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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 05:55

La nuit, même en prison, il y a toujours un moyen de prendre son pied. S'envoyer en l'air, mais pas en se faisant sauter par un codétenu : “Vous sortiriez bien de vos cellules me la mettre profond… Hein, les hommes ! Pas pédés, les gars, mais là vous me casseriez bien les fesses ! Je vous fracasserais la gueule, quitte à me faire détruire la mienne.” Non, pour la jouissance, il vaut mieux compter sur Erika. Si l'on est tant soit peu inspiré, si on sait la caresser même quand elle est toute froide au début, le bonheur ne tarde pas à monter. Si on a du doigté, elle réagit en se faisant entendre : “Le bruit infernal de ta jouissance, Erika, se démultiplie de cellule en cellule, de numéro d'écrou en numéro d'écrou.” Après 22 heures, ça excite évidemment les autres taulards, tant de liberté sonore.

Pourtant, c'est juste en souvenir de son pote Raymond, qu'il se sent la force de chanter en chœur avec sa belle Erika. Ils sont moins hermétiques à son art, les prisonniers, quand ils ont besoin de ses services pour écrire un courrier au juge, au procureur, à l'avocat, à leur famille, à leur femme probablement infidèle pendant leur incarcération. Dans ces cas-là, c'est bien lui et son Erika qui doivent se substituer à leur inculture de minables voyous. Moquez-vous de l'Écrivain, les gars !

Il n'empêche que ça dérange ces messieurs les détenus, ça perturbe le sommeil de ces braves prisonniers. Alors, on réclame le maton, qu'il aille chercher ses clés pour faire taire les délires orgiaques et nocturnes du copain d'Erika. On requiert même l'intervention du directeur de l’Établissement Pénitentiaire. Direction le mitard, le cachot pour une traversée de quarante jours. Ça cogite dans la tête pendant ce genre de villégiature. De quoi virer dingue aussi à fantasmer, si on a le moral à zéro. Lui, de penser à son défunt pote Raymond et à sa douce Erika qui l'attend, ça lui apporte une certaine dose d'évasion…

Hafed Benotman : Erika (Éd.du Horsain, 2015)

Le cœur d'Abdel Hafed Benotman a lâché le 20 février 2015, il avait cinquante-quatre ans. Apatride, braqueur récidiviste plusieurs fois condamné, son dernier séjour en prison s'est terminé en 2007. Pourtant, l'autre vie d'Hafed Benotman, depuis bon nombre d'années déjà, c'était l'écriture. Théâtre, nouvelles, romans et poésie, il exprima sa force créatrice par tous les moyens. Ces dernières temps, l'échange avec des scolaires et diverses animations l'ont rendu très heureux, avec la satisfaction de partager ses passions.

Hafed, ex-taulard réglo et rebelle, ne s'est jamais pris pour un intellectuel : “Quand un connard de socio me dit que la lecture et l'écriture avaient dû me permettre de m'évader de ma dure condition d'enfermé… Je ferme ma gueule. Ces cons d'intellos ne savent vraiment pas la vraie beauté risquée d'une évasion. La liberté ou la mort, loin, très loin de leur littérature thérapeutique” écrit-il dans cette nouvelle, publiée post-mortem. Un texte à découvrir, à lire (et à relire, afin de savourer) pour soi ou à haute voix. D'ailleurs, Hafed avait fait de cette nouvelle une lecture-spectacle. Voilà comment celles et ceux qui ont connu l'écrivain Abdel Hafed Benotman se souviendront de lui, et même si l'on n'a pas eu cette chance de le côtoyer, il faut lire des textes tels que celui-ci.

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24 mars 2015 2 24 /03 /mars /2015 05:55

À Florence, durant l'été 1963. Le commissaire Bordelli est un célibataire âgé de cinquante-trois ans. Cet ancien combattant se montre bienveillant avec les gens modestes, fussent-ils des petits délinquants. Il circule en Coccinelle, apprécie les bons plats de son restaurant habituel, aime bien la mûre prostituée Rosa actuellement en vacances. Bordelli a noté les qualités du jeune policier Piras, dix-huit ans, originaire de Sardaigne. Pendant la guerre, le père de celui-ci fut le plus proche ami soldat de Bordelli. Malgré la chaleur, le commissaire va devoir enquêter sur une mort suspecte. Une riche vieille dame nommée Rebecca Peretti Strassen semble avoir succombé chez elle à une crise d'asthme. Toutefois, certains indices obligent à douter de cette version, tel ce flacon de médicament trop bien vissé.

Diotivede, le médecin légiste âgé de soixante-dix ans, partage les soupçons de son ami policier. On ne peut guère se fier au témoignage des voisines, affirmant entendre des cris et des coups dans la maison de la défunte. Le docteur Bacci, médecin traitant de la dame, précise que Rebecca Peretti Strassen était allergique à un pollen tropical. Après avoir entendu la déposition de Maria, dame de compagnie de la victime, le commissaire fait la connaissance de Dante, le frère de la défunte. C'est un scientifique, ou plutôt un inventeur farfelu aux allures de savant fou. Ce qui n'est pas pour déplaire à Bordelli. Pas plus que sa sœur, Dante ne fait confiance à leurs deux neveux, Anselmo et Giulio Morozzi. Ils risquent une grosse surprise à l'ouverture du testament de leur vieille tante Rebecca.

Les frères Morozzi étaient en vacances au bord de la mer, à Marina di Massa. Tandis que l'autopsie renforce les soupçons de meurtre, les neveux sont interrogés au commissariat. S'ils ont tous les deux un alibi en commun, une soirée de fête où beaucoup les ont vus, ils restent assez tendus face à Bordelli. Son ordinaire bienveillance ne s'appliquera pas à ce duo-là. D'ailleurs, avec le jeune Piras, il ne tarde pas à aller vérifier sur place si l'alibi des neveux est valable, ce qui semble le cas. Pourtant, un ami milanais des deux hommes, qui leur avait prêté sa puissante voiture, l'a retrouvée éraflée ensuite. Pas exactement une piste, bien sûr, mais une interrogation supplémentaire pour le commissaire.

De son côté, le légiste confirme qu'il n'y a pas d'erreur possible sur l'heure de la mort. S'il émet des hypothèses, le jeune Piras se perd en conjectures quant au mode opératoire du crime. Pénétrer dans la demeure de la victime, c'est explicable, mais comment a-t-on pu profiter de son allergie ? Le repris de justice Botta, fin cuisinier, a concocté un délicieux et surprenant menu pour les amis que le commissaire a invité à dîner. Non, ce ne sera pas en cette occasion que le policier fera toute la lumière sur l'affaire en cours. Un peu d'intuition et quelques preuves finiront par susciter des aveux…

Marco Vichi : Le commissaire Bordelli (Éd.Philippe Rey, 2015) – Coup de cœur –

Un nouveau personnage de commissaire de police, qui nous vient d'Italie ? On ne peut que se montrer curieux : sachant que l'intrigue se passe il y a un demi-siècle, s'agirait-il d'un énième clone de Jules Maigret, du même genre d'enquête ? Certes, c'est d'une affaire criminelle classique dont il est question, mais les caractéristiques du héros apparaissent sensiblement différentes. Le tolérant Bordelli ne croit pas en la prospérité économique affichée en Italie, dans ces années-là. La misère est encore bien présente : “Je suis fou parce que je refuse de condamner les pauvres gens et parce que je déteste ce pays ivre de rêves qui croit en la Fiat 1100.” On nous cite encore l'exemple de ce fonctionnaire rencontré par Bordelli, dont personne n'ouvrait les rapports depuis des années. Et puis, ces politiciens ex-serviteurs du fascisme, s'étant recasés dans la Démocratie chrétienne.

Le contexte n'est pas sans importance, en toile de fond. La guerre est toujours dans les esprits, datant d'il y a vingt ans. Bordelli l'a vécue, y pense souvent, et en parle entre amis. Au quotidien, le commissaire est ouvert aux rencontres, et rend même service à son cousin Rodrigo, touché par une passion amoureuse inattendue. Typique des années 1960, amusant à nos yeux, Bordelli commence à s'inquiéter de la nocivité du DDT, insecticide que l'on croyait la panacée… Et l'enquête, alors ? Elle progresse, sans précipitation mais sans lenteur non plus. C'est le “comment” qui est le plus compliqué à déterminer. Voilà donc un commissaire fort sympathique et humain, dans de savoureuses investigations. On espère vivement lire bientôt ses autres aventures, puisque l'auteur en a écrit plusieurs.

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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 05:55

Le 18e opus de “Temps Noir”, la revue des Littératures policières, vient de paraître en ce printemps 2015. Il ne faudrait pas assimiler cette série d'ouvrages (de référence) à de simples magazines traitant de l'univers du polar. Depuis 1998, c'est un regard ethnologique sur ce genre littéraire qui offre son originalité à “Temps Noir”. On peut le vérifier une fois encore par la richesse des thèmes abordés, des dossiers d'une rare qualité.

Jacques Viot, “écrivain et scénariste du continent noir”, est un auteur injustement oublié. Outre des romans policiers publiés avant-guerre sous le nom de Benoît Vince, il fut également le scénariste de grands films français. Une œuvre à redécouvrir… Même les plus férus de romans policiers ne se souviennent pas forcément des enquêtes du commissaire Vasseur au temps de l'Occupation, une série signée Georges Saint-Bonnet. Avant-guerre, celui-ci fut journaliste politique et de faits divers, pamphlétaire, proche des idées de Charles Maurras et Léon Daudet. Il fut responsable de “Scandales, revue des affaires criminelles”, qui traitait avec une certaine ambition d'affaires judiciaires. À partir de 1941 et jusqu'en 1944, il publie neuf romans aux éditions Fasquelle, ayant pour héros le policier Vasseur. Deux autres titres seront publiés par ailleurs en 1945 et 1946, Georges Saint-Bonnet ayant eu à répondre au Comité d’Épuration à la fin de la guerre.

La Série Noire célèbre cette année ses soixante-dix ans. Franck Lhomeau évoque, lui, les collections qui précédèrent celle-ci, chez Gallimard, dans les années 1920 et 1930. Si “Les chefs d'œuvre du roman-feuilleton”, première initiative vers une littérature populaire, ne sont pas une réussite, “Les chefs d'œuvre du roman d'aventure” viennent concurrencer la collection Le Masque d'Albert Pigasse, avec davantage de succès. Il est vrai qu'on trouve bien plus d'auteurs étrangers dans cette seconde mouture de la collection Gallimard. Dont Edgar Wallace, Austin Freeman, S.S.Van Dyne. Bientôt, ce seront les romans de Dashiell Hammett qui vont être publiés par cet éditeur. Parmi les auteurs francophones, Gallimard choisit les romans de très bons écrivains tels Noël Vindry, Jacques Decrest ou Pierre Véry. Sans oublier, bien sûr, les romans durs de Georges Simenon, et ceux de Sax Rohmer ou de Leslie Charteris (Le Saint). Avec la collection Le Scarabée d'Or, on sera déjà dans les prémices de ce qui deviendra, après la guerre, la Série Noire.

Puisqu'on parle des uns, évoquons les autres : “Avènement et irrésistible ascension du roman policier” de Jacques Baudou recense les origines du genre policier en France, et les premières collections mettant en valeur ces romans spécifiques (telles les coll.“Les romans mystérieux” ou “A ne pas lire la nuit”), s'éloignant des basiques romans populaires d'alors. Certes Arsène Lupin et Sherlock Holmes sont les rois de l'édition policière de ce début du 20e siècle. Mais la création de la collection Le Masque va booster tout ce petit monde, entraînant la parution de collections rivales. Transformation décisive en faveur du roman policier, relatée ici en détail par un des grands spécialistes de cette littérature.

Le n°18 de “Temps Noir” est disponible - la culture polar à l'honneur

Honneur au plus célèbre des détectives, dans un dossier réalisé par Pierre Charrel : “Sherlock Holmes, variations sur un mythe”, avec des études de Xavier Mauméjean et Andre-François Ruaud (Sherlock Holmes, une vie), de Luc Brunschwing et Cecil (Holmes, 1854-1891?), Jacques Baudou et Paul Gayot (Le dico Sherlock Holmes), Pierre Charrel (Détective conseil, une déclinaison ludique du mythe holmésien). On ne finit jamais de faire le tour de l'univers du compagnon du Docteur Watson.

Ce numéro présente aussi une série d'interviews : de Christophe Carpentier, Pablo de Santis, Céline Minard, David Peace, Olivia Rosenthal, François Rivière. Plus un entretien exceptionnel avec Claude Mesplède, anthologiste du polar. Il nous ouvre son album-photo de famille, nous offre quelques précieux documents personnels. Claude Mesplède revient sur sa carrière de syndicaliste, sur la passion qui l'a animé pour recenser tous les romans de la Série Noire, sur plusieurs de ses rencontres importantes, avant d'en arriver à ce Dictionnaire des Littératures Policières, que l'on appelle le “DiLiPo” ou, plus souvent encore, “Le Mesplède”. Sa bibliographie indique la multiplicité de ses écrits sur le thème. Passionné, il l'est toujours, avec un éternel besoin de partager ses plaisirs de lecture.

Explorant la culture polar et ses origines, ce “Temps Noir” n°18 s'avère plus passionnant que jamais. Un bel ouvrage pour tous les amateurs de littératures policières.

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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 05:55

Originaire de Salem, dans l'agglomération de Stockholm, Leo Junker est aujourd'hui âgé de trente-trois ans. Quand le policier émérite Charles Levin remarqua les qualités du jeune agent Leo Junker, il lui fit intégrer le service des Affaires Internes. Non pas dans le rôle d'enquêteur sur d'éventuelles bavures de ses collègues, mais comme superviseur de ces dossiers sensibles. Leo se montra très efficace, jusqu'au fiasco d'une opération de police sur l'île de Gotland. Le but réel semblait être de piéger les flics. C'est ainsi que Leo tira sur un de ses confrères. Mis en congé-maladie, soigné psychologiquement, il comprit qu'on faisait de lui le bouc-émissaire dans cette affaire. Levin ne pouvait rien pour lui. En outre, il y avait eu quelques temps avant sa séparation d'avec la tatoueuse Sam Falk. À cause de l'accident qui lui fit perdre le bébé alors qu'elle était enceinte. Désormais, Leo ingurgite des calmants et se remémore le passé.

Salem n'était pas une ville agréable, avec ses pavillons tristounets, ses tours d'habitation trop hautes et trop grises, son château d'eau. C'est près de ce dernier bâtiment que Leo sympathisa avec John Grimberg, à l'époque de leur adolescence. Klas et Diana Grimbert formaient un couple moins équilibré qu'il y semblait. Leur fils “Grim”, comme il se faisait appeler, gérait beaucoup la vie de famille, et protégeait sa jeune sœur Julia. Créatif, Grim l'était sans doute. Ce fut bientôt en confectionnant de faux papiers d'identité, qu'il en fit la démonstration. Ce qui l'obligea à séjourner dans un camp d'été pour pré-délinquants. Ou il fut impliqué dans un incident, causé par un de ses amis. Pendant son absence, Julia et Leo vécurent une relation amoureuse de plus en plus intime. Elle veilla à ce que son frère ignore leur romance. Leo eut même l'occasion de partager un repas avec leurs parents. Mais l'affaire tourna finalement mal pour Julia.

Dans l'immeuble de Léo, un meurtre a été commis au foyer associatif accueillant pour la nuit des SDF. Âgée d'environ vingt-cinq ans, Rebecca Salomonsson était une junkie et une dealeuse. On l'a abattue de très près. Bien qu'étant interdit de se prévaloir du titre de policier, Leo est le premier sur les lieux. Il remarque le collier que la victime serre dans sa main. L'objet a appartenu à quelqu'un que Leo connaissait bien. Il en dit le moins possible à son collègue Gabriel Birck. Il évite de lui parler des messages anonymes reçus depuis peu sur son téléphone. Par contre, l'aide de Charles Levin ne sera pas inutile, car celui-ci a une secrétaire qui fournit très rapidement les renseignements voulus. Leo contacte son ex-compagne Sam, proche de milieux underground. Si elle ne peut s'afficher avec un flic, même suspendu, elle essayera néanmoins de glaner des infos pour Leo. Si Rebecca était visée, pourquoi ne pas l'éliminer dans un endroit moins risqué ? s'interroge Sam.

Alors que lui-même est suspecté par la presse dans l'affaire Rebecca, Leo est certain que ce crime a un lien direct avec son ancien ami Grim. Mais voilà environ dix ans que John Grimberg a totalement disparu des sources officielles. Certes, il était expert en faux-papiers, toutefois choisir la clandestinité demande plus d'organisation. Ce qui était à la portée d'un type très intelligent tel que Grim. Quand Leo se confie à Charles Levin, ce dernier se souvient fort bien d'avoir naguère proposé à Grim de mettre ses compétences au service de la police. Si l'exécuteur de Rebecca se dénonce, c'est pour diriger Leo sur la piste adéquate, via le vieux Joseph Abel, qui a une enveloppe à lui remettre…

Christoffer Carlsson : Le syndrome du pire (Ombres Noires, 2015)

Si le titre français est bien pensé, le titre original se traduirait par “L'homme invisible de Salem”. En effet, l'adolescence de Leo Junker avec John et Julia Grimberg, dans cette ville de banlieue qu'est Salem nous est racontée en alternance avec les faits actuels. C'est là que prend racine cette histoire, car on ne doute pas un instant qu'existe un lien entre les deux époques. Le “double récit” est mené avec une finesse exemplaire, soulignant le contraste entre l'ado Leo, qui s'est trouvé un ami et une petite copine, et le flic désabusé qu'il est devenu à cause de circonstances mal éclaircies. Heureusement pour lui, Leo le solitaire est moins seul qu'on pourrait le penser, pour cette enquête parallèle. Grâce aux réminiscences qui le hantent, de possibles réponses se font jour.

Excellent roman noir jouant sur les ambiances autant que sur les caractères de singuliers personnages, “Le syndrome du pire” (récompensé par un jury suédois) offre aussi de courtes pauses un brin plus souriantes. En particulier quand Leo fréquente le “bar” tenu par l'étudiante Anna. Pour le reste, la tonalité reste plutôt tendue, voire conflictuelle, même au temps d'un certain bonheur entre Julia et Leo. Par exemple, lorsque Grim ado gagne un pari, on sent qu'il faut impérativement payer, ne pas le décevoir. On s'attache très vite au trio principal, autant qu'aux mystères entourant la mort de la jeune droguée. Un suspense subtil et excitant, de qualité supérieure.

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21 mars 2015 6 21 /03 /mars /2015 05:55

À l'instar de l'Affaire Landru, assez comparable, l'Affaire Petiot fait partie de ces dossiers criminels dont le public se souvient dans les grandes lignes. Au printemps 1944, le docteur Marcel Petiot est recherché et bientôt arrêté pour les meurtres de vingt-sept personnes, au moins. Pour parodier le titre d'un célèbre film, “l'assassin habite au 21” rue Lesueur, à Paris. En réalité, il vit avec son épouse Georgette et leur fils Gérard rue Caumartin, où se trouve son cabinet. Ce médecin possède une large clientèle et une bonne réputation. Voilà onze ans qu'il s'est établi dans la capitale. On n'ose pas dire “qu'il y exerce”, son parcours ayant été chaotique depuis. Pour comprendre Petiot, sans doute faut-il remonter le temps.

Marcel Petiot a été un gamin turbulent, indiscipliné au point d'être renvoyé de toutes les écoles où il est passé. Adolescent, il commet des petits méfaits qu'il ne sait expliquer. Il a dix-sept ans quand un médecin-expert note dans un rapport son “anormalité” congénitale. Marcel Petiot poursuit de vagues études de médecine. Blessé léger durant la Première Guerre, un diagnostic fait là encore état de ses troubles mentaux. Tout en étant pensionné par les autorités militaires, il termine poussivement ses études. En mars 1922, le jeune médecin Petiot s'installe à Villeneuve-sur-Yonne, gagnant bientôt une clientèle. Il réussit même, profitant d'une situation confuse, à se faire élire maire de cette ville dès 1926.

Bien que fort contesté, Petiot parvient à se faire réélire quelques temps plus tard. On le sait kleptomane, il sera également jugé pour vols, nouvelle occasion d'évoquer son état mental perturbé. Sa gestion municipale hasardeuse s'avérant catastrophique, Petiot est révoqué en tant que maire, mais réussit à se faire élire conseiller général. Il finira par être démis de tous ses mandats, après quelques procès. Malgré des rumeurs allant jusqu'à évoquer des comportements malsains et des morts suspectes, Petiot profite d'une certaine impunité. De toutes façons, il a décidé de quitter Villeneuve-sur-Yonne pour Paris. Avec sa famille, il s'y installe, ouvrant un cabinet en septembre 1933, rue Caumartin.

Charlatanisme et escroquerie, reproche-t-on rapidement au docteur Petiot. Il est aussi inquiété pour trafic de stupéfiants, à destination de toxicomanes notoires. En 1936, il sera jugé pour une affaire de vol et de violences. Son cas psychologique est étudié : puisqu'il s'agit d'une démence complexe, un internement d'office est exigé par la Justice. Petiot s'appuie sur la relativité des rapports médicaux pour ne pas être enfermé trop longtemps. Alors qu'arrive la guerre et l'Occupation de Paris, l'acheteur compulsif qu'est Marcel Petiot continue à acquérir meubles et bibelots. Qu'il va stocker dans un ancien hôtel particulier délabré et inhabité dont il devient propriétaire, au 21 rue Lesueur.

Claude Quétel : L'effrayant docteur Petiot (Éd.Points, 2015)

C'est sous le nom de Docteur Eugène qu'il organise un prétendu réseau permettant de fuir la France. Des familles juives, mais aussi des truands désireux de quitter Paris, passent à cette adresse puis disparaissent sans laisser de traces. Après un procès pour avoir fourni de la morphine à des toxicos, Petiot va connaître des ennuis avec la Gestapo française. Emprisonné à Fresnes, il est torturé, mais prétend n'être qu'un rouage du réseau aidant des gens à quitter le pays. Libéré, il poursuit ses activités. Le 21 rue Lesueur finit par être repéré, à cause d'une chaudière trop fumante. Outre une curieuse pièce triangulaire, on y trouve des débris humains et de la chaux vive. Petiot s'arrange pour ne pas être pris.

Tandis que le commissaire Georges Massu mène l'enquête, c'est la libération de Paris. Le docteur Petiot joue au Résistant, jusqu'à son arrestation quelques mois plus tard. Face au juge d'instruction, il raconte appartenir à des réseaux de Résistance, se justifiant plutôt mal que bien. Depuis sa fuite, les médias font largement écho à cette affaire. Son procès, où il est défendu par l'avocat René Floriot pour la deuxième fois après l'affaire de drogue, en fait une célébrité. Les vingt-sept meurtres retenus contre lui sont tellement évidents, qu'on en oublie quasiment de revenir sur le cas psychiatrique de Petiot. Pourtant, durant les débats, il apparaît assez délirant. Il sera condamné à mort, et exécuté en 1946.

Le sous-titre de ce livre, “fou ou coupable ?” l'indique : Claude Quétel s'est intéressé tant à l'aspect psychanalytique de Petiot, qu'aux faits criminels bien connus. “Il n'en subsiste pas moins qu'être médecin marron, mythomane et kleptomane, c'est une chose, et que se mettre à tuer, c'en est une autre, même si les circonstances de l'époque ont favorisé un tel passage à l'acte” écrit l'auteur dans sa conclusion. Effectivement, en retraçant avec précision le parcours personnel et mental de Petiot, des éléments apparaissent, qu'on ne trouvait pas forcément dans les ouvrages déjà parus sur cette affaire. Son statut social de médecin, et même de maire, en faisait un notable, catégorie de gens qu'on ne condamnait pas à la légère. Toutefois, son dossier médical restait chargé. “L'effrayant docteur Petiot” offre une excellente occasion de se pencher à nouveau sur ce cas criminel historique.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 05:55

Au bistrot habituel fréquenté par Gabriel Lecouvreur, Maria, l'épouse du patron Gérard, a un service à lui demander. Son amour de jeunesse, Jaume Llobregat, vient de se suicider à Barcelone. Ayant avalé de l'eau de Javel, il est mort dans d'atroces souffrances. Qu'est-ce qui a pu motiver ce geste affreux ? Ce pourrait être en rapport avec ces anciens trafics d'enfants, révélés en Espagne depuis quelques temps. C'est aussi ce que pense Pedro, le vieil ami anar de Gabriel, auquel l'ex-révolutionnaire confie son propre flingue. Miracle, le Polikarpov I-16 du Poulpe, l'avion qu'il fait réparer depuis des années, est maintenant en état de voler. C'est avec cet engin datant de la Guerre d'Espagne que Gabriel va voyager jusqu'à la région de Barcelone.

La première rencontre du Poulpe est pour Eusebio, 98 ans, le frère de Pedro, qui fut un pilote expérimenté durant le conflit face aux franquistes. À Barcelone, c'est chez Pilar, la nièce de Pedro, que Gabriel va loger. Il ne tarde pas à rendre visite aux parents de Jaume Llobregat. Quand il se rend à l'adresse de Feran Piquer, qui fut durant leur adolescence l'ami de Maria et de Jaume, l'appartement a été saccagé. Pour se protéger avec sa famille, Feran s'est réfugié en bord de mer, à Badalona. Après avoir fait la connaissance de Paco, propriétaire de la librairie spécialisée polars "Negra y criminal", Gabriel est agressé alors qu'il retourne chez Pilar. Pas de doute, il a été repéré dès ses premières investigations, probablement à cause de la mère de Jaume.

Feran Piquer accepte de raconter au Poulpe et à Pilar son parcours et celui de Jaume, qui furent des bébés volés, enlevés à leurs génitrices. Son ami suicidé venait d'en obtenir la preuve formelle. Tout cela remonte aux années 1960 et 1970. José Pons Cardona était un médecin qui organisait ce trafic, en lien avec une puissante confrérie religieuse. Comme il est décédé depuis quelques années, la piste pourrait s'arrêter là. Une femme témoigne de son cas, du vol de ses bébés : celle-ci sera agressée et défenestrée après le passage de Gabriel. Car il existe un autre José Cardona, petit-fils du précédent. Âgé de quarante-six ans, médecin catholique, proche de la politique, anti-Rouges viscéral, il envoie son homme de main Radko Sokolov pour effectuer les basses besognes.

Afin de lui éviter le danger, Gabriel expédie bien vite la jeune Pilar en France. Traînant dans des hôtels minables afin de ne pas se faire remarquer, le Poulpe va maintenant passer à l'action. Il se renseigne à l'hôpital Sant Joan de Déu. Mais c'est plutôt à la Clinique du Bon Samaritain que Gabriel obtiendra rendez-vous avec José Cardona. Le médecin prétend ne rien avoir à faire avec ce qui s'est, peut-être, produit au temps de son grand-père. Pour autant, et bien que Sokolov soit sur sa trace, le Poulpe ne renonce jamais…

Patrick Bard : Un Chato en Espagne (Baleine – Le Poulpe, 2015)

Voilà vingt ans qu'existe Le Poulpe, cette collection de romans populaires créée par Jean-Bernard Pouy. Désormais dirigée par Gwenaëlle Denoyers, elle en arrive à son 288e titre avec “Un Chato en Espagne” de Patrick Bard. Selon sa présentation, “Le Poulpe est un personnage libre, curieux, contemporain, qui a eu quarante ans en l'an 2000 [il est né le 22 mars 1960 à Paris, 11e]. C'est quelqu'un qui va fouiller, à son compte, dans les désordres et les failles apparents du quotidien. Quelqu'un qui "démarre" toujours de ces petits faits divers qui expriment, à tout instant, la maladie de notre monde. Ce n'est ni un vengeur, ni le représentant d'une loi ou d'une morale, c'est un enquêteur un peu plus libertaire que d'habitude, c'est surtout un témoin.”

Sans oublier de préciser que Gabriel Lecouvreur, c'est tout un univers. Il vit avec la blonde coiffeuse Chéryl, fréquente le bistrot "Au pied de porc à la Sainte-Scolasse" (Avenue Ledru-Rollin, entre la rue de Charonne et la place Léon-Blum), et part à l'aventure dès qu'il note un fait-divers troublant, souvent pas plus de quelques lignes dans le journal. Cette fois, c'est en Catalogne qu'il mène l'enquête. Héritier de l'esprit de Durutti, Gabriel ne peut qu'être attiré par Barcelone, ville chargée d'histoire. Sans doute a-t-on entendu parler des scandaleux trafics d'enfants espagnols durant la longue période franquiste. Il en est bien question ici. Mais c'est aussi un des rares épisodes où l'on s'attarde sur le fameux Polikarpov I-16 de Gabriel et sur d'autres avions ayant participé à la Guerre d'Espagne.

Romancier récompensé par de nombreux prix littéraires polars, Patrick Bard restitue à merveille cette liberté d'action que s'autorise le Poulpe, autant que son obstination à ne pas laisser en paix les ordures trop sûres de leur impunité. Un épisode impeccable de la série.

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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 05:55

Approchant de la cinquantaine, le commissaire Renan Pessac est chef du Service central de répression du banditisme. Il supervise diverses enquêtes, notamment celles confiées à l'équipe de Philippe Lelouedec, qui n'a pas grande estime pour son supérieur. Pessac garde un indic personnel très fiable, le Grand, et obtient parfois des infos grâce à la prostituée Tania, amie de cœur plus que de sexe. Un braquage de convoyeurs de fonds a fait deux victimes parmi les employés. Ça ne manquait pas de professionnalisme, mais l'affaire n'a rapporté que soixante mille Euros. Si les policiers disposent de peu d'éléments, ils pensent que ce sont deux semi-amateurs et un pro qui ont attaqué ce transport de fonds.

En effet, le jeune Doumé Astolfi s'est associé à Imed et Nordine Belkiche, deux frères du Val-de-Marne. Nordine, l'aîné, fait plutôt dans le trafic de drogue, blanchissant ses gains en achetant et exploitant des commerces dans leur cité. Plus fougueux, son cadet Imed est partisan d'actions d'éclat, et aime claquer du fric. Nordine n'apprécie pas tellement ce Corse, qui organisa le braquage. Doumé est le frère de Matteo Astolfi, un caïd du grand banditisme. Il affiche une vie tranquille auprès de sa compagne Carole et de leur fils Roch. Après l'avoir sermonné, il a expédié Doumé en Espagne, du côté de Malaga, en compagnie de son adjoint Sergio. Un braquage avec deux morts, il vaut mieux se faire oublier.

Tandis que Matteo, bien renseigné, prépare un nouveau coup bien plus fructueux contre un fourgon de transport de fonds, les frères Belkiche ont également un projet en cours. Il s'agit d'attaquer au petit matin le bureau de poste de Savigny-sur-Orge. Bénéficiant de tous les détails, ils prennent le temps de tout prévoir. Par son indic le Grand, Pessac est mis sur la piste d'un Yougo fournisseur d'armes, appelé Angelco. S'il en sait davantage, le Grand conserve des billes. C'est grâce à Tania que Pessac obtient le nom d'Imed Belkiche. Un dispositif de surveillance et de filature est bientôt en place par l'équipe de Lelouedec, autour d'Imed. Trois semaines plus tard, les frères Belkiche attaquent la poste.

À Marseille, Matteo, Doumé, Sergio et leur complice l'Acrobate braquent sans bavure un convoi de fonds. Par contre, leur comparse convoyeur est trop pressé de toucher sa part. Matteo ne lui fait pas de cadeau. Arrêté en flagrant délit à Savigny-sur-Orge, Nordine ne balancera rien, ni personne. Doumé et Matteo s'arrangent pour engager un avocat très efficace, afin d'assurer la défense de Nordine. Le Grand finit par donner à Pessac d'utiles infos sur les Corses, dont l'adresse du bar Chez Mylène, à Vitry-sur-Seine, tenu par un vieil ami de Matteo. Le caïd corse prépare déjà une nouvelle affaire. Le jeu du chat et de la souris entre Pessac et Matteo risque de finir par une fusillade…

Christophe Molmy : Les Loups blessés (Éd.de la Martinière, 2015)

Quadragénaire, Christophe Molmy est commissaire divisionnaire, chef de la brigade de recherche et d’intervention (BRI, surnommée l'Antigang). C'est donc un flic de carrière qui est l'auteur de ce roman, son premier titre. Dans ces conditions, il faut bien sûr s'attendre à un polar trépidant qui s'inspire d'un univers criminel brutal. Sans doute Christophe Molmy n'ignore-t-il pas qu'il y a quelque chose d'intemporel dans le grand banditisme. Les petits voyous, qu'ils soient ou non d'origine maghrébine, cherchent toujours à montrer leur valeur en montant des coups qu'ils ne maîtrisent pas forcément. Et les expérimentés caïds, qu'ils viennent de Corse ou d'ailleurs, espèrent encore impressionner par des braquages spectaculaires et très rentables. Il est vrai que les transports de fonds restent le maillon faible de la sécurité bancaire, cible des truands les plus déterminés.

Comme souvent quand l'auteur est policier, le récit est parsemé d'expressions issues du jargon de ce métier. Certaines formules semblent assez actuelles ("faire le canard" pour passer inaperçu, ou "un crâne" pour une interpellation), d'autres sont d'un argot plus classique ("être détronché", se faire repérer en tant que flic, ou "cantiner" en prison). On nous relate des scènes de surveillance d'un suspect, avec le contact-radio permanent entre policiers, sûrement courantes dans leur profession. Une certaine tension règne, tant du côté des policiers que chez les malfaiteurs. Un suspense classique et solide, dans la bonne tradition du polar.

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 05:55

Crayencourt est une petite ville résidentielle d'Île-de-France. Proche de la retraite, marié à Carole qui exerce dans le domaine médical, le commandant Sylvain Barral est le chef de la police municipale de cette commune. Juste et bienveillant, il essaie de régler en douceur certains problèmes. Comme dans le cas de Fatima Raffi, promise à un mariage forcé, et de son frère Rachid, qui causa un incident dans un bus. Quand un esclandre se produit au conseil municipal, entre le maire André Joubert et son adjoint Julien Varennes, Barral fait en sorte de garder sa neutralité. Si Crayencourt a été équipée de vidéo-surveillance, c'est à l'initiative de Varennes, qui dirige la société Ibis Sécurité, ce qui constitua une décision discutable. Et si le Club Minos, rendez-vous des fêtards du secteur, doit être racheté par le mafieux russe en exil Vassili Derjavine, Varennes est également concerné par l'affaire.

Au sein de la police municipale, existent de petites rivalités entre Barral et ses hommes. Le capitaine Sambart vise le poste de son supérieur. Le jeune lieutenant Angelo Gallocchio, venu de Corse, se range plutôt du côté de Sambart. Voisin du couple Barral, Sambart est marié avec Léa, ex-entraîneuse au Club Minos. Encore que, contrairement aux Barral, ces deux-là n'aient jamais, depuis dix ans, trouvé la plénitude espérée. Un soir où il est seul à la maison, étudiant le dossier du rachat du Club Minos, Sylvain Barral est mortellement poignardé, lardé de multiples coups de couteau. À son retour, sa femme Carole est sous le choc, et restera traumatisée. Également proche de la retraite, la commissaire de police Annie Pasture est combative, au risque de déplaire parfois. Elle avait beaucoup d'estime pour Barral. C'est elle qui hérite de l'enquête, qui s'annonce sans indice probant.

Journaliste pour "Le Messager", Jérôme Sernet conserve une indépendance qui ne plaît pas toujours aux dirigeants de cette ville droitière. Un de ses articles s'interroge sur le rachat du Club Minos. Ami d'Annie Pasture, il suit de près les investigations policières. Julien Varennes vient de renouer avec un copain de lycée, Marc Paradine. Ce fut un rebelle au temps de leurs études. Varennes l'engage comme "consultant spécial". En réalité, Marc Paradine est ici en mission pour un organisme secret. Sans doute a-t-il ses raisons pour s'intéresser de près à la collection d'armes du père de Julien Varennes.

La commissaire Annie Pasture ne dispose sûrement pas des bonnes cartes pour démêler l'affaire Barral que, côté municipalité, l'on n'est pas fâchés de voir bientôt s'enliser. Quand un cycliste est victime d'un supposé accident de la route, ce n'est pas si naturel. Peu après, c'est une noyade encore présumée accidentelle, qui mérite qu'on se pose quelques questions. Quant au Club Minos, c'est probablement Ivan, le second de Vassili Derjavine, qui finalisera la transaction avec la bénédiction de Varennes. Si l'exécuteur de Sylvain Barral est décédé, il a laissé des aveux qui ne laissent aucune chance au vrai coupable…

Pierre Lepère : Les roses noires de la Seine-et-Marne (Éditions de la Différence, 2015)

Partout en France, les communes s'affichent comme des “villes où il fait bon vivre”. On les imagine mal, en effet, affirmant à l'inverse que la population ne serait pas heureuse dans ces endroits. L'argument de la sécurité est le plus prisé : rebaptisée “vidéo-protection”, la surveillance par caméra reste du flicage pas si inoffensif, même pour les honnêtes gens. Il n'est pas interdit de penser que la tranquillité, tant vantée par lesdites villes, entraîne de discrets arrangements et d'éventuelles malversations. Choyées par les mairies, les polices municipales sont-elles si exemplaires ? Quiconque possède une infime parcelle de pouvoir risque d'en abuser, même si ces flics locaux exercent généralement bien leur métier. Voilà, entre autres, ce qu'illustre Pierre Lepère dans cette histoire, à travers la chronique d'une ville francilienne pas aussi paisible qu'on pourrait le croire.

Si le contexte est important, une fiction devient crédible grâce à ses personnages. L'auteur soigne tout particulièrement les portraits de ceux-ci. Nous n'ignorons rien du parcours de ce mafieux russe écarté par la nouvelle nomenklatura, du jeune lieutenant qui fut attaché à sa mère, de ce couple fusionnel formé par Sylvain et Carole Barral, de cette policière à laquelle on met dans bâtons dans les roues, de ces élus en bisbille bien qu'étant du même camp. Autant de comportements humains ressemblant de très près à la réalité. L'intrigue criminelle inclut une part d'enquête, mais c'est à travers l'ambiance que progresse le récit, avec une belle fluidité. Écrivain confirmé, Pierre Lepère nous a concocté un noir polar de fort belle qualité.

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