Mary Higgins Clark ou Mary Jane Clark ? Aux lectrices et aux lecteurs de choisir entre ces deux romans, désormais disponibles en format poche… ou de lire les deux.
Mary Jane Clark : Vengeance par procuration (Éd.Archipoche, 2017)
Eliza Blake est une journaliste de télévision new-yorkaise, présentant la session matinale d'infos "Key to America". Elle élève seule sa fille de sept ans, Janie. Elles sont encore sous protection depuis que la gamine a été victime d'un kidnapping durant cinq jours. Eliza à pour ami de cœur son collègue Mack McBride, trop absent car en poste à Londres. Avec BJ et Annabelle, Eliza forme une bonne équipe pour son programme, sans oublier son amie psy Margo Gonzalez. La journaliste a ses entrées dans la haute société de New York. Elle est proche de Vincent et Valentina Wheelock. Cette dernière fut gouverneur de l’État de New York, puis ambassadrice des États-Unis en Italie. Un long séjour à Rome que Vincent, conseiller officieux de son épouse, apprécia beaucoup et dont il est nostalgique.
De retour depuis quelques temps, le couple s'est installé à Tuxedo Park, dans la demeure familiale de Valentina. Leur fils étudiant Russell y loge aussi, tout en se consacrant à son avenir. Situé à soixante-dix kilomètres au nord-ouest de New York, Tuxedo Park est un site paysager tranquille réservé à l'élite. Le chef de la sécurité Clay Vitalli, père d'une jeune fille handicapée, veille strictement aux accès. Vincent a fait rénover la vieille demeure par le brillant architecte Zachary Underwood. Devenu idolâtre de Saint François d'Assise, Vincent a décidé de tout, et rebaptisé la maison "Pentimento" (le "repentir" en peinture). Le couple organise une grande fête qui sert d'inauguration, mais surtout dédiée à Saint François d'Assise. Ils reçoivent une centaine d'invités, dont Eliza Blake.
À la surprise générale, après un discours aux personnes présentes sur le thème de la repentance, Wheelock se suicide dans la serre. Eliza a pris des photos en cachette, mais pas pour les diffuser. À la télé, elle souligne néanmoins que Vincent s'est infligé des stigmates comparables à ceux du Christ. Annabelle et BJ remarquent sur une photo un pot de terre portant une double inscription. Cet indice laissé par Vincent, ils vont bientôt en découvrir le sens, ça concerne Tuxedo Park. Quelqu'un estime qu'Eunice, l'employée de maison des Wheelock, est un témoin gênant. Son décès passera pour une chute accidentelle. Valentina prépare les funérailles de Vincent, selon les volontés de celui-ci. On y lira "Le cantique de Frère Soleil", de Saint François d'Assise. Tandis que le politicien Peter Nordstrut, vieil ami des Wheelock, apparaît inquiet, Zachary Underwood l'architecte pense que Vincent a laissé un puzzle d'indices qui a un sens. Encore un témoin à supprimer…
Un suspense impeccable peut se comparer à une fine mécanique d'horlogerie. Pour que tout fonctionne avec précision, chaque élément doit trouver sa place au millimètre. Le sentiment que l'on ressent à la lecture de ce roman de Mary Jane Clark, c'est que l'intrigue y a été peaufinée afin d'approcher une perfection d'horloger. Dans la construction du récit, bien sûr, plus de cent-cinquante scènes courtes se complétant avec harmonie pour former un tableau complet. Ainsi que par la présentation détaillée, nuancée des personnages, ayant un rôle à jouer dans l'affaire, même lorsqu'il semble flou. Tout ça permet, on s'en doute, de suggérer une belle galerie de suspects. Ici, on évolue dans la société de haut-rang, entre notions intellectuelles, religieuses, et politiques. C'est l'ambiance dans les sphères dirigeantes, familles possédant du pouvoir et de la fortune depuis bien longtemps, qui est décrite dans cette histoire. Avec une belle part d'hypocrisie, et parfois quelques indicibles secrets.
Mary Higgins Clark : La boîte à musique (Le Livre de Poche 2017)
À New York, Lane Harmon est une jeune veuve, mère de la petite Katie, quatre ans. Elle est la fille d'un défunt politicien. Sa mère et le nouveau mari de celle-ci sont proches des cercles du pouvoir. Lane est l'assistante de Glady Harper, célèbre décoratrice d'intérieur au caractère affirmé. Cette dernière accepte d'aménager la nouvelle maison d'Anne Bennett, à Montclair, dans le New Jersey. Nul ne peut ignorer qu'elle fut l'épouse d'un investisseur financier escroc, Parker Bennett. Il a disparu en mer suite au naufrage de son voilier, il y a deux ans, au moment où les preuves de ses méfaits étaient avérées. Parker Bennett, qui aurait soixante-seize ans aujourd'hui, a détourné cinq millions de dollars. Si son fils Eric a remboursé ce qu'il pouvait, l'essentiel du pactole reste caché quelque part.
Eric Bennett tient à prouver qu'il n'était pas complice de l'escroquerie paternelle. Il a d'ailleurs engagé le cabinet d'investigations de Patrick Adams pour le démontrer. Pourtant, beaucoup sont sceptiques au sujet de tous les Bennett. À commencer par certaines victimes, d'origine modeste. Tel Ranger Cole, dont l'épouse vient de mourir, qui cultive une envie de vengeance. Il s'est procuré une arme à feu. Au FBI, Rudy Schell continue depuis deux ans à mener l'enquête. Ce qui se traduit bientôt par l'inculpation de la secrétaire de Parker Bennett. Sans doute Eleanor Becker fut-il fascinée par son patron, mais elle ne mesurait pas l'arnaque. Sous un faux nom, l'agent du FBI Jonathan Pierce s'est installé dans la maison voisine de chez Anne Bennett, surveillant ses visites.
Lane Harmon s'avoue attirée par Eric Bennett. Malgré l'opinion générale, elle accepte de dîner avec lui. Tous deux vont beaucoup se rapprocher, ce qui semble convenir à Katie. La décoratrice Glady a aussi pour cliente la comtesse Sylvie de la Marco, héritière d'un vieux mari. Née dans un milieu pauvre, celle-ci s'appelait Sally Chico. À vrai dire, elle n'est pas si sûre de toucher la fortune de son époux. Pour financer ses travaux, la comtesse de la Marco fait chanter un certain George Hawkins, un Anglais vivant depuis deux ans dans une île des Caraïbes. Elle est la seule à savoir qu'il s'agit de l'escroc en cavale. Outre ce chantage, Parker Bennett a un autre souci : dans sa fuite, avant de quitter le pays, il a laissé le numéro de son compte en Suisse caché auprès de sa femme Anne…
Ce résumé ne révèle rien de plus qu'une part de la base de l'intrigue, telle que racontée par l'auteure dans le premier tiers du récit. C'est dire qu'il y a bien d'autres choses à découvrir, que de multiples péripéties attendent les lecteurs. On peut compter sur le savoir-faire incontestable de Mary Higgins Clark pour faire mijoter à sa façon tous les ingrédients à sa disposition. Elle maîtrise toujours à la perfection son histoire. On évolue ici dans la haute société, avec ses valeurs et ses codes. On vit dans des quartiers huppés, des demeures décorées à grands frais. L'investisseur financier Parker Bennett s'inspire ouvertement de Bernard Madoff, qui ruina des petits épargnants par ses magouilles. Un suspense bien mené, évidemment.