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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 05:55

En ce mois de mai 1983, c'est dans le Haut-Quercy que séjourne Séraphin Cantarel, conservateur en chef des Monuments français. Toujours accompagné de son assistant, le jeune et dynamique Théo Trélissac. Cité médiévale à flanc de falaise et citadelle de la Foi, où l'on vient prier la Vierge Noire protectrice des marins du monde, Rocamadour est un site que Cantarel apprécie tout particulièrement. Pour ses trésors, autant que pour ses jardins magnifiques, dus à Vincent Alvignac, un jeune homme très inspiré qui s'en charge à l'année. Certes, le confort est un peu rudimentaire dans cette Chambre de l’Évêque, rarement ouverte, où loge Séraphin Cantarel. Il s'en accommode, le temps de sa mission.

Il n'a pas commencé sous de bien gais auspices, le voyage dans le Lot de Cantarel et de Théo. Le cirque Di Cantelloni annonçait un spectacle de féerie et de frissons. En effet, le principal numéro présenté par un couple d'artistes s'avéra plein de fascinant suspense, dans une tension palpable. On pouvait croire le partenaire en danger, jusqu'à la fin. Alors que le numéro semblait fini, un drame étrange se produisit. Séraphin Cantarel ne peut pas totalement gommer ces cruelles images. Ce matin-là, c'est un des joyaux du musée local qui vient de disparaître. “La Pomme d'or” contient huit-cent-cinquante grammes d'or pur, ce qui représente un beau pactole. L'objet par lui-même n'est pas monnayable, mais le métal précieux trouve toujours acquéreur.

Il ne semble pas y avoir d'effraction. La châsse contenant l'objet précieux n'a pas été fracturée. Rien d'autre n'aurait été volé. Avant même l'arrivée des gendarmes, plusieurs notables locaux se mêlent de l'affaire. À commencer par le père Pechmalbec, responsable religieux, et le prétentieux colonel Delmont de Gay-Lussac, président des Amis du musée d'Art sacré. Cantarel laisse les enquêteurs opérer non sans éprouver, comme à chaque fois qu'il est face à un mystère, une certaine excitation. En partie due à l'orage aussi, qui sait ? Conservateur du musée, l'historien Christian Lasourre ne serait pas fâché que l’État soit le futur propriétaire des lieux. Mais une anonyme lettre de menace vient de lui parvenir, qui doit être l'œuvre de quelqu'un de connaissance. Il devrait probablement prendre la chose au sérieux. Déjà, la presse s'empare de l'affaire. Cantarel et son entourage n'en sont qu'au début de leurs tribulations...

Jean-Pierre Alaux : La Pomme d'or de Rocamadour (Éd.10-18, 2015)

Voici la cinquième aventure mettant à l'honneur Cantarel et Trélissac, hommes de culture et détectives amateurs. C'est durant les décennies 1970-80 que se situent les intrigues présentées. Un très bon choix de l'auteur permettant de restituer des ambiances moins technologiques, quant aux enquêtes. Certes, les lieux choisis connaissaient déjà un tourisme de masse, bien exploité. Pourtant, on échappait encore à un désolant “calibrage” parfois observé depuis dans les lieux touristiques populeux. Ces années-là, Rocamadour se visitait agréablement, je peux en témoigner. Un site effectivement singulier.

Coauteur par ailleurs avec Noël Balen de la série Le Sang de la Vigne, Jean-Pierre Alaux n'a nul besoin d'éloges pour souligner sa maîtrise des histoires. Le récit est émaillé de multiples références – précises et bienvenues – sur les facettes diverses des lieux, du passé, de faits plus ou moins récents. Bonne occasion de s'instruire, bien sûr. Dans le même temps, l'énigme est fortement présente, peut-être teintée d'étrangeté, avec ses protagonistes à surveiller. Notons encore que le jeune Théo trimballe toujours ses petits secrets personnels, au fil des épisodes. Et que l'ironique Mme Cantarel apparaîtra, elle aussi. Encore un très bon suspense dans cette série, qu'on prend grand plaisir à lire.

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 05:55

Il faut des prédispositions pour devenir tueur à gages. Ce n'est pas Dick Lapelouse qui dira le contraire. Né en 1970 d'une honnête mère aimante et d'un père truand abattu dans un règlement de comptes, Richard fit son apprentissage en autodidacte. Avec succès, puisque dès l'âge de vingt ans, il entre au service d'un mafieux niçois. Il sera son homme de main durant quinze ans, sans accroc, dans un milieu pourtant instable. Ayant développé un sens du meurtre sans états d'âme, choisissant la région bordelaise, Dick Lapelouse entreprend de se lancer en indépendant dans cette activité. Cela s'avère bientôt très rentable, car en ces temps de crise, qui n'a pas envie de supprimer les fâcheux de son entourage ? Son bureau voisinant avec celui du psy Malcolm Braun, ceux qui ont besoin d'aide peuvent se contenter d'une analyse ou faire appel au tueur à gages, c'est pratique.

Dick Lapelouse n'a pas de grandes ambitions, juste de rendre service à moindre coût, compréhensif quand il s'agit de néfastes à éliminer. “Alors non, je ne suis pas pour la peine de mort et je ne traite que rarement les cas de vengeance criminelle… Mon métier, c'est de supprimer des salopards à qui la justice ne s'intéresse pas et qui salissent et oppriment des vies entières. Mais sur demande des plaignants uniquement, parce que je ne combats pas le crime.” Bien qu'il ne soit nullement un vengeur, on se bouscule pour l'engager. Au point qu'il lui faut absolument une secrétaire. La quinquagénaire et massive Camille, fan nostalgique de Claude François, employée moitie-moitié par l'exécuteur et par le psy, fera parfaitement l'affaire. Il s'agit juste qu'elle pense que Dick est plutôt détective privé. Néanmoins, davantage que durant son enfance, il a parfois besoin de séances psy.

Dick est sélectif parmi sa clientèle, prudent dans l'énoncé des contrats. Quand l'ex-policier Blondel le contacte, il multiplie les précautions reniflant le coup fourré. À l'heure de passer à l'acte, l'affaire des frères Blondel se vérifie compliquée. Dick lui-même est légèrement blessé, ce qui justifie qu'il se mette au vert à Arcachon quelques jours. Après tout, il ne se prend pas pour un héros de films d'action. Il préférerait sans doute qu'une blonde qui se prénommerait Dionne lui serve d'ange gardien. Dans l'enquête Blondel, il reste attentif à ce qu'en dit la presse. Et voilà qu'on lui présente le cas d'un authentique fumier, Ramón Suñer Llanos. Du genre intouchable, malgré un parcours monstrueux. C'est son fils Carlos, sexagénaire, qui souffre d'avoir eu un tel père. D'autant que, âgé de quatre-vingt-dix ans, Ramón Suñer Llanos renverse les rôles, faisant passer son fils pour un type ignoble.

Dick prend le temps de régler, à la demande d'une brochette d'enfants, le cas du maire Duvernois, Célibataire, cinquante-cinq ans, chasseur, gros buveur, auteur d'abus sexuels, cet ogre aura mérité son sort. Puis Dick se rend à Lisbonne, sur la piste de Ramón Suñer Llanos. Et aussi sur celle de Pepe Carvalho, le héros de Manuel Vázquez Montalbán, avec une pincée de Donald Westlake pour faire bonne mesure. La spectrale Dionne n'est pas loin, réprobatrice quant à cette mission peu rentable. Dick va ensuite devoir faire le détour par Paris, pour une mise au point avec sa mère au sujet de son père. Mais ses aventures ne s'arrêtent pas là…

Sébastien Gendron : La revalorisation des déchets (Éd.Albin Michel, 2015)

Après “Le tri sélectif des ordures (et autres cons)” (Pocket), voici la suite des tribulations de Dick Lapelouse. Pour être précis, ce nouvel opus permet de pénétrer plus intimement dans l'univers de ce singulier tueur à gages. Si l'assassinat est un art, il a aussi une sorte de morale : “Il serait plus juste de dire de moi que je n'accepte pas la revalorisation des déchets, que je n'accepte pas la respectabilité masquant l'infamie, que je n'accepte pas qu'il puisse y avoir des hommes, des femmes, des fils, des filles, des mères ou des pères qui, jouant de leur rôle, sèment l'horreur autour d'eux dans la plus totale impunité. Cette tâche que je me suis donnée ne fait nullement de moi un justicier. Je refuse la section en noir ou blanc de l'humanité.”

Hanté par une fantomatique blonde, et par quelques détails de sa propre vie, il a bien de la chance de voisiner avec un psy, même si celui-ci ne lui fait pas de “prix d'ami”. Pour qu'une comédie policière fonctionne, il faut plus que des situations humoristiques. On attend une tonalité narrative, une inventivité débridée, une certaine ironie, en un mot : une écriture. C'est ce que nous offre ici Sébastien Gendron. La construction du récit n'a rien de linéaire, avec ses courriers, ses réflexions perso bardées d'auto-dialogues ou d'alinéas numérotés. Le “conte de l'ogre Duvernois” est délicieusement présenté. Voilà un roman très drôle, qui permet de savourer un fort agréable moment de lecture.

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 05:55

Recueil de nouvelles de Marc Villard, en majorité inédites.

"Le dernier combat" – Précaire, la vie d'Hakim Kosta, de sa femme Nina et de leur fillette de trois ans, dans ce coin de Belgique. Hakim est un boxeur de quartier, sans gloire. Nina chante dans des bars, selon la générosité de quelques clients. Elle possède une vraie voix, et s'accompagne à la guitare. Mais leur avenir est plus terre-à-terre que leurs espoirs.

"Mama-San" – À Bruxelles, Daniel et deux amis forment un groupe musical qui s'inspire de Crosby, Still, Nash & Young. Ils ont décroché un contrat à Ostende, pour une soirée au club Mama-San. C'est un tout autre genre de contrat que M.Vorenkamp propose à Daniel. Le comptable Benitez s'est mal comporté. Il faut sévir avant qu'il quitte la capitale belge.

"L'harmonica" – À Saint-Quentin, Paul Declerck est un VRP en électroménager et un virtuose de l'harmonica. Divorcé de Sylvia, il est aussi le père du petit Gérôme. Même à bord d'une Cadillac bleu lagon, les balades trop rares avec son fils s'avèrent déprimantes, sujettes à boire quelques verres de trop. Quant à imaginer un hypothétique départ, est-ce illusoire ?

"Hallucinex" – Elle est mal dans sa tête et dans sa vie, Brigitte. Ce n'était pas le chanteur Alan qui pouvait lui apporter un quelconque équilibre, ni une réponse aux médicaments dont elle abusait. Fuir une clinique psy pour se retrouver sur le trottoir parisien n'était pas de nature à l'aider, non plus. Il n'y aurait qu'un repos forcé qui puisse la soulager.

"Le stade Jean Carillon" – C'est dans ce modeste stade de Lamberville que s'entraînent Fabien et ses copains d'une douzaine d'années. Avec les frères Masnaghetti, des graines de pros, peut-être ? Âgé de dix-huit ans, Freddy traîne souvent dans le tribunes, chantonnant des standards du rock. Sa disparition va finir par perturber la vie de Fabien.

"La rivière argentée" – C'est dans un décor forestier que le jeune Belge Alex, ouvrier pour l'été dans une scierie, et la belle Eva, dix-sept ans, se sentent mutuellement attirés. Ensemble, ils chantent le répertoire emprunté aux Everly Brothers, et font de promenades en barque. Alex compte suivre des études de cinéma, tandis qu'Eva espère poursuivre dans la musique.

"Le voyageur immobile" – Thierry est originaire de Roubaix. Pas vraiment majeur, il squatte dans la Gare du Nord avec sa copine d'infortune Stella. Tous deux se prostituent afin de s'offrir quand c'est possible une modeste chambre d'hôtel, pour un peu d'hygiène. Un jeu sale qui peut devenir dangereux. Car ils ne sont pas les seuls déclassés à rôder dans cette gare, à hanter les wagons vides isolés.

Marc Villard : Harmonicas et chiens fous (Cohen & Cohen Éd., 2015)

"Né dans le bayou" – Natif de la région de Lafayette, en Louisiane, Tim a trouvé l'occasion d'étudier le français en Europe. Très habile joueur d'accordéon sudiste, il se produit dans des animations "square dance" en pays wallon. De la country pour des cow-boys de pacotille. Sur leurs motos, certains d'entre eux apparaissent menaçants, quand même. Jusqu'à se croire des héritiers du Klan et de ses méthodes ? Tim se demande s'il faut les dénoncer ou rester prudent.

"Jaurès-Stalingrad" – Employé des Assurances réunies, Martin est surtout un passionné de musique. Un vendeur de partitions rares, inédites, lui a fixé rendez-vous dans le métro parisien. Le nommé Silver n'est pas venu, cas de force majeure. Néanmoins, Martin va réussir à s'emparer desdites partitions. Tant pis s'il faut supprimer l'intermédiaire.

"Beauduc" – Le parcours d'Ulrike, trente-six ans, a été chaotique depuis son Allemagne natale jusqu'à cette plage de Beauduc. Sans doute était-ce une chanteuse possédant un certain talent. Maintenant, elle vit avec sa fille dans son bus échoué là, non loin d'autres marginaux. Nina, sa fille de dix ans, semble avoir disparu. Elle ne doit pas trop compter sur la solidarité de ses voisins, passifs de nature.

La réputation de Marc Villard n'est plus à faire : c'est un maestro de la nouvelle, un prince du texte court. Tel un rockeur inspiré donnant le maximum dans chacun des morceaux qu'il a créé et qu'il interprète, il nous entraîne sur les pas de ses personnages. Des anti-héros ? La formule serait trop facile, et inexacte. Ce sont des “esquintés”, malmenés par leurs choix personnels de vie, où parce que le hasard néfaste s'en mêle. Ça s'arrangera ou bien ça empirera pour eux ? Allez savoir ! Ils ont perdu leur capacité de résilience, mais subsiste peut-être une lueur en eux. À part sur la plage de Beauduc, près de l'Etang du Vaccarès, c'est par temps de grisaille en Belgique et dans le Nord de la France que nous fait cette fois voyager Marc Villard. Des nouvelles à savourer !

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 05:55

À Bucarest (Roumanie), Andreï Mladin est un journaliste âgé de vingt-sept ans vivant avec son chat Mécène. Mal réveillé ce jour-là, il découvre un corps étalé au milieu de ses livres, tué à coups d'haltères. Il se souvient mal de la soirée de la veille. Le plus urgent reste de faire disparaître le cadavre, sans que sa curieuse voisine Madame Margareta s'interpose. Après avoir caché le mort à la cave, il nettoie son appartement…

Tout a commencé par l'interview de la jeune et belle violoniste Mihaela Comnoiu. Coup de foudre entre le journaliste et la virtuose. Certes, le père de la jeune femme, le Dr Paul Comnoiu se montre plutôt méprisant envers Andreï Mladin. Et le journaliste peut craindre que des rivaux, tel l'acteur beau-gosse Marian Sulcer, entravent leur idylle. Pourtant, l'enjôleuse Mihaela apparaît vraiment amoureuse de lui. Le journaliste reçoit des lettres de menaces, avant d'être agressé dans la rue. Puis au téléphone, des gens semblent prêts à payer cher pour qu'il cesse sa relation avec Mihaela.

Le cadavre est celui du vieux Valentin Meranu, qui est au service de la famille Comnoiu. La veille, lors d'une soirée chez le père de Mihaela, on a cru Andreï Mladin ivre parce qu'il était victime d'un malaise. Valentin et l'acteur Marian Sulcer l'ont raccompagné chez lui. Il semble que Sulcer ne soit pas monté à l'appartement du journaliste. Si l'acteur a un alibi, celui-ci est bientôt informé par sa concierge. Le Dr Paul Comnoiu n'apprécie guère quand le journaliste l'interroge sur son emploi du temps de la nuit en question. Et, inquiète pour le vieux Valentin, Mihaela lui reproche son comportement d'alcoolique.

Une inondation a envahi la cave de l'immeuble d'Andreï Mladin. Le corps de Valentin ne s'y trouve plus, on l'a ramené à l'appartement. Le journaliste s'arrange pour s'en débarrasser, malgré sa voisine curieuse, Madame Margareta. Dès le lendemain, la police découvre le cadavre sur un terrain vague voisin. Andreï Mladin poursuit son enquête, sur la piste d'une Ford Capri rouge. S'ensuivent de multiples péripéties, indiquant qu'il est personnellement visé par une complexe machination. Les bienveillants policiers Buduru et Pahonţu vont discrètement suivre l'affaire, et ne seront pas loin pour arrêter les coupables…

George Arion : Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? (Genèse Éd., 2015) — Coup de cœur —

Préfacée par Claude Mesplède, cette excellente comédie policière nous est racontée par le héros, Andreï Mladin, ce qui donne comme toujours une belle vivacité à l'histoire. D'autant que les chapitres courts relancent le récit. Parmi les éléments souriants, il utilise de nombreuses fois l'expression “fin de citation” après avoir évoqué des paroles venues de son grand-père, par exemple. On nous l'explique : “Pendant le régime autoritaire, l’expression «fin de citation» était employée par tout orateur reprenant les propos du Conducator. La redondance de cette rhétorique est bien entendu tournée ici en dérision par l’auteur.”

Car c'est bien dans la Roumanie du temps de Nicolae Ceaușescu, que se déroule cette affaire. On le constate aussi par certains détails : la nourriture provient des pays frères et amis : “En route vers mon appartement, je prends mon courage à deux mains et entre dans un magasin pour y faire quelques courses : une boîte de haricots chinois, un pot de poivrons bulgares, une boîte de sardines soviétiques et une bouteille de vin albanais...”

Un petit journaliste face à la bourgeoisie communiste, telle est la place d'Andreï Mladin : “– J’ai élevé Mihaela loin de toute vulgarité. Je lui ai appris à résister, à ne pas être engloutie par l’anonymat, à monter aussi haut possible, parmi les élus, les génies. Ce sont eux les véritables maîtres du monde (…) Toi aussi, tu as voulu rejoindre cette sphère, Mladin ! En vain ! Il est impossible à un vagabond de prendre la place d’un roi ! Tu auras beau porter les vêtements les plus élégants, fréquenter les salons les plus huppés, tu resteras un insecte rampant qui n’habitera jamais qu’une grotte sordide.”

Entre cadavre encombrant et innocent persécuté, l'histoire est racontée avec une bonne part d'humour. C'est ainsi que George Arion s'inscrit dans la meilleure tradition du polar. On a hâte de lire d'autres romans de cet auteur.

 

- Disponible dès le 13 février 2015 -

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 05:55

Élève au collège Valdelosa, Soledad est âgée de douze ans. Une sortie scolaire conduit sa classe, sous la surveillance de sœur Esther, dans un ermitage à l'allure sinistre. Se sentant la trente-septième sur les trente-six enfants présents, Soledad s'imagine volontiers tel un fantôme. Elle s'éclipse du groupe, passe une porte, emprunte un escalier tortueux, arrive jusqu'à une pièce secrète et exiguë. Quatre étranges personnes sont réunies là assises, deux hommes et deux femmes. Soledad est acceptée comme témoin, tandis que chacun d'eux narre des histoires insolites.

C'est l'irritable M.Formes qui commence avec deux récits. Le premier raconte le cas de Gertrude Webber, une dame qui se pensait investie de l'esprit de Marie Curie. Cette dame consultait un psychanalyste de renom, Alfred Dobbin, qu'elle entraîna dans sa croisade contre une force qu'elle estimait maléfique. Le chaos qui s'ensuivit leur fit rencontrer l'Être qu'ils pourchassaient. Mais qu'ils ne pouvaient détruire, car il faisait partie de la nature. Dans le second récit, M.Formes évoque ses recherches archéologiques en Méditerranée avec le riche Grigori Fasev. Vénus ou Aphrodite, Astarté, Ishtar, Astaroth, le mythe de la beauté absolue les fascinait. Si M.Formes trouva un idéal en la personne de la belle Sophia, Grigori découvrit un vestige qu'il associa à la naissance de Vénus. Drôles ou émouvants, Soledad n'est pas sûre d'avoir compris ces deux contes.

Puis, c'est Mme Lefo qui entame une troisième histoire. Dans une soirée mondaine parisienne, entre art et orgie, on pouvait alors croiser un certain Roberto Lupino. Ce facétieux dandy avait un jeu favori, voler les petites culottes des dames dans les toilettes. Ce qui eut pour conséquence de causer la fureur de Mme Katharina Karsova. En effet, cette simple culotte cachait des secrets. Quand elle voulut la récupérer, le farfelu Lupino trouva l'occasion d'un chantage d'une perversité très particulière. Mme Lefo raconte encore l'histoire du jeune Lustucru, seize ans, adolescent sympathique mais un brin arriéré, vivant dans un petit village. Il semble être tombé amoureux d'une photo, celle de Jennifer Budoski, que l'on suppose être une star de Hollywood. Le pauvre est poursuivi dans ses rêves par cette obsession, qui finit par toucher toute la famille.

Ces deux contes ont-ils un point commun, Soledad n'en est pas sûre. C'est maintenant au tour de M.l’Évêque de Godorna de détailler une soirée entre actionnaires d'une florissante entreprise, à laquelle ce prélat fut convié. L'idée d'abandonner leur fortune pourrait-elle les effleurer un instant ? Ou restent-ils férocement jouisseurs ?… L’Évêque raconte aussi l'exotique aventure de Frances Fresh, américaine de treize ans. Puis vient la dame en blanc, Mme Win ou Mme Güín, qui narre ses propres contes. La pure Soledad pourra-t-elle le moment venu franchir le pas, et raconter aussi une histoire quelque peu malsaine ?…

José Carlos Somoza : Tétraméron (Actes Sud, 2015)

Il ne s'agit ni d'un polar, ni d'un roman noir. L'auteur reprend le principe du “Décaméron” de Boccace, célèbre œuvre allégorique présentant des récits de débauche entre érotisme et drame. Dans une ambiance énigmatique, face à une ado, quatre protagonistes narrent des scènes déroutantes. À son âge, Soledad est sensible aux contes, s'avouant que “dans un conte, je suis qui je veux.” Faut-il tirer une leçon, une morale, de ces récits ? Ce serait comme créer son propre labyrinthe, dans lequel on risque fort de se perdre : “De son point de vue, chercher des explications aux contes est une autre énigme en soi. Elle s'est creusée la cervelle avec les histoires, elle s'en aperçoit maintenant et se trouve ridicule. "Nous créons parfois nous-mêmes les problèmes que nous tentons de résoudre", se rappelle-t-elle...”

En effet, chacun peut interpréter une anecdote, un récit authentique ou plus fantasmé, à sa manière. En tirer expérience à long terme, ou se contenter de sa réaction instinctive. Il y a quelque chose d'hallucinatoire, d'onirique, d'outré, dans tous les contes. On verra ici qu'un second récit peut s'insérer au milieu d'une histoire. La lecture permet d'exciter notre imagination, d'illustrer la fiction par nos images personnelles, d'éprouver des émotions. Le jeu, non dénué de philosophie, que propose José Carlos Somoza est bien celui-là. Qu'il soit sous doute un peu complexe n'empêche nullement d'y adhérer, avec un certain plaisir.

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6 février 2015 5 06 /02 /février /2015 05:55

Elspeth Howell vient de passer quatre mois en ville, exerçant son métier de sage-femme. En ce neigeux hiver 1897, elle rentre dans sa ferme isolée du nord de l’État de New York. Son mari Jora et leurs enfants (Mary, Emma, Jesse et Amos) ont été massacrés. Cinq ou six jours plus tôt, trois hommes portant des foulards rouges ont débarqué ici, tuant sans pitié toute la famille. Sauf Caleb, douze ans, fils solitaire des Howell. Il a tout vu depuis le fenil, dans la grange où il passait son temps. Bien que possédant un fusil Ithaca, il n'a pas pu intervenir. Sans le vouloir, Caleb blesse sérieusement sa mère à son arrivée. Fiévreuse, Elspeth reste semi-inconsciente durant plusieurs jours. Son esprit lui restitue des images de leur vie passée, entre la pieuse dureté de Jora et leur histoire familiale. C'est le feu qui va intégralement purifier le décor meurtrier. Caleb et sa mère se réfugient dans la grange.

Le garçon réfléchit à la suite : “Ils auraient besoin d'un plan, et pour la première de fois depuis le drame, il envisagea la possibilité d'un avenir. La seule chose qu'il révélerait à sa mère, c'est qu'il prévoyait de tuer ces hommes. Sans doute le voudrait-elle aussi.” Après quelques jours de répit, Elspeth affaiblie et Caleb partent à pied dans la neige et le brouillard. Un long chemin de croix dans les campagnes sans vie. Ils échouent finalement dans la maison d'un couple de vieux, William H.Wood et sa femme Margaret. Ceux-ci leur procurent chaleur et réconfort. Quatre jours plus tôt, le trio de tueurs a brutalisé William, dérobant ce qu'ils pouvaient. Ils sont partis en direction de Watersbridge. Elspeth connaît la ville, près du lac Erié, car c'est là que naquit Caleb. William et Margaret ne peuvent retenir la mère et son fils, pressés de rester sur les pas du trio criminel.

Tandis qu'ils se logent dans un hôtel, Caleb découvre la civilisation. Déguisée avec les vêtements de son défunt mari, Elspeth se voit offrir un job d'homme à la Compagnie des Grands Lacs. Un boulot difficile où elle fait équipe avec Charles Heather, au caractère plutôt bienveillant. Elle ne peut rien lui révéler dans l'immédiat. Caleb ayant entendu parler de la Taverne de l'Orme, un lieu mal famé, il a été engagé pour un petit job de service par le patron, London White. Il est convaincu que c'est là qu'il trouvera la trace des trois tueurs. Caleb s'est acheté un Colt, qui ne le quitte pas. À l'Orme, il croise des types comme Owen Trachte, qu'il sent animé d'une sourde colère, ou Martin Shane, un habitué paraissant énervé de nature. Mais il y a également la jeune Ellabelle, qui l'impressionne quelque peu. Tandis qu'Elspeth reste hantée par son passé, il n'est pas question pour Caleb de renoncer à sa vengeance…

James Scott : Retour à Watersbridge (Éd.Seuil, 2015)

À la toute fin du 19e siècle, l'Amérique reste largement un décor de western, la ruralité s'appliquant toujours à de petites villes comme Watersbridge. C'est une époque rude, où le confort reste relatif pour la population modeste, gens ordinaires menant une vie sans luxe, chacun défendant ses maigres biens ou sa tranquillité. Non sans utiliser des armes, au besoin. Des notables de la classe un peu plus aisée, tels ceux qui employèrent Elspeth Howell, il en existe. Ces conditions de vie engendrent une sélection naturelle au détriment des plus faibles, y compris des bébés. On se raccroche dans certains cas aux préceptes bibliques, comme le fit Jora Howell. Ou on traîne sa peine et ses secrets, telle Elspeth.

Ce que l'on retient en priorité, c'est l'écriture de James Scott, capable de faire passer cette âpreté de l'ambiance d'alors. Certes, il y a des règlements de comptes dans l'air. Au-delà de ça, c'est l'ensemble des rapports entre tous les protagonistes qui sont sous perpétuelle tension. Beaucoup de méfiance, assurément une dose de rancœur. Néanmoins, l'auteur parvient à nuancer, à travers des personnages plus modérés : William et Margaret Wood, le patron de l'hôtel Frank, l'ouvrier Charles Heather, et d'autres encore. Quelques lueurs humanistes percent dans toute cette noirceur.

Quant à l'intrigue, le massacre initial en est le moteur, bien sûr. Toutefois, c'est dans l'histoire d'Elspeth et de ses proches que l'affaire prend sa source. Bien que de style personnel, ce roman puissant n'est pas sans rappeler ceux de Ron Rash. C'est avec une très belle maîtrise que James Scott nous raconte ces destins tourmentés.

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 05:55

Drôle d'expérience d'être une pute bon marché au club Gran Madam's, côté espagnol de la frontière, à La Jonquera. Ex-étudiante, Virginie Lupesco devenue Bégonia Mars, “apprécie” les plaisirs du job. Y a qu'à se faire secouer dans tous les sens par une succession de clients, qui paient via une sorte de parcmètre. Pour le reste, Ludovic le Boss s'occupe de tout : lui tirer son fric, lui claquer des baffes, ingurgiter des chocolats et picoler. Et puis organiser un mauvais coup avec son assistant le Chinois et elle : buter salement le Catalan, patron du club où elle est employée. Dès le lendemain, le trio s'offre une virée côté France sous la chaleur de l'été, avec le chien de Bégonia, dans la Dacia pourrie du Boss conduite par le Chinois. Pinard à volonté pour un pique-nique en bord de mer près de Leucate, sur une plage polluée où la baignade est interdite. L'ombre du Catalan plane encore sur eux.

Le hasard fait qu'ils embarquent une gamine d'une douzaine d'années, Marielle, traînant dans les dunes. Elle a tendance à l'embonpoint, la petite. Quand elle a envie de voir les lions au zoo de Sigean, Ludovic le Boss est d'accord pour cette balade chez les fauves. Il n'empêche qu'une mineure, ça peut finir par attirer les embrouilles avec les flics. Ramener Marielle à ses parents, Jean-Louis et Sylvie, couple de garagistes à Capendu, un village du coin ? Bien que la fillette fugueuse ait disparu depuis plusieurs jours, ils ont l'air modérément perturbés, ces deux-là. Ce n'est pas sa première fugue, il est vrai. Quand même, ils sont très heureux que Marielle soit retrouvée, et invitent le trio à rester. Le Chinois étant tombé malade, ils sont obligés de prolonger leur séjour. L'occasion pour Bégonia Mars de se remémorer son parcours du Puy-de-Dôme jusqu'à la prostitution.

La jeune femme s'entend bien avec Marielle, qu'elle a envie de protéger. Surtout, Bégonia est très attirée par Ali Talib, le beau gardien de nuit de la station. Ludovic le Boss ne parle plus de ses projets parisiens. Globalement, une agréable pause vacances, dans la bonne humeur. Tandis que le farniente s'éternise à Capendu sous la canicule, les habitants du village masquent mal une certaine désapprobation envers le trio, suspect à leurs yeux. Le Chinois, issu d'un étonnant métissage, les intrigue sûrement. Par ailleurs, il y a la famille de Sylvie, au sujet de laquelle Bégonia ressent un malaise certain. Faut-il protéger Marielle contre tout cet environnement, finalement pas si calme, avec ses secrets et sa nervosité ? Quand les gens du village lancent les hostilités, il est temps pour le trio de réagir…

Anne Bourrel : Gran Madam's (La Manufacture de Livres, 2015)

Cet excellent roman s'inscrit dans la lignée de ce que l'on appela le “néo-polar” voilà une trentaine d'années. On y mêlait réalisme et marginalité, la narration fluide compensant un climat tendu. À l'époque, il eût trouvé sa place aux côtés de ceux de Pierre Pelot, Thierry Jonquet, Michel Quint, et autres ténors de la collection Engrenage du Fleuve Noir. Par son écriture vive et inspirée, l'auteure réussit instantanément à nous fasciner. Sacré “tour de force”, car elle n'est pas la première à nous raconter les déboires d'une prostituée.

Cette jeune femme acceptant le sexe tarifé à la chaîne, assumant sa soumission à un proxénète, on n'a vraiment aucune raison de la trouver émouvante. Probablement est-ce sa franchise qui la rend bien plus sympathique. Par exemple, elle n'a pas l'hypocrisie de se dire escort-girl, qualificatif plus noble (mais c'est la même chose) que celui de pute. Elle ne nie pas que, en plusieurs occasions, elle pourrait certainement fuir cet univers malsain. Franche ou sincère, oui, mais pas peut-être pas complètement lucide.

Elle semble accro au dégoût, comme bon nombre de ces femmes, qui jureraient mordicus qu'elles sont libres de leur vie, heureuses. Elles sont au service de faux-caïds : “Ils se ressemblent tous : visages fermés, lunettes noires, costume chemise blanche, chapeau de cuir, ou survêt, médaille, casquette. Aucun ne révèle jamais son véritable nom. Ils s'entre-tuent et sont interchangeables.” Les maquereaux d'antan n'ont guère évolué, des gagne-petits qui se donnent des airs de chefs, de businessmen.

Anne Bourrel confronte son trio à un monde normal et quotidien, en apparence équilibré, mais peut-être pas tant. Sous le soleil du Languedoc-Roussillon, un noir polar de haute qualité, nettement plus sombre qu'il y paraît.

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 05:55

En 2010, âgé de soixante-deux ans, K.William Hodges est depuis quelques temps retraité, après avoir passé quarante années dans la police. Sa vie est désormais plutôt ennuyeuse. Il est divorcé de sa femme Corinne, et leur fille trentenaire Alison vit à San Francisco. Il ne fréquente plus guère ses ex-collègues, dont son partenaire Pete Huntley. Seul Jerome Robinson, lycéen noir qu'il paie pour de menus travaux, reste un contact avec la vie réelle, sinon la télé occupe son temps. Hodges reçoit un courrier d'un criminel qu'il n'a pas réussi à identifier tant qu'il était en service. Ce Tueur à la Mercedes fonça volontairement sur une foule de chômeurs réunis en attente d'une Foire à l'emploi au City Center, causant plusieurs victimes dont un bébé. L'auteur de la lettre ne cache pas sa jubilation d'avoir tué tous ces gens sans se faire prendre. Avec ce puissant véhicule volé à Mrs Olivia Trelawney, et en prenant moult précautions, l'opération ne pouvait pas être un échec.

Hodges ne confie pas le courrier à la police. Il veut comprendre le but du tueur, qui semble bien renseigné sur lui-même, l'ancien flic. Besoin de célébrité ou, quoi qu'il en dise, envie de recommencer ? Hodges analyse la forme de la lettre, un texte avec des détails curieux, tel ce mot erroné de “créminel” pour “criminel”. Le retraité se souvient de l'interrogatoire de Mrs Trelawney, qui se suicida au cours de l'enquête. Se posait la question de la clé de cette Mercedes, l'assassin ayant refermé la voiture avec elle après l'avoir garée dans une zone industrielle isolée. La propriétaire disait ne pas posséder de doubles de ladite clé. Un petit mystère, pourtant capital, qui entraîna peut-être le suicide de Mrs Trelawney. Hodges retourne dans le quartier pour habitants aisés où elle habitait. Les confidences d'un agent de sécurité l'aident à mieux cerner les circonstances et le caractère de la défunte.

Hodges s'adresse à la quadragénaire Janey Patterson, sœur et héritière de Mrs Trelawney. Elle lui donne une lettre, à la tonalité culpabilisante, que le tueur envoya à feue sa sœur. Janey engage Hodges tel un détective privé pour éclaircir l'affaire. Malgré leur différence d'âges, le vieux flic et Janey masquent à peine leur attirance mutuelle. C'est Jerome qui va bientôt résoudre l'énigme de la deuxième clé de la Mercedes. Doué en informatique, il aide aussi Hodges à explorer un site Internet de rencontres, “Sous le parapluie bleu de Debbie”. Mrs Trelawney fut en rapport avec le Tueur à la Mercedes via ce site. D'ailleurs, le criminel donne aussi rendez-vous à Hodges sur le même site. Le retraité finit par jouer le jeu. À sa manière, tel le pêcheur à la ligne ferrant le poisson, en utilisant la provocation envers son adversaire anonyme. Il le traite de mythomane, ce qui ne peut qu'exacerber la fierté de cet assassin. Après plusieurs messages de la sorte, les réponses sont irritées.

Âgé de vingt-huit ans, Brady Hartsfield vit avec sa mère Deborah, adepte de la vodka. Il est employé à temps partiel chez Discount Electronics, vente et réparation informatique. Son second job, c'est marchand de glace. Avec son fourgon Mister Délice, il passe dans les quartiers. Dont celui de Hodges, où il a pour clients Jerome et sa jeune sœur de neuf ans. Voilà en partie comment Brady connaît si bien le retraité de la police. Chez lui, le sous-sol est aménagé tel un poste de contrôle informatique, avec sept ordinateurs et tout ce que le bricolage permet comme connections. Il compte même y mettre au point un appareillage explosif. Utilisant le pseudo de Frankie, du nom de son défunt frère, pour le site “Sous le parapluie bleu de Debbie”, c'est d'ici qu'il incita Mrs Trelawney à se supprimer. Excité par les réponses ironiques de Hodges, pour prouver qu'il n'est pas un rigolo, Brady projette d'empoisonner Odell, le chien de Jerome. En fait, il va se produire un sérieux ratage.

Hodges invite Jerome et Janey à repérer tout véhicule susceptible de surveiller le quartier. En provoquant le criminel, le but du vieux flic est “qu'il se concentre sur une personne en particulier. Plus je resterai dans sa ligne de mire, moins il pensera à planifier une autre tuerie comme celle du City Center, peut-être même encore plus grande.” En effet, Brady est jaloux des amours de Hodges et Janey. Tout en rôdant au centre culturel de la ville, il prépare un piège explosif. Interrogé par son ami policier Pete, Hodges ne dit pas la vérité. Le vieux flic, Jerome et leur amie Holly Gibney, doivent absolument contrer le tueur...

Stephen King : Mr Mercedes (Éd.Albin Michel, 2015)

Brady sait qu'il est malade mental, bien sûr qu'il l'est, les gens normaux ne foncent pas sur des foules de gens avec leur voiture et n'envisagent pas de commettre un attentat-suicide contre le Président des États-Unis. Les hommes normaux ne s'arrêtent pas devant la chambre de leur mère en se demandant si elle est nue. Mais les hommes anormaux n'aiment pas que les gens sachent qu'ils sont anormaux.

 

Il est superflu de faire l'éloge des romans de Stephen King. Son sens narratif fait de lui un des meilleurs conteurs de tous les temps, quel que soit le genre d'histoire qu'il entreprend de raconter. Cette fois, c'est dans un polar qu'il embarque ses lecteurs. Pas une énigme où il faudrait découvrir le nom du coupable, mais un duel entre un enquêteur et un tueur. D'une part, un récent retraité de la police prêt à se muer en détective privé, pour revenir sur une monstrueuse affaire non élucidée. De l'autre, un solitaire se croyant intelligent et malin parce qu'il est bon bricolo en informatique. Une base plutôt classique, en effet.

Ce qui convainc dans les romans de cet auteur, c'est la description de l'univers où évoluent les personnages centraux. Entre quartiers rupins et secteurs où fleurit la délinquance, une ville ordinaire du Midwest, quelque peu touchée par la crise économique. Un jeune Noir de bonne famille qui, par complicité avec le flic retraité, s'amuse à parler “petit nègre”. La petite sœur de Jerome excitée, comme une gamine de son âge, par un show au centre culturel. Une dame impliquée dans un acte criminel qui, comme beaucoup, s'occupait peu de la sécurité de sa voiture. Une amourette entre le vieux flic et une femme plus jeune. La mère du tueur ressemblant à une loque vulgaire. Voilà une poignée d'exemples de ce qui offre une belle crédibilité au sujet.

Stephen King s'applique à coller au quotidien, à une certaine réalité. Y compris dans les technologies si présentes à notre époque. Que nous maîtrisons parfois mal, tandis que d'autres savent en tirer parti de manière néfaste. Contraste entre l'innocente activité de marchand de glace et celle de technicien névrosé, en ce qui concerne le tueur. L'angle que choisit le policier retraité pour l'affronter est symptomatique aussi : la provocation. Sans doute, un des points forts du récit. Face à des jusqu’au-boutistes, raisonnement et recherche d'indices seraient insuffisants, il faut être aussi hargneux qu'eux. L'auteur utilise tout ce contexte avec son aisance naturelle, ce ton assez enjoué qui lui est propre. Encore un excellent suspense de Stephen King, un maître en la matière.

— Disponible dès le 5 février 2015 —

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