Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 septembre 2015 2 22 /09 /septembre /2015 07:30

Le capitaine de gendarmerie Laurent Gourmelon est en poste à la Brigade Territoriale du Conquet, dans le nord-Finistère. Avec son adjoint, le maréchal-des-logis Rivoal, ils doivent intervenir après un incendie dans une propriété de Plougonvelin, au Trez-Hir. La victime est Marie Le Moign, née Manach, âgée de quatre-vingt-huit ans. Cette dame en fauteuil roulant n'est pas décédée à cause du sinistre : elle a été abattue par une arme à feu, dont l'origine est mal identifiable. Mme Le Moign était fortunée, grâce à la vente de l'entreprise porcine fondée par son défunt époux, dont la marque de pâtés reste célèbre. Il y eut un conflit familial entre héritiers, le fils Yann Le Moign (avec sa bourgeoise épouse) captant l'essentiel au détriment de sa sœur Nicole. Homosexuelle, celle-ci partit vivre à l'étranger. C'est pour d'autres raisons que, jadis, les deux frères de Mme Le Moign fuirent la France.

Âgée de quarante ans, Sahliah Oudjani est lieutenant à la gendarmerie maritime de Brest. Ancienne sportive, cette franco-algérienne est native de Roubaix. Si elle reste en contact téléphonique avec son père et sa tante, Sahliah Oudjani se considère en exil au bout de la Bretagne. Heureusement, elle s'est trouvée une amie, Wahiba. Enquêter sur la mort d'un Allemand venu se suicider à Brest, ça l'intéresse moyennement. Dans les années 1970 et début des années 1980, Hans Schwitzer fut un activiste de la Fraction Armée Rouge. Un membre de la Bande à Baader, un proche terroriste Carlos, qui passa ensuite de longues années en prison. Pourquoi venir mourir dans cette ville avec laquelle il ne semblait avoir aucun lien ? Là encore, on a des difficultés à déterminer quelle arme il a utilisé. Wahiba fait remarquer à Sahliah qu'il peut exister un rapport avec la mort de Mme Le Moign.

L'institutrice Maryse Pereira-Dantec habite en Seine-Saint-Denis. Son père communiste Jean Dantec fut durant quelques décennies maire de la ville, avant de retourner vivre dans le Finistère. Viviane, la sœur avocate de Maryse, s'est éloignée vers le sud de la France. Désormais retraitée, l'institutrice prépare un mémoire de thèse concernant Brest au temps de la Seconde Guerre Mondiale. Résistant FTP à l'époque, son père lui en a souvent parlé, mais elle a besoin de bien davantage de témoignages documentaires. Jean Dantec étant hospitalisé, Maryse sera sur place pour lui autant que pour son étude historique. Certains vieux communistes locaux et les journaux collabos d'autrefois lui permettent d'avancer dans ses recherches. En octobre 1943, l'arrestation d'un groupe de Résistants brestois, transférés à la prison Jacques-Cartier de Rennes, est un épisode important de la guerre.

Le capitaine Gourmelon et la lieutenant Oudjani vont faire équipe, avec la bénédiction de leurs supérieurs. D'ailleurs, Sahliah a été dessaisie de son enquête au profit du policier Maurice Bonizec. Sans doute ce flic est-il peu fiable, mais il enrage quand la DCRI décide que la mort d'Hans Schwitzer mérite d'être vite classée. Les juges d'instruction des deux affaires apparaissant fort frileux, heureusement que le supérieur de Gourmelon soutient le capitaine. Les héritiers de Marie Le Moign sont-ils à mettre trop vite hors de cause ? Que le maréchal-des-logis Rivoal soit un passionné de généalogie va être utile à l'enquête de Gourmelon et Oudjani. Les travaux de Maryse Dantec les aideront également à éclairer un aspect de la sombre histoire brestoise du temps de la Résistance…

Marek Corbel : Les gravats de la rade (Éditions Wartberg, 2015)

Afin de ne pas en dévoiler davantage, contentons-nous de rappeler qu'il a toujours existé des nuances et des divergences dans les idéologies communistes. Durant la guerre, pour les occupants nazis et leurs amis collabos, ça ne faisait aucune différence, il est vrai. Si l'enquête se passe au début des années 2010, c'est bien dans le passé qu'il convient de fouiller pour établir la vérité. Avec deux héros qui ne manquent pas de caractère. Sahliah Oudjani la Nordiste a toujours dirigé sa propre vie, tout en respectant sa famille. Laurent Gourmelon, divorcé, père de deux filles, est moins agressif et plus méthodique qu'elle, mais tout aussi obstiné. Ils étaient faits pour coopérer, et plus si affinités.

On peut discuter le découpage scénique choisi par l'auteur. L'essentiel est qu'il n'entrave pas trop la fluidité de lecture. Il est clair que Marek Corbel s'est parfaitement documenté sur les questions historiques liées à son sujet. C'est ce contexte qui donne sa consistance au roman, bien sûr. Y compris via les références à la Fraction Armée Rouge allemande de la décennie 1970. Originaire de Bretagne-sud, l'auteur connaît bien les lieux décrits, sans donner une allure de carte postale à ces décors. Un suspense vivant, un polar de belle qualité.

Partager cet article
Repost0
21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 04:55

New York au début des années 1980 est le terrain de jeu d'une faune disparate, mi-artiste mi-paumée. La franco-américaine Cécile, poétesse de vingt-cinq ans, en fait partie. Afin de subvenir à ses besoins, elle organise un astucieux cambriolage dans un grand magasin. Le fourgue Davenport est réglo : vingt mille dollars à la clé. Mike Brewer, quarante-cinq ans, flic privé au service du magasin détroussé, rôde volontiers dans les soirées dédiées à l'art underground. Il pourrait y repérer Cécile.

Le compagnon de la jeune femme, Soler, est un Portoricain d'origine. Depuis toujours il fait preuve de créativité, se sentant viscéralement artiste peintre. La reconnaissance du talent, le véritable succès, ce n'est pas offert à tout le monde. Alors, Soler végète, se bornant à copier celui qui a la meilleure cote en ce moment. Il crée des fausses œuvres de Jean-Michel Basquiat. Faut-il croire la version de Soler, quand il prétend ne pas l'imiter ? Le requin qui tire profit tous azimuts, c'est Ruben Fonseca. Vendre de la dope ici, et des faux Basquiat à l'étranger, bon bizness. À conditions de respecter les supports particuliers de l'original, et que des experts ne s'en mêlent pas.

Le détective Mike Brewer n'a pas eu de mal à retrouver Cécile. Elle circule à travers New York sur son nouveau scooter, acquis grâce aux gains du cambriolage. Brewer entend bien tirer parti financièrement de la situation, même si la fortune est rare autour de Cécile. Toutefois, quand on s'en prend à son amie, Soler n'est pas de ceux qui restent sans réagir. Tout cela n'arrange guère les affaires de Ruben Fonseca.

Et Basquiat ? Tout est source d'inspiration pour cet artiste. La négritude de ses origines haïtiennes et portoricaines. Son Brooklyn natal et le quotidien citadin new-yorkais, même s'il ne graffe plus sur les murs. Les combats de coqs traditionnel et le vaudou d'Haïti. La musique, car Basquiat est aussi doué pour ça que pour le reste, et même pour les langues étrangères. Sa mère Matilde internée en psychiatrie, sûrement. Sa compagne junkie Suzanne, peut-être un peu, également.

Quand on a vingt-trois ans, lorsque le tourbillon effréné de la gloire et de l'argent vous entraîne, on n'a ni le temps ni l'envie de s'attacher à l'instant. Basquiat se drogue, oui. Quelqu'un comme lui qui a du génie, n'aurait nul besoin de cet expédient. Dans les tréfonds de son être, son instinct lui susurre probablement qu'il est destiné à vivre vite et à mourir tôt. L'art et la mort sont des partenaires de longue date…

Marc Villard : Jean-Michel de Brooklyn (Éd.Cohen & Cohen, 2015)

Pour qui ne connaît pas Jean-Michel Basquiat ou son œuvre remarquable, les références indiquées par l'auteur en fin de volume, et les multiples pages Internet dédiées à l'artiste, sont là pour ça. L'excellent Marc Villard, lui, s'inspire de l'univers de Basquiat et du climat new-yorkais d'il y a une trentaine d'années, pour nous proposer une authentique histoire noire. Il ne s'attarde pas sur l'addiction du peintre, il a raison. Certes, même en Haïti, il trouve bien vite un dealer. Néanmoins, ce sont ses tripes et sa lucidité qui firent de Jean-Michel Basquiat un géant de la créativité artistique.

Cette puissance émotionnelle, cette apparente naïveté faussement brouillonne, rien à voir avec des gribouilleurs branchés. Ce garçon nous a livré son âme, son regard sur le monde. Et les personnages de ce roman sont eux aussi, chacun à leur manière, proprement ou salement, des jusqu'au-boutistes. On peut compter sur Marc Villard, sur sa précision des mots et des images, pour nous faire partager avec force l'esprit de cette époque-là.

Partager cet article
Repost0
19 septembre 2015 6 19 /09 /septembre /2015 04:55

Début janvier frisquet dans la région de Rouen. Grimé façon Madame Doubtfire, le policier Lejeune (dit BHL) sermonne vigoureusement un petit délinquant qui a cru que l'agression de vieilles dames était un sport autorisé. Il ne devrait pas recommencer de sitôt, Jorge, le jeune Lusitanien d'origine, s'il a un brin de jugeote. L'irascible commissaire Chassevent invite ensuite Lejeune à une autre mission. Un quidam nommé Tudor Lupu est mort chez lui, à cause d'émanations toxiques de monoxyde de carbone. Pour le lieutenant de police, une autopsie ne saurait nuire, juste histoire d'être affirmatif sur l'asphyxie. Jadis champion international roumain de hand-ball, Lupu avait glissé entraîneur de son sport en France, avant de tomber gardien de gymnase alcoolo. Ce qui explique mal son compte en banque, fort bien garni en comparaison de son salaire à temps partiel.

Puis c'est un proxénète roumain de Paris, Laslo Rotaru, qui prend un pruneau direct dans le citron à Rouen, laissant deux jeunes putes en guise de veuves éplorées. Pas sûr que le flic-cador parigot envoyé sur place, bien vite surnommé la Fistule, soit plus avancé que le menu fretin policier local du commissaire Chassevent. Avec sa collègue Clarisse, Lejeune explore les éventuelles sources occultes de revenus de Tudor Lupu. La mafia sportive du coin et la bourgeoisie du cru pratiquent une diplomatique omerta. Lejeune progresse sur la piste des agressions de vieilles dames, réitérées par le jeune portos Jorge qui semble n'avoir pas compris la leçon précédente. La lycéenne Tania Malarce serait l'égérie d'une bande nihiliste commettant ces actes répréhensibles. Le fossé générationnel entre l'instigatrice et le flic, bienveillant de nature, se fait néanmoins sentir.

Ainsi donc, Tudor Lupu jouait au poker dans un clandé aseptisé avec la gentry provinciale étriquée ? Ses partenaires déclarent qu'il lâchait plus de fric qu'il n'en ramassait dans ces parties. Monique, la pin-up décatie du groupe, vamp sexagénaire, n'a guère de révélations à offrir à l'enquêteur, juste une chevauchée sexuelle. Le commissaire Chassevent s'étant entiché de l'affaire, il ne reste plus à Lejeune et à son collègue Justin qu'à secouer le banquier de Lupu. Côté sécurité des dames âgées, la hiérarchie et la préfecture exigent la "tolérance zéro". Lejeune n'a pas l'intention de servir de punching-ball pour alpaguer le duo : ça risque de chauffer pour Tania et Jorge, d'autant que le môme est asthmatique. Démanteler un réseau parfaitement illégal, telle est la solution pour désembrouiller tout ça. "Alea jacta est", comme on dit en patois rouennais…

Pascal Jahouel : Un temps de chien (Éd.Lajouanie, 2015)

Il y a des auteurs dont on regrette qu'ils écrivent ou publient peu, car on prend un grand plaisir à lire leurs œuvres. C'est le cas de l'excellent Pascal Jahouel. Son héros Bertrand-Hilaire Lejeune avait réjouit ses lecteurs dans trois précédentes aventures (Archi mortel, La gigue des cailleras, Dix de derche) parues chez Krakoen. On est carrément heureux de le retrouver pour cette nouvelle enquête. Son hygiène laisse encore à désirer, il n'aime toujours pas les diktats de ses chefs, il n'a guère envie de mettre des ados derrière les barreaux, et il ne craint pas de brusquer des témoins pas assez coopératifs, surtout s'ils s'affichent hautains. Un non-conformisme sympathique émane de ce personnage.

Conformément à la tradition, deux enquêtes se chevauchent. Ont-elles un point commun ou l'auteur choisit-il un dénouement alternatif ? On le découvrira. Au-delà du suspense, on ne peut qu'adorer la tonalité amusée du récit, le langage enjoué à tendance argotique. Et de bien belles descriptions, tel le marivaudage d'un couple : “Ils sont visiblement dans les starting-blocks pour une amourette parjure. Manifestement lui est partant pour un adultère final avant l'échouage dans la sénescence et la déchéance libidinale. Le bastion est prenable. Elle, fausse prude, n'a visiblement rien contre l'idée d'une partie de gambettes en l'air extraconjugale. Son petit manège séducteur, qui consiste à le bouffer des yeux et à s'esclaffer à la moindre de ses pitrerie, en est le gage.”

Un polar rythmé par ses péripéties agitées autant que par une narration souriante et inspirée, voilà ce que nous propose Pascal Jahouel dans “Un temps de chien”. Délicieuse comédie à suspense, pour un régal de lecture.

Partager cet article
Repost0
18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 04:55

Âgée de trente-sept ans, Alexandra Hemingway est policière à New York depuis dix ans, dont les sept dernières années à la Criminelle. De grande taille et sportive, elle pratique le kayak sur l'East River. Elle conduit son Suburban, un gros SUV, dans la circulation citadine. Elle s'est quelque peu éloignée de ses parents, mais garde contact avec sœur Amy, son frère Graham, et son oncle avocat Dwight. Elle vit avec Daniel, et vient d'apprendre qu'elle était enceinte de six semaines. Alexandra est une flic de choc, aux réflexes rapides et dure au mal. Suite au décès de son compagnon flic Moses Mankiewicz, l'affaire Decker entraîna des séquelles physiques pour elle. Se confier à la tombe du défunt policier participe à une sorte de psychothérapie. Son partenaire à la Criminelle, c'est Jon Phelps. Marié à Maggie, père de famille, il est bien plus âgé qu'elle. Il se cultive en regardant Discovery Channel. Bien que corpulent, Phelps est toujours vif quand il s'agit de réagir.

Des élèves de milieux fortunés âgés de dix ans, repérables dans leurs uniformes scolaires, sont kidnappés non loin de leurs écoles. Le cadavre du petit Tyler est retrouvé dans la rivière, deux heures après sa disparition, les pieds sectionnés. Puis, dans le cas de Bobby, on a égorgé son chauffeur qui l'attendait, avant de mutiler l'enfant à son tour. Les deux jeunes victimes étaient vivantes quand on les a amputées. Un suspect apparaît bientôt dans les fichiers de la police. Âgé de cinquante-six ans, Trevor Deacon fut inquiété trois décennies plus tôt pour pédophilie, mais peu poursuivi. Depuis qu'existe Internet, c'est si facile de trouver des mômes pour ces prédateurs. Les policiers débarquent dans le miteux logement de Deacon, muni de portes blindées. Ils y trouvent son cadavre découpé, depuis peu. Dans son congélateur, derrière une porte à l'effigie d'une araignée, soixante-quinze pieds d'enfants. Les pieds de ces garçons seront assez vite identifiés.

Après Bobby, retrouvé aussi dans l'East River, c'est le petit Nigel qui est victime du tueur. Tous trois ont été conçus par insémination à la clinique Park Avenue. Brayton, le médecin qui s'en chargea, a disparu depuis des États-Unis. Alexandra se heurte à l'hostilité de la féroce directrice, Marjorie Fenton, mais la policière fonceuse n'a pas peur d'elle. L'actuel médecin de la clinique, le docteur Selmer, se montre plus coopératif, parce qu'il sait que sa carrière est fichue. En fait, il sera bientôt éliminé. Probablement parce qu'il connaissait le nom de l'unique donneur, père génétique de soixante-sept enfants. La mort de Selmer permet à la police d'exiger l'accès à tous les dossiers des familles concernées. La plupart de ces parents ont des comportements spéciaux, aux yeux des enquêteurs. Alexandra fait appel à son oncle avocat afin d'explorer une autre piste, grâce au dealer de Deacon.

L'équipe d'Alexandra intervient à bord du ferry sur l'Hudson où on pense avoir localisé le tueur, à cause du GPS de son téléphone. Ils retrouvent encore une victime massacrée du même âge, le petit Zachary. Aucune trace du tueur sur les vidéos de surveillance du ferry. Le traitement à la clinique produisit également huit fillettes, autre piste pour Alexandra. Le tueur va viser la policière, mise en avant dans les médias qui traquent la moindre info dans cette affaire, mais se trompera de cible. Le tueur continue à s'attaquer à d'autres garçons, y compris lors d'une compétition sportive scolaire sur Randall's Island, où il supprimera un des collègues d'Alexandra. Comment cerner les vraies motivations et le mode opératoire de cet adversaire ?…

Robert Pobi : Les innocents (Sonatine Éd., 2015) – Coup de cœur –

New York est la métropole idéale pour situer une intrigue à suspense, quantité d'œuvres de fiction l'ont déjà démontré. Entre Central Park et l'East River, l'Upper East Side est le quartier le plus rupin de Manhattan. Population fortunée et classieuse, écoles huppées que fréquentent les heureux rejetons des meilleurs milieux. C'est dans ce décor peu anxiogène que l'auteur situe cette suite criminelle. Bien qu'on ne badine pas avec la sécurité dans ce secteur, une tension certaine va en gâter l'ambiance. D'autant que les médias racoleurs ne se privent pas d'alimenter l'inquiétude quels que soient les efforts de la police.

Au centre de l'affaire, une policière baroudeuse et son compère enjoué. Ils connaissent les statistiques sur ce sujet ultra-sensible : “Six mille cinq cents enfants disparaissent à Manhattan et dans les environs proches chaque année : quatre-vint-dix-sept pour cent de ces disparitions sont des fugues ; environ cent cinquante cas s'avèrent être des enlèvements commis par des parents qui n'ont pas la garde de ces enfants ou par des membres de la famille ; une quinzaine enfin disparaissent de la planète sans laisser la moindre trace.” Face à un tueur agissant vite, les flics se doivent d'être aussi réactifs.

L'étiquette "thrillers" s'applique à des romans souvent bien construits, riches en mystère et en rebondissements. Certains sont nettement plus convaincants que d'autres, quand ils parviennent à faire partager aux lecteurs le vécu et la psychologie des protagonistes dans un contexte particulier, troublant, angoissant ou sanglant.

Et puis, il existe des thrillers supérieurs, tel “Les innocents” de Robert Pobi. Non seulement, l'auteur utilise les meilleurs ingrédients du genre, mais il nous captive de la première à la dernière page. Parce que les victimes sont, pour l'essentiel, des enfants de dix ans brillants, surdoués ? Du fait que l'enquêtrice et ses collègues ne ménagent pas leur peine ? Parce l'assassin apparaît d'une grande perversité ? Oui, et pour beaucoup d'autres raisons. Un suspense enthousiasmant, palpitant, un des plus passionnants de l'année.

Partager cet article
Repost0
16 septembre 2015 3 16 /09 /septembre /2015 04:55

À Libreville, Benito, Tata et Balard, des jeunes d'une vingtaine d'années, traînent à la nuit tombée. Un accident de voiture mortel se produit dans le quartier d'Akébé2. Le trio en est le premier témoin. À côté du défunt conducteur, ils ramassent une mallette. Outre une jolie somme, que ces trois-là vont vite claquer, il y a une série d'une dizaine de photos. On y voit les plus hautes autorités gabonaises en pleine réunion maçonnique. Y compris le Président de ce pays, où l'on a tôt fait d'assimiler à de la sorcellerie ce qui concerne les Francs-Maçons. Ces images secrètes sont synonymes d'ennuis, pense Bénito. Mais elles peuvent se monnayer très cher, estime Tata. Peut-être que son ami Gaspard Mondjo, du journal indépendant L'Enquêteur, pourrait l'aider à trouver le bon client.

Quand il ne consacre pas son temps à parier sur les courses du PMU, le capitaine Pierre Koumba, de la PJ, fait quand même son métier. Son supérieur le charge d'enquêter sur la rumeur persistante qui court en ce moment à Libreville. On raconte que des hommes sont abordés dans la rue par des inconnus qui, sans les toucher, leur ratatinent les attributs virils. Ils n'auraient plus que des sexes aussi peu développés que ceux de garçonnets. On a baptisé les coupables, causant une psychose générale, “les voleurs de sexe”. La virilité n'est pas un sujet de plaisanterie au Gabon, on risque des émeutes. Il se produit déjà bien assez de lynchages dans cette ville. Avec son collègue Jacques Owoula, le capitaine Koumba doit élucider au plus tôt cette énigmatique affaire, définir de quelle sorte d'arnaque il s'agit.

Âgé de vingt-cinq ans, Kader a plutôt bien réussi jusqu'à présent dans le banditisme. Il met sur pied un futur braquage, avec ses deux compliques habituels, Pepito et Poupon. Li Chang est le patron de la China Wood, une entreprise d'autant plus prospère qu'il paie mal son personnel. Chaque mois, il va retirer un gros paquet de fric en billets à sa banque. Ça pourrait faire dans les trente millions de Francs CFA, le salaire de ses employés. Li Chang est un petit bonhomme peu impressionnant, qui conduit son propre 4x4, sans utiliser d'escorte de sécurité, semble-t-il. Kader et ses amis ont quelques jours pour se préparer. Pepito sait à qui s'adresser pour obtenir des armes puissantes. Le jour venu, il suffira de prendre Li Chang en filature, en espérant que le braquage ne soit pas trop sanglant.

Des photos compromettantes impliquant des officiels, c'est le domaine des gendarmes de la DGR, Direction Générale des Recherches. Ce n'est pas la somme finalement pas trop élevée demandée par Tata et ses amis, qui pose problème. C'est davantage l'origine des images qui les oblige à agir, afin d'éviter un scandale. Côté policiers, Koumba et Owoula sauront retrouver avec profit le butin de l'attaque contre Li Chang. Victime des “voleurs de sexe”, un homme les aidera à remonter jusqu'au cerveau de l'affaire…

Janis Otsiemi : Les voleurs de sexe (Éd.Jigal, 2015)

Que des intrigues policières aient pour décor l'Afrique, il n'y a pas là motif à s'extasier. Ce continent a été au cœur de divers romans d'aventure. Souvent réussis, comme dans le cas de la délicieuse Mma Ramotswe, détective au Botswana. Pourtant depuis plusieurs années, un auteur gabonais se singularise : Janis Otsiemi. Parce que les histoires qu'il raconte se passent dans son pays, principalement dans la capitale Libreville, là où il habite et où il écrit. C'est de l'intérieur qu'il témoigne du quotidien de ses concitoyens, de l'ambiance qui règne aussi bien dans les rues qu'au niveau des dirigeants.

Les conditions de vie ne sont pas médiocres, mais seraient plus profitable à la population sans la corruption perpétuelle : “Les conflits d'intérêt, c'était pas ce qui manquait dans le patelin. Et cela ne semblait choquer personne… Les nouvelles autorités politiques en place ne manquaient pas de toupet pour afficher une volonté de façade d'éradiquer le phénomène. Pourtant, de grosses fortunes s'étaient constituées pendant le boom pétrolier et continuaient à se faire impunément. Elles avaient planqué leurs avoirs à l'étranger et dans des paradis fiscaux...” Quant au peuple, en moyenne plutôt jeune, il dépense vite le peu d'argent qu'il gagne. Alcools et prostituées sont aisés à se procurer pour les hommes.

Parmi les qualités de l'auteur, il y a son sens du rythme narratif : l'enchaînement des scènes sur un tempo fluide s'avère impeccable. Sans oublier le charme du langage qu'il emploie. Grâce à des mots locaux, du kongossa (la rumeur) à la têtutesse (l'obstination) en passant par les mange-milles (les ripoux) ou les matitis (les bidonvilles). Mais aussi par une écriture personnelle : “Tata couda Benito dans les côtes pour le faire descendre de son piédestal musical” quand son pote s'isole avec des écouteurs, écoutant du rap.

Janis Otsiemi n'est plus un simple “espoir” devant prouver son talent : il a le droit de s'afficher comme l'égal des meilleurs auteurs de polars actuels, quelle que soit leur origine. Ce nouveau titre en atteste, une fois de plus.

Partager cet article
Repost0
15 septembre 2015 2 15 /09 /septembre /2015 04:55

Marié, père de famille, l'inspecteur Robert Maguire est policier à Chicago. Le 21 mai 1956, il est appelé chez lui en pleine nuit pour un homicide. La victime étranglée est une jeune femme, sans le moindre lien avec le gangstérisme. Il s'agit d'une institutrice célibataire, enseignante en maternelle, Carole Shaw. Avec son collègue Pete, Maguire n'espère guère dénicher d'indices sur les lieux du crime, l'appartement de la défunte. Ils interrogent le concierge, ainsi que les voisins dans l'immeuble. On leur parle de l'ex-petit ami de Carole, un professeur de mathématique nommé Martin Kramer habitant Prospect Street.

Celui-ci est effronté d'apprendre la mort brutale de Carole. Ils se connaissaient depuis quatre ans. Ils sont sortis ensemble durant six mois. La jeune femme a rompu le 6 avril. Kramer aurait voulu qu'ils se marient, elle n'y tenait pas. Le policier est conscient que Kramer n'est pas leur coupable. Une note de restaurant trouvée dans le sac à main de la victime conduit les enquêteurs au Hannigan's. La serveuse se souvent très bien du couple. Carole Shaw était avec un homme d'une trentaine d'années, grand et séduisant. Une autre piste amène les policiers au musée, le couple ayant visité une exposition sur l’Égypte de Toutânkhamon. Un gardien affirme que l'homme était un ancien militaire.

Faute d'élément supplémentaire sur Carole, le duo de policier se lance dans une enquête de proximité fort peu excitante. Ils trouvent quelques témoins, réussissent à délimiter le secteur de huit à dix blocs d'habitations où vit probablement le suspect ressemblant un peu à l'acteur Montgomery Clift. L'inspecteur Maguire n'a pas l'occasion de rencontrer alors Maryanne Shaw, la sœur de la victime. Mais, même ça reste aléatoire, il obtient un portrait-robot pouvant l'aider. Dans un bar, un client reconnaît le peintre en bâtiment qui travaille dans son immeuble. Entre-temps, un autre homme s'est dénoncé à la police. Oui, Lewis Woodroffe ressemble à Montgomery Clift. Il avoue son crime : c'est le meurtrier le plus docile et coopératif du monde. Il n'avait pas l'intention de tuer Carole Shaw, ce fut comme une impulsion. Tout est clair, il n'y aura plus qu'à attendre le procès.

Mais Maguire sait que, si les gens honnêtes sont plutôt vagues et indécis, les menteurs ne changent jamais leur version. Il ne parvient à convaincre personne que quelque chose cloche. Lewis Woodroffe se retrouvera donc le 7 novembre 1960 dans la salle d'exécution de la prison. En présence de Maryanne Shaw, sœur de la victime. Elle aurait pu témoigner du caractère volage de la rousse Carole. Mais pour Maryanne, l'heure est à la sanction du criminel. Lewis Woodroffe aurait eu beaucoup de détails à donner, également. Sur son père Ray, un homme violent qui maltraitait sa mère. Sur son jeune frère Eugène, que Lewis protégea contre leur père. Sur l'époque où les deux fils quittèrent la maison. Sur la brune Caroline McCready, évidemment, qui hanta longtemps Lewis. L'inspecteur a raison de douter de la culpabilité de Lewis Woodroffe…

Fabrice Colin – Sacha Goerg – R.J.Ellory : Chicagoland (Éd.Delcourt, 2015)

Fabrice Colin est un écrivain qui a, depuis 1997, bon nombre de nouvelles, de romans et de scénarios de bédés à son actif. Sans doute une certaine expérience est-elle nécessaire pour adapter un texte de R.J.Ellory, effectivement. À l'origine, il s'agit de trois nouvelles, trois points de vue sur le meurtre de la jeune institutrice Carol retrouvée étranglée dans son appartement, triple témoignage sur les trompeuses apparences de cette affaire, ce qui n'empêchera pas l'exécution du condamné. C'est un sombre suspense, bien qu'il ne porte pas sur la mort de Lewis, mais sur ses secrets douloureux. Et, à travers les images dont se souvient sa sœur Maryanne, sur la personnalité troublante de la victime.

Le contexte américain de la fin des années 1950 (ainsi qu'un peu celui des années 1930) n'est pas négligeable dans cette histoire. Le dessinateur Sacha Goerg l'illustre à sa manière, esquissant ou suggérant des décors qui sont reconnaissables, restituant en plans moyens et gros plans les scènes plus intenses, ou certains interrogatoires. Notons avec un sourire l'allure de la vieille Mme Gerrity, à laquelle il ne faut pas de cadeau. Moins amusant, Ray Woodroffe apparaît dans toute sa méchanceté. La belle harmonie entre le scénario et le dessin offre un atout majeur à cet album, un équilibre au service de l'intrigue imaginée par R.J.Ellory. Amateurs de polars et lecteurs de bédés vont assurément apprécier.

Partager cet article
Repost0
14 septembre 2015 1 14 /09 /septembre /2015 04:55

Âgé de soixante-neuf ans, Mas Arai est un jardinier d'origine japonaise. Il vit à Altadena, une localité californienne au pied des monts violets de San Gabriel, près de Los Angeles. Il est veuf de Chizuko, son épouse emportée par la maladie, et père de Mari. Celle-ci s'est installée à New York, loin de son père. Mas apprendra incidemment qu'elle s'est mariée avec un hakujin, un blanc, et qu'elle est enceinte. Mas fut un joueur invétéré, mais cette passion de flambeur s'est calmée avec le temps. Haruo, son ami au faciès disgracieux, a cessé de jouer lui aussi. Mas continue son métier de jardinier, avec son fidèle pick-up Ford de 1956 au moteur graisseux, bien équipé par ses soins. Mais des clientes depuis trente ans, telles que Mme Witt, risquent de le lâcher bientôt, vendant leurs propriétés.

Parce que leurs filles sont du même âge, Mas est resté ami avec le bricoleur Tug Yamada, un homme fiable, et son épouse Lil, fière de sa fille étudiante en médecine. Au magasin de tondeuses de Whisbone Tanaka, le vieux Mas retrouve des jardiniers de sa génération. Mais tous les jardiniers japonais de Californie n'ont pas le même parcours. Si certains sont des nisei, des Américains d'origine japonaise de deuxième génération restés aux États-Unis, Mas est un kibei. Né le 18 octobre 1929 sur le territoire américain, il a grandi au Japon. Au temps de son enfance, cette tradition kibei était assez habituelle. Mas ne tient guère à rappeler qu'il est un des survivants de la bombe d'Hiroshima. Pourtant, cet été-là, un détective privé venu du Japon s'intéresse de trop près à des rescapés d'alors.

Ce Shuji Nakane et son collègue américain Hawthorne n'inspirent pas confiance à Mas. Ils cherchent Joji Haneda, installé de longue date aux États-Unis, qui semble avoir disparu. Si Mas le connaît trop bien, il ne leur dira rien. Ils étaient copains adolescents, travaillant à la gare d'Hiroshima avant le jour fatidique. En 1972, Mas projeta d'acquérir une pépinière en Californie, mais Joji Haneda lui souffla l'affaire. C'est ainsi qu'ils sont fâchés depuis près de trente ans. Mas sait quelle est la véritable identité de cet homme : Riki Kimura. Il est plus prudent pour tous deux de ne pas la révéler. À peine Mas a-t-il débuté une petite enquête sur Joji Haneda, qu'on lui vole son bien le plus précieux : son pick-up Ford de 1956. Par ailleurs, quel rôle joue donc cette Junko Kakita, amie du soi-disant Haneda ?

Yuki est un jeune Japonais débarquant en Californie, cherchant des traces de sa famille, pour sa grand-mère Akemi Haneda. Mas garde le souvenir d'Akemi au temps où elle était une jeune fille : il la croyait décédée à cause de la bombe d'Hiroshima. Peut-être sont-ils appelés à se revoir ? Joji Haneda réapparaît à l'occasion d'une partie de poker organisée par Whisbone Tanaka. Mas et Tug Yamada sont présents, ainsi que Yuki. Un esclandre se termine en bagarre violente à l'issue de la partie. Mas culpabilise d'impliquer ses amis Tug et Lil dans cette sale affaire. Quand Junko Kakita est tabassée chez elle, c'est le jeune Yuki qui risque de sérieux ennuis avec la police. Le vieux Mas met tout en œuvre pour que cesse cette série de situations très contrariantes, voire dangereuses…

Naomi Hirahara : La malédiction du jardinier kibei (coll. L'Aube Noir, 2015)

Bien que le vieux jardinier Mas ait déjà été le héros de cinq romans aux États-Unis depuis une dizaine d'années, on ne fait qu'aujourd'hui sa connaissance. Excellente initiative de nous le présenter en France, car c'est un personnage franchement sympathique. Il s'agit d'un travailleur manuel qui ne roule pas sur l'or, mais qui aime son métier. Malgré les secousses qu'il va subir, il s'estime en bonne santé : “Il avait survécu au bombardement, fumait un paquet de cigarettes par jour depuis l'âge de quinze ans, et pourtant sa femme et beaucoup d'autres étaient morts avant lui, dès la soixantaine.” Il pense à sa défunte épouse, et à sa fille qui s'est éloignée de lui. Son expérience de vie est assez vaste pour affronter les difficultés, pour ne pas accorder sa confiance à tort et à travers.

Ce roman, qui ne manque pas de péripéties, ne privilégie pas une enquête. C'est plutôt la sociologie qui est mise en valeur. Grâce à l'auteure, qui utilise ses propres références, on pénètre dans un milieu fort méconnu, chez les Américains d'origine japonaise : il semble que nombre d'entre eux devinrent jardiniers sur la côte ouest. Non sans un regard sur l'évolution urbaine de la Californie et du Japon, au passage. Derrière cette intrigue, plane évidemment l'ombre funeste du bombardement d'Hiroshima en 1945, qui fit une quantité mal calculable de victimes. Depuis, les autorités japonaises ont mené de multiples études, en particulier médicales comme on le voit ici, sur l'évènement et ses suites. Au-delà de l'aspect purement polar, on apprécie vivement tout le contexte autour du héros. On espère lire bientôt ses autres aventures.

Partager cet article
Repost0
12 septembre 2015 6 12 /09 /septembre /2015 04:55

À Painter, bourgade de l'Oregon, on connaît cette serveuse dans un bar pour bikers sous le nom de Freedom Oliver. Sa patronne lesbienne, sa vieille voisine gâteuse Mimi, et sa copine prostituée noire "Passion" (Ann) sont les seules proches de cette quadragénaire. Il y a aussi l'agent de police Mattley, divorcé ayant la garde de son fils de sept ans. À chaque fois que Freedom est ivre à l'excès, il fait preuve de calme pour la ramener chez elle. Il leur est arrivé de flirter tous les deux, un soir de fête nationale. C'est parfois contre les dragueurs lourdingues de la clientèle du bar que s'échauffe Freedom, répondant par la violence. Là, c'est un duo de marshals basés à Portland qui doit intervenir en sa faveur. Car elle bénéficie d'un statut de témoin protégé.

Elle ne s'appelle pas Freedom Oliver. Vingt ans plus tôt, son nom était Vanessa Delaney, dite Nessa. Elle vivait à Mastic Beach, dans l’État de New York. Elle était l'épouse de Mark Delaney, policier, qui appartenait à la tribu des fils junkies de l'obèse Lynn Delaney : Luke, John, Matthew, et leur frère handicapé en fauteuil Peter. Nessa avait un fils, Ethan, qui a vingt-quatre ans maintenant, et une fille Layla âgée aujourd'hui de vingt ans. Elle n'a pas pu s'occuper de ses enfants, qui ont été confiés au couple Virgil et Carol Paul. Le révérend Virgil Paul est à la tête d'une "église" à Goshen, Kentucky, comptant plus de quatre cent cinquante fidèles, les Adventistes du Troisième Jour. Ce pasteur se montre plus que directif, tandis que son épouse est probablement moins équilibrée qu'elle paraît.

Brillant jeune avocat de Louisville dans le Kentucky, Mason Paul a rompu tout contact avec ses parents adoptifs. Néanmoins, via Internet, il n'a jamais cessé d'avoir des nouvelles de sa jeune sœur, la rouquine Rebekah Paul. Alors qu'il devait partir en vacances avec Violet, sa fiancée, Mason apprend que sa sœur a disparu. Parce qu'elle fréquentait des bars mal famés, ou parce qu'elle avait décidé de fuguer vers l'Ouest ? On sait juste qu'elle avait fait la connaissance de Gabriel, prêt à voyager avec elle. Ce jeune homme a été grièvement blessé, tandis qu'on kidnappait Rebekah. Mason Paul va retourner enquêter à Goshen. En sachant d'avance que le shérif Don Mannix est un adepte de la secte de Virgil Paul, et que la police locale n'hésitera pas à cogner l'avocat au besoin.

Les fils de Lynn Delaney savent où, et sous quel nom, se cache Nessa. Matthew, Luke et John partent en chasse. Ils estiment que leur vengeance est justifiée, en mémoire de leur défunt frère Mark, le policier. Car si Nessa fit deux ans de prison avant un non-lieu, c'est Matthew Delaney qui passa dix-huit ans derrière les barreaux pour ce meurtre qu'il n'avait pas commis. Que leur frère Mark ait été un pourri battant Nessa, ils l'ont oublié. Que la jeune femme ait été violée par Matthew, c'est du passé. Seul Peter, le frère handicapé, a choisi d'agir autrement. Il n'ignore pas que Mason et Rebekah sont les enfants de sa belle-sœur Nessa. Il est bien informé également sur la récente disparition de Rebekah. Peter entre en contact avec l'avocat Mason Paul. Ensemble, ils peuvent être efficaces.

Pour quitter l'Oregon en direction de Goshen, Nessa n'a pas fait dans la demie-mesure. Ce qui vaut quelques ennuis à l'agent Mattley. Par la voisine âgée Mimi, le policier découvre la destination de Nessa. Il espère la retrouver avant qu'elle se mette en danger. Nessa fera tout pour savoir ce qu'il est advenu de sa fille Rebekah. Entre-temps, elle a été retardée : mordue par un serpent, elle est soignée par des amérindiens Shoshones de l'Idaho. Mason s'aperçoit qu'un service de police s'intéresse aux Adventistes du Troisième Jour. Il peut compter sur l'équipe du flic Joe. S'interrogeant sur le cas de la jeune Michelle Campbell, l'agent Mattley s'approche aussi du but. Nessa ne serait pas la bienvenue chez le pasteur Paul, mais Freedom Oliver peut s'y inviter…

Jax Miller : Les infâmes (Ombres Noires, 2015)

On trouve beaucoup d'éléments positifs dans ce très bon roman. Son héroïne centrale, bien sûr, qu'on la nomme Freedom ou Nessa : une femme de caractère, endurcie par les épreuves subies, autant qu'une mère frustrée. Elle s'est marginalisée, c'était un moyen de défense ; elle s'est alcoolisée, c'est sa manière de reléguer ses regrets. Faiblesse et force vont de pair dans ce portrait de femme. Elle n'est pas si seule qu'elle l'imagine, quand la situation prend mauvaise tournure. Son fils, un de ses beaux-frères, et son flic préféré viennent à la rescousse. Quoi qu'il arrive, sa détermination est d'aller jusqu'au bout.

Quant au reste des protagonistes ? Peter l'handicapé définit ainsi sa famille, les Delaney : “Il y a deux sortes d'individus dans le monde. Il y a des gens ordinaires, et des monstres bien trop ordinaires. Vous et moi, nous faisons partie des gens ordinaires. Et puis, il y a les hommes qui ont soif de carnage, qui dévorent les âmes de tous ceux qu'ils croisent. Ce sont les monstres bien trop ordinaires, beaucoup trop nombreux sur cette terre. Mes frères appartiennent à cette catégorie.” Mais la si pieuse famille adoptive des enfants de Nessa est-elle vraiment plus honorable ? Sans parler des flics locaux.

L'auteure nous décrit certains aspects de l'Amérique. Pas seulement la ruralité étriquée du Kentucky, avec ses skinheads et autres bikers de pacotille, avec ces armes qui circulent et la meth si facile à se procurer, mais également un faubourg pourri de l’État de New York. Elle n'ironise pas sur les personnages en question, elle les montre tels qu'ils vivent. C'est pareillement le cas pour des groupuscules comme celui de Virgil Paul, se radicalisant sans qu'il soit possible aux autorités d'intervenir. Quant au fait de changer d'identité aux États-Unis, chacun sait que ce n'est pas forcément si compliqué. Ambiance malsaine à presque tous les niveaux, parfaitement illustrée dans cette ténébreuse histoire.

On peut émettre de très légères réserves. Le chassé-croisé entre les personnages est bien maîtrisé, mais peut-être un tantinet excessif. Ainsi quelques scènes "coupent" la fluidité du récit. On apprécie la cascade de péripéties, à l'évidence. Pourtant, on n'est pas forcément épaté en permanence. Sans doute parce qu'on vite a compris le mécanisme de narration. Il n'est pas interdit d'être un brin tatillon, sachant qu'il s'agit d'un ambitieux premier livre. Évacuons ces tout petits défauts, en répétant qu'il s'agit d'un très bon roman noir, fort agréable à lire.

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/