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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 05:55

Fils de fermiers allemands, Gunther Frazentich cultive dès le plus jeune âge une passion pour le dessin. Dans son milieu terrien, c'est une activité mal vue. Il a vingt ans quand il est enrôlé de forcé pour la construction du camp de Ravensbrück. “Le pont aux corbeaux”, une dénomination déjà sinistre en soi. Quand débute le peuplement du camp, il passe au rang de gardien, parmi les autres kapos. Si ces convois de femmes qui arrivent expriment une grande détresse, il doit s'endurcir afin de dessiner ce dont il est témoin. Brimades et horreurs "médicales" se succèdent bientôt. Ce qui le perturbe n'est pas tant de la lâcheté, c'est l'impossibilité d'intervenir. Gunther n'est pas soldat, à peine gardien, mais son talent retient l'attention des autorités du camp. Il en devient l'illustrateur officiel.

Tellement de monstruosité autour de lui ! Telle cette chambre à gaz mobile, aménagé dans un faux camion-ambulance. À la morgue, c'est avec cynisme que les autopsies se font, au prétexte de la science. L'infirmerie n'est pas réellement un endroit destiné à soigner les malades, c'est déjà “l'antichambre de l'Enfer”. À Ravensbrück, le camp des femmes, tout est bon pour les charcuter, les abaisser, leur infliger des punitions. Il n'est pas rare que les pneumonies entraînent des décès rapides. Montrer de la compassion face au terrible sort des prisonnières comporte des risques. Gunther est encore témoin de la prostitution, qui est censée assouplir la situation de certaines. Et du travail forcé à l'usine Siemens, située non loin du camp. De l'arrivée massive d'enfants prisonniers, également.

Gunther dessine, gardant ses dessins les plus expressifs de la dureté, les cachant d'abord auprès de lui, puis trouvant un endroit pour dissimuler la caisse remplie de croquis. Il lui arrive, grâce à sa relative liberté au camp, de servir de contact entre des prisonnières. Un jour, alors qu'arrive un énième convoi, c'est le coup de foudre pour Gunther. Edna est une jeune Juive française. Il s'arrange pour qu'elle soit quelque peu protégée dans un atelier. Il s'agit là, évidemment, d'un amour impossible. Néanmoins, ils parviennent à se rencontrer ponctuellement. Gunther se veut aussi prudent que possible.

Un jour, le voilà obligé de dessiner le portrait d'Himmler, dont le médecin personnel est un des chefs de ce camp. Il n'est pas sans remarquer que l'extermination est de plus en plus intensive. Sans doute Gunther a-t-il pris trop de libertés aux yeux de la hiérarchie, car il est bientôt sanctionné. En ce début 1945, il assiste à de nouvelles horreurs, comme la stérilisation de fillettes tziganes. La libération du camp de Ravensbrück n'est une priorité ni pour les Russes, ni pour les Alliés, qui visent Berlin. Les SS sont nerveux, les fours crématoires fonctionnent à plein régime. Est-il encore possible de survivre ?…

Stanislas Petrosky : Ravensbrück mon amour (l'Atelier Mosésu 2015)

D'abord, soyons précis quant au vocabulaire. Ce n'est pas d'un camp de prisonniers, ni “de concentration”, mais d'un camp d'extermination, dont il convient de parler au sujet de Ravenbrück. Qui plus est, le but affiché consistait à supprimer les plus faibles, les femmes et les enfants. Appartenant à des minorités religieuses (Juives) ou ethniques (Tziganes), de préférence. Se livrer à de prétendues expériences médicales sur des personnes non-aryennes, c'était les destiner à une mort aussi certaine que pour celles envoyées dans les chambres à gaz et autres crématoriums. Au nom d'idéaux de supériorité, de théories raciales ou nationalistes, c'est toujours la barbarie que l'on veut imposer. Désigner l'adversaire fautif, l'accabler puis le détruire, le processus dictatorial est encore habituel.

Gunther, le héros sans héroïsme de ce roman, n'a pas l'esprit guerrier. Il n'est pas animé par la haine cultivée par les nazis. Face à leur organisation implacable, que pourrait-il faire d'autre que de témoigner par le dessin ? Même montrer un brin de pitié semblerait suspect. Toutefois, il ne peut se borner à survoler froidement cette dramatique période. Le personnage est profondément humain, alors que l'ambiance autour nie toute humanité. C'est ce que nous décrit cette histoire, de la construction à la libération de Ravensbrück. Les chapitres sont courts, comme autant de scènes dont Gunther ferait le croquis. Une singulière relation amoureuse tente d'illuminer le récit. Sans doute a-t-on déjà beaucoup écrit, documentaire ou fiction, sur les camps nazis. Néanmoins, ce genre de romans permet de continuer à illustrer les plus sombres réalités de la haine, érigée en dogme. Il est trop facile d'oublier, de fermer les yeux sur le passé.

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15 mars 2015 7 15 /03 /mars /2015 05:55

Dans le Mexique actuel, ce quatuor de quadragénaires se connaît depuis leur adolescence. À l'époque de leur scolarité, ils se surnommaient les Bleus. Il y avait Jaime Lemus, élevé dans une famille aisée, fils de Don Carlos Lemus, magistrat lié à la politique. Désormais, Jaime est responsable d'un service de sécurité d’État qui fait le lien entre le Mexique et les Américains. Il y avait Mario Crespo, le plus neutre des quatre mais le plus fidèle en amitié depuis ce temps-là. Il est devenu prof, s'est marié avec Olga, formant un couple normal. Leur fils Vidal est un passionné d'informatique. Il y avait Tomás Arizmendi, qui aurait pu devenir un brillant journaliste. S'il est toujours pigiste pour le principal quotidien mexicain, son relâchement et son goût de la fête sentent l'échec.

Et puis, il y avait Amelia, au centre du groupe des Bleus. La rebelle et cultivée Amelia, l'attirante Amelia pour Jaime et Tomás. Elle est devenu la présidente d'un des partis politiques d'opposition. Non pas qu'ils aient un poids contre le PRI, qui gouverne quasiment sans discontinuer depuis des décennies. Néanmoins, le parti d'Amelia et celui du sénateur Ramiro Carmona peuvent représenter un contre-pouvoir. Quand ils étaient ados, Don Carlos initia les quatre amis à la politique, en prenant exemple sur “1984” de George Orwell. La fascination d'Amelia pour le père de Jaime la conduisit à devenir sa maîtresse durant plusieurs années, malgré une différence d'âge évidente. S'il s'est éloigné de la politique, et de son fils Jaime, Don Carlos reste un homme de bon conseil.

Tomás a bâclé un article sur le meurtre de Pamela Dosantos, une artiste très connue, dont le cadavre démembré a été retrouvé. Tomás y citait une adresse proche de l'endroit ou fut découvert le corps. Or, il s'agirait du bureau officieux de Salazar, le Ministre de l'Intérieur. Rien n'indique le moindre lien entre Pamela et lui, mais l'article de Tomás est plébiscité par le public. Il est vrai que la victime eut quantité de puissants amants, dont Salazar était possiblement le dernier en date. Il est indispensable que les Bleus d'autrefois fasse corps autour de Tomás, car il s'expose à de graves ennuis. Mario demande à son fils Vidal (et à son ami hacker Luis) de pirater tout renseignement secret au sujet de Pamela Dosantos. Pour Tomás, voilà une bonne occasion de renouer avec Amelia.

En attendant de savoir si Salazar est impliqué, le quatuor et Don Carlos doivent trouver une stratégie pour affronter le pouvoir. Menacé, Tomás doit autant se méfier des taxis que d'éventuels poursuivants en 4x4 blancs. La première réunion des ex-Bleus est interrompue par une alerte, malgré leurs précautions. Le rôle de Jaime n'est pas vraiment clair dans cet incident. Pour se contacter, Don Carlos confie à chacun d'eux un téléphone direct, qui est censé éviter la surveillance. Le hacker Luis est menacé à son tour, par deux costauds. Tomás rencontre le vieux journaliste Don Plutarco, qui rencontra Pamela Dosantos. Celle-ci était “en mission” en devenant intime avec Salazar. Car, si existent des partis officiels tel celui d'Amelia, certains réseaux secrets influents ont aussi besoin d'infos exclusives…

Jorge Zepeda Patterson : Les corrupteurs (Actes Noirs, 2015)

La politique intérieure de chaque pays est forcément complexe. Vu d'Europe, le Mexique apparaît comme une nation ayant réussi à établir une stabilité rassurante. Il semble que le principal parti, le PRI, ait le soutien du voisin américain. Il est vrai que l'on entend parler de gangs criminels, mais ça reste plutôt confus dans nos esprits. On ignore évidemment qu'ils causèrent jusqu'à près de mille morts par mois. La corruption dans les cercles du pouvoir central et à la tête des provinces fédérées, on suppose qu'elle existe. Être dirigeant politique au Mexique, c'est plus qu'ailleurs être assis sur un siège éjectable, donc autant profiter des avantages et bénéfices que ça peut apporter. Tant que l'opposition, au niveau national ou régional, se cantonne à réclamer vainement davantage de transparence dans la gestion politico-économique, tout va bien pour les élites détenant le pouvoir.

Un grain de sable dans les rouages gouvernementaux bien huilés, voilà comment sont perçues les révélations de Tomás Arizmendi. S'il n'avait autour de lui un groupe d'amis bien placés, il devrait vite quitter le Mexique. Outre l'enquête du journaliste, chacun d'eux va glaner des renseignements sur la victime et, si possible, sur les arcanes politiques. Car la thématique de ce roman noir, c'est – sous couvert de fiction – de nous présenter le fonctionnement institutionnel de ce pays, au plus près de la réalité. Aspect documentaire, qui ne nuit nullement à l'intrigue, non dénuée d'une paranoïa troublante. Un suspense qui nous informe et suscite notre curiosité, c'est encore mieux. En ce sens, un roman original, donc à découvrir.

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 05:55

Commissaire à la PJ de Rennes, Lucien Workan possède un caractère affirmé, pour ne pas dire colérique. Ce joueur de rugby éloigné de sa famille toulousaine doit, il est vrai, gérer une équipe souvent conflictuelle : le capitaine Lerouyer, le lieutenant Roberto, l'impulsive lieutenant Leila Mahir. Quant à sa hiérarchie, vu les glorieux états de service de la famille Workan, il sait manœuvrer ce petit monde selon son instinct autant que pour les besoins d'une enquête. Michel Grimesnil, patron des éditions du même nom, sollicite Workan car il est convaincu qu'un de ses auteurs, Georges-Henri Beaumont, a disparu. Spécialiste des dossiers pointus, ce reporter quinquagénaire devait lui remettre son nouveau manuscrit. Une visite à l'appartement de l'écrivain confirme qu'il a probablement disparu, en effet.

Les investigations de l'écrivain  portaient sur le château de Brouandal, actuellement occupé par un groupuscule politique. Non pas des néo-nazis, mais des écolos radicaux de l'EGW, l'European Green War. Entre le Golf des Grenouilles et le château, on vient de retrouver justement un doigt coupé, qui pourrait appartenir à l'écrivain. En réalité, quelqu'un d'autre en a découvert un premier peu avant. Concessionnaire automobile et golfeur passionné, Charles Soufflot venait de réussir le premier "eagle" de sa vie, alors il n'était pas question d'interrompre la partie de golf. Taisant cela a ses partenaires, il a ensuite mis le doigt au frais. Par les journaux, il suit discrètement l'évolution de l'affaire. Qu'on ait trouvé un deuxième doigt coupé à proximité du Golf des Grenouilles ne le rassure guère.

Le commissaire Workan embarque son équipe et l'éditeur pour une balade jusqu'au village de Brouandal. Pas beaucoup de vie dans la contrée, et ce ne sont pas les locataires écolos du château qui animent le secteur. Ce que Mme Moulin, maire de la commune, confirme au policier. Arrive Vincent Richardini, directeur du golf, qui vient apporter au commissaire un nouveau doigt coupé. À l'analyse, on comprendra pourquoi des chiens n'ont pas mangé ces doigts : ils ont été placés avant dans du formol. C'est un cueilleur de champignons qui va découvrir encore un doigt, sans nul doute de la même main. Workan et ses adjoints se renseignent au bar du Golf des Grenouilles. Ni la sportive serveuse, ni le directeur Richardini ne reconnaissent le disparu Beaumont quand il leur présente sa photo.

Le Castor et le Kid sont deux repris de justice. Naguère, le Kid faillit réussir un exploit en kidnappant un chanoine. Les deux compères sortent de prison. Cette fois, ils visent le château de Brouandal. S'ils sont bien vite interceptés, ils pensent pouvoir s'infiltrer parmi les écolos. Ce qui n'est peut-être pas un bon calcul. Charles Soufflot reçoit, lui, la visite inquiétante d'un duo à la recherche du doigt manquant. Ignorant toujours si Beaumont est mort ou vivant, Lucien Workan finit par rencontrer le chef des écolos de l'EGW. Alexander Kellermann semble jouir de l'immunité diplomatique. Les policiers ne trouvent pas trace du disparu au château. Malgré tout, il faudrait savoir ce qui se mijote dans la propriété, et qui avait le plus intérêt à la disparition de Beaumont…

Hugo Buan : Eagle à jamais (Éditions du Palémon, 2015)

Après “L'incorrigible Monsieur William” (2014), le caractériel commissaire rennais est enfin de retour. Car, s'il lui arrive de hausser le ton au point qu'il pourrait mordre, Workan est un personnage qui inspire une sympathie certaine. Certes, au cours de ses enquêtes, il n'a pas toujours affaire à des casse-pieds ou des sournois, qui le mettent en rage. Il sait aussi se montrer plus affable, en particulier avec des femmes telles que la maire de Brouandal ou la serveuse-boxeuse Anne-Gaëlle. Par contre, les branquignols de son équipe et les autorités judiciaires le poussent à une férocité qui fait sourire les lecteurs.

Nous suivons Workan et sa troupe dans la campagne chère à l'écrivain Chateaubriand, du côté de Combourg. Nous sommes sur la piste de ces doigts formolés, essaimés dans les environs. Cette histoire est l'occasion d'apprendre quelques notions de golf, noble sport qui ne se “démocratise” pas autant qu'on nous le serine depuis trente ans. S'il s'agit bien d'un roman d'enquête, sa tonalité amusée en fait une comédie policière très réussie. Allez Workan, ne vous fâchez pas, mais il y a encore quelques lecteurs qui ont le grand tort de ne pas vous connaître. Ce nouvel opus leur permettra d'entrer dans votre univers.

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 05:55

En 1938, la situation politique du Brésil est instable. La dictature de Getúlio Vargas est contestée par d'encore plus radicaux. Autoritaire chef de la police, le capitaine Filinto Müller inspire une certaine crainte à beaucoup de gens. C'est plutôt du mépris qu'éprouve envers lui le commissaire de police Mello Noronha, à Rio-de-Janeiro. Il est assisté de Valdir Calixto, policier peu compétent, à la réflexion limitée… Surnommé Charon, comme le passeur des Enfers, le patron de la société funéraire Styx est un homme riche. À cause du souvenir de sa grosse mère, infernale pour son père et lui, Charon a développé une haine colossale contre les femmes grosses. Il a décidé d'en supprimer quelques-unes. Il a une astuce pour attirer ces gourmandes. Puis, il les “traite” dans son repaire, ancien abattoir où il exécute des recettes de cuisines d'origine portugaise, associées à chaque victime.

Charon finit par exposer les cadavres de ses quatre victimes ensemble, dans une mise en scène digne du “Déjeuner sur l'herbe”. C'est Mello Noronha qui hérite de l'enquête. Malgré les communiqués officiels, et bien qu'il s'agisse de jeunes femmes de bonnes familles, on ne peut pas dire que les investigations avancent. C'est alors que Tobias Esteves lui offre son aide. Celui-ci n'a pas toujours été propriétaire de pâtisseries à Rio. Au Portugal, il fut inspecteur de police. Il dut s'exiler à cause d'une affaire fumeuse, à laquelle étaient mêlés le poète Fernando Pessoa et le mage anglais Aleister Crowley. Le commissaire accepte de l'associer à l'Affaire des Étouffées, comme l'appellent les médias. Après les obsèques en commun des quatre grosses victimes, organisés par la société Styx, Tobias Esteves étudie les dossiers, proposant ses premières déductions, certes aléatoires.

Une cinquième victime, la prostituée polonaise Małgorzata Tolowski, est découverte morte au cinéma Le Plaza. Cette fois, une recette de bananes meringuées des Açores sert de complément à la mise en scène morbide. La belle et chevronnée reporter photographe Diana de Souza Talles, d'une famille fortunée, se joint bientôt au trio d'enquêteurs. Elle a suivi sur place la Guerre d'Espagne, va participer (sans succès) à la course automobile du Grand Prix de Gávea. C'est dire que Diana ne craint pas de suivre les trois autres dans le quartier mal famé du Mangue. Ils y interrogent la proxénète Mme Gisèle, et rencontre le riche clown nain Rodapé, amoureux de la Polonaise au point de payer ses obsèques. La reporter publie un article afin de mettre en garde les femmes grosses de Rio, quel que soit le milieu social auquel elles appartiennent.

Pour Tobias Esteves et Diana de Souza, le profil psychologique du tueur indique qu'il a été perturbé par une mère grosse. À cause d'une tentative de putsch déstabilisant l’État, ce qui entraîne davantage de contrôles, Charon a été obligé d'interrompre ses actions. Mais, alors que le football mobilise les esprits, il lui est possible de recommencer. Il vise une religieuse, sœur Maria Auxiliadora, après avoir filé cette nonne dans le tramway. Sans doute faudra-t-il ruser pour que les quatre enquêteurs piègent le coupable…

Jô Soares : Les yeux plus grands que le ventre (Folio, 2014)

Jô Soares s'est fait connaître en France dès 2000 avec “L'homme qui tua Getulio Vargas”, puis rencontra une certaine consécration avec “Élémentaire, ma chère Sarah !”, ainsi que “Meurtres à l'Académie”. Finalement, “Les yeux plus grands que le ventre” n'est que son quatrième roman traduit en français. Il s'agit d'une délicieuse comédie policière. Ce qui apparaît méritoire, car l'époque choisie n'était sûrement pas si drôle pour les Brésiliens. Le pouvoir est dictatorial, soutenu par la classe dirigeante de l'Estado Novo, proche du régime aussi peu démocratique régnant au Portugal. Certes, la vie continue dans le pays, et l'on ne semble pas y manquer de nourriture. Mais la propagande est très présente, et la répression est active quand Filinto Müller en décide ainsi.

C'est un quatuor improbable d'enquêteurs qui nous est présenté. Le débonnaire policier Noronha et son adjoint Calixto comptent beaucoup sur les ressources de Tobias Esteves et Diana de Souza pour résoudre l'Affaire des Étouffées. Le récit est fort souriant, avec des formules telles “Un agnostique, c'est un athée qui a la trouille” ou “Moi, j'aime mieux une veillée funèbre de riche qu'un mariage de pauvre.” La gourmandise est à l'honneur : quelques recettes de cuisine sont sommairement indiquées dans le texte, qui est agrémenté çà et là d'illustrations ajoutant un côté très plaisant. Si ce polar est original et divertissant, d'un humour intelligent, il est également très bien documenté sur le Brésil d'alors. Un véritable régal, un roman policier à déguster.

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 05:55

Charlie Parker est détective privé à Portland, dans le Maine, sur la côte Est des États-Unis. Son épouse et leur fille furent assassinées autrefois, une affaire mal résolue, et Charlie vit séparé de sa seconde compagne, avec qui il a aussi une fille. Avec ses amis Louis et Angel, le détective traque toujours un insaisissable criminel, Le Collectionneur, assisté de son diable d'avocat. Une fois de plus, alors que le trio a repéré une de ses planques, le tueur a pu s'éclipser in-extremis. Retour aux affaires ordinaires pour Charlie Parker. Jude était un SDF bienveillant, généreux, connu de beaucoup de gens à Portland. On vient de le retrouver pendu, on suppose un suicide. Étonnant, pourtant, quand on sait qu'il réunissait depuis quelques jours une petite somme d'argent, afin d'engager Charlie Parker.

Annie Broyer, la fille de Jude, était une jeune femme ayant connu divers déboires durant sa vie. Le SDF était sans nouvelle d'elle depuis quelques temps. Il la rechercha à Bangor, où il apprit qu'elle était passée, puis dans une ville des environs, Prosperous. Là-bas, le chef de la police Morland lui fit bientôt comprendre qu'ils n'avaient jamais vu Annie. Et que lui-même n'était pas le bienvenu dans cette communauté tranquille. Jude insista un peu, mais seul un pro de l'enquête tel que Charlie pouvait arriver à quelque chose. Selon ses contacts dans la police, le suicide de Jude est avéré. Sauf qu'à l'autopsie, on remarque un peu trop d'hématomes sur son corps. Un doute incertain, pas de client pour le payer, mais Charlie essaie quand même de retrouver Annie “parce que personne d'autre ne le fera.”

Comme son nom l'indique, Prosperous est une petite ville qui connaît la prospérité depuis le lointain temps où des exilés venus d'Angleterre s'y installèrent. Ils reconstruisirent même leur église d'origine, devenue un symbole puissant pour tous. À l'origine, leur culte était celui de “la Famille de l'Amour”, religion monothéiste qui s'éloignait sensiblement des autres dans leur pays comme dans le Nouveau Monde. Ils cultivent toujours cette croyance, sous l’œil sévère d'un pasteur-menuisier, Warraner. Encore que, quand le détective se renseigne sur les études de celui-ci, il s'aperçoit que ses qualifications sont relatives. Lors de sa visite à Prosperous, Charlie Parker rencontre le chef de la police, Lucas Morland. Il donne sa version du passage de Jude ici, présentant une image positive de sa ville.

Néanmoins, tout ne va pas pour le mieux à Prosperous. Annie Broyer y fut effectivement kidnappée, puis gardée chez le couple Dixon. Endettés, ceux-ci n'avaient pas le choix. Ils devaient obéir au Conseil, dirigé d'une main de fer par Hayley Coyner. Celle-ci se veut la garante de leurs traditions séculaires. Soutenue non sans fourberie par Thomas Souleby, elle dicte ses volontés même au chef de la police. Annie ayant fui de chez les Dixon, on a placé un fils de la ville chez eux pour les surveiller et estimer leur loyauté. Erin et Harry Dixon songent de plus en plus concrètement à échapper à Prosperous. D'autant plus que le Conseil exige que les Dixon trouvent une autre femme à kidnapper. Pendant ce temps, un loup rôde autour de Prosperous.

Charlie Parker se renseigne auprès de l'institution qui hébergea Annie à Bangor. On lui confirme qu'elle semblait avoir trouvé un job à Prosperous. C'est grâce à Euclid Danes, figure locale d'une ville voisine, que le détective obtient des infos. Il n'est sûrement pas parano quand, provoquant volontiers les habitants d'à côté, il les considèrent telle une secte quelque peu maléfique. Quand plusieurs personnes de Prosperous décèdent le même jour, on pourrait y voir un sombre signe. D'ailleurs, le pasteur et le policier Morland se montrent nerveux quand Charlie revient en ville. Le Conseil organise une réunion de crise, où il est décidé d'abattre le détective. Oui, cette affaire risque fort d'être fatale à Charlie Parker. Mais, avec un coup de pouce du Collectionneur, ses amis Louis et Angel sont prêts à agir, à exercer une vengeance qui va faire des dégâts à Prosperous…

John Connolly : Sous l'emprise des ombres (Presses de la Cité, 2015)

Avec une douzaine de romans à son actif dans cette série, John Connolly connaît un vif succès, largement mérité, grâce aux enquêtes du détective Charlie Parker. Héros meurtri, dont les aventures sont pleines de tension, explorant les frontières de l'ésotérisme mais restant cruellement humaines. C'est évidemment le soin des détails qui offre une densité aux récits écrits par cet auteur. On le constate une fois encore. Par exemple, quand il évoque avec indulgence les SDF : “Sans-abri, c'est un boulot à plein temps. Pauvre, c'est un boulot à plein temps. Voilà ce que ne comprennent pas les types qui déblatèrent sur les défavorisés, et affirment qu'ils n'ont qu'à se trouver du boulot. Ils ont déjà un boulot, et ce boulot c'est survivre…”

Ce qui fascine dans “Sous l'emprise des ombres”, c'est surtout le portrait de cette ville de Prosperous. C'est un endroit dont on se dit qu'il peut exister dans la réalité, à l'image des bourgades amish ou des mormones dissidentes. Une ville aisée, imprégnée par un esprit religieux, héritage des ancêtres, qui se protège en cultivant ses coutumes. On pourrait imaginer que la population, votant Démocrates, acceptant sans problème l'homosexualité, est tolérante (c'est la devise de la ville).

Derrière la façade respectable d'une communauté tranquille, juste prudente envers les nouveaux venus, de plus noirs secrets sont masqués par les décisions quasi-dictatoriales d'un Conseil occulte. Qui aurait droit de vie et de mort sur quiconque “menace” (à leurs yeux) la paix apparente de Prosperous. Il est troublant de penser que ça n'a rien d'impossible, quand on sait comment la loi s'exerce parfois aux États-Unis. L'auteur y ajoute le mythe du loup, symbole malsain et néfaste. John Connolly signe ici une des plus palpitantes aventures de la série Charlie Parker, un suspense de très belle qualité.

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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 05:55

Walter Milkonian connaît une fin de carrière précipitée dans l’Éducation Nationale. Ce prof était, depuis quelques temps, plus assidu dans les bistrots qu'à ses cours, il est vrai. Puis c'est son épouse Léa qui le vire de leur domicile. Walter trouve refuge auprès de son gros ami César, rue Buot, dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. C'est une maison décrépite, auquel son copain apporte plus de désordre que de rangements. Il n'y a pas souvent de nourriture solide dans cette baraque. Heureusement que Walter fréquente des bars à l'entour pour lutter contre la soif. Car, en plus, la canicule sévit sur Paris. Par ailleurs, il y a de quoi s'interroger sur les décès de quatre de ses amis en six mois. Des morts suspectes, plus ou moins. Walter n'étant jamais vraiment à jeun, se souvenir d'eux est un prétexte supplémentaire pour s'alcooliser.

Sexagénaire, le gros César est un curieux personnage. C'est un combinard vivotant sans qu'on sache vraiment d'où viennent ses rentrées d'argent. Certes, Walter lui en donne de son côté en guise de participation aux frais. Mais ce n'est sûrement pas l'essentiel de ses revenus. César rend des services, voilà tout ce que l'on sait. Il faut dire que dans ce 13e arrondissement, où les Asiatiques sont extrêmement discrets sur leurs activités, bien des choses ne sont pas déclarées. Et on imagine que des caïds dirigent tout cela, en veillant à ne pas faire de vagues. Quasiment pas de criminalité, pourtant. Sauf ce jour-là où, dans un salon de massage, une demie-douzaine de morts violentes sont à déplorer. César était sur les lieux, il ne s'en cache pas, mais s'explique astucieusement à la télé.

Tout en étant un habitué du quartier, Walter s'aperçoit qu'il ne sait presque rien de tout ce qui se passe ici, dans Chinatown. Sa caractérielle amie coréenne Park Yun ne se sent guère proche des autres Asiatiques. Elle lui permet de rencontre Marc Palovski, sinologue averti, pas dupe de l'omerta régnant dans cette partie de la population parisienne. Car on y pratique une exploitation des femmes, qui n'a rien à envier à d'autres mafias. Ce réseau de huit salons de massage qui vient d'être mis à jour le démontre assez clairement. Selon Le Commissaire, ami de Walter, les hôtesses de ces salons ne se plaignaient pas de leur sort. Néanmoins, tout cela reste illégal, car il s'agit bien de proxénétisme. Walter découvre un trafic auquel participe César. Une piste concernant la mort de ses quatre amis ?…

Yves Tenret : Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles (Éditions de la Différence, 2015)

Les Éditions de la Différence lancent une "collection noire" débutant sous de sympathiques auspices. En effet, ce suspense signé Yves Tenret s'avère fort agréable à lire. D'abord, parce que c'est l'occasion de vagabonder dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. Entre la Place d'Italie et la rue de Tolbiac, subsiste encore une ambiance de quartier à l'ancienne, associé à la chanson “Le temps des cerises”, même si l'on nous avoue que c'est parfois un peu factice. Un secteur qui doit abriter son lot de marginaux, d'assoiffés perpétuels, de raconteurs de bobards, d'artistes inconnus, héritiers du populo d'autrefois.

La balade continue à travers le Chinatown du 13e arrondissement de Paris : “L'endroit, assez inouï dans son genre quelconque, le plus putride, le plus sordide, le plus morbide, le plus hallucinant, le plus délinquant des arrondissements de Paris en l'an 2000, est devenu aujourd'hui le plus chiant de toute la capitale” estime Walter. Derrière l'intrigue proprement dite, l'auteur s'intéresse donc à la communauté chinoise, et plus largement asiatique. On a du mal à croire que tous seraient parfaitement insérés dans la société française. S'ils font en quelque sorte profil bas, ça ne signifie peut-être pas qu'ils aient des choses à masquer. Pas la moindre délinquance, aucun petit ou gros racket ? Voilà une société trop parfaite en ce 21e siècle, lisse jusqu'à en devenir douteuse. Yves Tenret n'oublie pas l'aspect criminel de l'histoire, où le “pourquoi” importe davantage que le reste. Un polar fort attachant, à découvrir.

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 05:55

À Rome, Filippo Puglia est marié avec Anastazia, étrangère venue des Balkans. Ils ont une petite fille, Elisa. En tant que chauffeur, Filippo est au service de Gabriele Gagliardi, patron d'hôtels de luxe. Celui-ci est un homme sévère qui, n'ayant pas de fortune personnelle, va épouser bientôt la riche Ginevra Colonna. À l'occasion d'une fête avec son trio d'amis, Filippo alcoolisé perd son permis de conduire. N'ayant pas l'intention de patienter jusqu'à ce qu'il puisse le récupérer, Gabriele vire immédiatement son chauffeur. Filippo doit trouver de l'argent pour faire vivre sa famille. Il dealait occasionnellement pour Le Calife. Il compte en faire son activité principale. Mais c'est un secteur où la concurrence est rude, violente. Albanais déjà implanté, Damir finit par associer Filippo à quelques cambriolages, en plus du trafic de drogue. Ça ne dure qu'un temps, car Damir est arrêté.

Marco Alfieri est le fils d'un grand flic italien, aujourd'hui retraité en Amérique du Sud. Il ne possède pas la fibre policière qui animait son paternel. Les obsessions prioritaires de Marco, ce sont les voyages et le sexe. Il est ami avec Gabriele Gagliardi, auquel il lui arrive de rendre des services. Comme de faire évacuer un campement de Roms trop proche de chez sa fiancée Ginevra, par exemple. Ça aide à financer les voyages de Marco. Mariée à Sergio, mère d'un gamin, sa sœur Fabiana dirige un des hôtels appartenant à Gabriele. Elle possède un caractère beaucoup plus énergique que celui de Marco, hérité de leur père Donato Alfieri. Comme elle est très active, c'est généralement son mari prof qui s'occupe de leur fils. Pour l'heure, Marco prépare son prochain voyage vers l'Île de Pâques, rêvant déjà des célèbres Moaï.

Gabriele a recontacté Filippo. Il a une mission à lui confier, lui promettant un emploi fixe dans l'agence de voyages d'un ami qui ne peut rien lui refuser. Pour Anastazia et Elisa, il faut que Filippo remonte la pente. Il accepte d'organiser un faux accident de voiture. Il s'agit de supprimer une femme circulant à scooter sur une route déserte la nuit. Ça demande d'avoir les nerfs solides, mais Filippo est à la hauteur. Le lendemain, Marco apprend le décès de sa sœur Fabiana, victime de "l'accident". Vu le poids de son père, il n'a pas de mal à se faire confier l'enquête pour retrouver le chauffard, tout en épaulant moralement son beau-frère. Grâce aux caméras de surveillance, il suit la piste de la voiture volée, aujourd'hui détruite par le ferrailleur Mignolino. Il apprend que Fabiana était enceinte, ce qu'ignorait Sergio. De son côté, Filippo est victime d'un chantage de la part de Damir, sorti de prison…

Luca Poldelmengo : L'homme noir (Éd.Rivages/Noir, 2015)

Cet inédit nous entraîne donc dans l'Italie actuelle. L'auteur ne s'éternise pas dans de pittoresques descriptions de Rome. C'est le parcours des protagonistes de cette affaire qui est le moteur de l'intrigue. Nous suivons Marco le flic, Gabriele le businessman, et Filippo l'homme à tout faire, ainsi que leur entourage respectif. Ils auront fatalement un point commun, on le comprend sans problème. Le découpage scénique est vif, afin d'offrir un tempo apparaissant rythmé. Cette présentation parfois elliptique s'avère déroutante dans certaines scènes (la perte du permis de conduire ou la mission anti-Roms, par exemple). Néanmoins, l'auteur sait mener son récit, ajoutant ça et là des moments touchants, avec les enfants. À la mort de sa sœur, le nonchalant Marco semble se réveiller. Quelque peu par crainte de son strict père, il est vrai. Le commanditaire l'intéressant davantage que l'exécuteur, à lui de régler le problème. Un polar noir sympathique.

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6 mars 2015 5 06 /03 /mars /2015 05:50

Ce matin-là, Emily quitte son domicile de Chorlton, quartier huppé de Manchester, laissant derrière elle son mari, Ben Coleman. Elle monte dans le train pour Londres, avec un minimum de bagages et en emportant tout l'argent qu'elle avait retiré en banque. Elle débarque dans un quartier londonien rébarbatif, à Finsbury Park, s'installe bientôt en colocation dans une maison mal entretenue. Elle commence par rénover la chambre louée. Ici, elle côtoie des personnages bigarrés, éloignés de son éducation bourgeoise. La seule avec laquelle Emily puisse fraterniser, c'est Angel, employée la nuit dans un casino. Emily va désormais utiliser son autre prénom, et son nom de naissance : Catherine Brown. Cette nouvelle Cat Brown ne pourra pas être confondue avec Emily.

Quel a été le parcours d'Emily ? C'est par surprise qu'Andrew et Frances Brown eurent des filles jumelles. Leur mère était prête à élever Emily, mais rejetait la malingre Caroline. Le père menait sa propre vie, sans trop s'attarder en famille. Dès la prime enfance, Emily fut la cible de sa jumelle caractérielle. Elle se montra ensuite bonne élève, tandis que Caroline vivait une adolescence chaotique. Après des séjours en soins, sa sœur revint habiter chez leurs parents. C'est lors d'une initiation au parachutisme qu'Emily rencontra Ben Coleman. Un brave jeune homme, qu'attendait une carrière ordinaire de comptable. Il fallut un peu de temps pour que le destin unisse ces deux personnes, ce qui n'avait rien d'anormal. La famille d'Emily parut vite adopter Ben, avec ses modestes ambitions de vie confortable.

La fête du mariage s'était à peu près bien passée. Caroline n'avait pas l'air jalouse de sa sœur, même si elle s'excita en abusant de l'alcool. L'infidèle Andrew Brown se tapa une copine de Caroline, à cette occasion. Ce qui entraîna la séparation des parents d'Emily... Ces derniers temps, la jeune femme semblait ne plus s'intéresser à sa coquette maison, à sa vie quotidienne. Aussi Ben fut-il modérément surpris du départ soudain de son épouse. Sans doute voulait-il la retrouver, mais la police est incompétente dans ce cas, et des appels à témoins s'avèrent aléatoires. De son côté, la nouvelle Cat Brown a ouvert un compte en banque à Londres, et tente d'organiser son existence. Elle dégote un job de réceptionniste dans une agence de publicité. Sa collègue Polly apparaît accommodante, ce qui est bon signe.

Neuf mois ont passé. Sous le nom de Cat Brown, Emily est montée en grade au sein de l'agence CSGH, obtenant un poste à responsabilité. Angel et elle ont quitté la baraque de Finsbury Park, s'installant ensemble dans un appartement digne de ce nom. Emily a pris la mauvaise habitude de consommer alcool et drogue. Ce qui pourrait finir par lui valoir des ennuis. Peut-être même dans son boulot, avec la féroce Tiger Carrington. Elle s'efforce de tout oublier de sa vie d'avant avec Ben, de son père qui s'est bien mieux remis du divorce que sa mère, des problèmes de sa sœur Caroline qui fut abandonnée par son petit ami Dominic suite à un attentat, alors qu'elle attendait un bébé. Est-ce possible d'envisager un avenir avec Simon, son patron ? Ou bien le passé risque-t-il de resurgir ?…

Tina Seskis : Partir (Cherche Midi Éd., 2015)

Il y a des romans dans lesquels il suffit de suivre le cours des évènements, ou l'évolution d'une enquête policière. Et d'autres, comme celui-ci, où il convient d'accepter le scénario tel que l'a concocté l'auteur(e). Où il ne faut pas chercher à précipiter la compréhension des faits. Où l'on réalise bientôt que chaque détail viendra en son temps, au moment opportun. Certains passages sont déroutants plutôt qu'énigmatiques, c'est sûr. Pourtant, il est évident qu'ils ont du sens, qu'ils confortent la force du récit. Tout quitter pour changer de vie constitue déjà un postulat qui interroge, bien sûr. Le présent et le futur vont peu à peu se construire, mais l'héroïne ne peut sûrement pas gommer son itinéraire.

Dans la réalité, chacun fait en sorte de montrer de soi une image socialement stable, de masquer d'éventuelles failles. L'intrigue joue ici sur cette notion de faux-équilibre, voilà ce qui lui apporte une belle crédibilité. Quiconque renonce à une première existence, choisissant de repartir à zéro, porte en soi les sombres facettes qui l'ont marqué. Il n'y a qu'un pas entre le mélodrame et la noirceur, qui peuvent même parfois se mélanger. Sans doute est-ce ce qui nous fascine dans le portrait d'Emily, entre volonté et faiblesse. Voilà un suspense passionnant, à la fois d'une grande densité et riche en nuances.

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