Ilyès Janin-Zenati est un Avignonnais âgé de vingt-cinq ans. Sa mère Sylviane est veuve d'un Algérien venu de Kabylie. Ilyès a un jeune frère de quatorze ans, Nouredine, ayant tendance à mal tourner. Clerc de notaire chez Maître Bergeaud, Ilyès vit en couple avec la belle Céline. Elle est la fille d'un ancien colon d'Algérie, l'hypocondriaque Jacques. Dont l'humour raciste s'avère assez pénible. Même s'il s'agace de l'admiration de sa compagne pour son propre patron, Stéphane, Ilyès a mis trop de temps à conquérir Céline pour la perdre aujourd'hui. Le jeune couple va devoir héberger Nouredine, en espérant le sortir de ses amitiés délinquantes. Si l'athée Ilyès n'a eu que très peu de rapports avec le pays de son père, il est bien conscient de rester un "alibi social" pour son employeur, conformiste notaire un peu radin. Maître Bergeaud a une mission plutôt spéciale à lui confier.
À soixante-douze ans, Daniel Genovese vivait dans un mas des Alpilles. Il est décédé en tombant d'une échelle, chez lui. Ce ne sont pas ses deux neveux qui héritent. Il a désigné comme légataire un vieil ami, Noël Ramon. Ils firent trois ans de service militaire jusqu'en 1962, en Algérie. Si Genovese rentra en France avec les rapatriés, Noël Ramon ne quitta pas le pays. Non pas qu'il ait épousé la cause algérienne, mais il était recherché par la police. Avec Daniel Genovese et leur complice Gabriel, ils avaient braqué Ferdinand Segura afin de lui volé sa fortune en lingots d'or. Le riche colon se fit buter dans l'opération. Les soupçons se portèrent sur Noël Ramon. Genovese, Gabriel et l'or planqué dans une voiture purent quitter l'Algérie. Le duo se partagea équitablement le butin, Genovese gardant la part de Noël Ramon. Ils renouèrent le contact par la suite.
Ilyès est chargé par son patron de retrouver l'héritier septuagénaire, qui est censé vivre en Kabylie. Arrivé sur place, le jeune homme ne trouve pas l'intéressé. Il réalise que Noël Ramon a arabisé son patronyme. S'il parvient à avoir un contact téléphonique avec celui qu'il cherche, Noël Ramon reste terriblement méfiant. Peut-être y a-t-il prescription pour la vieille affaire Segura, mais il avait une épouse. Par les cahoteuses routes d'Algérie, Ilyès revient à Alger, où l'héritier de Genovese se livre à un vrai jeu de piste. Son beau-père Jacques a rejoint Ilyès, ce qui ne facilite pas forcément sa mission. Entre sa nostalgie et ses médicaments, il est un peu encombrant. Néanmoins, Ilyès parvient à rencontrer Noël Ramon, qui joue la sécurité maximum. Il accepte de venir en France signer la succession, mais il ne dispose pas de papiers d'identité en règle. Yliès l'aide à en obtenir…
Quand une intrigue est aussi riche en évènements, il faut se contenter d'un résumé très fragmentaire. Précisons quand même que l'essentiel de l'affaire, autour d'Ilyès, se passe à l'automne 2005, mais qu'on nous fait également revivre des scènes de 1962. Car c'est à cette époque, dans l'ambiance houleuse du départ des Pieds-Noirs, que débute vraiment l'histoire. Tel qu'il est raconté, le contexte apparaît d'une belle justesse. Puis l'auteur nous décrira, au gré du récit, ce que sont devenus les protagonistes d'alors. Avec une parfaite fluidité, ces faits passés se mêlent à l'aventure vécue par le jeune clerc de notaire. S'il a une mission délicate à remplir, son propre quotidien tient ici une place entière. Un œil sur son frère qui a déjà pris le chemin de la délinquance, un autre œil jaloux sur Céline et son patron, une oreille pour son beau-père raciste, la vie personnelle d'Ilyès est bien occupée.
Auteur d'une douzaine d'excellents polars, Jérôme Zolma devrait figurer parmi nos talents actuels les plus "en vue". Sans doute est-ce par pudeur qu'il reste quelque peu en retrait. On admet son choix de publier chez Krakoen, Jigal, Rouge Safran, Oskar, Wartberg, Ska, et ici aux éditions Lajouanie. Autant de petits éditeurs actifs, ayant la chance d'avoir son nom au catalogue. Pourtant, quand on a lu la quasi-totalité de ses romans sans jamais être déçu une seule fois, lorsqu'on a savouré chacune de ses intrigues maîtrisées avec soin, on regrette que le perfectionniste Zolma reste mal connu du grand public. On peut même ressentir cela comme une injustice. Car, en témoigne ce “En main propre”, il suffit de se plonger dans le réalisme sans artifice d'un polar de cet auteur, pour comprendre que c'est un de nos meilleurs romanciers. Lisez Jérôme Zolma !
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