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4 avril 2015 6 04 /04 /avril /2015 04:55

Quimper, au cœur des années 1970, un samedi de septembre qui s'annonce ordinaire. Le sous-directeur de l'agence quimpéroise du Crédit Breton, Robert Ganne, est un passionné de chasse et d'armes. La veille, à Lorient, sa banque a été braquée par un trio. S'il devait arriver la même chose ici, Ganne est prêt à répliquer avec un flingue de combat. Son ami Michel Lagarde, ostréiculteur à Riec-sur-Belon, et lui sont en train de créer une milice bien armée. Illégal, certes, mais ils estiment qu'il y a trop de voyous qui rôdent, surtout autour des bals de la région. Et que c'est à eux de remettre de l'ordre au plus tôt.

Justement, dans un bistrot proche de la gare de Quimper, on trouve Didier et la blonde Camille, si peu farouche. Fils de bonne famille, Didier a glissé toujours davantage dans la délinquance, de petits trafics en braquages divers. Voilà trois mois qu'il poursuit à travers la France son périple chaotique de malfaiteur endurci. Depuis quelques jours, Camille et lui écument la Bretagne, échouant ce samedi-là à Quimper. La belle blonde sans culotte ne tarde pas à exciter un trio de ferrailleurs, Riton et ses frères. Avec ces trois marginaux pas trop futés, Didier tient l'occasion de jouer à nouveau au chef de bande. Il suffit de voler des voitures, avant d'aller semer la pagaille dans le coin, pour le plaisir.

Pour Jean-Pierre Le Du et Marie Dorval, c'est le grand jour, celui de leur mariage célébré dans la cathédrale Saint-Corentin. Jean-Pierre est un jeune homme assez commun, Marie est une jolie brunette, qui fait une mariée délicieuse à regarder. La noce donne lieu au cérémonial habituel, avec apéros dans un bar et pause dansante dans un club, avant qu'on se retrouve au restaurant pour un grand repas festif. On mange et on chante, comme le veut la tradition, et même la mémé Dorval entonne des refrains approximatifs.

Dans son Opel Commodore, accompagné de ses miliciens aux airs de brutes, sans attendre son complice banquier, Michel Lagarde est parti en expédition contre d'éventuels fauteurs de troubles. Le petit groupe déjà échauffé joue facilement la provocation. De leur côté, Didier et ses comparses se sont progressivement excités. C'est en se dirigeant vers les Montagnes Noires qu'ils vont s'offrir une apothéose, tombant sur un couple de jeunes mariés. Pour Jean-Pierre et Marie, le romantisme cède vite la place à l'horreur, face à ces racailles déchaînées. Le bilan de la journée, c'est l'inspecteur Cornou, de Quimper, qui l'a finalement sous les yeux, grâce à de multiples photographies. Un samedi sanglant, un vrai carnage. Dont la police traque les responsables encore vivants…

 

Il serait injuste de considérer ce roman comme une simple réédition. D'abord, parce qu'à travers une postface actuelle, Hervé Jaouen nous raconte sa découverte du roman noir et ses débuts d'écrivain, ainsi que la genèse de ce premier livre. Il faut lire les préfaces de Pierre Magnan et Jean-Baptiste Baronian rendant hommage à l'auteur. En outre, cette édition présente “six nouvelles pour finir la noce”, des textes savoureux. Publié en 1979, “La mariée rouge” fut le premier titre de la collection Engrenages aux Éd.Jean-Goujon. Il est bon de rappeler que cette intrigue fit l'effet d'un électrochoc dans l'univers polar.

Avec des auteurs tels J.P.Manchette, J.Vautrin ou P.Siniac, les histoires avaient pris une nouvelle tonalité, d'un réalisme dur et souvent cynique. En plus du fait de décentraliser son sujet en Bretagne, Hervé Jaouen y ajoutait du vivant, du vécu quotidien, et une escalade de la violence sans nul doute surprenante. Un mariage sympathique mais banal, des voyous plutôt insignifiants, un digne banquier : on ne vas se laisser longtemps bercer par la routine d'un samedi provincial. Dès les premières pages, on réalise qu'il est question de meurtres et de viols, que le récit va fatalement baigner dans le sang. Il ne s'agit plus d'un bon suspense classique, mais d'un coup de poing aux tripes des lecteurs.

Il convient encore de souligner la construction du récit et le style narratif. Nous suivons en parallèle les protagonistes, chaque parcours étant raconté sur un ton différent. Un point commun, pourtant : ces portraits sont sans concession, sans pitié. Tous se trouvent impliqués dans un maelström qui va ravager leurs vies. Aujourd'hui, autant qu'à l'époque de sa parution initiale, “La mariée rouge” reste un roman plein de force, un des polars les plus marquants de ce genre littéraire.

Hervé Jaouen : La mariée rouge + six nouvelles (BibliOmnibus, 2015)

Hervé Jaouen est aussi diablement convaincant dans des textes plus courts. Bel exemple avec “L’argent de la quête”. Dans les années 1950, Youenn est le second fils d’une famille modeste. D’origine rurale, ils habitent un petit logement du quartier Sainte-Anne. Youenn est en maternelle "sous l’église" dans la classe de Sœur Odile. Enfant souffreteux, il apprend vite à lire et à écrire. Sœur Odile s’arrange pour qu’il n’aille pas en primaire à l’école laïque. Youenn adore se retrouver avec son père, syndicaliste affirmé qui n’aime ni les riches, ni "la curaille". Youenn ne nie pas les avantages de l’enseignement reçu, mais choisit d’être un athée respectueux. Son grand frère agace toute la famille en jouant au Monsieur. Il veut influencer leur mère pour que Youenn n’entre pas en 6e à l’école publique. L’astucieux gamin n’a pas dit son dernier mot… Ici, Hervé Jaouen restitue l’exact état d’esprit de la population modeste de l’époque. Politisés ou non, ces gens éprouvaient un respect méfiant envers la religion. La rébellion de Youenn constitue une étape importante pour lui…

“Le disparu de Men Diaoul” : Vincent Lalumière était prof de math, mais préféra changer de profession. Passionné par les chiffres, il s'installa comme numérologue. Un métier que l'on peut même exercer en bord de mer, l'été. C'est là qu'une ravissante jeune veuve aborde Vincent. Gardien de phare, son mari Léon a disparu. Néanmoins, la belle Laura pense qu'il n'est pas mort comme on le croit. Certes, Vincent devrait se méfier, car toutes les séries de chiffres autour de Laura aboutissent à un 7 maléfique. Cependant, sous le charme de la jeune femme, il accepte d'aller avec elle en mer jusqu'au phare de Men Diaoul, où a péri son époux. L'ancestrale réputation diabolique de cet endroit n'est probablement pas usurpée, finalement… Les autres nouvelles : “Une trop fine mouche”, “Abus de phosphore”, “Interrogation écrite”, “Stang Fall”. Une excellente façon d'explorer ou de redécouvrir tous les talents d'Hervé Jaouen.

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3 avril 2015 5 03 /04 /avril /2015 04:55

En ce caniculaire été 1730, auteur de pièces de théâtre et comédien, Carlo Goldoni est âgé de vingt-trois ans. Sa troupe se produit dans toute l'Italie, mais il n'a pas encore accédé à la célébrité. De retour à Venise, il dirige les répétitions de sa pièce “Le sénateur dupe de lui-même”. Autre raison de revenir dans sa ville, c'est que Zorzi Baffo a de nouveau besoin de lui. Trois ans plus tôt, il enquêta auprès du chef de la chancellerie criminelle. Amateur de jolies femmes, brillant escrimeur, Zorzi Baffo est quelque peu sur la sellette depuis que la situation politique a évolué ici. Le sénateur Arto Massaro veut moraliser la Sérénissime, peuplée de trop de jouisseurs à son goût, tout en chassant aussi de la ville ceux qui n'en sont pas natifs. Il a créé les Milices de la Foi, sous le commandement de Girolamo Malarin. Venu de Rome, celui-ci traque sans relâche tous les contrevenants aux nouvelles règles.

Luca Roveri, “un homme ambitieux connu pour sa vie dissolue et les fêtes princières qu'il donnait dans ses villas de la terraferma”, a été empoisonné à la belladone. Malgré la pression des Milices de la Foi, Zorzi Baffo et Carlo Goldoni tentent d'enquêter. Peu après, se produit un autre empoisonnement semblable, dont est victime le marquis Alcide Manin de Citanova. Le chef de la "quarantia" criminelle reconnaît la jeune veuve du défunt. Elle fait partie de ces belles paysannes que Pietro Da Ponte, qui déteste l'hypocrisie régnant dans la bonne société vénitienne, transforme en (fausses) aristocrates. Avec la complicité amicale de Zorzi Baffo, qui authentifie les titres de noblesse de ces jeunes femmes. Pietro Da Ponte est, toutefois, repéré par Girolamo Malarin. Le chef des Milices de la Foi veut l'arrêter pour les deux meurtres à la belladone, mais Da Ponte parvient à prendre la fuite.

Le sénateur Massaro est de plus en plus puissant au sein du Conseil. Ce qui ne plaît pas du tout au vieux sénateur Flecchia, qui empêche son élection à la présidence. Pourtant, un incident maritime visant un navire vénitien pourrait, dramatique conséquence, redonner du poids à Massaro. À Zorzi Baffo, le sénateur Flecchia confie sa pensée : le double crime et cette attaque d'un bateau de Venise ont forcément un lien. Les deux enquêteurs ont retrouvé Da Ponte, se cachant parmi les marins dans les bas-fonds de la ville. Il n'est assurément pas l'assassin, mais Malarin le fait bientôt arrêter. Zorzi Baffo et Carlo Goldoni recherchent un marin turc et essaient de le faire parler. Avant que le sénateur Longhi, au profil similaire à celui des deux victimes précédentes, ne soit lui aussi empoisonné à la belladone, le duo doit trouver des preuves contre le commanditaire de ces crimes…

Thierry Maugenest : Noire belladone (Albin Michel, 2015)

Grâce à sa puissance économique due en particulier au commerce maritime, la République de Venise connut longtemps la prospérité. À l'époque évoquée, s'il est encore riche, cet État indépendant a beaucoup perdu de son rayonnement. Par contre, l'esprit festif est toujours très présent dans la Cité des Masques. Tel Zorzi Baffo, on fréquente volontiers les soirées orgiaques. On peut imaginer que, même si on n'est plus au temps de l'Inquisition, les autorités religieuses se mêlent d'imposer un nouvel ordre moral à Venise. Les “États du Pape” disposent de gros moyens financiers et politiques pour cela. Chasser les étrangers, les francs-maçons, les savants, les artistes, éternelle réponse liberticide et dogmatique des régimes dictatoriaux. L'humour satirique de Carlo Goldoni, auteur de théâtre encore débutant autant que passionné, est une réponse à ces abus de pouvoir.

Connaissant parfaitement Venise et son histoire, c'est avec une belle aisance que Thierry Maugenest nous entraîne dans le contexte de 1730. Si la fluidité narrative est le principal atout de ce récit, ça permet au romancier de restituer l'ambiance d'alors avec précision, sans la moindre lourdeur. Les combats d'escrime avec les maîtres d'armes, les périples sur les canaux ou dans les sombres ruelles vénitiennes, les célèbres palais de la ville, servent de toile de fond à cette intrigue. Les deux héros s'avèrent franchement sympathiques, dotés d'une indépendance d'esprit remarquable, chacun étant à sa manière un homme d'action. Après “La septième nuit de Venise”, cette deuxième captivante aventure du duo se lit avec un franc plaisir. On a déjà envie de retrouver ces personnages dans de futures tribulations.

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1 avril 2015 3 01 /04 /avril /2015 05:30

La Calabre est cette région tout au sud de l'Italie, face à la Sicile. Alberto Lenzi y exerce le métier de magistrat depuis onze ans. Ce quadragénaire est divorcé de Marta. Leur fils Enrico n'a guère d'estime pour lui. Il est vrai que Lenzi est un fêtard, joueur de poker, et qu'il se plaît à jouer les séducteurs. Actuellement, il est l'amant de Marina, qui fait partie des carabiniers. Il passe souvent ses soirées avec des amis tels l'aristocrate Lucio ou son confrère juge, Giorgio Maremmi. Flemmard sans aucune ambition, Lenzi a une mauvaise réputation auprès du Parquet local. Néanmoins, un sombre évènement va le choquer : son ami Maremmi est abattu de deux balles par un tueur dans l'entrée de l'immeuble où ils habitent, ainsi que Marina, face au Tribunal.

Peu de temps auparavant, le juge Maremmi avait été menacé en plein procès par l'accusé, Manto. On peut supposer que la 'Ndrangheta, la mafia calabraise, soit comme souvent concernée. Il est probable que l'assassin soit le frère de Manto, en cavale. Lenzi se joint au groupe d'enquêteur dirigé par le substitut Fiesole et le chef des carabiniers, Brighi. Dans l'équipe, Lenzi remarque la fort séduisante Chiara Allegri, une Florentine qui pourrait bien remplacer Marina, même si elle garde certaines distances. Pour l'heure, l'enquête prime. Le caméras de surveillance donnent peu d'indices : soit le tueur a été très prudent, soit il a eu de la chance. Toutefois, la piste du frère de Manto reste la plus valable.

Âgé de soixante-quinze ans, Don Mico Rota est est prison depuis quatorze années. Ce vieux parrain d'une branche de la 'Ndrangheta espère toujours sortir, plaidant sa maladie au stade ultime. Il conserve une certaine puissance, malgré tout. Aussi, quand Manto est retrouvé égorgé en cellule dans la même prison, tout le monde pense que c'est sur ordre de Don Mico. D'autant qu'un symbolique béret enfoncé sur le crâne de Manto signifie qu'il était indigne de faire tuer un juge. Dans le même temps, on découvre un cadavre broyé sur le pressoir à olives de Don Peppino Salemi, un notable calabrais. Le corps du frère en fuite de Manto est bientôt identifié. De quoi apeurer à juste titre Don Peppino.

Le magistrat Lenzi parvient à prendre contact avec Don Mico Rota. Celui-ci ne trahira pas la famille mafieuse, mais il admet que Lenzi a raison : on a forcé sur les symboles visant la 'Ndrangheta pour ces trois meurtres, y compris celui du juge Maremmi. Ne pas se fier aux apparences, laisse entendre Don Mico. Quand il parle de “vaches et de chiennes”, que veut-il dire ? Lenzi et Lucio étudient le cas de Don Peppino Salemi. Convoqué, il se garde de s'expliquer. Le juge Maremmi enquêta sur une affaire de pollution, confirmée par les analyses d'un laboratoire indépendant.

Lenzi localise le site concerné, près des propriétés de Don Peppino. Bien qu'on y détecte des traces radioactives, le procureur est partisan de relativiser en évoquant des déchets toxiques. On va simplement nettoyer ledit site. Pourtant, il serait bon de s'interroger sur la famille Scorda, d'une autre branche de la 'Ndrangheta que celle de Don Mico. Et sur le rôle des ingénieurs, tel le petit Naniá. Bien qu'ils disposent d'éléments, deux autres meurtres se produisent, et l'enquête n'avance pas aussi logiquement qu'elle devrait. Alberto Lenzi est bien décidé à aller au bout de cette affaire, pour venger son ami Giorgio Maremmi…

Mimmo Gangemi : La revanche du petit juge (Éd.Seuil, 2015)

La société italienne est gangrenée par toutes sortes de compromissions, par l'affairisme et une part évidente de laxisme dès qu'il s'agit de dénoncer les sphères puissantes. L'ombre des mafias, comme la 'Ndrangheta, plane sur tous les trafics mais aussi sur des arrangements douteux. À vrai dire, c'est tout le système qui apparaît vérolé. Au point que dévoiler des agissements contraires à la loi peut conduire à la mort, on l'imagine bien. Voilà ce qu'illustre en détail cet excellent roman noir. Notons qu'il a été adapté en téléfilm pour la RAI, avec celui qui incarna le commissaire Montalbano, Luca Zingaretti (Lenzi) et son épouse Luisa Ranieri (Marina).

Si l'intrigue criminelle est solide et convaincante, il faut aussi souligner d'autres qualités. Çà et là, le récit est parsemé d'expressions typiques calabraises, offrant un supplément d'authenticité au récit. L'auteur n'oublie pas de gratifier son histoire de passages plus souriants, en particulier dans la relation entre Lenzi et les femmes. Humour grinçant aussi, dans certains cas : “Ciccio Manto fut placé en isolement et mis sous pression. Il nia jusqu'au lait qu'il avait tété au sein de sa mère et afficha en permanence une expression dédaigneuse qui aurait mérité qu'on la prive de ses dents de devant. L'interrogatoire fut confié à un adjudant qui, bien qu'habillé en civil, donnait l'impression d'être en uniforme SS.” Un fort excitant noir suspense, au cœur d'une trouble réalité italienne.

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31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 04:55

Anne Capestan, trente-sept ans, est commissaire de police. Six mois après qu'une bavure l'ait mise sur la touche, la voici réintégrée grâce au bon vouloir de Buron, directeur de la PJ, son mentor. Pas de quoi se réjouir, toutefois : c'est d'une brigade de placardisés dont elle hérite, des recalés d'autres services. Quarante noms, mais ils seront finalement bien moins nombreux. Leur mission consistera à réétudier des affaires non résolues. Ils vont disposer d'un ancien appartement rue des Innocents, en guise de bureaux. Capestan y est rejointe par José Torrez, un flic qui porte la poisse ; Lebreton, homo veuf depuis peu, venu de l'IGS où il enquêta sur la bavure de la commissaire ; Eva Rosière, flic s'étant enrichie en écrivant des polars et des scénarios de téléfilms ; Merlot, vieux policier alcoolique ; et le caractériel Orsini, qui joue un trouble jeu avec les médias. Une fine équipe.

Deux vieilles affaires attirent l'attention du groupe. La première sera confiée à Rosière et Lebreton. Il y a près de vingt ans, le marin Yann Guénan fut retrouvé dans la Seine, après avoir été exécuté. Fait majeur dans sa vie, lors du naufrage d'un navire à passagers, il put sauver des gens. Plus tard, il considéra Jallateau, constructeur du bateau, comme le grand responsable, élaborant un lourd dossier contre lui. Depuis, ce Jallateau s'est installé aux Sables d'Olonne, où il s'occupe de bateaux de plaisance. Le duo d'enquêteurs se déplacera jusqu'à lui, ce qui est assez confortable dans la Lexus d'Eva Rosière. L'homme est hostile, certes, ce qui ne le rend que modérément suspect. S'il existe une sorte de carnet de bord tenu par Yann Guénan, il faudrait que sa veuve Maëlle le leur confie. Si elle n'est plus en état de le faire, l'équipe de Capestan devra se débrouiller pour s'en emparer.

Outre le cas bientôt résolu d'un jeune dealer fils de ministre, la deuxième grosse affaire concerne le meurtre d'une dame âgée sept ans plus tôt. La commissaire Capestan et le flic poissard Torrez s'en chargent. Ancienne institutrice habitant Issy-les-Moulineaux, Marie Sauzelle était encore fort active. Elle semble avoir été victime d'un cambrioleur, qui a fait aussi disparaître son chat. Quelques détails ne concordent pas, quand même. La maison n'a été ni vendue, ni entretenue depuis le décès. Tout juste est-elle surveillée par un des voisins, Serge Naulin, qui n'inspire guère confiance aux deux policiers. Un déplacement à Marsac, dans la Creuse, est nécessaire pour interroger le frère de Marie Sauzelle. Qui les accueille mal, avant d'être plus courtois. Par ailleurs, grâce aux contacts d'Orsini, le cas du dealer "fils de" connaît une certaine médiatisation afin de ne pas enterrer le sujet.

Le groupe s'est légèrement étoffé, notamment avec la blonde lieutenant Evrard, ainsi qu'un expert en informatique et un brigadier. Malgré les avancées, le bilan des affaires Sauzelle et Guénan est peu encourageant. Anne Capestan doit remotiver son équipe : “Dans les films de guerre, celui qui dit "On va tous crever", il n'aide personne […] On enquête sans pression, sans procédure, sans comptes à rendre. On appartient toujours à la Police Judiciaire, on forme juste une branche à part.” Rosière et Lebreton ont déniché un possible lien entre les deux dossiers. La piste du jeune cycliste à l'allure colorée mériterait d'être suivie. Face à la position ambiguë du directeur Buron, Capestan et les siens vont devoir concurrencer leur collègue Valincourt et ses cadors de la Crim' du 36. Peut-être que la brigade de Capestan est moins ringarde, plus efficace, qu'on ne l'a cru…

Sophie Hénaff : Poulets grillés (Albin Michel, 2015)

La comédie policière est un genre dont les rouages doivent être parfaitement huilés, afin que l'intrigue fonctionne correctement. D'abord, c'est sous le signe de l'humour que va se placer le récit : “Et toi, Eva, de la famille ? ─ Oui, un chien et un fils. Mais des deux, c'est encore le chien qui téléphone le plus souvent, confia Rosière avec un haussement d'épaules fataliste.” L'auteure nous présente un groupe de flics déclassés. Elle parvient à éviter habilement un écueil courant, le risque de ne pas distinguer les personnages. Ici, chacun(e) possède assez de singularité pour être remarquable. On voit qu'il ne s'agit pas de tocards, mais de flics s'étant marginalisés au sein de la police. Entre l'exubérante Eva Rosière avec son chien Pilote, Torrez redoutant de provoquer des catastrophes, Lebreton et ses états d'âmes, on sourit beaucoup tout en apprenant à les apprécier.

Beaucoup de remue-ménage en perspective, donc. Et l'aspect enquêtes criminelles, alors ? Que l'on se rassure, notre petit groupe est là pour résoudre des énigmes obscurcies par le temps, mais pas si impossibles à comprendre pour eux. Un brin de ténacité, une petite dose d'astuce, de menus détails oubliés, des vagues pistes négligées, et les voilà sur la bonne voie. À l'occasion de Quais du Polar 2015 à Lyon, le nouveau prix "Polar en séries" (dont le but est récompenser un livre, roman ou BD choisi pour son potentiel d’adaptation en série TV) a été attribué à “Poulets grillés” de Sophie Hénaff. Jolie récompense, méritée, pour ce premier roman de l'auteure. Du suspense, de l'humour, des péripéties agitées, un polar très divertissant : tous les atouts sont réunis pour plaire aux lecteurs.

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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 04:55

À l'occasion des 70 ans de la Série Noire, cette collection réédite en un seul volume cinq titres de Jean-Bernard Pouy : Nous avons brûlé une sainte (1984) - La pêche aux anges (1986) - L'homme à l'oreille croquée (1987) - Le cinéma de papa (1989) - RN 86 (1992).

Deux exemples des intrigues de J.B.Pouy :

"L'homme à l'oreille croquée" : Dans le train qu’il emprunte de Nantes à La Rochelle, Marcel (15 ans et demi) rentre de vacances scolaires. Un grave accident se produit. Marcel reste bloqué plusieurs heures sous des tonnes de tôle. Il n’est pas seul : Marie-Claude, une jolie jeune femme, est bloquée avec lui, tout contre lui. En attendant les secours, il broie du noir. Ils sont finalement sauvés. Retour au collège, puis nouvelles vacances chez son copain Eric. Il est contacté par un type patibulaire, qui lui parle d’Arlette (le vrai prénom de Marie-Claude). Si elle est encore vivante, Marcel doit la retrouver, la prévenir du danger. Et c'est parti pour un pénible périple vers le Centre-Bretagne, ou elle se cache...

"RN 86" : Léonard ignore pourquoi son épouse Lucie avait tant changé depuis son retour d’un stage dans le Gard. Il ne comprend pas pourquoi elle s’est suicidée. Il se rend dans la région de Nîmes, s’arrête à Remoulins, sur la R.N.86. Non loin du fameux Pont du Gard, dont Lucie lui avait adressé une carte postale. Il lui semble que cet ouvrage majestueux est lié à la mort de sa femme. La gendarmerie, trop occupée à l’époque, n’a aucun motif de se souvenir de « l’accident » de Lucie. Ses amis de stages non plus ne renseignent guère Léonard. Vague piste, d’un blond nordique, vu avec elle. Le hasard conduit Léonard dans un luxueux hôtel de Castillon. Il y rencontre un écrivain original. Celui-ci se souvient de Lucie et de son amant…

Jean-Bernard Pouy : Tout doit disparaître (Série Noire, 2015)

Dans une interview pour L'Express du 5 mars 2015, Jean-Bernard Pouy répond qu'il n'a d'autre ambition que de raconter des histoires. À la question d'Eric Libiot : “Aujourd'hui, les frontières entre littératures "noire" et "blanche" semblent davantage poreuses ?”, J.B.Pouy répond : “[…] Le roman noir, lui, parce qu'il est militant, résiste à cette porosité. C'est la différence entre un auteur et un écrivain. Entre un type qui joue dans l'équipe de Mantes-la-Jolie et celui qui veut signer au PSG. Un écrivain se prend pour un écrivain, un auteur publie des romans. Je suis auteur. Un écrivain a un chat et écoute Mozart. Moi, du punk. Je suis un papier gras collé à la chaussure de James Joyce. Les écrivains peuvent se comparer à lui, je peux juste envisager d'écrire un roman aussi bon qu'un polar de Chandler. Cela ne m'est pas encore arrivé mais c'est possible.”

Voilà plus de trente ans que Jean-Bernard Pouy tutoie le polar. Ainsi que les lecteurs dans les festivals, sans hypocrisie, considérant que les amateurs de polars ne forment qu'une seule et même famille. J.B.Pouy est direct, cash, “à prendre ou à laisser”. Vous ne l'avez pas vu depuis six mois, un an ? Qu'importe, il s'adresse à vous comme si vous vous étiez quittés la veille. Vous débutez une conversation ? Il embraie sur une anecdote piquante, emprunte un jeu de mot à son ami Patrice Delbourg non sans le citer, conseille la lecture d'un auteur, ou évoque un projet qui verra ou non le jour. Si vous le croisez de temps à autre, il y a des chances qu'il vous adopte. C'est ainsi que grandit depuis trois décennies le cercle familial polardeux de Pouy.

Il n'est pas de ceux qui considèrent comme “sacré” ce qu'il écrit, romans ou nouvelles. Il ne vient pas vendre son dernier ouvrage, ni argumenter sur celui parmi ses livres qui surpasseraient les autres. Ça vous plaît, ses bouquins ? C'est tant mieux. Sinon, vous avez le choix dans tout ce qui est publié. Vous préférez lire d'autres polars, soyez certains qu'il ne s'en formalisera pas. Néanmoins, avec “Tout doit disparaître”, les lecteurs pourront redécouvrir quelques-uns des savoureux premiers titres de J.B.Pouy.

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29 mars 2015 7 29 /03 /mars /2015 04:55

Recueil de cinq nouvelles de Carlos Salem

"Japonais grillés" : Dans un bistrot madrilène où se dégustent des spécialités espagnoles, un sexagénaire et un professeur plus jeune que lui discutent tout en buvant et en mangeant. Le plus âgé semble content de fêter son anniversaire avec cet enseignant inconnu. Il lui fait des confidences sur sa vie. Il est vrai que le sexagénaire exerce le métier de tueur à gages, le meilleur de son Entreprise. Il pense bientôt raccrocher pour laisser la place à son protégé, Juan, compétent pour lui succéder. Ce genre de projet suscite des jalousies, dans cet univers-là comme n'importe où ailleurs. Il est conscient que son supérieur hiérarchique a cherché à piéger Juan, en lui confiant une mission plus compliquée que prévu. Tuer un ancien mafieux russe reconverti homme d'affaires sérieux en plein jour sur la Plaza Mayor, c'est pourtant faisable. À condition de ne pas y croiser une troupe de touristes japonais venus admirer Madrid. Contre des témoins gênants, le sexagénaire est obligé d'utiliser les grands moyens, de faire place nette pour que la carrière de Juan ne soit pas entravée…

"Petits paquets" : Dirigé par “le mec à la Ferrari”, cet atelier clandestin de conditionnement de boîtes en tous genres emploie les laissés-pour-compte de la crise économique, ne leur versant qu'un faible salaire. Poe est l'un d'entre eux, malhabile avec les machines, mais doué pour le montage des paquets. Il ne fraternise guère avec ses compagnons d'atelier, sauf avec l'Artiste. Question de sensibilité en commun, très certainement. L'ex-étudiant en architecture est un créatif. Une fois, il amène son ami Poe voir la fresque qu'il a dessinée sur la face cachée d'un pont, celle qu'on ne voit que depuis le coin occupé par des clodos. Bien qu'elle ne soit pas terminée, l'œuvre est déjà remarquable. “Le mec à la Ferrari” va utiliser les talents de l'Artiste. Poe ne va pas du tout aimer ce qui se produit ensuite…

"Comme voyagent les nuages" : Poe est amoureux de Lola, la serveuse du bar, à la démarche féline. C'est même sa façon sexuelle de se déplacer qui trouble tant Poe. La nuit précédente, Lola n'était pas de service. Ils auraient pu franchir une étape plus intime. Mais Lola n'a pas ouvert, quand Poe a sonné chez elle avec insistance. Au bar, ce soir, se trouve un quadragénaire suicidaire, qui leur raconte sa fumeuse histoire. Le royaume secret du métro ? Des gens qui y disparaissent ? Le suicidaire dit avoir surveillé tout ça, sans vraie explication. Pas même pour la mort suspecte de Publio, le joueur de bandonéon…

"Des marguerites dans les flaques" : Le commissaire Salgado a été un bon flic, encore qu'il ait pu se montrer brutal. À la veille de la retraite, il a été rétrogradé après une nouvelle bavure, perdant son titre de commissaire. Problèmes personnels et, surtout, abus d'alcool résument sa vie. Pendant un temps, il est resté d'allure digne, mais le déclin est vite venu. Au bar d'Ulises, qu'il fréquente depuis longtemps, il raconte au patron cette enquête qu'il veut mener malgré tout, sur le meurtre de la jeune prostituée métisse Jazmine. Parce que ça ressemble à la mort de sa propre fille, Margarita…

Carlos Salem : Japonais grillés (Éd.In-8, 2015)

"Mais c'est toi qu'elle aimait le plus" : Cortés et Poe ont été amoureux de la même femme, Olga. Celle-ci a préféré épouser le riche Vincente. Ces derniers temps, Olga se sent en danger. Elle a reçu des messages anonymes menaçants. Elle se méfie de son mari, dont les finances ont été affaiblies par la crise. Il semble vouloir la supprimer pour toucher une assurance-vie. Olga s'est confiée à Cortés, qui parvient à convaincre Poe de la protéger à son domicile à elle. Il y a urgence : le contrat d'assurance expire dès le lendemain. Toute la nuit, Olga et ses deux ex-soupirants attendent de pied ferme l'éventuel assassin…

Comme ses suspenses, pleins d'inventivité et de fantaisie, les nouvelles de Carlos Salem sont d'une écriture maligne et rigoureuse. Bars de nuit et autres bistrots servant de décors, vous pensez qu'il va se contenter de décrire des alcoolos malmenés par le destin ? Malgré l'ambiance et les boissons fortes, ses héros ont les idées bien plus lucides qu'il y paraît. Ils sont capables d'éclairer la noirceur en faisant des étincelles, ces types-là. Et au final, ils savent nous surprendre, bien sûr. Dans ces textes plus courts, on retrouve avec grand plaisir l'humour des romans de Carlos Salem. Un auteur qui offre toujours le meilleur, afin de ne jamais décevoir ses lecteurs.

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 05:55

À Oslo, c'est l'hiver, bientôt Noël. Selon Olav Johansen, il exerce le métier d'expéditeur. La réalité est plus prosaïque : il est tueur à gages. Conducteur trop repérable, braqueur raté, dealer incompétent, proxénète risquant de tomber amoureux, mauvais en maths, c'est le seul métier à sa mesure pour Olav. S'il aime écrire, c'est laborieusement qu'il réussit à traduire en mots ses sentiments. Pourtant, il n'est pas inculte : il a même lu une version abrégée des Misérables, de Victor Hugo. Derrière son style british, Daniel Hoffmann est un caïd redoutable, régnant sur le "milieu" norvégien. Bien qu'un autre mafieux, Le Pêcheur, lui fasse de la concurrence, Hoffmann dispose des meilleurs atouts. Quand il a besoin de faire supprimer quelqu'un, c'est au professionnel efficace Olav qu'il fait appel.

Cette fois, Daniel Hoffmann est prêt à payer cinq fois les honoraires habituels pour qu'Olav élimine sa seconde épouse. Nettement plus jeune que lui, Corina a un amant. S'installant dans l'appartement d'en face, le tueur commence par surveiller celui des Hoffmann. Olav est rapidement séduit par l'allure de Corina. Elle reçoit effectivement des visites d'un homme, un amant qui se montre brutal. Imaginant qu'il la fait chanter, Olav prend seul l'initiative de le buter. Une très mauvaise idée, qui ne convient absolument pas à Daniel Hoffmann. Pour protéger d'urgence Corina, qui risque d'en subir les conséquences, Olav l'accueille chez lui, une adresse qu'il n'a jamais donné à personne. Ils vont bientôt devenir intimes, ce qu'il n'osait espérer. Et avoir des projets de fuite ensemble, vers Paris.

Depuis la disparition de son père, un bon-à-rien, Olav est quelqu'un sachant conserver son sang-froid. Bien qu'il ait supprimé trois des sbires du Pêcheur, pour le compte d'Hoffmann, il n'hésite pas à contacter l'adversaire de son ex-client. Le mafieux n'apparaît pas hostile, car ce serait l'occasion pour lui de mettre la main sur l'ensemble du marché de la drogue, et autres activités illégales. S'il a besoin d'un coup de main, Olav a déjà son plan, basé sur l'utilisation de cercueils. Certes, les hommes d'Hoffmann sont à ses trousses, mais il met KO l'un d'eux dans le métro, et fait preuve d'encore davantage de prudence. Son objectif reste d'abattre Hoffmann, puis de filer avec Corina. À défaut, il y a aussi Maria, ancienne prostituée handicapée à laquelle il est très attaché depuis qu'il l'a aidée…

Jo Nesbø : Du sang sur la glace (Série Noire, 2015)

Depuis le temps que les polars nous racontent des histoires de tueurs à gages, on ne peut rien espérer d'innovant sur ce thème. Par contre, certains auteurs sont capables d'installer une tonalité particulière en utilisant le sujet. C'est le cas de l'expérimenté Jo Nesbø, dans ce suspense. Malgré la relative brièveté du roman, il réussit à nous faire adhérer à cette intrigue de très belle manière. Olav, le narrateur-tueur autodidacte, n'avoue-t-il pas avoir des difficultés avec l'écriture ? Non pas qu'il manque d'intelligence, au contraire, mais il a coutume d'aller droit au but, d'agir en fonction des circonstances. Son métier est singulier, mais c'est un brave type. Sa timidité envers les femmes, qui pourrait passer pour une faiblesse ou de la naïveté, est également assez touchante.

Olav a été très marqué par “Les Misérables”. Au point de comparer quelque peu sa vie à celle de Jean Valjean, qui avait lui aussi enfreint la loi, si romantique dans sa relation avec la pauvre Fantine. Même les malfaiteurs ont du cœur, parfois. Une allusion à un nom de famille français figure parmi les aspects souriants de ce récit, qui n'est pas simplement sombre. L'auteur nous présente même un double dénouement, un final à apprécier à sa juste valeur, ce qui démontre une sacrée maîtrise. Autant d'éléments réunis pour que les lecteurs apprécient ce fort sympathique suspense.

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26 mars 2015 4 26 /03 /mars /2015 05:55

À trente-quatre ans, Frank Decker est sergent de police à Lincoln, Nebraska. Il est marié à Laura, avocate d'affaires, mais leur couple sans enfants lui apparaît agonisant. Frank a de bonnes chances de succéder au chef de la police locale. Le kidnapping de Hailey Marie Hansen, afro-américaine de cinq ans, va bousculer sa vie. La fillette habite avec sa mère Cheryl, jeune femme Blanche, dans un quartier modeste pas pauvre. Un simple moment d'inattention a suffi pour que Hailey disparaisse, avec son jouet fétiche, le cheval Magique. De gros moyens sont mis en œuvre d'urgence. Willie Shaw, collègue Noire de Frank, ne tarde pas à venir l'assister. Parmi les équipes de police mobilisées, la brigade canine tente de sentir une piste. Les délinquants sexuels du quartier semblent fort peu suspects.

Frank va gérer les relations avec les médias. Les bénévoles, volontaires pour une battue dans les environs, doivent être avant tout sévèrement encadrés. Des spécialistes du FBI vont apporter leur concours. Le père Noir de Hailey eût pu faire un bon suspect, mais il est mort depuis trois ans. Cheryl, la mère, est une ancienne alcoolique, soupçonnable selon les collègues flics de Lincoln. Pourtant le test du détecteur de mensonge prouve qu'elle n'a nullement menti. Malgré un dispositif très complet, Frank fouille même dans les bennes à ordure. Une profileuse lui précise que les ravisseurs ne répondent guère à l'image de vieux pervers récidivistes. La rapidité d'action n'a pas permis de retrouver la gamine. L'enquête est un échec, mais Frank promet à sa mère de ne jamais lâcher cette affaire.

Quelques temps plus tard, la disparition de la petite Brittany Morgan entraîne également des recherches intensives. Cette fois, le suspect Gaines est bientôt interpellé. Un coriace, qui s'offre un très bon avocat, tandis que la police a peu de preuves. Quand on découvre le cadavre de Brittany, le cas Gaine va être réglé. Toutefois, il n'est pour rien en ce qui concerne Hailey. Frank démissionne de son poste, et part sur les routes américaines avec l'espoir de dégoter une piste. Les chansons de Bruce Springsteen l'accompagnent durant près d'une année. Il reste en contact régulier avec Cheryl. C'est finalement à Jamestown, dans l’État de New York, qu'une coiffeuse lui donne un indice sérieux. Un toxico, réfugié au sein des gangs de Kingston, près de l'Hudson, fait un peu progresser ses investigations.

Une visite clandestine dans la ferme des Benson, un couple de hippies, s'avère décevante. Aucune trace chez eux de la petite Hailey, qui a maintenant six ans. C'est au cœur de New York, où il s'est installé dans un hôtel peu coûteux, que Frank explore sa seconde piste. Clayton Welles est un photographe professionnel très renommé. Ce vendredi-là, il est parti passer le week-end dans son cottage du secteur résidentiel des Hamptons. Grâce à Shea Davies, jeune égérie de Clay Welles, Frank peut se joindre à la fête chez le photographe. Ce dernier ne garde aucun souvenir d'avoir croisé Hailey. Néanmoins, Frank remarque que la belle mannequin Shea présente une certaine ressemblance, en plus âgée, avec la petite fille. C'est plus une impression qu'un fait concret.

De retour à New York dès le lendemain, Frank est prié par le flic Andy Russo de ne plus ennuyer Clayton Welles, qui l'emploie parfois à titre privé. Malgré tout, il montre à Frank la réalité de la prostitution new-yorkaise, y compris chez les mineures. Avec Tracy, une collègue de Russo, ils rencontrent une religieuse qui tente d'améliorer le sort des filles du tapin, puis font une visite au bordel tenu par Madeleine Chandler (dont ce n'est pas le vrai nom). Celle-ci sait quelles rumeurs courent autour des prostituées et de leur clientèle. Le policier Russo et Shea Davies insistent pour que Frank quitte au plus tôt la ville. Ce qu'il ne fera qu'une fois sa mission accomplie…

Don Winslow : Missing : New York (Éd.Seuil, 2015)

Don Winslow est une "valeur sûre" du noir polar, avec une quinzaine de titres traduits en français. Cette première enquête de Frank Decker porte sur un sujet réaliste, la disparition de jeunes enfants. Aux États-Unis, où les kidnappings semblent nombreux, ces affaires sont peut-être encore plus sensibles qu'ailleurs. Ce n'est pas la Megan's Law, obligeant le recensement des délinquants sexuels, qui résout quoi que ce soit. Au contraire, puisque ce sont des agissements souvent non criminels qui alimentent ces fichiers. La profileuse citée ici montre bien qu'on est généralement dans la caricature lorsqu'on évoque les prédateurs pédophiles. Par ailleurs, on nous décrit aussi le problème de la prostitution dans des villes comme New York, qui inclut quantité de mineurs, filles et garçons.

En effet, derrière la pure intrigue à suspense, les investigations de Frank Decker prennent l'allure du reportage. À commencer par les opérations policières autour d'un kidnapping, décrites en détail (et avec la tension que ça suppose) par l'auteur. Winslow émet quelques réserves sur les battues basées sur le volontariat. Il ne sous-estime pas le rôle aujourd'hui important des réseaux sociaux, pour retrouver des disparus. Bien sûr, sans obstination, on n'obtient guère de résultats : c'est le caractère principal de son héros, intervenant dans tous les milieux, chez les gangs de dealers comme auprès des gens honnêtes, et même au cœur de la haute société. Il ne reste au lecteur qu'à suivre le sillage de cet enquêteur de choc, animé par l'espoir de sauver au moins une de ces fillettes disparues.

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