années 1960. Hugh Densmore est un jeune médecin noir de Los Angeles. Dans une Cadillac blanche, il traverse le désert pour se rendre en Arizona. Hugh va assister au mariage de sa nièce, fille de sa sœur et du docteur Edward Willis, l'essentiel de sa famille habitant Phoenix. Hugh prend en auto-stop la jeune Iris Croom, probablement mineure. Sans le sou, elle affirme rejointe sa tante en Arizona. Préférant éviter les embrouilles avec une gamine blanche, Hugh la dépose à une gare routière en lui laissant un peu d'argent. Mais l'adolescente s'arrange pour qu'il la conduise quand même à Phoenix. Épisode clos pour Hugh qui s'installe au motel Les Palmiers, et retrouve les invités de la fête chez ses grands-parents. Il n'est pas insensible au charme d'Ellen Hamilton, amie noire de sa nièce, dont le père est juge à Washington DC.

Iris se présente au motel, insistant pour qu'il l'aide à avorter, mais Hugh la chasse. Quand est retrouvé le cadavre d'une jeune fille dans le canal du côté de Scottsdale, le médecin ne doute pas un instant qu'il s'agisse d'Iris. Mieux vaut se tenir à l'écart. Bien renseignés, deux flics racistes de Phoenix interrogent Hugh peu après le dîner, à la veille du mariage. Il est obligé d'aller reconnaître le corps à la morgue avec eux. Tandis que la fête se passe dans l'allégresse, Hugh masque son anxiété. Il confie à Ellen tout ce qu'il sait concernant Iris, et qu'il suppose un avortement ayant mal tourné. Hugh est bientôt interrogé par Hackaberry, le marshall de Scottsdale. Celui-ci a moins de préjugés raciaux que le duo de policiers de Phoenix, qui restent sur l'enquête. Pas encore d'accusation contre Hugh, mais il doit impérativement rester dans la région.

La victime s'appelait en réalité Bonnie Lee Crumb, et habitait la petite ville d'Indio. Elle est morte des suites de l'avortement, mais surtout d'un violent coup de clé anglaise. Ellen met Hugh en contact avec un brillant avocat blanc, recommandé par l'influent père de la jeune femme. Skye Huston accepte sans problème de défendre Hugh, sans cacher le coût élevé de ses services. Il fait plutôt confiance au marshall Hackaberry, mais entreprend sa propre enquête afin de trouver d'éventuels témoins. Ainsi que, si possible, le petit ami de Bonnie Lee Crumb, qui organisa l'avortement. Ce dernier rôde autour de Hugh, lui téléphonant anonymement après avoir fouillé sa chambre au motel. Le jeune médecin est confronté à Albert Crumb, le père de Bonnie Lee, qui ne doute pas qu'Hugh soit le coupable en raison de sa couleur de peau.

Des indices trop flagrants accusent Hugh. Les deux policiers de Phoenix jubilent, mais le marshall est assez avisé pour ne rien précipiter. D'autant que l'avocat Skye Houston n'est pas inactif. Toutefois, piéger l'avorteur et dénicher le petit copain de Bonnie Lee Crumb s'annonce compliqué. Grâce à la petite Lora, d'Indio, qui connaissait bien la victime et ses relations, Houston cerne l'identité du suspect. Non seulement ce dernier nie effrontément, mais il va agresser physiquement Hugh…

Dorothy B.Hughes : À jeter aux chiens (Série Noire, 1973)

C'est le dernier roman qu'écrivit, en 1963, Dorothy B.Hughes (1904-1993). Il ne s'agit pas d'un polar mineur. Pour s'en convaincre, il faut savoir qu'il fut encore réédité en Angleterre en 2006, et aux États-Unis en 2012 avec une postface du romancier noir Walter Mosley. En France, il fut publié en 1964 dans la collection Panique chez Gallimard, puis en 1973 dans la Série Noire, en 1983 format Carré Noir, et aux éditions Joëlle Losfeld en 2003. Si le titre français est frappant, “The expendable man” l'est sans doute davantage, que l'on peut traduire par “L'homme à sacrifier”. Si le contexte évoque le racisme et l'avortement, c'est plutôt un roman humaniste que strictement militant.

À cette époque, avorter est illégal, et si des lois l'autorisent depuis quarante ans aux États-Unis, il semble que ce soit toujours un parcours du combattant dans certains États. En ce début de la décennie 1960, les premières lois contre la ségrégation raciale ont été promulguées. Mais elles sont mal acceptées : “Le cabinet d'Edward se trouvait dans un bâtiment de stuc jaune à un étage, qui abritait deux médecins, un dentiste, un architecte et l'officine d'un pharmacien. Tous noirs. Les locataires blancs avaient vidé les lieux quand le pionnier, l'architecte, avait emménagé.” L'Arizona, en particulier, figure parmi les plus rebelles à l'intégration noire. Les policiers Venner et Ringle illustrent ce cynisme anti-Noirs. “Quant à Venner, il n'avait pas désarmé… Les Venner ne changeront pas. Il faudra attendre une autre génération pour voir s'en éteindre l'engeance” espère l'auteure, un peu trop optimiste.

Médecin, Hugh Densmore n'est assurément pas un activiste de la cause afro-américaine. Il ne défie pas les lois, ne provoque pas afin qu'elles soient appliquées : “Je n'en aurais pas eu le cran. Je n'ai pas une âme de croisé… C'est dans la loi, maintenant il faut que ça entre dans les mœurs” répond-il sagement à son amie Ellen. Être défendu par un avocat noir passait alors pour du communautarisme, raison pour laquelle Hugh et Ellen font appel à un défenseur blanc de peau. Derrière l'intrigue classique, un quidam devant prouver son innocence, le thème reste intemporel : quel que soit son comportement, et malgré son statut social, Hugh sera effectivement le plus suspect à cause de sa couleur. Un roman de qualité supérieure, à l'évidence.

Dorothy B.Hughes : À jeter aux chiens (Série Noire, 1973)
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15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 04:55

Maurice Laice est policier à Montmartre, un quartier parisien dont il est accro. Célibataire, daltonien, quadragénaire défraîchi, il habite un appartement-boutique aussi dérangé que lui. Il se voit tel “un vieux bouc dont la violente odeur de suint n'électrisait plus aucune femelle.” Il se souvient parfois de l'étouffant deux-pièces de ses parents, rue Coustou. Avec son père qui travaillait chez Renault, et sa mère dans une poissonnerie de la rue Lepic. Ses parents s'installèrent du côté de Mâcon. Son père est récemment décédé, il est incapable de réconforter sa mère. Ils étaient trop loin de lui, à tous points de vue.

Souvenir aussi de sa défunte presque fiancée : “La mort de sa future femme lui épargnait le grand plongeon dans l'amour, cet océan où l'on n'apprend jamais à nager.” Depuis, Maurice a des relations incertaines avec les femmes. Et ce n'est pas d'être sous les ordres de la commissaire Aline Lefèvre qui arrange ses sentiments. Dynamisme et sexe sont les moteurs qui l'animent. Plutôt au féminin, le sexe pour elle qui égratigne les hommes avec verdeur. La blonde Aline Lefèvre surnomme son adjoint "Plussémoins", ce que lui inspire la traduction de "More is less". Maurice fréquente L'Oracle, un bistro aux menus savoureux, où il a sympathisé avec le serveur algérien Boualem, au passé marquant.

Le meilleur et plus vieil ami de Maurice, c'est le bouquiniste Rémy, qui tient boutique dans le quartier avec sa compagne Malika. Il a des soucis de bail commercial, car le secteur s'embourgeoise, se transforme au détriment d'habitants comme lui. À force de se brancher, Montmartre frise l'électrocution : “On ne voyait plus dans le coin que des types des médias, de l'édition. Des archis, des journaleux, tous ces métiers improbables qui se nourrissent de look et de modes comme d'autres de steak-frites. Fromagers, tripiers, bouchers, fermaient les uns après les autres pour laisser place à une ribambelle de marchands de sapes et de coiffeurs. À quelles obsessions de tignasses correspondait cette multiplication de merlans et autres capilliculteurs ?… On tuait Montmartre en le transformant en shopping center.”

S'il reste des immeubles vétustes, la rénovation n'améliore pas forcément l'ambiance du quartier, pour des passionnés de Pigalle, de Blanche et de la rue des Abbesses, tels que Maurice. Être en poste ici, ça vaut toujours mieux pour ce Parisien dans l'âme que son exil dans la lointaine Normandie. Néanmoins, Maurice se sent ramolli, déjà vieux : “Le manque d'humour est un très puissant accélérateur du vieillissement” souligne la commissaire qui pète le feu. Son ex-mari à elle, dont Aline Lefèvre a gardé le nom, est aussi policier. Mais ce commissaire (lui aussi) a trouvé que la vie en Corse, entre trafics divers et attentats, était nettement plus paisible qu'auprès de cette déchaînée mordante.

Ce ne sont pas les enquêtes criminelles qui remonteront le moral de Maurice Laice. Au Moulin-Rouge, un couple de cadavres est découvert entremêlé. Manfred Godalier, vingt-neuf ans, danseur soliste engagé depuis six mois après une petite carrière aux États-Unis. Homosexuel, il a été financé par son amant américain quand il s'est installé à Montmartre. Rémy figure dans le carnet d'adresses de Manfred, ce qui n'est guère signifiant. Anna, la mère du danseur, est artiste souffleuse de verre, et fait vieille pour son âge.

Elsa Suppini, vingt-et-un ans, native de Bastia, était costumière au Moulin-Rouge. Maurice est fasciné par ce “bel ange corse vierge”. Elsa voulait devenir créatrice de mode, et ne manquait pas d'inventivité, semble-t-il. En faisant le détour par Bastia, Maurice va vérifier à quel point elle était ambitieuse et très déterminée. Ses confidences écrites l'indiquent, et son amie Carla confirme. Le policier doit-il suspecter ce branque de Jean-Baptiste Monetti, ex-fiancé d'Elsa naviguant en eaux troubles ? Ce serait lui faire beaucoup d'honneur. Et puis, finalement, il possède un alibi, selon l'ex-mari flic de la commissaire Lefèvre.

Un autre crime est commis dans un immeuble de la rue Gerpil (Germain Pilon). Un “cramé cradingue” de trente-trois ans a été égorgé dans une pièce en foutoir. Ou plus sûrement mordu à mort par un être humain, ce junkie : le crack, ça attaque grave et ça fait délirer jusqu'au sanglant. Cet Hubert Laboureur organisait des rave-parties, traficotait du GHB, anesthésiante drogue du violeur. D'ailleurs, la piste de la came et des dealers, c'est celle que tient à suivre la commissaire Aline Lefèvre, avec interventions du côté de Pigalle. Pas un plan très excitant, ni tellement productif, estime Maurice Laice…

Chantal Pelletier : Le chant du bouc (Série Noire, 2000)

Ce roman fut récompensé par le Grand Prix du roman noir français au Festival de Cognac en 2001. Il appartient à la tétralogie que Chantal Pelletier consacre à Maurice Laice : Éros et Thanatos (1998), Le chant du bouc (2000), More is less (2002), Montmartre, Mont des Martyrs (2008), publiés chez Série Noire. Des meurtres énigmatiques, oui bien sûr qu'il y en a quelques-uns à résoudre. Des enquêtes policières, le tourmenté Maurice Laice et la trépidante commissaire Aline Lefèvre sont là pour les mener. Mais c'est d'abord à une visite guidée de Montmartre que nous invite l'auteure. Celui de Bernard Dimey (“Les copains du Lux-Bar, les truands, les poètes – Tous ceux qui dans Paris ont trouvé leur pat'lin – Au bas d'la rue Lepic viennent se fair' la fête – Pour que les Auvergnats puissent gagner leur pain”) et des figures d'antan qui animèrent ce quartier.

Crimes sanglants, certes. Héros pessimiste, en effet. Pourtant, c'est l'écriture et l'humour de Chantal Pelletier que l'on va apprécier. Que dire de la Corse ? “Pour Momo, l'île natale de Napoléon, c'était ça, des bombes, des emmerdeurs, l'Irlande qui se serait trompée de mer, avec un béret basque sous le bras. Momo s'attendait à atterrir dans un lieu ravagé par les bombes, où les passants longeaient les murs, tremblaient de peur, osaient à peine regarder une mer rouge de sang et un maquis dévasté par les incendies, et il avait survolé une tranquille carte postale épinglée sur un lac trop bleu par un imperturbable anticyclone… Rien à faire, la réalité est un mauvais scénario, sans action ni rebondissement.”

Même jeu amusé de Chantal Pelletier, citant les élucubrations d'Aline Lefèvre sur le sexe masculin : “Au départ, j'étais comme toutes les femmes, fascinée par l'instrument, sa sensibilité, son érectibilité, l'étendue de sa gamme multifonctions, son adaptabilité. Et puis, comme beaucoup de congénères, je me suis aperçue qu'on est vite battues à plate couture quoi qu'on fasse : le propriétaire de l'instrument est toujours plus amoureux de sa possession que son conjoint.” Si ces dames rêvent de princes charmants, et épousent de piteux Quasimodos, au moins Maurice Laice n'est pas de ces vantards, ayant tendance à se sous-estimer en se mélancolisant à outrance. Le décor s'y prête, d'ailleurs. Voilà un suspense tendrement drôle, à lire ou à relire.

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12 août 2015 3 12 /08 /août /2015 04:55

Été 1960. À San Francisco, Joe Gallacher a un gros problème. Il doit rembourser au plus vite une dette envers la Mafia, en leur livrant dix-huit kilos d'héroïne. Milton Burks, chargé d'amener la drogue depuis Macao, a été retardé. Tout est prévu pour qu'il ne remette pas les pieds en territoire américain, où il est recherché pour avoir buté un flic. Gallacher sait pouvoir compter sur Milton Burks, car il possède un moyen de pression. Il envoie Mulik, un de ses hommes, à Macao afin de presser le mouvement. Le cargo sur lequel embarquent Burks et Mulik en direction de San Francisco est bientôt pris dans une tempête. Le navire coule : les deux Américains butent quelques marins pour monter sur une chaloupe parmi les rares survivants. Ils ne tardent pas à se débarrasser des autres, en plein Pacifique.

Si leurs chances de survie sont compromises, le duo pense être proche des îles Midway. Ils aperçoivent un îlot salvateur : “...il ne s'agissait que d'un minuscule rocher. Un îlot qui ne figurait certainement pas sur les cartes marines. Un bloc de roc ayant vaguement la forme d'un cône, entouré d'une mince plage, probablement le sommet d'une petite île immergée depuis des temps immémoriaux.” Un bombardier de la 2e Guerre Mondiale a atterri ici, voilà quinze ans. Outre cinq squelettes, Burks et Mulik trouvent dans la carcasse de l'avion quatre bombes de forte puissance, intactes. Grâce au rapport d'une des victimes, ils ont la position exacte de cet îlot. Mulik va essayer de rejoindre Midway, à cinq cent kilomètres de là, avec la chaloupe. Burks reste sur place, avec le lot d'héroïne.

Par miracle, Mulik a été récupéré par un cargo coréen faisant route vers San Francisco. Il rejoint Joe Gallacher, qui doit organiser rapidement une opération afin de retrouver Milton Burks, et surtout la drogue. Le Français Robert Sébran, trente-cinq ans, un bourlingueur qui a tué deux personnes dans son pays, possède un cruiser qui permettrait de retourner chercher Burks assez vite. Il accepte la mission, qu'il estime malgré tout trop peu payée. Il sera accompagné par Mulik et son complice le Hongrois, armés comme lui. Dès que se présente l'occasion, Sébran élimine sans hésiter les deux sbires de Gallacher. Il a mis le cap sur l'île de Burks. À cause de la fatigue, l'arrivée de Sébran se passe mal : le cruiser fait naufrage contre les rochers. Dégâts importants, mais probablement réparables.

La plus grande méfiance est immédiatement de mise entre l'Américain et le Français. Le premier compte respecter ses engagements, l'autre pense déjà à filer au Mexique avec la drogue. Sans doute faudra-t-il bluffer, afin de maintenir un semblant d'entente. Le plus grave, c'est qu'une des bombes de l'avion s'est décrochée de son râtelier. Le tic-tac que les deux hommes entendent, c'est le compte-à-rebours avant la déflagration. Combien de minutes, d'heures ? Ils n'en savent rien. Il leur faut accélérer la réparation du bateau de Sébran. Même avec un rafistolage précaire, ils tentent un premier départ, sans pouvoir aller tellement loin à cause d'un incident. La situation va devenir pire encore. La nervosité entre eux est forte. Un radeau bricolé ne leur offre qu'un mince espoir…

Pierre Siniac : Deux pourris dans l'île (Série Noire, 1971)

Ce roman est le sixième de Pierre Siniac (1928-2002) paru dans la Série Noire, où seront publiés une dizaine d'autres titres de cet auteur (dont quatre des sept aventures de sa série Luj Inferman' et la Cloducque). “Deux pourris dans l'île” a été réédité en 1999, dans une version revue et corrigée, aux Éd.du Rocher. L'intrigue peut faire penser à ces romans d'aventure avec leur exotisme, comme il s'en publia tant. Évoquer Macao, c'était déjà faire frémir le lecteur, imaginant un sordide repaire de joueurs et de trafiquants. On écrivit beaucoup d'histoires de baroudeurs cherchant fortune entre les États-Unis et les tropicales îles de la Caraïbe ou de l'Océan Pacifique. Si Pierre Siniac reprend un contexte de ce type, c'est en l'exploitant avec l'originalité qui lui est propre.

Placer le sujet en 1960 répond à plusieurs raisons. Îlots mal répertoriés, proximité de la guerre, cargos peu exigeants sur l'honnêteté de leurs passagers, mais aussi la matière du cruiser du Français. Il est encore en bois, donc réparable, ce qui ne sera plus aisément le cas des bateaux à coque plastique construits plus tard. Soyons sûrs que l'auteur y pensa. Quant aux péripéties, Pierre Siniac utilise quelques pirouettes. Au sujet du tic-tac de la bombe, par exemple. Ou en racontant comment, parti sur une chaloupe à la dérive, l'envoyé du patron regagne facilement San Francisco, sans la drogue. L'essentiel reste de maintenir (avec l'ironie chère à l'auteur) la tension sur l'île, entre les deux repris de justice, et de partager le suspense avec le lecteur. Les romans de Pierre Siniac se lisent toujours avec grand plaisir.

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