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16 décembre 2018 7 16 /12 /décembre /2018 05:55

À New York, Bernie Rodenbarr est le propriétaire de Barnegat Books, librairie d’occasions en livres rares ou plus ordinaires. Ce commerce est situé dans la 11e Est, entre University Place et Broadway. Tout près de là, se trouve le salon de toilettage canin de Carolyn Kaiser, meilleure amie lesbienne de Bernie. Chaque soir, ils se retrouvent au Bum Rap, le bar du coin de la rue. Toutefois, l’activité la plus lucrative pour Bernie Rodenbarr, c’est le cambriolage. De tout ce qui a une valeur artistique en particulier. Mais ce jour-là, Carolyn attend Bernie dans l’appartement de celui-ci, s’alcoolisant comme souvent. Son chat birman a été enlevé, et la ravisseuse – qui s’exprime d’une voix gutturale – réclame une rançon de 250.000 $. Une somme que Carolyn est loin de posséder. Heureusement, Bernie est prêt à y remédier.

Qu’est-ce qui représente à peu près le montant exigé ? Une toile du peintre Piet Mondrian (1872-1944) par exemple. Sauf que, même en préparant soigneusement un vol, Bernie est conscient qu’il serait illusoire de dérober un Mondrian dans un musée. Néanmoins, il a une alternative. Il est en relation commerciale avec M.Onderdonk, homme fortuné qui habite l’immeuble Charlemagne, au cœur de New York. Si ce bâtiment de style est ancien, il est hautement sécurisé. À l’origine, ce qui intéressait Bernie, c’était la collection de timbres précieux d’Onderdonk. Ça se négocie assez facilement, les timbres de ce genre. Bernie ayant l’œil à tout, il savait que son voisin John Charles Appling possédait une toile de Mondrian. Ayant un pied dans l’immeuble Charlemagne, Bernie compte donc se risquer à dérober le tableau… qui a disparu entre-temps.

Si cette nuit-là, Bernie fait une sensuelle rencontre avec Andrea, l’amante du propriétaire des lieux, une mauvaise surprise l’attend. Onderdonk a été retrouvé dans le placard de sa chambre, ligoté, bâillonné et le crâne défoncé. Il semble bien que le crime se soit produit alors que Bernie se trouvait à proximité. La police n’a pas besoin de chercher longtemps un coupable : l’inspecteur Ray Kirshmann – qui connaît bien le libraire – procède dès le lendemain à l’arrestation de Bernie. Si son vieil avocat est décédé, Bernie en a un autre sous la main, jeune et sportif, qui ne tarde pas à le faire libérer sous caution. Pourtant, ce sera au libraire lui-même de comprendre les rouages de cette histoire afin d’établir son innocence. Pas si simple alors qu’apparaissent d’autres toiles de Mondrian, probablement fausses, et que l’on peut craindre d’autres meurtres…

Lawrence Block : Le voleur qui aimait Mondrian (Série Noire, 1995)

— J’ai de plus en plus de mal à te considérer comme un libraire et de moins en moins de difficultés à te voir sous les traits d’un cambrioleur. Ce que les journaux appellent un criminel de carrière endurci mais, dans cette affaire, tu serais plutôt un kleptomane prévoyant. Tu es retourné dans un appartement où tu avais laissé tes empreintes la veille au soir ? Et alors que tu étais entré dans l’immeuble sous ton vrai nom ?
— Je ne prétends pas que je n’aurais pas pu prendre une meilleure décision.
— Heureusement. Je ne sais pas, Bernie, mais je ne suis pas davantage certain que tu as pris une meilleure décision quand tu m’as engagé. Je connais bien mon métier, mais mon expérience criminelle est limitée, et je ne peux pas dire que j’ai vraiment beaucoup aidé le client qui avait poignardé deux personnes, même si je ne me suis pas trop cassé parce que j’ai pensé que tout le monde dormirait plus tranquillement quand il ferait des tours de piste à Green Haven. Mais tu as besoin de quelqu’un qui soit capable de manier un mélange de corruption et de négociation de l’inculpation ; et, si tu veux honnêtement mon opinion, ça me dépasse un peu.

Les onze aventures du libraire-cambrioleur new-yorkais Bernie Rodenbarr sont publiées en France chez Série Noire et aux Éditions Seuil, en poche chez Point. Si des séries comme celle ayant pour héros Matt Scudder s’avère très sombres, la tonalité de Lawrence Block est plus souriante – plus légère – autour de Bernie. Certes, des intrigues solides sont développées et ça ne manque ni de péripéties, ni de suspense. Mais l’action vive n’est pas la priorité de l’auteur, qui possède un sacré savoir-faire. Nous sommes les témoins de l’habileté et de la méthode de Bernie, autant que de ses efforts pour s’en sortir le moins mal possible à chaque fois. “Le voleur qui aimait Mondrian” en est un très bon exemple. Tous les romans de cette série sont chaleureusement conseillés.

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10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 05:55

Quinquagénaire et veuf, Lionel Fribourg est un égyptologue sans diplôme, père de Marie-José, dix-huit ans. En 1956, le colonel Nasser ayant nationalisé le Canal de Suez et pris ses distances avec les Occidentaux, Fribourg et sa fille furent contraints de quitter le pays où ils avaient toujours vécu. Si vivre à Paris ne déplaisait sans doute pas à Marie-José, ce fut bien plus difficile pour son père. En cinq ans, son pécule fondit gravement, faute de retrouver un travail à sa mesure. Surtout, l’univers était ici trop bruyant pour qu’il puisse rédiger en toute sérénité une thèse sérieuse (sur la réforme religieuse d’Akhenaton) qui lui donnerait, peut-être, accès à un emploi universitaire. C’est alors qu’un bienheureux hasard lui fit rencontrer Agnès Devillard.

Agnès était divorcée depuis quatre ans. Elle vivait avec ses deux chats à Athis-Mons, dans une maison calme. Où elle invita bientôt Lionel Fribourg. Si celui-ci eut le coup de foudre, ce fut davantage pour cette villa très agréable que pour Agnès. Pour s’installer là, il trouva rapidement la solution, lui proposant le mariage. Il était logique qu’elle hésite un peu : “Je n’étais pas amoureuse de lui, évidemment, mais il ne me déplaisait pas. Quelquefois, quand son visage se détendait, qu’il effaçait les rides soucieuses entre ses sourcils, qu’il perdait son air bilieux, il ne manquait pas de charme.” Si le projet de principe était acté, il se présenta bientôt quelques obstacles. Non pas du côté de Marie-José, qui incitait son père à conclure, mais Agnès avait de la famille. À commencer par son père.

Veuf retraité, cet ancien charpentier de marine breton envisageait de venir habiter chez sa fille à Athis-Mons. Lionel Fribourg réalisa sans délai quel problème allait se poser. Le père d’Agnès avait une passion : construire des modèles réduits de bateaux. Pas de la petite maquette, des miniatures de belle taille, plutôt envahissantes. Pour ce faire, il donnait à longueur de journée des coups de marteau ! Lionel se déplaça jusque dans la région de Saint-Brieuc pour le rencontrer avant que l’importun déménage. Réaliste, le père d’Agnès avait déjà compris ce qui plaisait à Fribourg : la maison de sa fille. L’égyptologue n’avait guère le choix, il fallait éliminer le bonhomme. D’ailleurs, il pouvait compter sur une certaine impunité, aucun lien direct n’existant entre l’ex-charpentier de marine et lui.

D’autres rivaux risquaient d’obstruer la route pour Fribourg. Le cousin Francis, par exemple, pour lequel Agnès avait une grande affection. Sans faire d’éclat, il s’installa auprès de sa cousine. Ce n’est pas l’intervention de Marie-José qui pourrait arranger les choses, hélas. Il y avait encore Jacques Devillard, l’ex-mari d’Agnès. Ce cinéaste, versatile comme tous les artistes, ne voudrait-il pas reconquérir son épouse ? Pour Lionel, il est indispensable de l’en empêcher. Bien qu’elle soit d’une candeur désarmante, Agnès a fini par se poser des questions sur le comportement de Lionel Fribourg, et sur cette cascade de tracas touchant ses proches. Mais la police, en la personne du débonnaire commissaire Sommet, ne voyait guère de raison de soupçonner Fribourg…  

Fred Kassak : Une chaumière et un meurtre (1961)

— Vous êtes un savant, comme vous dites. Un cerveau. Vous n’êtes pas plus bête que moi. Vous savez bien que ma fille est une tourte. Et pourquoi donc un savant épouserait-il une tourte et lui ferait tout un cirque, et jouerait au joli cœur, hein ? Mystère ! Mais si la tourte a une jolie maison à la campagne voilà qui explique bien des choses. Seulement, je vous préviens tout de suite, ne comptez pas là-dessus. Agnès habite une bonne petite maison et elle sait faire la cuisine : c’est moi qui profiterai des deux et pas un autre. Enfoncez-vous bien ça dans la tête !
Il se retourna vers son ouvrage et se remit à frapper.
— Votre cynisme passe les bornes, dis-je en m’efforçant à me dominer.
— Pas de leçon à recevoir de vous. Regardez-vous donc : vous essayez encore de faire le faraud mais vous êtes vieux, vous êtes minable, vous êtes fini. Et si les Égyptiens vous ont foutu dehors, vous ne l’avez pas volé…

Auteur d’une douzaine de romans de 1957 à 1971, Fred Kassak est brutalement décédé le 12 avril 2018 à l’âge de 90 ans. C’est une opportunité pour relire ses romans, ou les découvrir. Du polar, oui, mais des intrigues comportant toujours une bonne dose d’humour. Les contextes étant bel et bien criminels, il ne s’agissait donc pas de franche rigolade mais de faire sourire en finesse. Publié en 1961, “Une chaumière et un meurtre” fait partie des savoureux suspenses de Fred Kassak, que l’on prend un grand plaisir à déguster. En hommage à un de nos plus talentueux romanciers.

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8 décembre 2018 6 08 /12 /décembre /2018 05:55

C’est le mois d’août à Isola, métropole américaine. Au commissariat du 87e, il ne reste plus guère que Steve Carella et Cotton Hawes pour enquêter. Récemment, l’entrepôt de Roger Grimm a été incendié. Mais les assurances refusent de payer tant que la police n’a pas bouclé le dossier. C’était l’inspecteur Andy Parker qui en était chargé. Il est parti en vacances sans conclure le cas. Ce qui ne surprend pas Carella, qui connaît le caractère paresseux et négligé de son collègue qu’il n’aime pas du tout. Grimm risque fort de ne plus pouvoir poursuivre son activité d’importation. Il faisait venir d’Allemagne des petits jouets en bois, de petits animaux qui se vendent semble-t-il très bien. Faute de capitaux, si les assurances ne remboursent pas, c’est la ruine pour lui.

Tandis que la maison de Roger Grimm est, à son tour, victime d’un incendie, Steve Carella n’exclut aucune hypothèse. Est-ce l’œuvre d’un pyromane, ou une escroquerie aux assurances ? Pour le policier Parker, il n’y a pas à soupçonner Grimm. Carella se rend à l’entrepôt, et ne tarde pas à comprendre le système de mise à feu. L’acte criminel ne fait pas de doute, d’autant qu’on a endormi les deux gardiens de nuit – que Carella interroge. Entre-temps, Frank Readon – le gardien de jour, est assassiné. C’est Cotton Hawes qui va visiter l’appartement de ce dernier. Selon des témoignages, Reardon a reçu ces temps-ci plusieurs fois la visite amicale de deux Noirs et d’une jeune femme, Noire aussi, aux allures de prostituée. Cotton Hawes est un policier efficace : il identifie rapidement un des Noirs en question.

Ce Charles Harrod habite Diamondback, le ghetto de la ville. Il n’est pas chez lui, mais Hawes tombe sur sa compagne, Elisabeth Benjamin. Il est curieux que cet appartement soit truffé de micros, ce que Harrod et la jeune femme n’ignorent pas. Toutefois, Elisabeth prétend ne rien savoir de plus. Après le départ de Hawes, elle tente pourtant d’avertir Charles Harrod. Celui-ci est bientôt retrouvé mort, après avoir été sauvagement agressé, dans l’immeuble où se situe la société qui l’employait. Il s’agit d’une agence immobilière, des investisseurs noirs ayant pour projet de réhabiliter le quartier décrépi de ghetto de Diamondback. Néanmoins, le train de vie luxueux de Harrod ne pouvait se financer avec le maigre salaire qu’il percevait de cette agence immobilière. Ce que pense aussi l’inspecteur raciste Oliver Weeks, chargé d’enquêter sur ce meurtre-là.

Tandis que Steve Carella examine de près les comptes de Roger Grimm, son collègue Hawes perquisitionne méthodiquement l’appartement de Charles Harrod. Il finit par dénicher un Smith & Wesson 9mm planqué dans le réfrigérateur. C’est probablement l’arme qui a servi à abattre Reardon, le gardien de jour de l’entrepôt. L’inspecteur Weeks n’est pas convaincu de la parfaite légalité de la société immobilière, bien qu’elle mène effectivement des projets à Diamondback. Elisabeth Benjamin appelle au secours Cotton Hawes quand elle est agressée chez Harrod. S’il intervient trop tard, la jeune femme étant grièvement blessée avant d’être hospitalisée, Hawes va disposer de très bons indices sur l’identité des brutes… grâce aux micros "cachés" dans le logement. Cette fois, il est sur la bonne voie. Carella et l’inspecteur Weeks progressent eux aussi…

Ed McBain : Flouze (Série Noire, 1975)

Tout d’abord, il supposa que Reardon avait ouvert la porte à son assassin et qu’il avait été surpris par une fusillade rapide et mortelle. Mais ça n’expliquait pas la grille ouverte. Elle était fermée au cadenas quand Carella avait visité l’entrepôt au début de l’après-midi, et Reardon l’avait ouverte de l’intérieur avec une clé de son trousseau. Il avait refermé la grille à clé avant de faire visiter l’entrepôt à Carella et, après la visite, il était retourné avec lui à la grille, il avait rouvert le cadenas, il avait fait sortir Carella et refermé immédiatement derrière lui. Alors comment l’assassin était-il parvenu derrière la grille ? Il n’aurait pas risqué de passer par-dessus en plein jour. La seule réponse, c’était que Readon l’avait fait entrer.

Ed McBain faisait partager à ses lecteurs les enquêtes du 87e District depuis 1956 quand il écrivit ce “Flouze” en 1974. C’est dire qu’il maîtrisait parfaitement ses intrigues et l’univers de son commissariat. Pas de déception à craindre donc, bien au contraire. Avec toujours un regard lucide sur la société américaine de son temps. Oui, certains flics comme Andy Parker manquent de conscience professionnelle. Et d’autres tel Oliver Weeks ne masquent guère leur racisme, alors que banditisme et criminalité ne touchent pas que les Afro-Américains. Oui, à l’image des “Vénérables Crânes”, des gangs de Noirs existent, montrant une image plutôt positive éloignée des réalités. Steve Carella et Cotton Hawes sont des policiers de base, mais qui possèdent autant d’intuition que de persévérance, sans préjugés. Ils en apportent la démonstration dans cet épisode, d’excellent niveau.

Ed McBain : Flouze (Série Noire, 1975)
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1 décembre 2018 6 01 /12 /décembre /2018 05:55

En Californie, au début des années 1950. Howard Cross est agent de liberté surveillée du côté de Pacific Point, assisté d’Ann Devon. C’est par l’épouse de Fred Miner que Cross est alerté sur la disparition de son mari et du petit Jamie Johnson, quatre ans, dont il est le chauffeur. Cross connaît le cas de Fred Miner, trente-cinq ans. Voilà quelques mois, il a frôlé de gros ennuis avec la justice après avoir tué accidentellement en voiture un inconnu – que l’on n’a pas identifié depuis. Fred était en état d’ivresse manifeste. Il est resté au service du riche Abel Johnson et de sa femme Helen, ex-infirmière. Le père du petit Jamie a reçu une demande de rançon par courrier le matin même de l’enlèvement de son fis. Car il s’agit bien d’un kidnapping – dont on peut soupçonner Fred Miner. Avec son avocat Larry Seifel, Abel Johnson a rapidement réuni les 50.000 $ exigés – sans avertir la police, qu’il a déposés sans attendre à l’endroit indiqué.

Bien que Fred et Jamie ne réapparaissent pas, Amy Miner se refuse à croire son mari coupable. Elle-même risque fort d’être bientôt inculpée pour complicité. Immédiatement, Howard Cross se met sur la piste de la valise contenant le pactole, obtenant bientôt le signalement d’un suspect. C’est à l’état de cadavre que Cross retrouve cet inconnu, dont les initiales sont AGL. Un kidnapping et un meurtre, ça déclenche une enquête du FBI, en la personne du policier Forest. Grâce à Ann Devon, qui est amoureuse de Larry Seifel, Cross apprend que l’avocat avait croisé la victime. Ce qu’il confirme, mais en affirmant ignorer son nom. Seifel et l’inconnu se sont brièvement rencontrés lors du procès de l’accident de Fred Miner. L’avocat l’ayant trouvé malsain, il ne donna pas suite à ses offres de service. Cet homme collabora quelques temps dans une agence de détectives, dont le patron comprit bien vite le manque de fiabilité de ce Art Lemp.

Avec des complices, Lemp était un combinard qui faisait chanter la clientèle sur laquelle il enquêtait pour l’agence. Même si l’affaire n’est pas de son niveau, on peut supposer que c’est lui qui a organisé l’enlèvement du petit Jamie Johnson. Howard Cross tient une nouvelle piste : Molly Fawn était la partenaire des manœuvres de Lemp, avec un troisième comparse, le photographe Kerry Snow. Cross garde une longueur d’avance sur l’enquête du fédéral Forrest, en particulier après avoir trouvé des éléments en visitant – avec Molly – la chambre d’Art Lemp. Il a déniché le point commun entre Art Lemp, Kerry Snow, et Fred Miner. Les heures passent, mais on n’a toujours aucune trace des disparus, Fred et Jamie. Incarcérée, Amy Miner reste sur sa version des faits. La rousse Helen Johnson bénéficie heureusement du soutien moral de l’avocat Larry Seifel, car une nouvelle épreuve l’attend. Démêler le vrai du faux et définir le rôle de chacun, Howard Cross s’y emploie jusqu’au bout…

Ross Macdonald : Rendez-vous à la morgue (Presses de la Cité, 1954)

Soudain j’aperçus une auto que je n’avais pas encore vue, cachée qu’elle était par le camion. C’était une vieille conduite intérieure Chevrolet de couleur bleue, et son numéro minéralogique indiquait qu’elle venait de Los Angeles. Il n’y avait pas longtemps qu’elle était là, car on voyait encore les traces des roues que le sable n’avait pas eu le temps de recouvrir.
Je m’approchai et jetai un coup d’œil à l’intérieur. La première chose que je vis, sur le siège arrière, fut une valise noire, toute neuve. Ouverte.
Puis j’aperçus l’homme. Il était recroquevillé devant le volant, de telle façon que, de l’extérieur, il état impossible de le voir. D’ailleurs, un manteau marron le recouvrait en partie. Lorsque j’ouvris la portière, une perruque roux-marron se détacha de sa tête et tomba à mes pieds. Un pic à glace était fiché dans son cou.

Si Kenneth Millar (1915-1983) reste un des grands noms du polar sous le nom de Ross Macdonald, c’est grâce aux enquêtes du détective privé californien Lew Archer (de 1949 à 1976). Au risque de négliger d’autres romans de cet auteur. Ce qui est assurément le cas de ce “Rendez-vous à la morgue” publié en 1954 dans la collection Un Mystère des Presses de la Cité, jamais réédité depuis. Pourtant, c’est là un roman d’enquête aux multiples péripéties tout aussi convaincant que le reste de son œuvre. D’abord, l’action se déroule pour l’essentiel en continu sur 24 heures, respectant en grande partie l’unité de temps. Le héros, s’il n’est pas détective privé, est assez inspiré pour avancer sur les bonnes pistes. Autre qualité notable : l’Amérique de l’après-guerre (le conflit étant encore récent) nous est décrite avec un certain réalisme et sans lourdeur.

Un autre atout n’est pas négligeable : la traduction est ici assurée par Igor B. Maslowski, romancier et critique pour Mystère Magazine, qui fut un des meilleurs dans sa spécialité. C’est avec soin et sur une tonalité souple très agréable qu’il s’est occupé de la version française de ce roman. La fluidité de l’histoire lui doit certainement beaucoup. Bien que l’intrigue soit riche en énigmes et mystères, qu’on y croise bon nombre de personnages, on n’est jamais perdus – le narrateur ne cachant rien de ses investigations au lecteur. Sans doute serait-il bon que de tels romans très réussis, palpitants à souhaits, soient aussi valorisés que la série Lew Archer.

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 05:55

Habitant Sanport, Russel Foley est lieutenant de bord sur un pétrolier faisant du cabotage sur la côte sud-est de États-Unis. Une vie de marin incompatible avec le mariage, sa jeune épouse ayant bien vite décidé de divorcer. Cette nuit-là, de retour chez lui, Foley a eu une vie altercation avec son voisin Charles L.Stedman, inspecteur de police. Cynique "homme à femmes", ce dernier a fricoté avec l’épouse de Foley en son absence. Ça s’est terminé par une vive bagarre entre les deux voisins. Le problème, c’est que le policier Stedman a été retrouvé mort poignardé peu après, et que Russel Foley fait fatalement figure de suspect principal. Très rapidement, il a pris la fuite, se réfugiant dans un cottage inoccupé d’une bourgade en bord de mer, à quelques dizaines de kilomètres de là. Foley ayant laissé des traces de sa fuite, le secteur est bientôt quadrillé par la police.

C’est dans le chalet de Suzy Patton qu’il a trouvé provisoirement refuge. Trentenaire, la jeune femme est une romancière assez désabusée. De passage à son cottage, elle tombe sur Foley. Suzy accepte d’écouter sa version des faits. Son histoire étant aussi stupide qu’extravagante, elle y croit sans trop hésiter. Néanmoins, quand Suzy lui échappe, Foley a des raisons de craindre qu’elle le dénonce. Au contraire, elle revient le lendemain, et le cache dans sa voiture pour regagner Sanport. Rentrer directement chez lui est impossible, et aller aussitôt chez Suzy serait terriblement imprudent. Le seul sur qui il puisse peut-être compter, c’est Red Lanigan, amical patron d’un bar où il a ses habitudes. Il réussit à le contacter par téléphone, sans éveiller les soupçons de la police. Red Lanigan suppose qu’une belle inconnue, rôdant récemment autour du fic Stedman, pourrait être la tueuse.

Fuyant toujours la police, Foley se retrouve seul au milieu de la nuit, ignorant comment renouer avec Suzy. C’est elle qui, via le bar de Red Lanigan, réussit à lui communiquer son adresse. Foley s’installe chez elle, le temps de prendre un peu de repos. Convaincue qu’il n’a pas quitté la ville, la police ne relâche pas la pression, toujours sans succès. Foley et Suzy cherchent d’autres indices sur la victime. Partenaire de Stedman, le flic Purcell se serait suicidé quelques temps plus tôt. Étonnant sans doute, car il n’était pas moins véreux et cynique que son coéquipier. Tous deux avaient abattu il y a peu un malfaiteur nommé Danny Bullard, impliqué dans un casse. L’autre piste à explorer, c’est d’établir l’identité de cette jeune inconnue. Si le nom Shiloh mérite d’être retenu par Foley et Suzy, c’est qu’il s’agit d’une usine de machines-outils où est employée cette femme.

Bien que le policier Stedman ait été un grand séducteur, ce n’est probablement pas une histoire de femmes qui a conduit à sa mort. Encore faut-il à Foley posséder suffisamment d’éléments pour le démontrer. Malgré l’aide de Suzy Patton, c’est une enquête semée d’embûches qui l’attend encore, avec la police aux trousses…

Charles Williams : Mieux vaut courir (Série Noire, 1959)

Je me relevai et me mis à courir. J’entendais derrière moi les sirènes de la police, allant crescendo à mesure que d’autres voitures venaient rejoindre la première. Je courus jusqu’à ce que j’eusse un point de côté et que je ne puisse plus respirer.
Enfin, je m’assis le dos contre le ciment du parapet. La pluie battait le bord de mon chapeau. Ils savaient à présent que j’étais de retour à Sanport. Et j’avais perdu Suzy. Je ne connaissais ni son adresse, ni son numéro de téléphone, et même si je trouvais encore une cabine publique, et son nom dans l’annuaire, je ne pourrais pas lui téléphoner. J’avais cent soixante-quinze dollars en poche, mais pas un sou de monnaie.

Pilier de la Série Noire dès les années 1950, Charles Williams (1909-1975) utilise ici une des grandes thématiques du polar : l’innocent devant prouver qu’il n’est pas l’assassin alors que tout le désigne et que la police est sur ses traces. S’en sortir seul est impossible quand on ne possède pas l’esprit du criminel, et que l’on ignore les véritables raisons du meurtre. Heureusement, le marin Foley – qui redoute de se faire alpaguer à tout moment – tombe sur une complice d’occasion. La romancière Suzy est bienveillante à souhaits. Et le patron de bar Red fait aussi ce qu’il peut pour qu’il sorte du pétrin.

Ce qui est entraînant, c’est que Charles Williams n’abuse pas d’une ambiance exagérément lourde et noire. La pression est forte autour de son héros, mais la narration reste très fluide. Un équilibre parfaitement dosé, sur une intrigue aussi énigmatique que solide. Si l’on a retenu des succès tels “Fantasia chez les ploucs” (retraduit en français et en intégralité chez Gallmeister en 2017 sous le titre “Le Bikini de diamants”), bien d’autres titres de Charles Williams sont passionnants à lire ou relire. Notons que, comme une douzaine de romans de cet auteur portés à l’écran, “Mieux vaut courir” fut adapté en 1989 pour un téléfilm français réalisé d’Élisabeth Rappeneau, avec Christian Clavier et Carmen Maura dans les rôles principaux.

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22 novembre 2018 4 22 /11 /novembre /2018 05:55

Californie, 1959. Âgé de vingt-sept ans, Johnny Aloha est natif d’Hawaï, territoire américain depuis le 14 juin 1900, qui sera sans tarder le 50e État à adhérer à l’union. Fils d’une vahiné et d’un militaire resté anonyme, Johnny a connu une enfance difficile, mais il se montra débrouillard dès sa prime adolescence. Voilà quelques années qu’il s’est installé à Los Angeles comme détective privé. Il n’a pas tardé à prouver son efficacité à résoudre avec succès les affaires qu’on lui confiait. Encore récemment, il a débarrassé le Chinatown de San Francisco d’un truand aussi dangereux qu’envahissant. Il est temps pour Johnny Aloha de s’accorder un peu de vacances dans son île d’origine.

C’est alors qu’il est contacté avec insistance par Gwen Cordovan, qui aura vingt-et-un ans d’ici quelques jours, et héritera de la fortune de son défunt père. Elle offre 5000 dollars à Johnny pour retrouver sa mère, Hope Starr. En effet, le détective a naguère connu cette femme à Hawaï. Hope Starr était une fêtarde, alcoolique et nymphomane. En quelques années, elle s’est mariée sept fois, elle a beaucoup voyagé avec ses époux, continuant les mêmes frasques. Des escapades qui coûtent cher, entre jeu d’argent, nuits arrosées et fête avec des hommes de rencontre. Marié avec Hope depuis deux ans, le très british colonel John Hare s’est lassé de ces turpitudes et envisage de divorcer.

Curieux de découvrir ce que cache cette disparition d’Hope Starr, c’est par le club de Joe Connors que Johnny débute son enquête. Elle a entubé le patron de l’établissement à hauteur de 10000 $. Le détective suit la trace des hôtels où Hope et son compagnon du moment se sont affichés, extravertis au point d’être virés de certains de ces hôtels. C’est avec le jeune lieutenant Stan Michaels que Hope a passé ces derniers jours. Johnny trouve bien vite la famille de cet homme. Le père, le frère, la sœur et leurs sbires cognent le détective – il lui en faudrait plus pour renoncer, affirmant que Stan Michaels et Hope Starr sont fiancés, qu’ils vont se marier d’ici très peu de temps. Bigamie ? Intéressant.

Gwen, qui n’est pas insensible au charme avéré du Haïtien, accompagne Johnny à Big Bear, la station touristique de montagne où doit être célébré ledit mariage. En effet, le couple ne s’y cache guère – la cérémonie étant pour bientôt, ce que vérifie le détective. Alors qu’il se présente dans leur chambre, Johnny constate que Stan Michaels vient d’être abattu – la silhouette de la tireuse semblant être celle de Hope Starr. Le détective est lui-même la cible de la femme qui s’enfuit, mais n’est pas blessé – il ne manque pas de réflexes. Ayant averti Gwen de l’acte criminel de sa mère frisant l’hystérie, Johnny alerte rapidement la police locale, en la personne du compétent policier Anderson.

Il n’est pas anormal qu’Anderson suspecte dans un premier temps Johnny Aloha, tant l’ensemble de l’affaire apparaît incroyable. Mais le policier a vite la confirmation du sérieux professionnel du détective. Et puis, certains détails sont étonnants : par exemple, on ne retrouve aucune empreinte de Hope Starr dans la chambre du crime où sa victime et elle s’en sont pourtant donné à cœur-joie dans les heures précédentes. Tandis que, rentré à Los Angeles, Johnny est une fois de plus menacé par un Chinois costaud, le détective commence à cerner les mystères de la disparition d’Hope et du meurtre. C’est la nommée Hilda Brunner qui détient les clés de cette affaire…

Day Keene : Vice sans fin (Série Noire, 1959)

Avec ce roman (titré en VO “Johnny Aloha ou Death in Bed”), Day Keene (1904-1969) donnait une nouvelle démonstration de son talent de romancier. Mettre en scène un détective privé californien n’aurait rien eu de vraiment novateur, le polar de l’époque en regorge. Mais c’est un personnage singulier qu’il présente, s’inscrivant dans l’Histoire des États-Unis – l’actualité d’alors soulignant l’entrée d’Hawaï parmi les étoiles du drapeau américain. Kioni – rebaptisé Johnny – Aloha n’a rien du détective loser, ni marginal, avec un parcours volontaire faisant de lui un citoyen digne de sa nationalité. Ce n’est pas la grosse somme proposée qui l’incite à renoncer à ses vacances, mais le fait qu’il ait connu la disparue – déjà exubérante – bien des années plus tôt.

Enquête classique ? Certes, mais fort énigmatique et qui ne manque ni de péripéties, ni d’ambiance. Il est vrai que cette Hope Starr a mené depuis une vingtaine d’années une vie des plus agitées, collectionnant les riches maris et les titres de noblesse. On suit avec un grand plaisir les investigations de l’intrépide détective – qui sera secoué dans la bonne tradition, racontées avec une belle fluidité. Encore un très bon titre de Day Keene.

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 05:55

En 1946, John Weather est de retour dans la ville du Middle West dont il est originaire. Âgé de vingt-deux ans, il l’a quittée depuis quelques années. Il a bourlingué pendant un certain temps, avant de partir faire la guerre. Il apprend dès son arrivée que son père, J.D.Weather, a été abattu dans la rue voilà deux ans. L’enquête menée par le policier Hanson, un des rares flics intègres de la ville, est restée sans conclusion.

J.D.Weather était le plus puissant des personnages régnant ici. Séparé puis veuf de la mère de John, il s’était remarié à une jeune femme venue de Chicago. C’est elle qui est l’unique héritière des biens et des affaires commerciales du défunt. Le jeune John ne vient pas réclamer des comptes financiers, mais il a besoin de comprendre les raisons de ce meurtre. Il s’aperçoit que son père fut la cause du pourrissement complet de la ville. Toutes les perversions, jeux et prostitution, sont ici couvertes par la police corrompue.

C’est le vieux brocanteur Kaufman qui ouvre les yeux de John sur les réalités locales. Âgé de soixante-quinze ans, il possède une forte fibre sociale. Toutefois, il est bien seul pour corriger tout ce qui a vérolé l’endroit depuis que J.D.Weather y a imposé ses principes. Après la mort du père de John, l’ancien magistrat Freeman Allister a été élu maire, avec un programme prétendant nettoyer les vices de leur ville. Mais il ne paraît pas assez armé pour que les choses se poursuivent en toute impunité. Quant à l’identité de l’assassin de J.D.Weather, elle n’intéresse déjà plus personne.

John sait qui a fourni l’arme du crime, un nommé Joey Sault, caïd de moindre envergure, mais pas un tueur. Afin de s’imprégner de l’ambiance, John fréquente les établissements nocturnes. Il va y faire la connaissance de toute la pègre du coin. Elle est au service Kerch, l’actuel redoutable patron de toutes les activités aux limites de la légalité.

Avec des hommes de main tel Garland, prêts à exécuter des gêneurs comme John, aucune chance de trouver une faille dans la solidarité entre ceux qui gagnent gros à tous les niveaux autour de la seconde épouse de J.D.Weater. La petite-fille du brocanteur Kaufman, Carla, appartient au cercle gravitant autour de Kerch. John comprend que cette prostituée ne l’aidera guère à mettre au jour la vérité sur le meurtre.

Tandis que le maire Allister semble toujours démuni, bien que John ait des preuves contre Kerch et ses sbires, pourra-t-on compter le moment venu sur Hanson et les rares policiers honnêtes restant ici pour faire cesser la criminalité ?…

Kenneth Millar : À feu et à sang (Série Noire,1949)

— Pourquoi cette ville a-t-elle vingt ans de retard ? gronda-t-il. Pourquoi les ouvriers et les ouvrières travaillent-ils encore dans les fabriques de caoutchouc pour quinze ou vingt dollars par semaine ? Dès qu’ils essaient de protester, les flics s’emparent de leurs meneurs, les passent à tabac et les conduisent aux postes de la ville. Pourquoi y trouve-t-on des machines à sous, des salles de billard et des bordels, au lieu des stades et des colonies de vacances qui, seuls, pourraient enrayer la délinquance parmi les jeunes ? Pourquoi y trouve-t-on les pires taudis du pays, alors que Sanford encaisse de gros loyers ? Pourquoi les choses demeurent-elles ainsi ? Parce que trop de gens sont intéressés à ce qu’elles demeurent ainsi. J’ai cru que tout allait changer il y a deux ans, lorsque Allister a été nommé…

C’est sous le pseudonyme de Ross Macdonald que Kenneth Millar (1915-1983) connut sa plus grande notoriété, et figure au panthéon du roman noir. Il créa le personnage du détective privé Lew Archer qui s’inscrit dans la droite ligne du roman noir héritier de Dashiell Hammett et de Raymond Chandler. “Marchant sur les pas de son modèle, Philip Marlowe, Lew Archer est le héros de pas moins de dix-huit romans. Officiellement détective privé, sa façon de procéder relève davantage du psy clandestin à l’instar de ce qui se fait dans beaucoup de romans à énigme, que du passage à tabac façon Sam Spade. Il explore les recoins de l’âme où se dissimulent les vilains petits secrets des suspects dans une Californie des années 1950-1960, étouffante dans tous les sens du terme” écrivent Marie-Caroline Aubert et Natalie Beunat dans “Le polar pour les Nuls” (First Ed., 2018). Enquêtes classiques dotées d’un regard sociétal et d’un climat personnel. 

Si Lew Archer est un héros d’anthologie dans le roman noir, il ne faudrait pas minimiser la valeur des autres romans de Kenneth Millar – quel que soit le nom utilisé. On le voit dans “À feu et à sang”. C’est une histoire située dans son époque, l’immédiat après-guerre aux États-Unis. Certaines villes sont totalement sous l’emprise de systèmes mafieux, qui ne profitent qu’à quelques-uns, sans le moindre respect des lois ni de la population. Un monde véreux qui augure mal de ces années qui devraient être bénéfiques à tous. À travers les propos du brocanteur marxiste Kaufman, l’auteur ne cache pas ses opinions. Avant tout, il s’agit bien d’un solide polar riche en énigmes et en péripéties. Un roman qui, autant que les Lew Archer et autres titres de Ross Macdonald, mérite de ne pas sombrer dans l’oubli.

Kenneth Millar : À feu et à sang (Série Noire,1949)

En 1986, ce roman (“Blue City”) fut adapté au cinéma, avec Judd Nelson, Ally Sheedy, David Caruso, Paul Winfield, Scott Wilson. Ce film de Michelle Manning semble être resté inédit en France. Il est vrai que cette production et ses comédiens figuraient parmi les pires de l’année aux Razzie Awards 1987. Il ne suffit pas de s’inspirer d’un bon polar pour en faire un film de qualité acceptable !

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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 05:55

Les passionnés de la BD du 21e siècle aiment généralement les albums au graphisme élaboré, primant souvent sur des scénarios tenant quelques lignes directrices. Ces bande-dessinées et autres romans graphiques sont parfois séduisants, c’est vrai. Mais la BD, c’est aussi toute une histoire. Grâce aux nouvelles rééditions de la collection Les Pieds Nickelés, présentées par Hachette, les nostalgiques seront comblés, autant que les passionnés de la littérature populaire – dont fait évidemment partie la BD. Disponibles en points de vente, les premiers numéros ne sont pas trop coûteux, une bonne façon de découvrir ou de redécouvrir ces désopilants personnages d’autrefois.

Nés en 1908, les Pieds Nickelés furent créés par Louis Forton, puis repris par Pellos après la guerre. Il s’agit d’un trio de combinards, de véritables filous, qui témoignent de leur époque. Croquignol – le grand au long nez, Filochard – le pickpocket borgne, et Ribouldingue – le bon vivant, forment une bande d’escrocs attachants. Les Pieds Nickelés sont publiés pour la première fois en 1908 dans la revue l’Épatant. À l’époque, Croquignol, Filochard et Ribouldingue bousculent le paysage de la bande dessinée française plus habitué à Bécassine qu’à ces trois personnages non conformistes.

Les Pieds Nickelés, la collection (Éd.Hachette, 2018)

À la mort de Forton en 1934, les Pieds Nickelés sont repris par d’autres dessinateurs mais il faudra attendre 1948 et l’arrivée de René Pellos aux commandes de la série pour que celle-ci renoue avec le succès. Pellos, père adoptif du trio, animera la série pendant près de 100 albums jusqu’en 1988. Plus dynamiques et modernes, ses albums s’éloignent du style de Forton pour faire des Pieds Nickelés des personnages dans l’air du temps. Sous son crayon, Croquignol, Filochard et Ribouldingue deviennent des personnages cultes de la BD française. Escrocs attachants et rois du système D, les Pieds Nickelés vivent de perpétuelles aventures plutôt rocambolesques, parcourant la France et le monde avec pour objectif de gagner un maximum d’argent en faisant le minimum d’effort. Des Jeux Olympiques à la Prohibition, en passant par la Première Guerre Mondiale, ce trio politiquement incorrect participe à tous les évènements marquants de l’Histoire.

À l’époque de Forton, le dessin est franchement basique, dans ses cases, avec un texte racontant les tribulations de ses héros placé en-dessous. Pour retenir l’attention des lecteurs, les planches seront vite en grande partie colorisées. Surtout, on va assister à la naissance (certes encore maladroite) des phylactères, des bulles. Dans chaque tome de cette collection, un cahier additionnel présente divers aspects des coulisses de la série. Dans ces dossiers exclusifs, des informations sur la création des personnages, des détails sur les auteurs et les dessinateurs sans oublier une rubrique consacrée au langage utilisé par les trois compères : huit pages sur le petit monde des Pieds Nickelés. Ces débrouillards sont diablement sympathiques.

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