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31 octobre 2016 1 31 /10 /octobre /2016 06:02

À Nice en 1980. Marie Queyssac, treize ans, et Max Favel, quatorze ans, sont scolarisés au Cours Ségolène, dirigé par l’antipathique Mlle Hubsch. “C’est une vieille fille toute sèche, toute en os, toujours vêtue de noir, et en plus elle sent mauvais” selon Max. Chacun d’eux habite avec sa famille dans la tranquille avenue Salonina, non loin des arènes de Cimiez. Marie vit avec sa mère quadragénaire, Caroline, travaillant dans l’import-export avec un associé, et sa grand-mère Bébelle, âgée de soixante-dix ans, veuve d’un officier supérieur. Max Favel habite avec sa mère Gilberte et le nouvel époux de celle-ci, le quinquagénaire Jacques Dorfeuil. Ce dernier est directeur d’un palace, le "Hoover". Il est un peu surchargé car sa secrétaire Véronique s’est absentée quelques jours, son père étant souffrant.

En cette mi-mars, Marie et Max préfèrent l’école buissonnière plutôt que de s’enfermer au Cours Ségolène. Tous deux vont explorer la villa Madou, une maison à l’abandon depuis le décès de Mme Foucaud, la propriétaire. Tout est resté en l’état dans la bâtisse. Mais le duo va avoir une mauvaise surprise : ils découvrent le cadavre d’une femme nue, tuée depuis pas si longtemps. Deux hommes ne semblant guère finaud se pointent alors : Courjaret et Basdevant. Pour le duo d’ados, mieux vaut faire profil bas. Ils ont cru que ces patibulaires visiteurs étaient partis : ils jouaient en réalité les fossoyeurs, creusant une tombe dans le jardin de la villa Madou. Si Marie et Max s’éloignent bien vite, ils sont bientôt obligés de trouver une planque dans le cimetière des jardins du monastère de Cimiez.

Se cacher ensemble, une situation propice à la peur, qui n’est pas sans susciter quelques émois sexuels chez le duo d’ados. Pendant ce temps, Courjaret et Basdevant ne savent trop quoi faire. Bien sûr, ces mômes sont des témoins gênants, mais peut-être pas au point de les dénoncer. Ils téléphonent à leur commanditaire, Huta-Joe, voyou guère plus reluisant qu’eux, qui s’énerve et ordonne qu’ils mettent la main sur les ados. Alors que la fin de journée approche, la grand-mère Bébelle s’inquiète du retard de Marie. Par chance, la mère Caroline doit dîner avec son associé. Quant à Dorfeuil et à la mère de Max, ils sont avertis qu’il a eu un pépin, sans gravité. De son côté, Mlle Hubsch est trop occupée avec la réunion du comité d’entraide de la paroisse de Cimiez pour se préoccuper de Max et Marie.

Après une première journée fertile en rebondissements, il y aura un deuxième acte dans cette affaire. Car Marie voudra récupérer son cartable, oublié dans la villa Madou. Après tout, peu de risque d’y croiser à nouveau les "fossoyeurs". Sauf si la poisse est de la partie pour les deux ados. Auquel cas, l’affaire ne trouvera son dénouement que cinq ans plus tard...

Brice Pelman : Le jardin des morts (Fleuve Noir, 1985)

Ils sont cachés à la vue de leurs poursuivants par la rangée de chapelles funéraires. Marie croit avoir compris la manœuvre de Max : ils vont attendre que le nabot ait rejoint son compagnon pour opérer un mouvement tournant, et refranchir en sens inverse le petit portail donnant sur le jardin.
Mais non. Voilà que max s’immobilise de nouveau. Ils se trouvent devant une rangée de sépultures dont la plus récente a au moins cent ans : de simples pierres mouchetées d’un lichen sombre, gravées d’une inscription souvent indéchiffrable. Une de ces tombes est dégradée ; les décennies, les intempéries ont fait s’effondrer la dalle et brisé la croix qui la surmontait. Un trou béant, grand comme une plaque d’égout s’ouvre devant eux. Alors, soudain, Marie comprend la folle idée qui a germé dans le cerveau de Max…

Outre “Le jardin des morts”, Brice Pelman mit en scène des enfants dans plusieurs de ses romans à suspense. Pour “Welcome et Zoé” comme dans “Attention les fauves”, on trouve également un duo de mômes aventureux. Dans “Un innocent ça trompe”, c’est un enfant handicapé qui est enlevé contre une rançon. C’est encore un adolescent de seize ans, en vacances avec ses parents du côté de Saint-Tropez, qui est le héros-narrateur de “La maison dans les vignes”. Ces jeunes personnages ne sont pas à l’abri de la cruauté du monde dans ces intrigues racontées par Brice Pelman. Celle-ci se place dans le quartier de Cimiez à Nice, ville où habitait l’auteur lui-même et sa famille. Publiés pour l’essentiel dans la collection Spécial-Police des éd.Fleuve Noir, de 1968 à 1986, tous les polars de Brice Pelman méritent d’être lus et appréciés. “Le jardin des morts” ne fait pas exception, c’est même un de ses titres le plus maîtrisés.

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26 octobre 2016 3 26 /10 /octobre /2016 05:12

La revue “Temps Noir” n’est pas un magazine polar, mais une publication annuelle de référence pour celles et ceux intéressés par l’univers des littératures policières, d’hier et d’aujourd’hui. Animée par Franck Lhomeau, qui a en particulier le privilège d’avoir accès aux archives de la Série Noire, cette revue présente de précieux témoignages, documents et illustrations, sur ce genre littéraire et son histoire…

“On ne présente plus Jean-Bernard Pouy…” Il n’est pas rare que débute ainsi un article ou un interview consacrés à cet auteur de polars, créateur littéraire par excellence. Sans doute a-t-on tort de ne plus suffisamment rappeler le parcours du “père” de Gabriel Lecouvreur, Le Poulpe. Car les lecteurs risquent de ne retenir qu’une des facettes de J.B.Pouy. Soit c’est l’auteur labellisé Série Noire, où il publia une dizaine de titres, qui reste dans les mémoires. Soit on le situe comme initiateur de la série du Poulpe, où quasiment chaque roman est dû à un auteur différent. Ou alors, dans sa production disparate, on aura adoré quelques romans dont on se souvient encore. Certains, qui l’auront rencontré dans un des multiples festivals auxquels il participe, garderont l’image d’un J.B.Pouy qui les a tutoyés d’emblée, fraternellement, et leur a conseillé tel ou tel livre d’un confrère polardeux.

Cet homme-là n’est pourtant pas monolithique, bien au contraire. L’étiqueter et le ranger dans une catégorie normative, ce serait ne rien comprendre au personnage Pouy. Ce sont des rencontres et des amitiés fortes (Daniel Pennac, Patrick Raynal) qui décidèrent de son destin. Non pas d’écrivain, qualificatif qu’il rejette, mais d’auteur passionné d’écriture. Un graphomane pour qui tout est source d’inspiration, d’exploration, d’utilisation. Il n’y a pas de calcul (sûrement pas de carriérisme), ni la moindre posture chez lui : jamais Pouy ne dit "non" quand on lui demande un texte inédit, car il entrevoit toujours l’occasion de se triturer les méninges et de gratter sa tignasse pour en sortir le meilleur possible. Il lui vient l’idée de lancer une collection, fût-elle improbable ? Il essaie. Des amis ont besoin ou envie de l’avoir au catalogue de leurs éditions ? Il accepte. Ne rien s’interdire.

C’est Jean-Bernard Pouy dans la globalité de sa démarche que le lecteur doit chercher à approcher. L’entretien très complet qu’il accorde à Jean-Marie David dans le numéro 19 de Temps Noir permet de décrypter, derrière l’auteur de polar, ses motivations altruistes et ses plaisirs d’anar modéré. Avec en prime, une bibliographie intégrale et une iconographie incluant, hormis beaucoup de couvertures de ses livres, des photos plus rares.

(On ne tardera pas à évoquer son nouvel ouvrage, “Le casse-pipe intérieur”, qui paraît en parallèle aux Éd.Joseph K)

Jean-Bernard Pouy (et Patrick Raynal) Saint-Malo, mai 2004 © photos Claude Le Nocher

Jean-Bernard Pouy (et Patrick Raynal) Saint-Malo, mai 2004 © photos Claude Le Nocher

Si Pouy figure incontestablement parmi les auteurs de littérature populaire, il en est un autre qu’on a trop vite oublié : Francis Didelot (1902-1985), auquel Jacques Baudou rend un hommage amplement mérité. C’est à l’âge de trente ans que Didelot débute dans le roman policier. Avant-guerre, il publie des histoires énigmatiques fort bien ficelées, dont “Le suicide de Caïman” qui sera adapté au cinéma (“Les gosses mènent l’enquête”) ainsi que plusieurs autres de ses titres. Si son aventurier Samson Clairval n’est le héros que de deux romans, Dominique Lecain est le premier policier officiel qu’il va créer. Après-guerre, c’est le commissaire Bignon qui prendra la relève dans ses suspenses, avant que ne lui succède le policier Gaston Renard. Tous des "cousins" du commissaire Maigret ? Un air de famille, sûrement, mais les affaires traitées se distinguent de l’original, estime Baudou.

Magistrat de formation, Francis Didelot est très convaincant aussi dans les énigmes aux ambiances judiciaires. Son roman “Le 7e juré” est probablement celui dont on se souvient le mieux, car il fut porté au cinéma par Georges Lautner, avec Bernard Blier dans une de ses plus belles interprétations. Si Didelot collabora à quelques films, il fut encore un très bon auteur de pièces radiophoniques, et le panel de ses créations est multiple (recensé intégralement à la suite de l’article). Une œuvre riche pour un écrivain aujourd’hui méconnu, ayant toute sa place dans le panthéon des grands noms du roman populaire.

Des simples lecteurs jusqu’aux universitaires, nombreux sont ceux qui cherchent la clé qui ouvrirait la porte du cerveau de James Ellroy. Dans son article “Sweetest Taboo”, Frédéric Sounac s’efforce d’analyser "la représentation de l’homosexualité chez James Ellroy". On partagera son constat, ou pas. On ne peut qu’admettre la complexité de pensée de cet écrivain. Il décrit un temps où, de Montgomery Clift à J.Edgar Hoover en passant par Rock Hudson et bien d’autres, les homosexuels affichent une virilité de façade. Au fil de ses intrigues, Ellroy ne leur attribue généralement pas le beau rôle à ces délinquants ou ces criminels, à ces pervers de sodomites. En face, les flics et leur virilité violente, ça ce sont de vrais hommes. Sauf que, chez les policiers, la notion de "partenaires" introduirait une ambiguïté nuançant l’homophobie patente de James Ellroy. En relisant quelques titres de cet auteur, Frédéric Sounac pense avoir déniché de la tolérance homophile chez lui.

Le dossier réalisé par Pierre Charrel s’intitule “D’après une histoire vraie…”. Ce qui pourrait faire tiquer certains lecteurs de polars noirs, peu partisans qu’une fiction s’inspire d’un fait divers, ou colle de trop près à un scandale médiatisé. Néanmoins, la spécificité du roman noir consiste à utiliser, en toile de fond ou au cœur de l’affaire, un contexte social réaliste. À travers des entretiens avec Dominique Manotti (sur l’or noir), Kishwar Desai (sur l’Inde), Anne Rambach (sur l’amiante), Leonardo Padura (sur Cuba), Nathalie Ferlut, Pierre Schoeller, Dominique Kalifa, Richard Birkefeld et Göran Hachmeister (sur Berlin), Xavier Mauméjean (sur Jack l’Éventreur), c’est autant l’intention de chacun des auteurs que le thème abordé dont il est question.

Revue “Temps Noir” n°19 – Jean-Bernard Pouy (Éd.Joseph K, 2016)

Premier roman édité de William R.Burnett, "Little Caesar", l’ascension et la déchéance de César Bandello, le chef d’un gang italien de Chicago, a été porté à l’écran deux ans après par Mervyn LeRoy […] Ainsi, du 25 février au 5 avril 1933, la traduction de Marcel Duhamel paraît dans l’un des plus forts tirages de la presse parisienne, chaque feuilleton étant accompagné d’un bon de réduction de 2 Francs pour une place au cinéma Rexy, où repasse pour l’occasion le film.
Cette traduction va bouleverser la vie de Marcel Duhamel et mettre fin à sa série de petits boulots.

Nul n’est censé ignorer que Marcel Duhamel fut le créateur de la Série Noire, aux éditions Gallimard. Mais, si l’on n’a pas lu son autobiographie “Raconte pas ta vie”, il est probable que l’on connaisse moins bien les jeunes années de Marcel Duhamel. Parlant la langue anglaise, il aurait pu être directeur de grands hôtels durant toute sa vie. Son amitié avec une bande de joyeux drilles en décida tout autrement. On ne fréquente par impunément les frères Prévert, le peintre Yves Tanguy, le poète Benjamin Péret, et tant d’artistes qui faisaient bouger la culture dans les années 1930. De petits rôles au théâtre et au cinéma, et surtout beaucoup de doublages de films, l’aideront à passer ce cap, tandis que la guerre approche.

Franck Lhomeau retrace la vie de Marcel Duhamel jusqu’à la naissance effective de la collection Série Noire. Au sortir de la guerre, malgré la solidité de la maison Gallimard et un prometteur début de catalogue, pas simple d’attirer et de garder Peter Cheyney (par ailleurs auteur star des Presses de la Cité, rivales de Gallimard), James Hadley Chase ou Raymond Chandler. Se posent autant des questions de droits d’auteurs que de traductions. La trajectoire de Marcel Duhamel est hors norme, passionnante.

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21 octobre 2016 5 21 /10 /octobre /2016 04:55

Vers la fin des années 1940, une ville non loin de la frontière entre États-Unis et Canada, dans le Maine. En ce samedi soir neigeux, un inconnu arrivant de nulle part entre dans le bar de Charlie Moggio. L’homme semble avoir choisi d’avance ce bistrot, qui n’est pas le mieux situé de cette ville. Outre Julia, l’épouse de Charlie, et le Yougo, travailleur immigré ayant une vie de famille complexe, qui se saoule le samedi, il n’y a que des habitués. Le patron fut naguère barman dans quelques métropoles américaines : il se croit capable de reconnaître les types louches. Ainsi, quand la radio annonce qu’un meurtre a été commis dans la région, Charlie téléphone au shérif Kenneth Brookes. Celui-ci arrive bientôt avec ses adjoints, toutes sirènes hurlantes. Ils embarquent l’inconnu pour interrogatoire.

L’homme affirme s’appeler Justin Ward. Il ne justifie nullement sa présence dans la ville. Le shérif est finalement obligé de le relâcher. Le dimanche matin, Ward loue une chambre chez Mrs Eleanor Adams. Ce qui suscite la curiosité de ses jeunes voisines délurées, Mabel et Aurora. Il a également fait un détour pour signaler à Charlie qu’il était libre. Durant les jours suivants, s’il déjeune le midi à la cafeteria d’en face, Justin Ward passera son temps dans le bar de Charlie, en fin de matinée puis en début de soirée. Le patron commence à le traiter tel un habitué, non sans se méfier de lui. Par exemple, pourquoi Ward rachète-t-il le bail de la miteuse salle de billard du vieux Scroggins – en face du bar de Charlie – avant de la faire rénover par le Yougo ? Aurait-il une mauvaise influence sur cet ouvrier ?

Un incident confirme les soupçons de Charlie. Originaire de Brooklyn, le patron de bar est resté en contact avec la pègre new-yorkaise, pour laquelle il prend d’ailleurs des paris clandestins. Quand le truand Jim Coburn et son garde-du-corps se pointent un jour dans le bistrot de Charlie, Justin Ward s’empresse de filer sans rencontrer Coburn. Au risque de tomber malade avec ce froid glacial. Heureusement, il peut compter sur sa voisine Mabel. Alors qu’approche la période de Noël, c’est par un courrier de son cousin de Chicago, Luigi, auquel il a adressé une photo volée de Ward, que Charlie en apprendra davantage sur la véritable identité de cet homme. Luigi a des raisons de se souvenir d’un épisode marquant du passé de celui qu’il a facilement reconnu sur la photographie.

L'animosité de Charlie contre Ward vire à l’obsession. Ça le rend malade. Il voudrait trouver des alliés, comme l’imprimeur Nordell, par ailleurs propriétaire de l’hebdo local. Le shérif Brookes, il ne peut compter sur lui. Ward ne serait-il pas l’instigateur du cambriolage chez le brocanteur ? Sûrement. N’est-pas à cause de lui que le Yougo s’est déchaîné, et qu’il est en prison ? C’est certain. Quand il apprend toute la vérité sur Ward, le danger est loin d’être écarté… mais pour qui ?…

Simenon – Loustal : Un nouveau dans la ville (Éd.Omnibus, 2016)

Était-ce l’intention de Justin de s’entourer d’un gang de jeunes ? Mais alors pourquoi le FBI se donnait-il la peine d’envoyer à Kenneth une note lui conseillant de ne pas s’occuper de lui ? Charlie y mettrait le temps qu’il faudrait, mais il en viendrait à bout.
Il avait encore obtenu un renseignement qui pouvait avoir sa valeur, un soir qu’Aurora, la petite brune, était venue boire un verre au bar, toute seule, alors que son amie avait sans doute un rendez-vous en ville. Avec l’air de rien, Charlie avait insinué :
— Votre voisin ne vous fait pas encore la cour ?
— Pas à moi, Dieu merci ! avait-elle répliqué en se mettant du rouge à lèvres.
— À qui, alors ? À Mabel ?
— Ce que Mabel fait ne me regarde pas, n’est-ce pas ?
Il avait senti qu’il y avait quelque chose et il brûlait de savoir, mais il n’avait pas insisté. C’était elle qui avait remis le sujet sur le tapis, indirectement, après qu’il lui eut offert un petit verre…

Comme tous les titres de Georges Simenon, ce roman publié en 1950 a été régulièrement réédité. Toutefois, ce "roman dur" (selon la formule consacrée) datant de l’époque où il vivait à Tucson (Arizona) n’est peut-être pas le plus connu de l’auteur. Le décor, une petite ville, est vite dressé ; on focalise bientôt sur ce modeste quartier, entre le bar de Charlie et la maison de Mrs Adams. La sourde rivalité entre deux hommes va alimenter l’intrigue. S’il est peu causant, Justin Ward nargue-t-il vraiment Charlie, ou s’agit-il d’indifférence ? Le nouveau venu cache des secrets, oui, mais le patron de bar cultive une curiosité qui n’est pas sans conséquences. Simenon savait à merveille distiller cette sorte d’ambiance malsaine, basée sur des impressions, des soupçons flous.

Dans cette nouvelle édition, le texte est mis en valeur par les illustrations de Loustal. Il va de soi qu’elle "suivent" l’action décrite par l’auteur. Elles ajoutent un parfum d’époque, par l’allure des protagonistes, l’aspect de la petite ville et de cette rue. Tandis que le lecteur traduit sa propre interprétation du récit, les dessins offrent un regard complémentaire sur l’histoire. Jusqu’à rendre plus précises certaines situations. Telle cette image du Yougo "en famille" ou de la salle de billard ornée de portraits de gangsters au mur. Caractéristiques, le trait de Loustal et la composition de chaque illustration apparaissent en harmonie avec la tonalité de Simenon. Ce qui donne une version toute particulière de ce roman, et c’est franchement très agréable

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22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 04:55

Le quinquagénaire Joseph Pacone s’est imposé comme une figure du Milieu marseillais. Ce caïd s’est désormais installé à Paris, sous couvert d’une société d’import-export. Rackets, proxénétisme et trafics divers restent les bases de son activité. Il a besoin d’un pigeon afin de sortir un de ses proches de la prison des Baumettes, qui est accusé de meurtre. C’est à la prison de Muret qu’un complice incarcéré trouve le parfait naïf. Âgé de vingt-trois ans, Bruno Laval est un simplet qui s’est pris pour un truand. Très timide avec les femmes, il espérait passer pour un vrai dur en braquant une banque. Il s’est fait alpaguer sitôt après le hold-up, écopant de huit années derrière les barreaux.

En prison, l’adjoint de Joseph Pacone ne tarde pas à l’amadouer. Carlo Topéda lui procure une "fiancée", Carole Durand. Âgée de vingt-et-un ans, cette séduisante prostituée appartient au réseau de Pacone. En échange, on demande à Bruno Laval d’endosser le meurtre commis par le cousin de Joseph Pacone. On lui promet que sa peine sera incluse dans son actuelle condamnation. Il s’acquitte de son rôle mais, malgré l’avocat fourni par Pacone, sa réclusion passe de huit à quinze ans. On va lui arranger le coup, pense-t-il. C’est exact, le caïd a prévu la suite, pas celle que le pauvre Bruno espérait. On va le retrouver pendu dans sa cellule, ses codétenus étant au service de Joseph Pacone.

Un cas classé ? Pas pour Carole Durand qui, malgré le fric reçu, n’aime pas du tout la tournure de l’affaire. Christian Laval, frère aîné de Bruno, âgé de vingt-six ans, a pris contact avec la jeune femme. Selon Carole, s’il est puissant, le caïd Pacone est quand même vulnérable : il est donc possible de se venger. À Carry-le-Rouet, près de Marseille, ils prennent contact avec Jo-le-Libanais, patron de boîte de nuit. Celui-ci représente le Comité des grands mafieux de la région, qui ne seraient pas mécontent que Pacone perde de l’influence. Jo engage un de ses amis, Gaultier de Brissac, un aristocrate aventurier.

Gaultier, Christian, Carole, rejoints par Anne, la sœur instit de Carole, s’installent dans une maison des environs de Paris pour lancer l’opération. Ils commencent par enlever et séquestrer un comparse du caïd, avant de piéger Pacone en l’attirant chez son avocat Maître Nabel, qui défendit si mal Bruno Laval. Nul doute que la réputation de Pacone prenne un sale coup, déclenchant la colère de l’intéressé. Quand ses fils et son cousin rappliquent à Paris, la suite vire au carnage. Toutefois, il arrive que des policiers soient assez inspirés pour coincer les malfaiteurs. Tous ceux qui prirent part au décès de Bruno Laval risquent fort de rencontrer une mort prématurée…

Roland Agret : Le schbeb (Fleuve Noir, 1986)

L’autre, recroquevillé, cherchait à reprendre son souffle dans des contorsions grotesques. Sans un mot, ils se retirèrent. La lourde grille se referma dans un grincement sinistre, peut-être plus encore que dans une prison.
Carlo Topéda reprenait lentement ses esprits. Cette histoire touchait donc Bruno Laval, et alors, il avait exécuté les désirs de Joseph Pacone ! Qui pouvait ainsi s’attaquer à lui ? Le frère était un cave, alors qui était venu se placer derrière lui ? Une bande rivale qui saisissait l’occasion de faire un travail ? Et cette salope de Carole, qu’est-ce qu’elle foutait avec eux ? Elle avait balancé, pardi. La connasse ! Elle morflerait, elle ! Abidjan vite fait, sans billet de retour !

Hommage à Roland Agret, né le 2 août 1942, décédé le 18 septembre 2016. Victime d’une erreur judiciaire, il créa Action justice, une association visant à aider les personnes condamnées et clamant leur innocence. Roland Agret et Action Justice pesèrent sur des verdict contestés, obtenant quatre grâces présidentielles, une révision de procès aboutie, deux annulations de peines, et dix-huit acquittements. Roland Agret fut scénariste pour des fictions télévisées, et il intervenait ponctuellement dans les médias. En 1985, son roman Pendaresse, ou sur un air d'opéra…fut publié dans la coll. Engrenage (n°119) du Fleuve Noir. L’année suivante, “Le schbeb” parut dans la coll.Spécial Police (n°2010) du même éditeur. Le sens de ce titre, un mot issu de l’argot des prisons, nous est expliqué à la page 65 du livre.

L’intrigue mise en place par Roland Agret s’appuie sur l’image du Milieu traditionnel. C’est du polar qui bouge, la narration directe ne se perd donc pas en fioritures inutiles. De longs portraits ou des détails sur les décors ne seraient pas indispensables : on situe aisément les uns comme les autres. Et on sait qu’une hécatombe se prépare dans l’entourage du caïd responsable de la situation. La tonalité est vive, percutante, destinée à parfois faire sourire les lecteurs, aussi. Car il s’agit bien de comédie policière.

Un roman très agréable.

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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 04:55

Sur la Côte d’Azur, du côté de Cannes et Nice. Fils d’un défunt cambrioleur, Bruno Lortail est plus un escroc qu’un braqueur. Complice du hold-up de la grande Poste de Marseille, arrêté par le commissaire Guillaume Jévard, il écopa seulement de six mois de prison. Âgé de trente-cinq ans, il vient d’en sortir et va récupérer le butin planqué dans une usine désaffectée. Mais le bâtiment a été détruit entre-temps. Jévard est là, aussi, car il entend bien protéger Bruno, dont il a besoin. Quand deux truands à la solde du nommé Nesmaz sont peu après chargés de buter Bruno, le policier les fait abattre. Jévard et Bruno se rendent ensemble chez Félicia Santeuil, vingt-huit ans. Partageuse, elle est la maîtresse du flic, depuis que son amant Bruno a été mis en prison. Ça ne dérange pas Jévard de la partager.

Le policier ne leur cache pas que sa cible, c’est Nesmaz. Aujourd’hui, ce caïd se donne des allures d’homme d’affaire respectable. Mais il débuta à Oran, où il tenait un hôtel de passe et fit partie de l’OAS. Après l’indépendance de l’Algérie, il développa un réseau de bordels en France et en Allemagne. La législation française étant de plus en plus stricte avec les maisons closes, Nesmaz abandonne cette activité au profit de placements fructueux, ou qui permettent de blanchir l’argent sale. Selon Jévard, c’est Nesmaz qui a le butin qu’avait planqué Bruno. Avec ça, il a financé la récente campagne du politicien Caceldi, qui n’a pas été élu. Le but final du policier, c’est que Bruno s’empare du contenu du coffre-fort de Nesmaz. Car il y cache des documents précieux, des dossiers sur certaines personnes.

Nesmaz et son épouse quadragénaire Odette habitent dans une propriété sécurisée, un vrai "château"… avec son petit musée privée. C’est là que va se jouer le premier acte, ce qui est destiné à mettre la pression sur Nesmaz. Bruno parvient à voler les quatre toiles de maîtres, dont un Rembrandt et un Soutine. En guise de rançon, Jévard – masquant sa voix – réclame une très forte somme à Nesmaz. Bien que le dispositif de police soit prêt, Nesmaz ne peut empêcher que Jévard touche la rançon. Jusqu’à là hors du coup, car il est censé avoir passé quelques jours en mer sur son voilier, Jévard est appelé à la rescousse sur cette enquête. Bruno et Félicia se sont ménagés un alibi, un week-end en amoureux. Pourtant, Jévard le mettra bientôt en garde-à-vue, afin que Bruno soit un temps à l’abri.

L’expert de l’assurance est formel : les tableaux de Nesmaz sont des faux. Nesmaz pense que le galeriste Califf, qui les lui a vendus, l’a sciemment arnaqué. Celui qui authentifia les toiles étant décédé, difficile de prouver la culpabilité de Califf. Néanmoins, ce n’est pas un hasard s’il vient de s’expatrier en Suisse. Le policier Jévard s’y rend pour rencontrer Califf, et pour mettre en banque la rançon. C’est maintenant que commence vraiment le plan de Jévard, une machination impliquant Califf (ou son sosie) afin que Nesmaz soit contraint d’ouvrir son coffre-fort, en présence du politicien Caceldi. S’il réussit, Jévard acceptera les félicitations ministérielles. Avec un joli pactole en réserve pour ses vieux jours…

Raf Vallet : Sa Majesté le Flic (Série Noire, 1976)

En tant qu’auteur de polars, Jean Laborde (1918-2007) connut une sympathique notoriété dans les années 1960, sous le pseudo de Jean Delion, puis adopta le nom de Raf Vallet en signant ses huit romans des deux décennies suivantes. C’est en grande partie grâce aux adaptations au cinéma de plusieurs de ses titres qu’on retient l’œuvre de Raf Vallet. “Adieu poulet” (1975, avec Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux) et “Mort d'un pourri” (1977, avec Alain Delon, Stéphane Audran) furent d’immense succès.

“Sa Majesté le Flic” fut transposé à la télévision en 1984, avec Bernard Fresson, Philippe Nicaud, Michel Beaune, Gérard Darier). On peut emprunter à Claude Mesplède une bonne définition des romans noirs de Raf Vallet : “L’ironie, présente dans chacun de ces récits, a un goût amer car les "héros" de Laborde sont souvent aussi amoraux que ceux qu’ils prétendent combattre.” (Dictionnaire des Littératures Policières, Éd.Joseph K).

Dans “Sa Majesté le Flic”, le commissaire Jévart (anagramme du policier Javert, dans “Les misérables”) affiche un délicieux cynisme. Plutôt désabusé par un métier où on trouve plus facile d’arrêter les petits malfaiteurs de banlieue que de s’attaquer aux gros requins, il va essayer d’être le plus malin. Il vise un homme d’affaire douteux, un politicien véreux, et même le poste de son supérieur Salat. Certes, on ne doute guère qu’il arrive à ses fins, mais tout est dans la manière. Il ne reste plus au lecteur qu’à suivre l’intrigue, telle que l’auteur l’a organisée. Ce qui nous réserve d’excellents moments ! Un très bon polar noir.

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10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 04:55

Bientôt âgé de quarante-cinq ans, Salvo Montalbano est commissaire de police à Vigàta, en Sicile. Il habite en bord de mer, dans sa villa de Marinella. Salvo entretient une relation complexe avec sa compagne. Âgée de trente-trois ans, Livia Burlando vit à Boccadasse, près de Gênes. Elle le rejoint ponctuellement en Sicile. Mais son métier est ce qui occupe en priorité le commissaire Montalbano. Entouré de son adjoint Mimì Augello, des policiers Gallo et Galluzzo, de l’enquêteur Fazio, et de l’agent de police gaffeur Catarella, il n’est pas exempt de brusquerie lorsqu’il mène ses enquêtes. Il sait aussi se montrer plus subtil, faire preuve d’empathie envers les protagonistes. Il reste méfiant vis-à-vis des autorités, d’une partie de la hiérarchie, tout en respectant à peu près la loi de manière juste. Salvo est également un fin gourmet, jamais repu des meilleurs plats siciliens.

Cette affaire d’un Tunisien abattu lors d’une sortie en mer sur un bateau de pêche, il sent que c’est une embrouille puante. Il la laisse à Mimì Augello, et puisque c’est Mazàra le port d’attache du bateau, Salvo s’arrange pour que la police de Vigàta se désiste sur ce coup-là. Néanmoins, puisqu’il est ami avec Valente, le vice-Questeur de Mazàra, il garde un œil sur ce sac-de-nœuds. Montalbano se charge d’un crime commis à Vigàta : M.Lapecora, un sexagénaire, a été mortellement poignardé dans l’ascenseur de son immeuble en ce jeudi matin. Commençant par une enquête de voisinage, il s’aperçoit que plusieurs personnes ont vu le cadavre, avant que ne soit alertée la police. Des lettres anonymes ont été adressées à l’épouse de Lapecora, absente pour la journée. On attend le retour de la veuve pour explorer l’appartement. On constate que la victime possédait un pistolet.

Bien que retraité, Lapecora avait conservé ses anciens bureaux. Ça devient intéressant : il avait là des relations intimes avec sa femme de ménage tunisienne Karima Moussa. On y voyait aussi le brun "neveu" de Lapecora… sauf qu’il n’avait pas de neveu. Le fils pédiatre de la victime, un égoïste, n’était pas intervenu quand il eût récemment des problèmes. Il semble que les lettres anonymes aient été composées dans le bureau de Lapecora. C’est en relisant un passage du roman “L'appel du mort” de John Le Carré, que Montalbano va mieux comprendre. Quand les policiers arrivent au domicile de Karima, ils n’y trouvent que la vieille Aisha. Karima et son fils de cinq ans, François, ont décampé. Outre des photos, les policiers découvrent que l’épargne bancaire de Karima était très élevée.

Alors que Livia passe quelques jours à Marinella, Salvo mobilise tous ses policiers : il s’agit de retrouver un gamin qui a frappé des mômes de son âge pour voler leurs goûters. C’est évidemment le petit François, seul et affamé. Enlevée par le nommé Fahrid, Karima a sans doute été supprimée. Quand l’enfant est récupéré, on le met à l’abri chez Montalbano. Au risque que Livia s’attache à François, un gamin fort intelligent. Celui-ci reconnaît son oncle Ahmed Moussa sur une photo : c’est le Tunisien abattu sur le bateau de pêche de Mazàra. Un appel à témoin via la télé, concernant Karima et Ahmed, ne sera pas inutile. Bien qu’il ait l’immatriculation de la voiture de Fahrid, Salvo reste dans une impasse. Après qu’il ait fait avouer l’assassin de M.Lapecora, pour affronter un colonel minus, il doit ruser…

Andrea Camilleri : Le voleur de goûter (Fleuve Noir, 2000 – Pocket)

Après “La forme de l'eau” (1998, Prix Mystère 1999) et “Chiens de faïence” (1999), “Le voleur de goûter” (2000) est la troisième enquête du commissaire Salvo Montalbano. On n’a pas besoin de souligner la qualité des suspenses du maestro sicilien, Andrea Camilleri. Cet épisode joue moins sur l’humour (l’irritable Docteur Pasquano est peu présent, mais l’agent Catarella est toujours très drôle). L’auteur n’oublie pas la gastronomie, dont Salvo est si friand. Il s’agit probablement de l’intrigue la plus "personnelle" autour du policier. On y parlera de son propre père, et surtout de la place d’un enfant dans sa relation avec sa compagne. Il n’est pas rare que, au fil des romans, Salvo se questionne sur sa vie.

Quant aux sinueuses investigations criminelles, elles concernent deux affaires – pas aussi distinctes qu’il y paraît, bien sûr. Camilleri se souvient des rapports anciens entre Siciliens et Arabes, quand il évoque le quartier de Kerkent (du 9e au 11e siècle). Si l’endroit est devenu Villaseta, il exista effectivement jadis près d’Agrigente, à Porto Empedocle, ville natale de l’auteur, rebaptisée par lui Vigàta. Cette histoire peut aussi rappeler l’occupation italienne en Tunisie, au temps de Mussolini, et les mauvais liens entre les deux pays. Un roman captivant, comme toutes les aventures de Montalbano.

 

Toutes mes chroniques sur les romans d'Andrea Camilleri, dans cette rubrique :

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9 août 2016 2 09 /08 /août /2016 04:55

À New York dans les années 1940, âgée de vingt-deux ans, Alberta French est l’épouse de Kirk Murray. Elle a compris qu’elle avait une rivale, avec laquelle Kirk est sur le point de partir. Il s’agit d’une artiste de cabaret, Mia Mercer, vingt-huit ans. Ayant bientôt obtenu son adresse, Alberta explore l’appartement de cette dernière, en ce 12 mai. Elle tombe sur le cadavre de Mia Mercer : sans prévenir la police, Alberta s’approprie l’agenda de la jeune femme et une pochette d’allumettes, avant de s’enfuir. Elle ne parvient pas à alerter assez tôt Kirk. Bien que niant le crime, il est rapidement en état d’arrestation. L’avocat Benedict le défend au mieux durant le procès, mais n’y peut rien : Kirk est condamné à mort.

Alberta dispose de moins de trois mois pour prouver l’innocence de son mari. La pochette d’allumettes est un indice faible, mais le carnet téléphonique de la victime s’avérera plus utile. Le nom de l’assassin débute par la lettre M : Alberta a donc quatre suspects. Même si le policier Flood n’est nullement convaincu, il ne la décourage pas de mener l’enquête. Le premier suspect se nomme Marty Blair. Il ne loge plus à l’hôtel indiqué, car il est dans la dèche, désormais. Alberta le retrouve et l’approche en amie. Marty est l’ancien mari de Mia. Elle l’a quitté, mais il est resté obsédé par elle. Était-il sur le lieu du crime, puisqu’il en connaît les détails ? Jusqu’où peut aller la désespérance d’un homme tel que lui ?

La deuxième piste d’Alberta, c’est le docteur Mordaunt. Se faisant passer pour une amie de Mia, elle prétexte des vertiges pour le contacter. Quand il lui fixe un rendez-vous privé, c’est pour lui confier une énigmatique mission. Qui va entraîner Alberta dans des milieux interlopes. Au retour chez le médecin, elle frôle la mort… Le troisième suspect se nomme Ladd Mason. C’est un bel homme inspirant la sympathie, gai et assez désinvolte, issu de famille aisée. Alberta ne tarde pas à être sous le charme. Toutefois Leila, la sœur de Ladd, la met en garde contre certains aspects de son frère. Avec l’aide du policier Flood, Alberta tente de piéger Ladd Mason. Si Mia lui causa des embrouilles, il n’avoue pas le meurtre.

Le quatrième et dernier suspect est Jérôme McKee, propriétaire d’un club. Alberta s’y fait engager comme danseuse, malgré son manque d’expérience. McKee est un caractériel, fasciné par le visage angélique d’Alberta. Il la comble de cadeaux, ils sont presque fiancés. Mais lorsqu’elle va fouiner dans le coffre-fort de McKee, la suite pourrait se gâter. Elle en sait trop, ayant aperçu des dossiers compromettants à l’intérieur du coffre. Elle a quand même le temps de donner l’alerte, avant qu’ils ne quittent Manhattan pour Long Island. Si on vient à son secours, reste à déterminer qui eût le plus intérêt à éliminer Mia Mercer. Et il ne faudrait pas que le policier Flood arrive trop tard…

William Irish : Ange – L’ange noir (Éd.J’ai Lu)

Écrit en 1943, ce roman fut d’abord publié dix ans plus tard par Frédéric Ditis sous le titre “Ange” dans ses collections Détective-Club, La Chouette, et J’ai Lu policier. Il est paru sous le titre “L’ange noir” aux Éditions Christian Bourgois en 1982, puis chez J'ai Lu en 1985. Cette édition présente un dossier établi par Martine Ferrand, présentant en détail le film de Roy William Neill “Black angel”, basé sur ce roman de Cornell Woollrich / William Irish. À vrai dire, le scénario est plutôt éloigné de l’intrigue conçue par l’écrivain. Néanmoins, ce film bénéficia d’un beau budget, les nombreux décors et comédiens en témoignent. Belle réussite côté technique, montage et jeu sur le noir & blanc. Le roman fut encore réédité dans Noir, c'est noir” (Omnibus, 1992) puis dans William Irish : Romans et nouvelles” (Omnibus, 2004 et 2012).

Il est vrai queAnge – L’ange noir” n’est probablement pas le plus intense des romans de William Irish. Pourtant, c’est diablement réussi. Il utilise une structure "par épisode" que l’on retrouve dans plusieurs de ses titres (“La mariée était en noir”, par exemple) : intro, quatre parties autour des suspects, dénouement. Les suspects représente chacun des cas de figure différents, donc c’est pour la jeune héroïne autant d’aventures qui s’annoncent. Son enquête – non sans vrais dangers – n’empêche pas une part de romantisme ou de compassion chez Alberta, ce qui la rend humaine et attachante. Bon suspense concernant l’identité de l’assassin, bien sûr. Un roman qui permet d’aborder en souplesse l’univers de William Irish, plus sombre et davantage sous tension dans d’autre titres.

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8 août 2016 1 08 /08 /août /2016 04:55

Décembre neigeux, aux confins de l’Alsace et des Vosges, du côté du col de Bussang. Il y a là un petit village appelé Pierre-Fendre : une demie-douzaine de maisons autour d’une modeste chapelle. Et une place où l’on trouve un bar-hôtel sans prétention, chez Ladier, le maire de la commune. Pour l’heure, on ne peut pas dire "il gèle à pierre-fendre" : c’est une tempête de neige qui obscurcit la contrée en cette fin de journée. Par contre, si la ligne téléphonique a été coupée, ce n’est pas à cause de la neige, mais une "précaution" de deux étrangers au village qui débarquent ici. Que sont-ils venus attendre ? Peut-être leur présence a-t-elle un lien avec le hold-up qui s’est produit le même jour, dans une banque de Mulhouse, qui n’est qu’à environ cinquante kilomètres.

De son vrai nom Jean-Georges Albimi, Go est l’organisateur du braquage. Le butin est à la hauteur des risques encourus : cent millions de centimes. Sauf que, dès leur sortie de la banque, des flics sont intervenus. Ils ont pourchassé la voiture des complices de Go. Lui et son comparse Sorin ont rejoint la fourgonnette qui va leur permettre de passer inaperçus. Go continue seul, mais la tempête de neige le contraint à stopper vers le col de Bussang. Prélevant un cinquième du pactole, il arrive à pied à Pierre-Fendre. Échange immédiat de tirs avec le duo qui l’attendait : Go est blessé à la jambe, les autres sont morts. Branle-bas au bar-hôtel du village. Faute de pouvoir téléphoner à la police, un des administrés de Pierre-Fendre propose d’évacuer Go dans la vallée, à cheval, malgré la neige.

Cet homme, c’est David Corte, trente-sept ans, marié à Madeleine, vingt-huit ans. Depuis sept ans, ils ont créé ici un haras pour les touristes. Quatorze chevaux de selle et trois juments poulinières, dont David s’occupe avec son employé local Adelin. Pas la fortune, plutôt des emprunts à rembourser pour longtemps. Ça vaut toujours mieux que sa vie d’avant. Dix ans plus tôt, avant de tourner la page, il fricotait dans le petit banditisme, avec Go. Ils se connaissent, et c’est pourquoi David l’a fait quitter le village. Pour qu’il ne parle pas de leur passé en commun, et peut-être en souvenir de leur amitié. La tentation de récupérer le butin du hold-up de Mulhouse ? Ce serait la fin de ses soucis financiers, en effet. En chemin, Go cogite sur le temps-qui-passe et sur les motivations de David.

Un chasse-neige a été réquisitionné afin que des flics puissent approcher de Pierre-Fendre. Ces policiers arrivent finalement chez Madeleine, où Adelin est resté en cas de problème. Ils semblent tout savoir concernant le braquage de Mulhouse, et être bien renseignés sur le pedigree de Go et de David. Un groupe va braver la neige, se composant de Madeleine, Adelin et des trois flics. Du côté des hommes à cheval, Go craint une trahison de David, mais il a besoin d’un guide pour sortir de cette équipée forestière sous la neige…

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)

On aurait tort de sous-estimer ce suspense de Pierre Pelot, qu’il signa sous le pseudo de Pierre Suragne en 1974. D’abord, parce qu’il est bon de noter "l’unité de temps" : toute l’histoire se passe en quelques heures, de la fin d’après-midi au milieu de la nuit suivante. Ce qui assure un tempo narratif idéal. S’il y a des "pauses", sans lenteur néanmoins, elles sont consacrées à la réflexion de David ou de Go, élément essentiel pour la crédibilité du récit.

Ensuite, on comprend que Pierre Pelot connaît à la perfection les décors qu’il décrit : c’est chez lui ! Plus exactement, dans le massif du Ballon d’Alsace, à la frontière entre Alsace et Lorraine, non loin de la source de la Moselle. Les routes sinueuses aux virages en lacets, les chemins étroits avec leurs raccourcis entre forêt et montagne : on les imagine aisément enneigées, la nuit.

L’intrigue n’est pas loin de celle des westerns – deux cavaliers avançant dans un paysage désolé, après un braquage de banque, lequel s’en tirera : aucun, peut-être, s’ils se tirent mutuellement dessus à la fin ? Impression logique, puisque Pierre Pelot était l’auteur de la série Dylan Stark, dans l’ambiance Far-west. L’action et la psychologie (y compris pour Madeleine) vont de pair dans cette histoire fiévreuse. Un roman qu’on ne lâche pas si facilement, qu’on lit volontiers d’une traite. Il est encore disponible, sous forme d’EBook, produit par les éditions Milady, publié sous le nom de Pierre Pelot.

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)

Dans les décors de ce roman : la source de la Moselle, ci-dessus, se trouve à quelques centaines de mètres du Col de Bussang.

Ci-dessous, les montagnes entourant Bussang... sans neige.

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)
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