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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 05:55

Fiona Griffiths est âgée de vingt-six ans. Elle vit à Cardiff, au Pays de Galles. Voilà environ trois ans qu'elle est entrée dans la police. N'ayant pas encore une réelle expérience d'enquêtrice, on lui confie des tâches routinières. Par exemple, en ce moment, elle vérifie les comptes de Penry, un ex-flic devenu escroc. Les relations de Fiona avec ses collègues restent mitigées. Peut-être savent-ils plus ou moins qu'elle a eu de sérieux soucis de santé à la fin de son adolescence. Ou est-ce parce que la jeune femme peu liante ne fonctionne pas à la caféine et aux boissons alcoolisées. L'inspecteur Dennis Jackson est le supérieur de Fiona. Il se montre plutôt bienveillant avec elle. S'il est ferme quand Fiona dépasse les bornes, comme lorsqu'elle cogna un témoin en légitime défense, Jackson sait aussi écouter sa protégée.

Janet Mancini avait le même âge que Fiona. Prostituée occasionnelle, se droguant parfois, elle semblait capable de mener une vie plus normale. Car elle voulait garder sa fille April, six ans, et bien s'en occuper. Suite à un appel téléphonique, on les a retrouvées mortes dans une maison crasseuse d'un quartier pauvre de Cardiff. Le double meurtre apparaît l'évidence, d'autant que la tête de la petite a été fracassée par un évier. Sur les lieux, se trouvait la carte bancaire du riche Rattigan. Cet homme d'affaires a disparu dans un crash aérien, il a quelques temps. Il semblait avoir joué un rôle dans le dossier de l'escroc Penry. Une photo prise sur un hippodrome atteste qu'ils étaient proches. L'inspecteur Jackson accepte que Fiona soit associée à l'Opération Lohan, nom de l'enquête sur le meurtre des Mancini.

Grâce à l'ADN décelé dans la maison du crime, la police cible quatre suspects. Fiona et sa collègue Jane Alexander doivent interroger une cinquième personne, la prostituée Stacey Edwards, qui connaissait Janet Mancini. Après avoir obtenu plus d'infos sur elle, les deux enquêtrices arrivent trop tard : Stacey a été supprimée. C'était bien elle qui avait alerté la police. Jackson ne reproche rien à Fiona, car il la sent déterminée et assez imaginative. La policière essaie de s'imprégner de l'esprit des victimes. Le visage de la petite April l'accompagne au quotidien...

Harry Bingham : La mort pour seule compagne (10-18 Ed., 2014)

Un ordinaire roman d'enquête ? Certainement pas. Certes, il y a des mystères, des pistes, des suspects, et l'intrigue criminelle est permanente, très tendue. Pourtant, ce qui nous donne envie de poursuivre la lecture, c'est la vie de Fiona Griffiths. Une vraie Galloise qui s'éloigne de temps à autres de la citadine Cardiff, pour ne pas oublier ses racines. “Voici le véritable Pays de Galles. Le vieux Pays de Galles. Pas celui créé par les Victoriens, tout en charbon, acier, ports et usines. Mais le pays des Celtes. De l'opposition... Opposition à l'envahisseur. Un grand bras d'honneur multiséculaire. Ici, la population parle le gallois, parce qu'elle n'a jamais parlé autre chose...” Profitons-en pour saluer l'écriture impeccable de l'auteur.

Si Fiona reste quelque peu en décalage, la jeune femme est bien plus inspirée que les forces de police de Cardiff dans cette affaire. On la sait plus fragile que d'autres flics, plus sensible à la mort pour des raisons personnelles. En retrait par rapport à sa famille, aussi, et pas seulement parce que son père n'a pas toujours été très net dans ses activités. À la fois, Fiona ne manque pas de maturité ni d'intelligence, mais elle est encore à la merci des troubles qui ont perturbé son passé. L'aspect psychologique alourdit parfois un récit. Ici, à l'inverse, c'est le moteur qui fait avancer l'héroïne, et qui rend le suspense de plus en plus excitant. La nuit qu'elle passe dans un endroit insolite, par exemple, lui permet d'entamer la dernière étape de cette aventure. On espère la retrouver dans des romans à venir, car Fiona est un personnage très attachant. Un suspense à découvrir absolument.

- A noter, la sortie d'un nouveau roman d'Harry Bingham : "Jusqu'à ce que la mort les réunisse" aux Presses de la Cité -

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22 mars 2014 6 22 /03 /mars /2014 06:44

Ville de taille moyenne située en Charente-Maritime, Rochefort-sur-Mer est une cité qui ne fait guère parler d'elle aujourd'hui. Certes, on n'y a pas oublié le tournage du célèbre film de Jacques Demy. Mais, depuis une vingtaine d'années, c'est la construction à l'identique du vaisseau L'Hermione qui offre une bonne image de Rochefort. Le navire de La Fayette fut autrefois construit en grande partie par des bagnards, dont beaucoup perdirent la vie sur le chantier. Ce sont des ouvriers spécialisés qui, deux décennies durant, ont réalisé la copie du mythique bateau. Le meurtre de Guillaume Marchand, menuisier sur L'Hermione, surprend et secoue quelque peu la tranquillité de Rochefort-sur-Mer.

Natif du Béarn, le commissaire Pierre Camdebourde est en poste à La Rochelle. Il a ses habitudes à Rochefort, où vit sa compagne Patricia, originaire de cette ville. Il est assisté de Bertrand Venise, policier un peu moins mûr que lui. Tous deux mènent l'enquête sur le meurtre du menuisier. Sur le chantier de L'Hermione et en ville, tout le monde semble avoir une bonne opinion de la victime. Avec sa compagne, une infirmière assez revêche, le défunt fréquentait entre autres le restaurant La Casa, et s'intégrait bien ici. Camdebourde a le sentiment que le jeune Antonin Rigal, collègue de la victime, ne dit pas tout ce qu'il sait sur Guillaume Marchand. Ce peut être simplement de la timidité.

Le maire actuel reçoit une lettre anonyme, vaguement menaçante en ces temps précédant les élections municipales. Le corbeau parle de couler L'Hermione dès ses premiers tests de sortie en mer. D'autres politiques et la police recevront des courriers comparables. Il est difficile de discerner les motivations réelles du maître chanteur, où de voir un lien avec les meurtres. Car, en effet, un deuxième homme est poignardé. Benoît Merle, contremaître du chantier de L'Hermione, est retrouvé mort place Colbert. Tandis que les médias locaux s'emparent vite de l'affaire, il s'avère que les deux victimes s'entendaient bien sans être de grands amis. Ce que confirme Natacha, l'ex-femme de Merle, qui habite à Royan.

Avec son propre fils et celui de sa compagne, Camdebourde se sent à l'aise. Beaucoup moins avec Lola Maupertuis, l'amie assez bizarre de Patricia. Une piste peut se dessiner quand on découvre que l'assassin chausse des baskets taille 49. Il va falloir comparer avec quelques personnes ciblées. Autre hypothèse à explorer : la laide infirmière a menti sur son emploi du temps le soir de la mort de son compagnon. Entre raisons politiques et motifs personnels, les policiers cherchent toujours les vrais enjeux de cette affaire...

Marie-Claude Aristégui – Arnaud Develde : Sinon l'Hermione coulera (Editions du Caïman, 2014)

Il s'agit d'un pur roman d'enquête, traditionnel et balisé. Grâce au contexte autour du commissaire Camdebourde, les auteurs donnent une certaine crédibilité aux personnages. Clairement, leur but est de nous présenter cette ville sous divers aspects. Il est vrai que l'histoire de Rochefort-sur-Mer est déjà ancienne, et mérite qu'on s'en souvienne. On ne peut échapper aux “Demoiselles de Rochefort” de Jacques Demy, qui participa à la gloire de l'endroit. En guise de clin d'œil, tous les intitulés des chapitres sont des titres de films.

On assiste à un de ces dîners bourgeois typiques et un brin désuets, réunissant une poignée de notables locaux et nationaux, commerçants connus, préfet, commissaire. On revient en détail sur le faramineux projet autour de L'Hermione, lancé par un ancien maire et soutenu par les autorités. Dont les écrivains Paul Guimard puis Erik Orsenna ont été les ambassadeurs. Un chantier incroyable à notre époque, il est vrai. Évidemment, c'est dans ce cadre que se développe l'intrigue criminelle. Voilà un roman policier sympathique, à la découverte d'une ville qui n'est pas sans charme.

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 05:55

Début des années 1960, en Suède. Erik est un adolescent de quatorze ans. Il a un grand frère, Henry, de huit ans son aîné. Après avoir tenté de partir à l'aventure, Henry écrit pour un journal local. Plutôt séduisant et sûr de lui, il est fiancé à Emmy Kaskel. Le père d'Erik et Henry est gardien de prison, quinquagénaire. Leur mère est hospitalisée pour un cancer, qui risque de s'avérer prochainement fatal. En secret, Erik est l'auteur d'une bande dessinée, contant les aventures du Colonel Darkin, un héros plein de panache. Il est prévu qu'Erik, Henry et Emma passent l'été dans leur maisonnette appelée Tibériade, au bord d'un lac situé à vingt-cinq kilomètres de chez eux. Henry veut en profiter pour écrire un roman existentialiste. Son cadet ne voit pas bien ce que ça peut être.

Edmund, récent copain de classe d'Erik, va partir en vacances avec eux. La mère du garçon est gravement alcoolique, ce qui crée un parallèle relatif vis-à-vis du cas d'Erik. Gardien de prison aussi, le père d'Edmund est le second mari de sa mère. Son vrai géniteur était un type violent, qu'il ne regrette pas mais recherchera peut-être un jour. Une enseignante remplaçante a fortement marqué les esprits durant les dernières semaines de l'année scolaire. L'éclatante beauté d'Eva Kaludis est comparable à celle de Kim Novak, une des stars américaines de cinéma de l'époque. Comme tous les collégiens, Erik et Edmund fantasment sur elle. Eva est fiancée à Bertil Albertsson, dit Berra. Ce champion de hand-ball connu dans toute la Suède est surnommé Bertil le Canon, pour sa frappe puissante. Le genre de couple idéal qui permet à des ados de mesurer combien ils sont eux-mêmes insignifiants.

Erik et Edmund ont parcouru les vingt-cinq kilomètres à vélo, pour s'installer à Tibériade. Leur complicité mutuelle va se renforcer au fil des semaines. S'il garde son insouciance, Erik cherche à mieux comprendre le monde adulte. À ses yeux, il se résume à “cancer, Treblinka, amour, baiser, mort”. Les deux ados se hasardent à Lackaparken, lieu festif des environs. Ils y croisent la belle Eva Kaludis, avant d'assister à une bagarre dont Berra est le protagoniste central. Incident mineur parmi d'autres, qui ne trouble pas Edmund et Erik. “C'était un été du tonnerre. Tout allait bien. Jusqu'à là.”

Fin juin, après avoir retapé le ponton sur le lac, le duo voit arriver Eva Kaludis en compagnie d'Henry. Les ados seront bien vite témoins des relations sexuelles du couple. Sans doute est-ce Berra qui a cogné Eva, quand elle se réfugie auprès d'Henry. Plus tard, on va retrouver le cadavre de Berra sur un parking des environs. Personne n'a envie d'avouer au policier Lindström que le sportif était passé peu avant à Tibériade. Même si Henry peut apparaître suspect, l'affaire restera sans réponse pendant trente-cinq ans...

Håkan Nesser : Un été avec Kim Novak (Éditions Seuil, 2014)

Il est sans doute bon de souligner qu'il s'agit d'un roman mettant en scène des ados, et non pas d'un roman-jeunesse, type de livres ayant aussi leurs qualités. Ces histoires sont généralement très réussies, car il existe toujours une part initiatique là-dedans. Si Erik et Edmund ne possède évidemment pas une maturité d'adulte, leur petite expérience de la vie les a déjà confrontés à des épreuves. Bien sûr, cet “été de la Catastrophe” constituera une étape marquante de leur parcours.

Avec une très belle subtilité, Håkan Nesser décrit ces petits riens qui sont typiques de l'adolescence. Une razzia pour voler les boules de gomme des distributeurs. La fierté d'avoir restauré un ponton. Fréquenter tels des jeunes gens ce lieu de fête qu'est Lackaparken. Ne pas s'immiscer outre mesure dans les affaires de cœur d'Henry. Et, naturellement, fantasmer sur une jeune femme splendide.

L'époque n'est pas choisie au hasard. En Suède, comme partout en occident, ce début des années 1960 symbolise une certaine légèreté. S'il évoque quelques noms célèbres d'alors, l'auteur n'abuse pas des références. On lit avec plaisir que les deux ados sont de grands admirateurs de Perry Mason, Della Street et Paul Drake, les héros d'Erle Stanley Gardner. Dans la situation telle qu'elle est décrite, on comprend aisément que l'affaire criminelle qui vient perturber leurs vacances “ne peut pas” trouver sa solution. Par contre, elle aura des conséquences, logiquement. À l'opposé du polar spectaculaire, une intrigue assez intimiste qui se révèle fort séduisante.

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 05:55

Le 15 août 2013, j'ai attribué un “Coup de cœur” à ce livre de Kate Summerscale paru déjà quelques semaines plus tôt. Sans doute n'était-ce pas la meilleure époque de l'année pour l'évoquer. Puisque cet ouvrage est désormais disponible en format poche chez 10-18, voilà l'occasion d'en reparler.

En Grande-Bretagne au temps de la reine Victoria, Isabella appartient à la classe moyenne supérieure. Veuve après son court premier mariage, mère d'un enfant en bas âge, elle se remarie à trente-et-un ans, en 1844. Son époux est l'industriel Henry Robinson. S'il est ingénieur, c'est surtout un homme d'affaires s'affichant progressiste. Très vite, il accapare la dot et les rentes de son épouse, pour mener à bien ses projets. Le couple aura deux autres enfants, mais leurs relations se dégradent tôt. En partie parce qu'Henry Robinson gère assez mal ses affaires. En 1850, ils s'installent à Édimbourg, en Écosse. Intelligente, Isabella fréquente le salon mondain de Lady Drysdale, situé non loin de chez elle. Elle y fait la connaissance d'Edward Lane, vingt-sept ans, étudiant en Droit puis en Médecine, le gendre de Lady Drydale. Des affinités se créent entre ces personnes cultivées que sont Edward et Isabella, sans doute teintées d'attirance en ce qui la concerne.

Leurs rapports restant intellectuels et platoniques, la situation est frustrante pour la jeune femme. D'autant qu'elle s'ennuie par ailleurs, et s'accroche de plus en plus avec son mari. Écrivant régulièrement un journal intime, elle y évoque l'hypocrisie du mariage idéalisé et sa défiance vis-à-vis de la religion. Isabella est en contact épistolaire avec George Combe, ami Écossais de bon conseil. Quand la famille Robinson part habiter dans le Berkshire, ils continuent à s'écrire. Dans son journal, Isabelle masque peu les fantasmes qui l'habitent, envers Edward Lane. Celui-ci prend la direction d'une clinique d'hydropathie, méthode médicale expérimentale “moderne”. Cet institut est situé à Moor Park dans le Surrey, qui n'est pas si loin du Berkshire. Isabella lui rend visite de temps à autre. Si l'on en croit son journal, pas totalement explicite, leur complicité va jusqu'aux ébats intimes.

Henry Robinson découvre un jour le journal d'Isabella, ainsi que ses divers courriers, dont ceux échangés avec George Combe. Des écrits compromettants pour son épouse, qui l'amènent a demander d'abord en justice une séparation de corps. Un nouveau Tribunal civil des divorces, indépendant des instances religieuses, vient d'être créé quelques semaines plus tôt...

Kate Summerscale “La déchéance de Mrs Robinson” (10-18 Ed, 2014)

Même si les actuelles affaires de divorces sont compliquées, elles paraissent “ordinaires”. Ce qui n'était évidemment pas le cas dans la prude Angleterre victorienne, vers 1858. Se résumant au statut d'épouse, le rôle des femmes est alors socialement mineur. Certes, on ne leur interdit pas la culture, à travers d'aimables salons mondains, et il y a des femmes écrivains telle, ici, l'originale Mrs Crowe. Mais, par exemple, s'intéresser à la phrénologie semble anormal pour une mère de famille. Le cas atypique d'Isabella Robinson va encore plus loin. “Émotive et dépressive, ambitieuse et anxieuse, elle était perturbée par ses appétits sexuels”, une concupiscence attisant sa libido. C'est bien elle qui relance à plusieurs reprises le jeune médecin, jusqu'à obtenir ces ébats tant espérés.

En réalité, les désirs d'Isabella Robinson sont davantage romantiques, non pas ceux d'une nymphomane. Bien que le roman de Flaubert ne soit pas encore publié, elle est proche de l'esprit d'Emma Bovary. Ce qu'elle exprime dans son journal, de façon allusive quant aux relations sexuelles, c'est plutôt sa solitude rarement égayée par ses rencontres avec ses amis et Edward Lane. Une femme adultère ? On verra les conclusions de la justice. N'étant plus sous la tutelle religieuse extrêmement moraliste, le tribunal juge les faits, avancée considérable. Le contexte social corseté et la psychologie, naissante à cette époque, sont également des éléments capitaux dans les mésaventures conjugales d'Isabella.

Kate Summerscale se sert de toutes les pièces du dossier qu'elle a collectées afin de nous présenter une parfaite reconstitution du sujet. C'est un récit vivant du petit univers d'Isabella Robinson qu'elle retrace. Tout ici explique le comportement de la jeune femme, en ce siècle où se développe la science et où les femmes veulent être mieux considérées. Nul féminisme pour autant, l'auteure restant d'une neutralité objective. Malgré ses airs de “polar historique”, ce n'est pas une fiction polardeuse. Un livre remarquable, impressionnant par sa justesse et sa tonalité.

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 05:55

Baptiste Chauvalet est un quadragénaire à l'allure sportive, aux yeux bleus, à la chevelure commençant à grisonner. Voilà plusieurs années qu'il est dessinateur judiciaire, illustrateur de procès. Baptiste est marié Julie. Ils sont les parents du petit Léo, dans ses sept ans. Du moins était-ce la vie de cet homme, avant que n'arrive le drame. Un jour, Baptiste est en retard, de sa propre faute, pour venir chercher Léo à l'école. Court laps de temps durant lequel l'enfant disparaît. Très vite, on se mobilise pour le retrouver, en vain. L'entourage de Baptiste subit les conséquences immédiates de la disparition, chacun perdant pied. Lui, il continue à chercher des pistes, à relancer la police. Bientôt, Baptiste se sent seul face à l'adversité. C'est grâce à une part de hasard qu'il retrouve Léo en piteux état. La police le suspecte d'avoir enlevé et maltraité son fils, car il y a des précédents.

Baptiste finit par retrouver le véritable kidnappeur. Il commet l'erreur de le tuer. Il ne peut rien nier. Vengeance avec préméditation, c'est sur ces bases que s'est déroulé son procès aux assises. La justice s'en tient froidement aux faits, clairement établis. “Pas d'émotion messieurs mesdames ! Surtout pas de grain de sable sentimental, les juges sont là pour appliquer la loi. Mais moi je suis là pour sauver ma peau, madame la présidente, pour faire comprendre aux jurés notre drame à Léo et à moi.” Le trio de juges plus les six jurés, cinq femmes et un homme, qu'il faut convaincre d'une certaine bonne foi. D'autant que Baptiste lui-même a toujours été hostile à la peine de mort. Or, il s'est permis de tuer, une ambiguïté qui ne plaide pas en sa faveur. Baptiste peut-il espérer la clémence d'un jury qui se compose en majorité de femmes ? Rien n'est écrit d'avance.

Les jurés délibèrent longuement, ce qui permet à Baptiste de se souvenir de tout ce qu'il a vécu. Les tribunaux, il les a beaucoup fréquentés pour son métier. D'Antonio Ferrara à Maurice Agnelet, en passant par Florence Rey ou Jacques Viguier, et tant d'autres. Il est à leur place, celle de l'accusé déjà coupable, déjà exclu de la société. Car le fait d'avoir eu plusieurs amantes ne peut certes pas l'aider. Aussi faux soit-il, le témoignage d'un ami du kidnappeur présent lors du meurtre reste accablant. Et le comité d'excités qui, à l'extérieur du tribunal prétend le soutenir, ça fait également mauvaise impression. Après l'expérience oppressante de la prison préventive, c'est d'une longue peine dont Baptiste risque d'écoper maintenant. Son sort ne lui appartient plus...

Christian Bindner : La suite ne sera que silence (Le Passeur, 2014)

Christian Bindner a été chroniqueur judiciaire, relatant de grands procès d'assises pour la radio. Ce qui explique que ce premier roman n'évoque pas seulement le cas d'un homme qui a supprimé le kidnappeur de son jeune fils. C'est aussi un regard sur l'ensemble de la justice, alimenté par l'expérience de l'auteur. Le rôle de la présidente du tribunal, inflexible quant à son autorité. Celui de l'avocat général, avec un petit hommage mérité à Philippe Bilger. Celui des divers intervenants, dont les psys et les familles. On nous offre un rappel de quelques célèbres affaires, dont Jean-Marie Villemin meurtrier de Bernard Laroche, ou la repentance philosophique de François Besse. Véronique Courjault qui, comme toujours, bénéficie ici d'une regrettable complaisance, les médias ayant plaidé en sa faveur.

Équitablement, l'auteur souligne l'éternelle interrogation de notre époque, concernant la victimisation tous azimuts. Au moindre incident, chacun se proclame victime, se lamentant publiquement. S'agissant d'une affaire criminelle, même si le mort fut un sombre pervers, l'avocat de la partie civile attaque avec une exaltation qui peut s'avérer convaincante. Du côté de l'accusé, puisque c'est lui le narrateur, on se pose aussi en victime, au nom du petit Léo. Il est bon de s'interroger sur la valeur argumentaire autour de cette notion si galvaudée, souvent privée de tout sens. Ça fait partie des questions soulevées par chaque procès, évidemment. La justice reste un sujet très sensible, la plupart des gens estimant qu'elle est mal rendue. C'est une sorte d'exploration “de l'intérieur”, une fiction permettant d'approcher la réalité, que propose Christian Bindner. À chacun d'affiner sa réflexion.

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 05:55

Nouveau-Mexique, comté de La Plata. Jeune Noir métis, Ogden Walker est un des adjoints du shérif Bucky Paz. Il n'éprouve pas tellement de sympathie pour Mme Bickers, mais il a fait son job quand des coups de feux ont été signalés autour de chez elle. Revenu peu après, Ogden a découvert le chat de Mme Bickers mort. On ne tarde pas à retrouver le cadavre de cette dame, caché sous une trappe dans sa maison. Odgen ne repère guère d'indices utiles sur les lieux. Le jeune policier se dit que le décor est artificiel dans le logement de Mme Bickers. La fille de la victime, Jenny Bickers, arrive de Santa Fe où elle vit. Ayant été élevée par sa grand-mère, elle n'a jamais été proche de sa mère, qu'elle décrit “indépendante, obstinée et cachottière.” Ogden offre à la jeune femme de s'installer chez sa propre mère, le temps de régler ses affaires ici.

Par ailleurs, plusieurs voitures ont été vandalisées dans un canyon des environs. Et quatre personnes ont été mortellement intoxiquées dans un fourgon stationné près de La Plata. L'un d'eux, José Marotta, faisait partie d'une famille très pieuse. Son copain Emilio prétend ne rien savoir des activités de José. Malgré tout, Ogden saura le faire parler. Après un court répit qu'il consacre à la pêche avec son ami et collègue Warren Fragua, Ogden se retrouve face à deux agents du FBI. Ils enquêtent sur un groupuscule facho, Le Grand Espoir Blanc. Même si Ogden doit se déplacer jusqu'à Tempe (Arizona), c'est peut-être le vieux Lester G.Robbins qui l'orientera sur la bonne voie.

Une toute autre mission conduit Ogden à rechercher une femme disparue, que sa cousine Irlandaise voudrait retrouver. Il dégote une adresse pouvant correspondre. Mais la femme très gravement blessée sur laquelle tombent Ogden et l'Irlandaise n'est pas la cousine. En réalité, l'adjoint du shérif va bientôt mettre le nez dans une affaire de prostitution. L'aide de l'expérimentée inspectrice Barry ne sera pas inutile... La troisième mission d'Ogden l'amène à enquêter sur un certain Derrick Yates, qui vit dans le coin d'Eagle Nest, dont le fils s'est fait prendre à braconner du poisson. Mais l'affaire s'avère plus compliquée que prévu. Quand l'odeur de drogue vient la polluer, c'est à Warren Fragua de partir sur les traces de son ami et collègue Ogden...

Percival Everett : Montée aux enfers (Babel Noir, 2014)

Noir américain, Percival Everett est un universitaire qui explore diverses formes littéraires, et non pas spécifiquement un auteur de polars. Ce roman est un triptyque, montrant trois volets de la vie du personnage central. On se sert d'intrigues policières assez solides, pour aborder quelques facettes de l'Amérique actuelle. Même si nous avons ici un shérif gras, un adjoint à l'accueil (Felton) indifférent à tout, et un collègue (Fragua) préférant la pêche aux enquêtes, il ne s'agit pas de caricaturer. Juste de montrer un pays au quotidien, loin du mythe flamboyant des États-Unis.

On sent qu'en temps normal, le job d'Odgen Walker n'a rien d'excitant. “Ogden n'aimait pas du tout l'intonation de sa voix, nettement accusatrice. La coupe de cheveux lui rappelait un sergent qu'il n'avait jamais aimé à l'armée. L'uniforme l'impressionnait, il se sentit soudain mal à l'aise et malheureux.” Fatigué dès le matin, ni bien ni mal dans sa tête, un peu décalé dans cet État à majorité latino, doté d'une mère fort sympa, Ogden est un type moyen. Qui peut rester tel qu'il est, ou alors basculer indifféremment côté héros ou vers une part sombre. Sans doute est-ce son apparente banalité qui nous donne envie de mieux le connaître à travers ses tribulations.

Il ne faut donc pas s'attendre à lire un strict polar, un suspense angoissant ou un roman noir calibré. Et pourtant, même si c'est difficile à définir, il arrive que des histoires aient quelque chose de fascinant. L'écriture, très fluide mais avec quelques éclipses narratives volontaires, contribue à cette excellente impression.

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15 mars 2014 6 15 /03 /mars /2014 05:55

Marie Devois n’est pas une néophyte, puisqu'il s'agit là de son cinquième titre. Paru en 2011, ce roman est de nouveau disponible dans la collection Art Noir, chez Cohen & Cohen Éditeurs. Il s’inscrit dans un univers que l'auteure connaît bien, le monde de la Justice. D’ailleurs, elle évoque en filigrane l’activité des magistrats au quotidien, autant que les procédures liées aux affaires criminelles. Sans doute avons-nous ici un policier menant l’enquête. Héros plutôt solitaire, sûrement parce qu’il fut abandonné dès sa naissance. Pourtant l’ambiance est aussi proche du roman noir, par son côté sociétal. L’assassin et ravisseur, dont nous connaissons bientôt l’identité, commet des crimes pour démontrer quelque chose. La précision des lieux contribue à la véracité du récit, Marie Devois fréquentant les villes et régions qu’elle décrit. La traque de l’assassin et ses mystérieuses motivations nous entraînent dans un suspense de très belle qualité...

Marie Devois : Van Gogh et ses juges (Cohen & Cohen Éd., 2014)

Une série de meurtres à l’arme blanche vise des magistrats autour de Paris. Un sixième crime vient d’être commis à Nanterre. Comme pour les précédents, on trouve près du cadavre un sachet contenant des éclats de peinture. C’est le seul indice relatif dont dispose la police. La victime n’avait pas de lien apparent avec les autres magistrats assassinés. Ce substitut n’avait pas été menacé non plus. Il a été attaqué par surprise, sans témoin. C’est Fred Andersen, policier au 36 surnommé Le Danois, qui enquête sur cette suite meurtrière. Malgré tous les recoupements et hypothèses, il n’entrevoit encore aucune piste sérieuse. Il pourrait aussi bien s’agir d’un flic obtus ou d’un gendarme se vengeant d’un magistrat.

Le juge Maxime Frot est bien content d’obtenir enfin un poste important à Paris. Il quittera sans regrets le tribunal de Vannes (Morbihan). Une nomination qu’il va fêter au restaurant avec son ami médecin Ronan. Alors qu’il regagne son domicile, Maxime Frot est mortellement agressé dans la rue. Ne doutant pas qu’il s’agisse de la même série, Fred Andersen se déplace en Bretagne. Frot n’a pas eu le temps de réaliser ce qui se passait avant de mourir, selon le légiste. Aucun témoin solide ayant vu qui que ce soit surveillant le juge. Pas même dans cette librairie BD fréquentée par Frot et son ami Ronan. Tandis que Fred Andersen regagne Paris, un courrier posté à Vannes a été adressé à la PJ. Le colis contient le couteau de combat ayant servi à tuer les magistrats.

Maëlle Aubier a été kidnappée chez elle, à Auvers-sur-Oise. Policière experte dans les trafics d’œuvres d’art, encore jeune, elle venait de prendre sa retraite. Maëlle ne tarde pas à identifier son ravisseur, ni à imaginer les raisons de sa séquestration. Elle ne court peut-être pas un danger mortel, même si l’homme est celui qui a supprimé les sept juges. Son voisin policier municipal finit par s’inquiéter. C’est ainsi qu’on découvre finalement la disparition de Maëlle Aubier. L’enlèvement d’une policière provoque le branle-bas dans les services d’enquête. Proche de Maëlle, Fred Andersen est particulièrement touché...

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14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 05:55

Avec la chute du régime de Nicolae Ceaușescu, à la fin 1989, la Roumanie peut espérer des jours meilleurs. Début 1992, rien n'est vraiment stabilisé dans cette région d'Europe. Séparé de la Moldavie par la rivière Prout, le pays est un voisin de la Russie. Le président russe envisage d'anéantir la Roumanie. Bien que réputé alcoolique, il est sérieux quand il ordonne au chef du KGB de mettre en œuvre son projet. Il faudra convaincre les autorités d'autoriser l'ancien roi Michel 1er de Roumanie à une visite à Budapest. Pas si simple, car des sénateurs comme l'arriviste Turicu s'y opposent avec véhémence. En parallèle, le KGB va engager un tueur professionnel pour abattre le roi lors de ce voyage. Vivant à Beverly Hills, Fred Coler est surnommé “L'homme aux mille visages”. Ses services coûtent très cher, mais son efficacité est sans faille. Quand il passe par Las Vegas pour apprendre les détails de sa mission, Fred Coler ne laisse pas de trace derrière lui.

Toutefois, une femme de ménage quinquagénaire employée au siège du KGB a enregistré le projet du président de la Russie. L'information est bientôt transmise à la CIA. Ceux-ci ne semblent pas vouloir s'impliquer tellement dans les affaires roumaines. L'ambassadeur de ce pays à Berne est néanmoins averti de la menace d'attentat. De leur côté, les jumeaux Al Kerim et Al Abhaz sont des agents secrets opérant pour les pays arabes. Ceaușescu ayant été un allié important du monde musulman, il s'agit de “faire payer” ceux qui l'ont renversé. Le duo d'arabes ignore qu'ils sont pistés par une jeune russe qui, en réalité, est employée par le Mossad, les services de renseignements israéliens. Certes, cette dernière aurait pu aisément éliminer Al Kerim et a raté cette occasion, mais ce n'est que partie remise. Payé par les Russes, le sénateur Turicu retourne sa veste et convainc le président roumain d'autoriser la venue du roi Michel 1er pour les fêtes de Pâques.

Surnommé Le Professeur, Ioachim Moga est le chef du SRI, les services secrets roumains. Il réunit rapidement ses trois meilleurs agents : Ioan Cantar, Horia Dragomirescu et Paul Conrad. Le trio doit explorer toutes les pistes afin d'empêcher un attentat, d'où que naisse le danger. Entre-temps, le tueur Fred Coler s'est fondu dans la population européenne. Il s'est même permis un passage en Suisse, à Versoix, où habitent l'ancien roi et sa famille. Après un détour par Vienne et les montagnes du Tyrol, il compte être à Bucarest pour le 26 avril, date fatidique. Al Kerim et Al Abhaz ne seront pas bien loin, eux non plus. Quant au KGB, il a envoyé de soi-disant touristes à la frontière pour lancer une invasion...

George Arion : Cible royale (Genèse Éditions, 2014)

L'édition française est restée longtemps indifférente aux polars venus des anciens Pays de l'Est. Sans doute à tort, car on découvre aujourd'hui quelques auteurs talentueux. Après le Polonais Zygmunt Miloszewski (“Les impliqués”, Éd.Mirobole), voici un auteur qui apparaît déjà très populaire en Roumanie, George Arion. Traduit par Sylvain Audet-Gaynar, “Cible royale” est probablement un des tous premiers polars roumains disponible en français. Il s'agit d'un chassé-croisé, sans véritable héros principal (si ce n'est la victime potentielle). Chacun essaie de mener à bien sa mission, non sans difficultés, que ce soit pour tuer ou l'inverse. Mihai Popescu, un anonyme bureaucrate sexagénaire, pourrait bien interférer dans tous leurs plans. La tonalité du récit est empreinte d'une certaine ironie, en témoigne le portrait du sénateur Turicu.

Basée sur un épisode réel, l'histoire est racontée avec une belle fluidité, entremêlant le parcours de tous les protagonistes. La fin de Nicolae Ceaușescu a marqué les esprits, ces images ayant fait le tour du monde. On se souvient aussi que les médias occidentaux ont, au début des années 1990, présenté l'ex-roi Michel 1er comme le meilleur recours pour l'avenir de la Roumanie. Propagande sans fondement : si à Pâques 1992, il fut acclamé par la foule, il n'a jamais représenté un socle politique pouvant concurrencer la démocratie en marche dans ce pays. On imagine bien qu'il n'y eut nul complot concret contre lui, ce qui n'empêche pas George Arion de lui faire jouer ici un certain rôle. Un roman d'action et d'aventures à découvrir, pour tous les amateurs de diversité dans le polar.

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