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30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 05:55

En mai 2010 à Blewbury, tranquille petite ville de la campagne anglaise dans l'Oxfordshire. Le bureau de police est sous les ordres du superintendant Benton, de Wallingford. Depuis peu, c'est l'inspecteur Anthony Reeves qui dirige localement le petit effectif de Blewbury. Il est revenu vivre auprès de son vieux père, ancien colonel décoré de l'armée britannique, dont le cerveau ne fonctionne plus très bien. D'ailleurs, dans la maison de famille où tous deux vivent, rien n'est en état non plus, déplore avec agacement ce célibataire qu'est Reeves. Son adjoint le sergent Brian McHaggis est, au contraire, doté d'une grande famille et d'une épouse râleuse, qui accepte très mal le métier de policier de son mari. Elle finit par le quitter pour aller se réfugier avec leurs enfants chez sa mère. McHaggis ne voit pas du tout comment la convaincre de revenir.

Au bureau de police de Blewbury, on trouve également les constables jumeaux Ed et John Rawskin, ainsi que la secrétaire et standardiste Rosie. La nouvelle venue, c'est Karen Stanner, qui accède au grade de sergent. Avec ce poste, cette blonde aux yeux bleus d'un mètre quatre-vingt se rapproche de sa mère et de sa sœur Molly, habitant ici. Ayant vécu plusieurs échecs amoureux, Karen fait l'impasse sur ces questions. Par contre, son voisin séduisant Julian Joyce, médecin anesthésiste, pourrait être le partenaire idéal pour Mary, la meilleure amie de Karen. Une idylle qu'elle essaie de favoriser. La jeune policière sent que l'inspecteur Reeves ne lui accorde guère de confiance. Le sergent Brian McHaggis se montre un peu distant avec elle, aussi. Pourtant, une enquête va nécessiter qu'ils mettent en commun leurs capacité, car plusieurs meurtres vont se succéder.

Ce ne sont pas les lettres de menaces reçues par la mairie, assorties de citations bibliques et de dates, qui passionnent vraiment l'inspecteur Reeves. Quand un crime est commis à Key Fields, la luxueuse maison de retraite locale dans son parc protégé, il faut s'activer. La victime est une dame de soixante-quinze ans, Mrs Emily Dawson. Ancienne enseignante, elle avait les moyens de disposer d'un cottage. McHaggis est chargé d'interroger celles et ceux qui vivent dans les maisonnettes autour. Sans doute pourrait-on suspecter Edward Robey, vieux séducteur qui fut l'ami intime de Mrs Dawson. Ou Aaron Drum, le petit-fils de la victime, un marginal sans argent qui se dit peintre avant-gardiste. Mais ce dernier a un alibi. La photo représentant quatre jeunes filles dans un parc a disparu chez Mrs Dawson, alors qu'elle y tenait plus que tout.

Peu après, un autre meurtre est commis au domaine de Key Fields. Ex-directrice du lycée où enseigna la première victime, Evelyn Dennis était aussi âgée de soixante-quinze ans. Toutes deux fréquentaient un peu le club de loisir des environs, le Sunny Club. La même photographie de groupe a disparu. La commère voisine Mrs Roth et d'anciens collègues des deux victimes sont interrogés par McHaggis et Karen Stanner. Ann Sommerville, du même âge que les précédentes, habitait à Smoke Acre, où elle a été assassinée d'un coup de pelle sur le crâne. C'était une riche héritière égoïste vis-à-vis de son ex-mari et de leur fille. Dans son journal intime, Carolyn Stanhope suit cette série de crimes, se souvenant d'épisodes du passé. Le père Clarke, vieux prélat résidant à Key Fields, est-il suspect ou serait-il un allié pour la police ? Il s'agit d'explorer toutes les pistes plausibles…

Valérie Saubade : Le pacte des innocentes (Éd.Anne Carrière, 2015)

Pour concevoir ce roman d'enquête, l'auteure s'est directement inspirée de la tradition des énigmes classiques "à l'Anglaise". On peut certainement y voir un hommage à toutes les romancières dans la lignée d'Agatha Christie. Bien qu'il s'agisse de l'époque actuelle, on reconnaît les décors et les ambiances de la Grande-Bretagne éternelle. Les bow-windows sont omniprésents et les documentaires animaliers de la BBC sont suivis par les personnes âgées. On supprime des vieilles dames de bonne condition sociale, et les hypothèses vont dans diverses directions, tout en n'oubliant pas la fameuse photographie de groupe. Il n'est pas question d'en cacher l'importance, puisqu'on y trouvera l'origine des meurtres.

Les journées d'investigation se terminent par un "petit bilan personnel" (parfois avec l'aide d'une psy, pour l'inspecteur Reeves). Car les policiers sont aussi des êtres humains, avec leurs tracas et leurs sentiments. L'occasion d'apporter une touche de romantisme dans le récit, concernant Karen et son amie Mary. Quant à Reeves, il peut fantasmer sur une belle infirmière à domicile. Formule narrative qui offre de petits sourires à la tonalité de l'histoire. À l'évidence, l'auteure sait que dans ce type de romans, on ne dramatise pas exagérément les scènes plus sombres. Le mystère plane, les enquêteurs recueillent les indices, et pour les lecteurs c'est d'une lecture fort divertissante. Valérie Saubade reconstitue un suspense traditionnel, avec tout le charme que cela suppose.

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 05:55

Markus Sedin est un financier finlandais âgé de quarante-deux ans, un des experts de la Norda-Bank. Il est l'époux de Taina, qui fut une très compétente gérante de fonds pour la même banque. Elle est désormais en longue maladie, s'occupant de leur fils Ville, gamin imaginatif. En mars à Ostende (Belgique), Markus Sedin et ses confrères doivent finaliser un partenariat avec la banque De Vries. L'accord ne se présente pas vraiment bien. Lors d'une soirée dans un club local, Markus fait la connaissance d'une prostituée mi-Hongroise mi-Roumaine. Âgée de dix-neuf ans, elle se prénomme Réka. De retour en Finlande, se démenant peu sur le plan professionnel, Markus retrouve sa femme et leur fils.

Il renoue bientôt avec Réka, trouve même l'occasion de la rejoindre dans son pays. Il lui donne une belle somme pour qu'elle aide sa famille qui vit dans un taudis. Il achète un appartement dans un immeuble neuf d'Helsinki, afin d'y loger Réka dès le mois d'avril. La jeune femme se montre reconnaissante envers lui. Il mène alors une double vie, les affaires financières et ses proches comptant moins que les moments passés avec Réka. Pourtant, le 1er mai, le destin de Markus Sedin bascule. Il se trouve d'abord dans un état second puis, face à la situation, il va faire preuve d'énergie pour éviter les conséquences. Il se peut que l'enquête des policiers d'Helsinki ne fasse pas le lien avec lui.

Veuf de sa compagne Sanna, le policier Kimmo Joentaa est toujours en poste à Turku, à une centaine de kilomètres d'Helsinki. Il entretient une relation avec Larissa, vingt-six ans, qui se montre très secrète sur son vrai nom et sur sa vie. Pour lui qui cherche un semblant d'équilibre, c'est compliqué. Il apprend qu'un ami, Lasse Ekholm, vient d'avoir un accident de voiture dans la soirée du 1er mai. Anna, la fille du conducteur, est morte sur le coup. Kimmo Joentaa s'efforce d'apporter son soutien et sa présence aux parents sous le choc, Lasse et Kirsti Ekholm. Le père se souvient juste d'une lumière, d'un éclair, à l'instant de l'accident. Comme si avait surgi une voiture roulant nettement trop vite. La mère d'Anna ne sait trop de quelle manière réagir, dans une sorte de déni. Le père est hospitalisé.

Par ailleurs, quelque part en Finlande, Unto Beck est un jeune homme de dix-neuf ans. Il a de curieuses obsessions, telle sa machine à coudre, et adore les bonbons. Solitaire dont la candidature a été refusée par l'Armée, Unto exprime ses délires via Internet. Il paraît idolâtrer un certain ABB, un criminel scandinave. Gagné par ses fantasmes, Unto se laisse parfois aller à des diatribes violentes, des menaces extrêmes. Un comportement qui n'est pas sans inquiéter sa grande sœur Mari. Malgré tout, un rapport psy ne conclut pas à sa dangerosité. Alors que le projet qu'il rumine dans sa tête serait multi-meurtrier.

Kimmo Joentaa ne suit pas de très près l'enquête en cours, menée par Sundström, patron de la Criminelle de Turku, et ses collègues. Des policiers d'Helsinki sont aussi concernés. Il s'agit d'investigations autour du Villa Bella, un club-sauna de Salo, ville des environs. Le propriétaire admet que bon nombre de filles étrangères s'y prostituent. Toutes viennent de pays d'Europe de l'Est, sans qu'on exige leurs papiers, ni de savoir si un proxénète profite de l'argent qu'elles gagnent. Ceci explique la progression lente des policiers, jusqu'à la fin du mois d'août. Le couple Ekholm ne se remet pas vite de la mort de sa fille, non plus…

Jan Costin Wagner : Le premier mai tomba la dernière neige (Éd. Jacqueline Chambon, 2015) – Coup de Cœur –

Bien qu'il s'agisse réellement d'un polar, il serait erroné de l'aborder comme un suspense noir, un roman d'enquête, ou un thriller aux péripéties spectaculaires. N'attendons pas non plus une étude sur la société finlandaise, trop souvent qualifiée d'exemplaire. C'est à une poignée de personnages, dans le contexte d'aujourd'hui, que s'intéresse l'auteur. En tête, Kimmo Joentaa, déjà héros de précédents titres. L'empathie n'est pas un vain mot pour ce policier plein d'humanité. Il en fait la preuve envers des parents meurtris, autant que dans le cas du généreux amant de Réka Nagy. “Un pigeon amoureux qui s'est fait entuber, un imbécile heureux” estiment ses collègues. Joentaa le voit plus positivement.

C'est avec délicatesse que l'auteur décrit le traumatisme du couple Ekholm, avec finesse qu'il montre l'attachement de Joentaa à sa défunte compagne, avec justesse qu'il dessine le portrait de Unto Beck. Ce dernier manque de repères, se réfugie dans une virtualité qui le conduit à admirer l'excès, sans doute à se prendre pour un héros. Les financiers ne sont pas caricaturés, mais apparaît en filigrane leur froide superficialité, leur esprit combinard. Quant à l'ombre de Larissa, elle compte dans la vie privée de Joentaa. Une intrigue riche en subtilité, basée sur des ambiances d'une palpable densité : on se laisse volontiers captiver par ce remarquable roman de Jan Costin Wagner.

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 05:55

D'origine franco-catalane, âgée de trente-sept ans, Alexis Castells habite Londres. Elle est auteure de livres sur les tueurs en série. Son amie Linnéa Blix est créatrice de bijoux pour Cartier. La soirée de gala qui s'annonce doit être sa consécration. Mais Linnéa est absente, elle n'est pas rentrée de son pays natal, la Suède. Peter Templeton, le fiancé de la jeune femme, et Alba, amie d'Alexis, s'inquiètent à juste titre. Ils prennent au plus tôt l'avion pour Falkenberg, la ville suédoise où Linnéa possède une maison. Elle y séjournait pour s'isoler, pour créer. Le policier Lennart Bergström est porteur d'une tragique nouvelle : le cadavre de Linnéa Blix a été retrouvé, martyrisé. “Ses yeux avaient été arrachés. Sa gorge avait été tranchée verticalement du menton à la fourchette sternale et la peau du cou bâillait comme une veste déboutonnée. La trachée avait été sectionnée.”

Profileuse anglaise d'origine canadienne, Emily Roy est envoyée par son supérieur Jack Pearce en renfort pour la police suédoise. C'est une professionnelle au caractère abrupt, mais dont les analyses sont généralement justes. Si Alba et Peter retournent à Londres, Alexis Castells préfère rester un peu à Falkenberg. Emily Roy et elle se connaissent, même si chacune garde une distance avec l'autre. Le cas de Stellan Eklund, ami de jeunesse et actuel voisin de Linnéa, n'a pas échappé aux deux femmes. C'est un ancien policier, qui a vécu des moments dramatiques. Sa sœur Lenna est l'épouse du commissaire Bergström. Il n'était pas l'amant de la victime. Dans la même ville, on trouve aussi Karl Svensson, ex-mari de Linnéa. C'est un sculpteur coté, un snob qui a une réputation de fêtard, amateur de mineures. Ayant rompu tout lien avec Linnéa, il apparaît peu suspect.

En 1944, Erich Ebner est prisonnier à Buchenwald. C'est un étudiant en médecine anti-nazi. Cet été-là, il va être affecté au crématoire du camp de concentration. Si le Block 50 est sinistre, c'est surtout le Block 46 qui effraie les prisonniers “C'est l'antichambre de la mort… Ceux qui y entrent n'en ressortent pas.” Erich a sympathisé avec des étudiants scandinaves, car il projette de s'installer plus tard en Suède. Il est bientôt assigné au Block 46, où son expérience médicale peut servir aux expériences du Doktor Fleischer. Au début 1945, Erich a gagné la confiance du médecin nazi. La libération de Buchenwald va se produire plusieurs semaines plus tard, en avril. Si Erich Ebner parvient à quitter son pays, quelle vie pourra-t-il ensuite mener en Suède ?

À Londres, deux crimes avec des mutilations similaires ont été commis depuis quelques semaines. Ce qui explique qu'Emily Roy ait été missionnée chez les Suédois. Les victimes en étaient des enfants entre six et huit ans, Andy et Cole. Après la mort de Linnéa, un troisième gamin s'ajoute à la liste. Logan Manfield, sept ans, était le fils d'une célibataire prostituée. Dans l'ombre, le kidnappeur étudie ses victimes avant de les maltraiter. Emily Roy s'interroge sur le modus operandi, et sur l'éventualité qu'il y ait deux assassins, l'un copiant l'autre. Elle est de retour en Grande-Bretagne, de même qu'Alexis Castells. Pourtant, il est probable qu'elles devront repartir à Falkenberg. Malgré sa folie meurtrière, Adam le tueur est prudent. Il peut être surtout cruel, Emily en fera l'expérience…

Johana Gustawsson : Block 46 (Éd.Bragelonne Thrillers, 2015)

L'histoire racontée par Johana Gustawsson trouve sa source dans celle du camp de concentration de Buchenwald. Il n'est jamais inutile de raviver la mémoire, de rappeler les monstruosités engendrées par les dictatures. Dans la population actuelle, les “héritiers” de ces idéaux nazis et fascistes ont d'ailleurs tendance à se montrer assez décomplexés. Le parcours d'Erich Ebner au sein du camp s'inspire de la réalité, sur la base d'une solide documentation.

Toutefois, c'est sur une série de crimes commis soixante-dix ans plus tard, qu'il s'agit ici d'enquêter. Deux femmes s'en chargent, Emily Roy et Alexis Castells, à la fois complémentaires et de caractères divergents. La seconde reste en contact par téléphone avec sa mère, qui s'inquiète beaucoup pour elle. Tandis qu'Emily apparaît plus "fonceuse" et carrée dans ses investigations, mais pas exempte de sentiments.

C'est un thriller dans la bonne moyenne du genre qu'a concocté Johana Gustawsson. Les meurtres avec mutilations et le contexte du camp de concentration apportent leur dose d'horreur. La tonalité du récit aurait pu être bien plus percutante, il faut l'avouer. Comme si les lecteurs étaient priés d'observer mais de "rester en retrait". La construction scénique par courts chapitres n'encourage pas à fouiller la psychologie des protagonistes : il faut attendre que l'auteure nous en dise plus, ce qu'elle fait évidemment. Néanmoins, même s'il n'est pas exagérément trépidant, il s'agit d'un suspense de niveau satisfaisant, d'un polar apte à séduire bon nombre de lectrices et lecteurs.

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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 05:55

Léo Tanguy est un journaliste qui depuis plusieurs années anime un site Internet d'infos. Il sillonne la Bretagne dans le vieux Combi ayant appartenu à ses parents. Il séjourne çà et là, au gré de ses investigations. Cette fois, c'est dans le Mené qu'il se pose quelques jours. Il s'agit d'une région rurale et vallonnée des Côtes d'Armor. Hélène, une amie depuis leur adolescence, a fait appel à Léo. Son père Philippe et sa mère Marie ont péri dans l'incendie de leur longère rénovée, son oncle Jean ayant disparu de chez lui environ un an avant. Sa famille avait reçu des lettres de menaces, détruites dans le sinistre. Philippe était militant, prônant un mode de vie respectueux de l'environnement, des sites et des populations les plus faibles. Pour lui, le progrès au service de l'humain valait mieux qu'un passé fantasmé, porte ouverte au populisme et à l'extrémisme. Il n'était donc pas apprécié de tous.

Dom, un ami d'Hélène, accompagne Léo à l'inauguration d'une usine de méthanisation. Il lui présente des figures locales, Lebret et Le Saout. Partisans de l'agriculture intensive, ils semblent sincères quant au recyclage des déchets de leur industrie, visant à produire du gaz propre. Pourtant, Hélène conseille à Léo de se méfier : “Le Saout, c'est un type plein de rancœur, un jaloux”. Le journaliste se renseigne auprès de sa copine Suzie. En effet, ce provocateur de Le Saout fait partie de “Vraie Croix”, groupuscule de catholiques intégristes menant des actions violentes, homophobes et anti-avortement. Autre sujet sensible dans la contrée autour de Collinée, les ouvriers maliens. Certains comme Hassane ont travaillé ici depuis quarante ans, dans des boulots pénibles, et y ont vécu en famille. Mais ils se sentent davantage mis à l'écart, la propagande intolérante faisant son œuvre.

Lors d'une réunion associative sur ces questions, un commando cagoulé de fachos frappe durement le public. Pas sûr que la gendarmerie fasse beaucoup d'effort pour retrouver les agresseurs. La famille Kerbussot, c'est probablement une piste à suivre pour Léo. Ils sont imprimeurs-libraires à Loudéac, ville située à quelques kilomètres de là. Ils affichent des opinions aussi décomplexées que haineuses. Léo ne doute pas qu'un des Kerbussot, ex-mercenaire, ait fait partie des cogneurs cagoulés. Rentrant à la nuit dans son Combi si repérable, Léo est pourchassé par un 4x4 noir. Peut-être celui qui rôde dans le coin depuis un certain temps, mais ces engins puissants ne sont pas rares.

Tandis que Léo et Hélène cherchent si l'origine des faits actuels peut avoir un quelconque lien avec un lointain passé, la maison d'Hélène est vandalisée. Désespérant, mais il y a beaucoup plus grave : un jeune couple est violemment attaqué par le trio du 4x4. Cette fois, bien au-delà d'un simple "dérapage", il s'agit de meurtre. Ça devrait inciter les fachos à se calmer. Non, Léo continuant sa propre enquête, il est confronté à un motard casqué brutal. Peu après, le journaliste a de raisons de s'inquiéter quand Hélène disparaît. Il sait où aller la rechercher. Dans sa folie de "nettoyage", le motard casqué est plus dangereux que jamais…

Denis Flageul : Mal Mené (Éd.La Gidouille, 2015) – Léo Tanguy

Denis Flageul fut un des quatre auteurs (avec Sylvie Rouch, J.L.Bocquet et G.Alle) qui initièrent en 2008 cette série de romans ayant pour héros le cyber-journaliste Léo Tanguy. À l'instar de Gabriel Lecouvreur, de la célèbre série Le Poulpe, chaque roman est écrit par un auteur différent. Les créateurs du personnage ne s'interdisant pas d'y revenir, bien sûr. D'abord publiées chez Coop Breizh, les enquêtes de Léo Tanguy paraissent désormais aux Éditions La Gidouille. Soulignons qu'il s'agit toujours de romans inédits. Après Yvon Coquil, Michel Dréan et Hervé Sard, Denis Flageul revient nous raconter de nouvelles tribulations du grand rouquin, silhouette qui ne passe pas inaperçue dans son vieux Combi.

Dans sa vie privée, Léo Tanguy est un romantique, non dénué de séduction auprès des femmes. Pour ses investigations, il aborde chaque nouvelle affaire sans préjugés. Léo a davantage de sympathie pour ceux qui ont l'esprit ouvert et respectueux, qui pensent à l'humain plutôt qu'au profit maximum, que pour les gens bornés défendant égoïstement leur intérêt. Ces malfaisants-là, l'auteur nous en présente quelques-uns de bien gratinés. Manière de rappeler qu'entre le discours formaté anti-tout de certains extrémistes, et leur passage à l'acte criminel, le pas peut être vite franchi. Les discours populistes vindicatifs et les idéaux réacs ne sont pas seulement malsains, ils fabriquent aussi de la violence. Il y en a dans cette affaire, située dans la belle campagne costarmoricaine. Péripéties et suspense sont au programme de ce très bon polar.

Du même auteur : "Un fils à papa chez les zonards" (Coop Breizh, 2008)

C’est dans la paisible cité briochine que Léo Tanguy est appelé à mener l’enquête. Plus précisément au port du Légué, longtemps boudé par les habitants de Saint-Brieuc, désormais réhabilité. Jean-Claude Lebec, petit-bourgeois intolérant, n’a jamais cru à la version accidentelle de la mort de son frère Gérard. Selon lui, il ne fréquentait pas les marginaux de La Fabrique, lieu culturel alternatif, aujourd’hui détruit pour les besoins du nouveau port. Il ne se droguait pas comme ce "ramassis d’épaves", squattant ce bâtiment, troublant la quiétude de la population. Autant que la mort de Gérard Lebec, c’est l’histoire de La Fabrique qui intéresse justement Léo Tanguy. Il accepte de tirer ça au clair.

Avant ça, il y eut un autre décès suspect, celui d’un nommé Kevin. Léo n’ignore pas qu’un port reste un endroit dangereux, surtout si on n’a pas les idées claires. Serveuse au bar La Descente, Kelly fut la petite amie de Gérard Lebec. Elle admet qu’il avait un côté mystérieux. Les deux types qui surveillent Jean-Claude Lebec agressent Léo, en guise d’avertissement. Consultant des documents sur La Fabrique, Léo note un paradoxe. Il s’agissait d’une expérience en concertation avec la municipalité. Alors, pourquoi avoir soudain expulsé les squatteurs tolérés, avant de tout raser ?

Saint-Briac, qui fut le patron de Lebec, reconnaît que celui-ci avait changé. Sans doute l’épouse dépressive de Saint-Briac aurait-elle des choses à apprendre au cyber-journaliste. Rico et sa copine Gilou, ex-punks reconvertis dans l’agriculture bio, ne cachent pas leur hostilité envers Léo. Si ces deux-là en savent davantage, le silence ne portera pas chance à Rico. Ni à Gilou : percutée par les deux types, elle est hospitalisée grâce à Léo, gravement blessée. Elle s’en sortira. Le duo de tueur s'avère toujours plus menaçant. Mais ce sont les commanditaires qui intéressent Léo…

Denis Flageul s’inspira d’une situation bien réelle, puisque le port du Légué à Saint-Brieuc fut vidé de sa population marginale avant rénovation. Les initiatives culturelles sont rarement vues d’un bon œil dans des villes où règne un certain conformisme. Une sorte de phalanstère punk, ça fait désordre. Pot de terre de la liberté artistique contre pot de fer des intérêts supérieurs, éternels enjeux financiers. Exactement le genre d’affaire susceptible de taquiner l’intellect du journaliste Léo Tanguy. Flânant entre bistrots et port, surveillé dans l’ombre, il poursuit sa quête de vérité. Une narration alerte et une bonne intrigue, un polar de belle qualité à redécouvrir.

Denis Flageul : Mal Mené (Éd.La Gidouille, 2015) – Léo Tanguy
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24 octobre 2015 6 24 /10 /octobre /2015 04:55

À Londres, le policier Max Wolfe élève seul sa fille de cinq ans, Scout. Ils habitent un vaste loft. Avec le turbulent jeune chien Stan, un cavalier king-charles, Wolfe tente de composer une sorte de famille à trois. Membre d'une unité anti-terroriste, il a été récompensé par la Queen's Police Medal pour une action spectaculaire. En ce mois d'octobre 2008, Max Wolfe a intégré la brigade des homicides de West End Central, au 27 Saville Row. Son supérieur Mallory et l'équipe d'enquêteurs l'adoptent sans problème. Ce n'est pas le cas d'Elizabeth Swire, la surintendante principale, qui lui garde rancune. Mallory et Wolfe sont chargés du meurtre d'Hugo Buck, banquier âgé de trente-cinq ans, qui vient d'être égorgé dans son bureau au petit matin. Un crime de professionnel, sans témoin. Il serait trop facile d'accuser l'épouse de la victime, Natasha Buck, malgré une récente et sérieuse dispute.

C'est dans une ruelle qu'est découvert un SDF égorgé de la même façon que le banquier. Une deuxième inscription "porc" figure près du lieu du crime, comme pour le premier cas. Il s'agissait d'un junkie, mais possédant un hautbois, ce qui suppose une origine sociale aisée. En effet, Adam Jones fut vingt ans plus tôt un condisciple de Hugo Buck à Potter's Field, un collège privé traditionnel. La mère d'Adam Jones admet qu'il existait une part d'obscurité chez son fils. Wolfe remarque la même photo de groupe que chez le banquier. Ainsi qu'un tableau signé JS, comme chez Hugo Buck. Le policier saura bientôt que ce sont des œuvres de James Sutcliffe, un des sept jeunes sur la photo de groupe. Mal dans sa peau, le jeune peintre s'est suicidé a dix-huit ans lors de vacances en Italie.

Il reste quatre hommes vivants parmi ceux qui figuraient sur la photo de groupe de Potter's Field : Guy Philips, l'homme d'affaire Salman Khan, le militaire Ned King et son jumeau, le politicien Ben King. Les policiers les ont vus aux obsèques de Hugo Bock, avant de leur rendre visite à chacun. Pour Wolfe, “Cette petite bande tournait autour des frères King. Avec Ben en chef de meute. Guy Philips était leur pitbull, Salman Khan leur caniche. Hugo Buck était leur étalon, leur athlète. Quant à Adam Jones, il suivait juste le mouvement… Sutcliffe était le seul vrai rupin. Le seul parmi eux dont la fortune familiale remontait à plusieurs génération. Il était leur héros.” Alors que les policiers se rendent à Potter's Field, l'assassin s'attaque tout près de là à Guy Philips. Gravement touché, il est hospitalisé mais il y a peu de chances qu'il survive au début d'égorgement.

Max Wolfe a frôlé la mort à cette occasion. Sur Internet, circule une vidéo le montrant en fâcheuse posture. Sans doute a-t-elle été postée par “Bob le Boucher”. C'est cet inconnu que l'on soupçonne depuis le début d'être le tueur en série. Wolfe et Mallory ne croient pas en cette hypothèse. Puisque c'est celle de la surintendante Elizabeth Swire, elle va essayer de le provoquer par voie de presse, grâce à une alliée journaliste. Max Wolfe préfère une autre piste, la galerie de tableaux Nereus Fine Art. Si ça le fait progresser d'un grand pas, révélant une sale histoire vieille de vingt ans, le tueur va causer d'autres victimes, dans les rangs de la police, et chez les rescapés du groupe de Potter's Field…

Tony Parsons : Des garçons bien élevés (Éd.de la Martinière, 2015)

Si c'est effectivement un roman d'enquête, les investigations n'ont rien de balisées ni de simplistes dans cette affaire. Certes, le lecteur a un avantage : on nous décrit dès le début la cause de la série de meurtres sanglants. On comprend quelle est la culpabilité des sept anciens étudiants. La vengeance, le plus classique des mobiles pour un assassin. L'intrigue s'avère astucieusement construite, nous laissant découvrir d'autres éléments, essaimant les indices.

Parmi ceux-ci, “The murder bag” du titre anglais d'origine : il s'agit de la toute première version d'une mallette de scène de crime, la "Valise de Gladstone" conçue en 1925. Les policiers exploreront ainsi le Black Museum de la police britannique, cherchant en particulier quel type de poignard très léger est utilisé par le tueur. Il est aussi question d'un œil de verre, conséquence de la scène datant de deux décennies plus tôt.

Le métier de policier n'empêche nullement d'avoir une vie privée. Trouver le bon équilibre lorsqu'on élève sans mère une enfant en bas âge, pas facile. Surtout quand on souffre d'insomnies chroniques, quand il faut s'occuper d'un chiot, et que respecter les horaires de la gamine est parfois compliqué. Passer du statut de héros anti-terroriste à flic ridiculisé dans une vidéo, il faut également assumer.

Le policier Max Wolfe n'est pas un personnage monolithique, c'est un pro chevronné doté d'une bonne dose de sensibilité. Mallory et son épouse l'ont bien compris, et les lecteurs en tiennent compte aussi. Max Wolfe s'expose au danger, tout en captant autant que possible la psychologie de celles et ceux qu'il interroge. Si “Bob le Boucher” n'est pas que le pseudo d'un pervers virtuel, Wolfe progresse vers une vérité moins flagrante. Un suspense dans la meilleure des traditions, un roman de qualité pour amateurs de polars efficaces et inspirés.

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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 07:00

Le commissaire Léon est le plus singulier des enquêteurs de la PJ. Montmartrois de cœur, ce quadragénaire a ses habitudes au Colibri, un bistrot typique du quartier. Il habite avec sa mère Ginette, une Belge fière de ses origines. Même au bureau, il ne peut se passer de son chien Babelutte (c'est le nom d'une friandise, en Belgique). Si le commissaire Léon tricote, en cachette de ses subalternes, c'est pour ne pas fumer. En outre, ça lui permet de réfléchir posément. Entre son exubérante secrétaire Nina Tchitchi et ses inspecteurs, il a besoin de ces moments de répit. Si Babelutte disparaît, le temps d'une aventure sans lendemain avec le chien du voisin, il préférera bientôt le confort auprès de son maître.

Catherine Grangier, Héléna Danvers et Maura Servier sont trois amies des quartiers chics de Paris. Le père de Catherine n'est autre que le maire de Neuilly, Charles Grangier. La jeune femme est obsédée depuis quelques temps par son viril amant, Gilles. Son père se doute bien que ce gugusse doit avoir un casier judiciaire. Héléna Danvers vit avec sa fille de quatorze ans Carole et sa mère Clara. Cette dernière n'est pas exactement la sage vieille dame qu'imagine Héléna. Elle s'en apercevra sur le tard. Maura, épouse de Pierre Servier, a un fils de sept ans, Louis (Loulou). Elle aimerait bien renouer avec François, son amour d'antan sur lequel elle fantasme. Pierre, lui, va souvent chez les putes.

La rousse Maura picole beaucoup depuis quelques temps, siphonnant des litres de vodka. C'est que, trois mois plus tôt, elle a causé un accident de voiture mortel, en présence de ses amies Catherine et Héléna. Une gamine de sept ans, Lily, en a été la victime. Elles ont averti la police, mais elles ont préféré fuir le lieu de l'accident. Depuis, elles ont évité de se recontacter, et aucune des trois n'a parlé à quiconque de leur mésaventure. À vrai dire, Catherine n'a pas pu s'empêcher de raconter ça à son amant Gilles. Ce qui pourrait donner des idées malsaines à un type comme lui. De son côté, le petit Loulou a également trouvé un indice concernant cette affaire. Ce qui risque d'avoir des conséquences meurtrières.

François a fixé un rendez-vous nocturne à Maura, qui en est tout excitée. Il s'agit d'un piège pervers, destiné à l'humilier et à faire chanter son mari Pierre. Celui-ci paie la rançon exigée, et engage le détective Mario Vandensick afin de récupérer son fric. Pas sûr que l'enquêteur soit à la hauteur. Pierre découvre les dessous de l'affaire, le dramatique accident qui fut causé par son épouse Maura. Ce qui ne le retient pas de retourner voir les putes. D'autant qu'une certaine China est plus experte que la moyenne de ces pros du sexe. Quand Loulou découvre les maquettes secrètes de son père Pierre, il aurait matière à s'interroger. Mais le petit garçon va être bientôt kidnappé, et séquestré au côté d'un rat.

Quand le maire Charles Grangier est abattu, le commissaire Léon s'intéresse de plus près à ce cercle d'amis. Le douteux Gilles n'a pas le profil d'un tueur, mais sait-on jamais ? Ça sent la vengeance, ce genre de crimes. D'autant que la disparition de Loulou est signalée, et que la victime suivante n'est autre que Clara Danvers, la mère d'Héléna. La série est loin d'être terminée. Le commissaire Léon réalise que dans tous ces cas, il y a des traces de coquelicots autour des victimes. Ce qui n'est pas sans rappeler la mort de la petite Lily, dont le policier n'a que vaguement entendu parler jusqu'alors. Il essaiera d'intervenir afin de sauver ceux qui n'ont pas encore été atteints par cette suite criminelle…

Nadine Monfils : La nuit des coquelicots (Pocket, 2015)

Voilà un résumé pouvant apparaître un peu sérieux, alors qu'on connaît bien la fantaisie dont Nadine Monfils est coutumière. Qu'on se rassure, les enquêtes du commissaire Léon "n'engendrent pas la mélancolie". Entre un inspecteur maladroit, un curé commettant de curieux vols, la mère du policier avec son franc-parler, quelques habitués du Colibri (et de Montmartre) ainsi que bien d'autres personnages, on s'amuse beaucoup. L'auteure se plaît à épicer le récit grâce à des scènes érotiques, explicites et bienvenues car correspondant à l'état d'esprit des héroïnes dans ces moments excitants.

S'il s'agit effectivement de comédie policière, la base de l'intrigue reste malgré tout d'une vraie noirceur. La mort, fut-elle accidentelle, d'une enfant reste un véritable drame. C'est ce qui séduit dans ce roman : sombre vengeance, d'une part ; situations drôlatiques voire proches de l'absurde, de l'autre. Au fil d'une histoire composée de courts chapitres, Nadine Monfils nous raconte tout cela avec une très belle souplesse narrative. C'est ainsi que les lectrices et les lecteurs se sentent complices, entraînés par le récit. “Madame Édouard” et “La nuit des coquelicots”, les deux premiers tomes de la série, sont disponibles en format poche.

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20 octobre 2015 2 20 /10 /octobre /2015 04:55

En 1791, la Révolution Française est loin d'être achevée. Le Roi étant toujours à la tête du pays, beaucoup pensent que la future Constitution créera un régime hybride, une royauté parlementaire où aristocrates et clergé auront moins de privilèges, où le peuple sera plus libre. Pourtant, entre le club des Cordeliers soutenant Danton, et celui des Jacobins plus à l'écoute de Robespierre, les espoirs d'une France nouvelle sont fragilisés. Dans son journal "L'Ami du Peuple", Marat prévient que la noblesse royaliste pourrait prendre sa revanche. En s'organisant de l'extérieur du pays, ou même de l'intérieur, car le Duc d'Orléans reste puissant, disposant de réseaux influents. Si La Fayette tient la Garde Nationale, l'agitation ponctuelle manipulée par les uns et les autres peut obliger à rompre l'actuel statu-quo.

Victor Brunel de Saulon, chevalier d'Hauteville, est âgé de dix-neuf ans. Originaire de la région de Tonnerre, en Bourgogne, il s'est éloigné de son père, le marquis de Saulon. À Paris, il s'appelle Victor Dauterive. S'il aime le dessin et la peinture, c'est dans la nouvelle Gendarmerie Nationale – qui succède à la Maréchaussée – que le jeune Victor est sous-lieutenant, désormais. Il est proche de La Fayette, son mentor. Ce dernier est obsédé par Marat. Sur le conseil d'Antoine Talon, ancien lieutenant-civil aux fonctions imprécises, La Fayette donne mission à Victor d'arrêter Marat. Sans uniforme, le sous-lieutenant se mêle à la population parisienne. Sympathisant avec l'artisan Duplay, il réalise que le peuple n'est pas insensible aux discours de Danton et de Robespierre, et fait plutôt confiance à Marat.

Repéré ou trahi, Victor est malmené par quelques admirateurs de "L'Ami du Peuple". Il n'a guère de temps pour s'occuper d'une série de petits vols commis dans son immeuble. Il finira néanmoins par remarquer la discrète jeune voleuse. De retour sur le terrain, Victor suit la piste du commissaire-élu Charpier, au service du Duc d'Orléans, membre du cercle des Vainqueurs de la Bastille. Nul doute que Stanislas Bourdon, Charpier et leurs amis, loin d'être des héros, ont des méfaits à cacher. À l'occasion d'une mésaventure, Victor retrouve un vieil ami de Tonnerre, le brigadier Vassel, sur qui il peut compter par la suite. Victor réussira à procéder à l'arrestation de Marat, mais il prend conscience de la sincérité de celui-ci et le laisse libre. Une faute que La Fayette ne peut laisser sans sanction.

C'est à Puteaux que le brigadier sexagénaire Picot recense un premier cadavre sorti de la Seine, à la tête coupée. Avec son ami chirurgien-barbier Bouvreuil, ils examineront deux autres morts similaires. Des cas qui ne semble guère intéresser le juge de paix Peretat. Le brigadier Picot s'étant trop approché des coupables, il est supprimé. Bouvreuil ne renonce pas, lui. D'autant qu'un des morts est identifié, c'est le mari de Mme de La Chesnaye. De son côté, Victor apprend qu'un de ses contacts, De Gastine, qui l'avait initié aux arcanes du pouvoir, a été assassiné. Un meurtre politique ? En ces temps révolutionnaires, il existe aussi des enjeux financiers. S'agissant de sommes conséquentes, il est plus facile de tuer les créanciers que de rembourser. À trop approcher des sphères haut-placées, Victor et ses amis risquent leur vie, aussi devront-ils fuir puis opérer dans l'ombre…

Jean-Christophe Portes : L'affaire des Corps sans Tête (Éd.City, 2015)

Un polar historique se doit de développer en priorité une intrigue criminelle. Cette période trouble, riche en complots et manipulations, de l'Histoire de France en offre la possibilité. Ce que l'auteur utilise avec une belle habileté. Le pouvoir royal vit ses derniers moments, à moins d'un ultime sursaut. Chez les ténors de la Révolution, la zizanie règne en maître. Sentant venir l'échec, seul Marat comprend que s'annoncent des épisodes sanglants. Le pouvoir central étant faible, bon nombre de ceux qui ont des fonctions officielles vont en abuser, jouer sur plusieurs tableaux pour garder leurs nouveaux privilèges. C'est tout ce contexte, inspiré de la réalité (quelque peu paranoïaque) d'alors sans apparaître trop pesant dans le récit, qui sert de toile de fond à cette aventure.

Au cours de ses tribulations, Victor Dauterive va donc croiser certaines personnalités de son temps, de La Fayette à Olympe de Gouges, en passant par les peintres Fragonard et David, entre autres. S'il est bien jeune, ce Victor, c'est assurément que l'auteur a voulu nous présenter un personnage de candide au cœur de cette bouillonnante Révolution. Du naïf participant à un enthousiasme général au jeune homme plus mûr, nous suivons son parcours chaotique, son évolution. Sans négliger les autres protagonistes, dans le camp des "enquêteurs" (le brigadier Picot et son ami Bouvreuil, l'archiviste Duperrier, etc.) ainsi que dans celui des malfaisants. Voilà une très belle manière d'explorer les dessous (romancés, bien sûr) d'une célèbre page de notre passé.

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L'Oncle Paul a aussi chroniqué ce roman :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2015/10/jean-christophe-portes-l-affaire-des-corps-sans-tete.html

 

Lire également la chronique d'Yves :

http://www.lyvres.fr/2015/10/l-affaire-des-corps-sans-tete.html

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17 octobre 2015 6 17 /10 /octobre /2015 04:55

Quinquagénaire veuf, passionné de rugby, Angel Domier est gardien de la paix. Il reste en contact avec ses enfants âgés d'une vingtaine d'années, Elaine et Marc. Ce dernier était le fils d'Audrey, la défunte compagne d'Angel. Depuis trois ans, il participe à des missions militaires dans les points chauds du monde. Elaine vit en bord de mer, "se cherchant" encore un peu. Dans sa profession, Angel ayant suivi une formation d'Officier de Police Judiciaire et étant le plus âgé, il joue quelque peu le rôle de chef de groupe. Autour de lui, une équipe efficace, volontaire. Avec la jeune et séduisante Joana, le solitaire Bro qui a tendance à s'alcooliser, et H qui est toujours là pour traduire les témoignages en arabe. Depuis dix-huit ans qu'il collabore avec Angel, son supérieur André Lauzier lui accorde sa confiance. Quoi qu'il arrive, le gardien de la paix Angel entend rester un flic de terrain.

En marge d'une intervention agitée visant un chtarbé dans une tour d'une cité sensible, Angel découvre le cadavre d'une jeune femme. Elle semble se prénommer Eva, comme l'indique la gourmette ramassée par Angel, objet qu'il conserve pour lui. On a planqué son corps maltraité dans cette sinistre cave. Pour le policier enquêteur Fermacci, ce sera une affaire vite classée, simplement une junkie victime d'overdose. S'il n'est pas médecin, un employé de la morgue émet des doutes sur les causes du décès. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard, ayant reçu l'accord de Lauzier pour un complément d'enquête, que cet employé raconte un fait bizarre à Angel : un certain Eric Zoom a insisté à la morgue pour rendre un hommage à Eva, récitant le "psaume 23". Curieuse démarche, curieux nom.

Bientôt, l'équipe d'Angel est alertée pour un cas de meurtre similaire. Lucie Fouchard était une boxeuse d'environ vingt ans, sportive de très bon niveau. Elle mesurait ses relations avec les hommes, en particulier dans ce milieu où il faut ménager les susceptibilités des musclés. Elle ignorait être espionnée de près, par un émule du révérend de “La nuit du chasseur”. Ce dernier pourrait cibler d'autres victimes potentielles. Dans la police, il existe aussi des flics malhonnêtes. Ancien collègue d'Angel, Guy Baleinot garde rancœur contre celui qui l'a impliqué dans une sale affaire, l'obligeant à dévier dans son métier.

Ce policier nommé Goimard se fait appeler Kaiser. C'est le plus cynique des ripoux. Assisté du flic Mario Lopez, ses activités marginales l'ont mis en contact avec un magistrat aussi "blindé" que pervers. Kaiser fait pression sur Stéphane Barnier et son ami Kader, mi-macs, mi-dealers, qui maltraitent leurs gagneuses. Angel et son groupe sont déterminés à approcher la vérité. Mais c'est mettre la main dans un panier de crabes : Angel risque de se propulser dans un univers bien trop puissant pour un petit policier de son niveau. Essayer d'en sortir indemne, serait déjà satisfaisant…

Pierrick Gazaignes : Le dernier message d'Eva (Éd.Philippe Rey 2015)

Première évidence : ce roman est construit à la manière d'un téléfilm ou d'un épisode de série polar, tels qu'on les conçoit depuis quelques années. Une amorce-choc, un premier crime crade, puis on s'intéresse au personnage central et à son entourage, tandis que dans l'ombre d'autres crimes sont commis. L'ambiance oscille entre le glauque nerveux et l'enquête sombre, avec bande-son musicale et référence cinéma adéquates. On apprécie la tonalité actuelle, sur la base d'une intrigue ayant fait ses preuve. Ou bien, on adhère moins, si l'on considère que ça se démarque peu de scénarios comparables.

Seconde évidence : l'auteur maîtrise son histoire. C'est des policiers de base dont il nous parle, de leur quotidien privé et professionnel, de leur rapport en équipe. De leurs états d'âme et de leur équilibre perso, d'une certaine façon. Ceux-là ne sont pas des cadors. La plupart sont réglos et respectueux, de leur métier et de la population. Tandis que d'autres s'avèrent de dangereux ripoux. C'est là que réside la qualité première de ce suspense : décrire la normalité de flics ordinaires, à la vie aussi imparfaite que tout le monde. C'est donc bien un contexte de roman noir qui est exploité, pas de doute. Éprouvons-nous de l'empathie ? À chaque lecteur de définir s'il partage les épreuves d'Angel et de ses amis.

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