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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 04:55

Ilyès Janin-Zenati est un Avignonnais âgé de vingt-cinq ans. Sa mère Sylviane est veuve d'un Algérien venu de Kabylie. Ilyès a un jeune frère de quatorze ans, Nouredine, ayant tendance à mal tourner. Clerc de notaire chez Maître Bergeaud, Ilyès vit en couple avec la belle Céline. Elle est la fille d'un ancien colon d'Algérie, l'hypocondriaque Jacques. Dont l'humour raciste s'avère assez pénible. Même s'il s'agace de l'admiration de sa compagne pour son propre patron, Stéphane, Ilyès a mis trop de temps à conquérir Céline pour la perdre aujourd'hui. Le jeune couple va devoir héberger Nouredine, en espérant le sortir de ses amitiés délinquantes. Si l'athée Ilyès n'a eu que très peu de rapports avec le pays de son père, il est bien conscient de rester un "alibi social" pour son employeur, conformiste notaire un peu radin. Maître Bergeaud a une mission plutôt spéciale à lui confier.

À soixante-douze ans, Daniel Genovese vivait dans un mas des Alpilles. Il est décédé en tombant d'une échelle, chez lui. Ce ne sont pas ses deux neveux qui héritent. Il a désigné comme légataire un vieil ami, Noël Ramon. Ils firent trois ans de service militaire jusqu'en 1962, en Algérie. Si Genovese rentra en France avec les rapatriés, Noël Ramon ne quitta pas le pays. Non pas qu'il ait épousé la cause algérienne, mais il était recherché par la police. Avec Daniel Genovese et leur complice Gabriel, ils avaient braqué Ferdinand Segura afin de lui volé sa fortune en lingots d'or. Le riche colon se fit buter dans l'opération. Les soupçons se portèrent sur Noël Ramon. Genovese, Gabriel et l'or planqué dans une voiture purent quitter l'Algérie. Le duo se partagea équitablement le butin, Genovese gardant la part de Noël Ramon. Ils renouèrent le contact par la suite.

Ilyès est chargé par son patron de retrouver l'héritier septuagénaire, qui est censé vivre en Kabylie. Arrivé sur place, le jeune homme ne trouve pas l'intéressé. Il réalise que Noël Ramon a arabisé son patronyme. S'il parvient à avoir un contact téléphonique avec celui qu'il cherche, Noël Ramon reste terriblement méfiant. Peut-être y a-t-il prescription pour la vieille affaire Segura, mais il avait une épouse. Par les cahoteuses routes d'Algérie, Ilyès revient à Alger, où l'héritier de Genovese se livre à un vrai jeu de piste. Son beau-père Jacques a rejoint Ilyès, ce qui ne facilite pas forcément sa mission. Entre sa nostalgie et ses médicaments, il est un peu encombrant. Néanmoins, Ilyès parvient à rencontrer Noël Ramon, qui joue la sécurité maximum. Il accepte de venir en France signer la succession, mais il ne dispose pas de papiers d'identité en règle. Yliès l'aide à en obtenir…

Jérôme Zolma : En main propre ! (Éd.Lajouanie, 2015)

Quand une intrigue est aussi riche en évènements, il faut se contenter d'un résumé très fragmentaire. Précisons quand même que l'essentiel de l'affaire, autour d'Ilyès, se passe à l'automne 2005, mais qu'on nous fait également revivre des scènes de 1962. Car c'est à cette époque, dans l'ambiance houleuse du départ des Pieds-Noirs, que débute vraiment l'histoire. Tel qu'il est raconté, le contexte apparaît d'une belle justesse. Puis l'auteur nous décrira, au gré du récit, ce que sont devenus les protagonistes d'alors. Avec une parfaite fluidité, ces faits passés se mêlent à l'aventure vécue par le jeune clerc de notaire. S'il a une mission délicate à remplir, son propre quotidien tient ici une place entière. Un œil sur son frère qui a déjà pris le chemin de la délinquance, un autre œil jaloux sur Céline et son patron, une oreille pour son beau-père raciste, la vie personnelle d'Ilyès est bien occupée.

Auteur d'une douzaine d'excellents polars, Jérôme Zolma devrait figurer parmi nos talents actuels les plus "en vue". Sans doute est-ce par pudeur qu'il reste quelque peu en retrait. On admet son choix de publier chez Krakoen, Jigal, Rouge Safran, Oskar, Wartberg, Ska, et ici aux éditions Lajouanie. Autant de petits éditeurs actifs, ayant la chance d'avoir son nom au catalogue. Pourtant, quand on a lu la quasi-totalité de ses romans sans jamais être déçu une seule fois, lorsqu'on a savouré chacune de ses intrigues maîtrisées avec soin, on regrette que le perfectionniste Zolma reste mal connu du grand public. On peut même ressentir cela comme une injustice. Car, en témoigne ce “En main propre”, il suffit de se plonger dans le réalisme sans artifice d'un polar de cet auteur, pour comprendre que c'est un de nos meilleurs romanciers. Lisez Jérôme Zolma !

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23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 10:00
Philippe Breton : Une brève Histoire de la Violence (J.C.Béhar Éd.)

Dans la collection “Une brève Histoire” chez J.C.Béhar, une étude qui paraît fort intéressante sur un fait de société éternel, la violence. Un livre de Philippe Breton, professeur des universités, en poste au Centre universitaire d’enseignement du journalisme à l’université de Strasbourg. Il est directeur adjoint du laboratoire CNRS "Cultures et sociétés en Europe". Un ouvrage qui s'adresse aux amateurs de sociologie autant, sans doute, qu'aux lecteurs de polars.

Voici la présentation de “Une brève Histoire de la Violence” : « La violence, sous toutes ses formes, a toujours existé. Qu’il s’agisse de l’anthropophagie, de l’esclavage, de la guerre, de la mise à sac et du pillage, de la brutalité des mœurs jusqu’à l’homicide, des violences sexuelles, du génocide, du crime en série ou du terrorisme, tous ces comportements accompagnent l’histoire de l’Homme depuis l’origine. Mais cette violence n’est jamais, sauf dans le cas de dérèglements extrêmes, l’expression d’une "pulsion sauvage". Elle est toujours guidée et encadrée par des normes, qui disent, dans une société donnée, à un moment de son histoire, ce qu’il est légitime de faire, et ce qui ne l’est pas. Comme nous le verrons à chaque chapitre de cette histoire tragique, la lente prise de conscience des souffrances et des traumatismes qu’elle engendre, le refus de la vengeance, le goût pour le bonheur individuel et le développement économique, un désir croissant de civilité, expliquent que de nombreuses sociétés se donnent les moyens de faire reculer, le plus possible, la violence dont l’Homme est capable.»

Sommaire : 1. L’anthropophagie, de la norme à l’interdit - 2. L’esclavage - 3. La mise à sac - 4. La vengeance aux mille visages - 5. Tu ne tueras point - 6. Sexe et violence - 7. La guerre, toujours - 8. Génocide - 9. Tueurs en série, criminels de masse.

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 04:55

Anna, âgée aujourd'hui de trente-six, est mariée à Pierre. Avec leur fils Youri, le couple est de retour pour les vacances dans la maison corse de la famille d'Anna, à Acquargento. Il y a vingt ans que plus personne de la famille Jorand n'a y mis les pieds, laissant la demeure à l'abandon. Anna se remémore les séjours qu'elle fit dans cette maison, entre les âges de neuf ans et seize ans, avec ses parents Rosa et Gilles. Enfant, elle était fière de venir dans la maison au cœur d'un village déserté. Adolescente, elle s'y ennuyait ferme malgré la plage lui offrant, en contrebas, quelques plaisirs. Elle se créa un espace personnel qu'elle baptisa le Cosmos. Se sentant telle Anna Brontë, elle y ruminait ses goûts pour le rock tendance Nick Cave ou Christian Death, pour l'art obscur et les films connus d'elle seule.

En ce mois de juillet 1989, Anna réalisait qu'avoir seize ans, c'est être sortie de l'époque enfantine. Elle éprouvait des envies de découvertes, de villes étrangères, trouvant pesant ce séjour-contrainte avec Gilles et Rosa. Malaise intérieur, silence du village, même plage, rien d'excitant. C'est alors qu'arriva sa sœur Hélène, et son bébé d'un an, Léa. Il existait une large différence de génération, donc d'état d'esprit, entre elle et son aînée de douze années. Infirmière blonde aux yeux bleus, Hélène se débrouillait sans compagnon pour élever sa fille. Quant au reste, Anna la trouvait d'une futilité exaspérante. Une cagole, qu'elle finirait par considérer comme une véritable connasse. Hélène ne vit en elle qu'une gamine mal dégrossie, Rosa se tenant à une neutralité plutôt favorable à l'aînée.

Anna fut sous le charme de la petite Léa, moins fascinée que les autres : “Mais vous ne parvenez pas, comme font vos parents, à vous extasier bruyamment sur le répugnant barbouillis des repos, les borborygmes bestiaux, les sourires édentés. Tout cela, en définitive, vous emmerde au plus haut point.” Léa méritait une protection permanente, à l'évidence dans ce rugueux décor de Corse, tout obstacle étant dangereux. À cause du changement d'air, à cet âge, il n'était pas surprenant que Léa tombe malade. Anna trouva que sa sœur ne soignait pas correctement son bébé. Étonnant de la part d'une infirmière, qui n'avait même pas ouvert certains médicaments.

Ça n'allait pas améliorer les rapports entre les deux sœurs, cet incident. Anna resta d'autant plus attentive à sa nièce. Ce ne fut pas le seul problème autour de la petite Léa. Anna simula un rapprochement avec Hélène, dans le but de contrôler tant soit peu la situation. Et d'étayer ses hypothèses. Mais peut-être valait-il mieux qu'elle s'occupe de ses affaires, qu'elle aille à la plage et se laisse séduire par ce bel Italien de Bologne, étudiant en architecture ? Après tout, Hélène était responsable de son enfant…

Marie Neuser : Un petit jouet mécanique (Pocket, 2015)

Une histoire en forme de huis-clos, considérant que tout se passe sur un lieu de vacances. Décor aéré, puisqu'une route en lacets permet de descendre du village à la plage. Ce qui n'empêche pas un certain isolement pour les protagonistes. Le thème exploité n'est absolument pas nouveau : il s'agit du soupçon. Comme, par exemple, dans bon nombre de films d'Hitchcock. L'originalité vient ici de la narratrice, une adolescente. Car le regard que porte sur son monde une jeune fille de seize ans est souvent biseauté. Elle commence à se créer un univers personnel, forcément éloigné des références parentales. Elle ose une opinion qui lui paraît réfléchie, avec tout le sérieux du début de maturité qui l'habite. Mais sa parole, son questionnement, comptent encore peu.

La manière narrative est fort intéressante, aussi. C'est à la fois l'adolescente qui témoigne, qui retrace cet épisode de sa vie, mais avec le recul de l'adulte, vingt ans plus tard. Anna ne se juge pas elle-même, n'incrimine pas sa famille. Elle décrit l'atmosphère telle qu'elle l'a ressenti alors, avec l'idée qu'elle semblait la seule à éprouver : une suspicion teintée de jalousie, peut-être et même sûrement, envers une sœur aînée différente, jeune mère trop peu maternelle à ses yeux. Des personnages crédibles, des caractères réalistes, en effet. Un très bon suspense psychologique.

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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 04:55

Parmi les suspenses psychologiques disponibles en format poche, voici deux passionnants romans à retenir pour ce printemps 2015.

 

Thomas H.Cook : Le dernier message de Sandrine Madison (Éd.Points)

Coburn est une petite ville de Géorgie, à environ cent de kilomètres d'Atlanta. Les Madison forment un couple d'universitaires quadragénaires. Ils sont les parents d'une fille adulte, Alexandria. La population les considère comme des privilégiés. D'autant que Sam Madison peut sembler méprisants aux yeux de certains. Lorsque son épouse Sandrine se suicide, à l'âge de quarante-six ans, le professeur Madison apparaît rapidement suspect. Il est vrai qu'il a accueilli sans émotion la policière venue constater le décès, cette nuit-là. L'agente nota le capharnaüm régnant dans la chambre de Sandrine, ce qui lui parut peu naturel. L'avocat de Madison montrera que la policière avait déjà connu des cas de désordres similaires, ce qui suggère qu'elle avait des préjugés contre l'enseignant. Elle en fit part à l'inspecteur Ray Alabrandi, qui déclencha l'enquête. À charge, visiblement.

Sur son lit de mort, Sandrine Madison a laissé un ultime message dans un livre d'histoire, sa matière universitaire. Phrases nébuleuses faisant référence à Cléopâtre, claires dans le seul esprit de Sandrine. Un texte qui ne fait aucune allusion au suicide, toutefois. Sam n'a pas tardé à perdre son emploi à l'université, logique dans une telle ville. À l'heure du procès, alors que l'universitaire comparaît libre, son avocat juif insiste pour qu'il masque son habituelle allure ironique. Il devra discrètement rappeler à l'ordre Sam plusieurs fois. Loin d'être sûre de l'innocence de son père, sa fille Alexandria est présente aux audiences et loge chez eux. Jenna, la sœur unique de Sandrine, fera un bref passage, sans montrer tellement de sympathie à Sam. Celui-ci ne peut nier que leur couple ne fonctionnait plus. Ce qui n'excuse pas vraiment la relation intime qu'il eut avec April Blankenship, un épisode compromettant. Les témoignages négatifs ne plaident pas en sa faveur...

Thomas H.Cook fait partie de ces écrivains qui ne choisissent jamais la facilité. Coupable ou innocent, ce n'est pas strictement la question ici. Nous sommes tous responsables de notre comportement vis-à-vis de notre entourage, et un couple qui dure n'échappe pas à ce principe. De leur lointain voyage en amoureux autour de la Méditerranée en passant par Albi, jusqu'au suicide supposé de son épouse, Sam va se remémorer les hauts et les bas de leur vie commune. On appréciera la souplesse narrative et l'élégance du style de Thomas H.Cook. Par exemple, quand dans une même scène se côtoient les propos d'un témoin et le souvenir que Sam en garde. Images immédiates de la procédure en cours, doutes plus ou moins légitimes, réflexions intérieures de l'accusé, regard des autres… Un roman d'une grande richesse et d'un bel humanisme, comme sait en concocter ce remarquable écrivain.

Polars poche 2015 : Thomas H.Cook (Points) Luc Bossi–Isabelle Polin (Le Livre de Poche)

Luc Bossi – Isabelle Polin : Trouvée (Le Livre de Poche)

À Bordeaux, on la connaît sous le nom de Clara Langlois. Âgée de vingt-cinq ans, c'est une étudiante en Histoire de l'Art, et une littéraire. Voilà quatre ans que Clara vit en couple avec François Ménard. Ils habitent une maison isolée, la villa Bahia, dans la presqu'île d'Ambès, à moins d'une demie-heure de Bordeaux. À part leur récent voisin M.Rives et son chien, guère de passage par ici. François est un scientifique, de dix ans plus âgé que Clara. Ce jour-là, elle trouve un message dans ses affaires scolaires : “Je t'ai trouvée”. Dans le même temps, un certain Jean-Marc Royer est assassiné dans la région. Bien que Clara n'ait aucun lien avec lui, elle a parallèlement décrit la scène du meurtre dans un texte, pour ses études. Le chien de M.Rives est retrouvé poignardé sur leur terrasse. L'angoisse qui habite déjà Clara augmente. François s'arrangera pour faire disparaître le cadavre du chien et les traces de sang.

Toutefois, il va devoir révéler à sa compagne que l'univers qu'il a construit autour d'elle est faux. Selon un protocole médical discutable, François a utilisé en grande partie l'hypnose pour gommer son vrai passé, substitué par un autre. En réalité, son père Yvan Royer était médecin à Chartres. Le jour où il fut assassiné, le tueur kidnappa Clara, alors âgée de seize ans. Se faisant appeler “Lycaon”, son ravisseur la séquestra longtemps. Capitaine de gendarmerie à Chartres, Marianne Brunel enquêta sur le meurtre du père de Clara. Ayant compris que Lycaon se manifestait à nouveau, elle rejoint Bordeaux. Malgré les signes qu'elle estime identiques, le commissaire Girard n'est pas convaincu qu'existe un lien. D'autant qu'à l'époque de l'affaire Clara, on suggéra que Marianne était l'amante d'Yvan Royer, qu'elle aurait dû être écartée du dossier. François juge préférable d'isoler sa compagne pour le moment…

Luc Bossi et Isabelle Polin se montrent très habiles, en entrant rapidement dans le vif du sujet, sans tergiversations oiseuses. En présentant une “normalité” apparente, en jouant sur les images sombres restant dans le cerveau de Clara. En portant le soupçon sur tous ceux qui approchent la jeune femme, sans qu'ils semblent si dangereux. Cet équilibre franchement réussi alimente une intrigue qui nous fait bientôt frissonner.

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 04:55

Auguste Bléchard n'est plus un jeune homme, et n'a jamais été un travailleur manuel. De tous temps, constatant sa perpétuelle maladresse, sa famille ne lui accorda nulle vocation bricoleuse. Féru d'esthétisme calligraphique, ce scribe est devenu un copiste besogneux et stylé. Les poètes oubliés abscons l'inspirent davantage que les plus communs outils. Au décès de son géniteur si peu paternel, Auguste hérite de la maison des Bléchard. Si on la nommait jadis Villa des Glycines, il préfère l'appeler Villa Quolibet. De douces images sont attachées à cette demeure en meulière, typique de la banlieue-sud de Paris aux abords de ce qui fut la Nationale 7. Il aime le calme, mais n'oublie pas ses racines : “Il est vrai que je viens d'une famille d'un naturel emporté, et chez nous la moindre contrariété pouvait se transformer séance tenante en esclandre public, en véritable bataille rangée. Mauvais coucheur sur plusieurs générations...” Auguste va être servi, question contrariétés.

La coquette Villa Quolibet de jadis s'apparente plutôt à une bicoque antédiluvienne, à une masure périmée, indigne même de son quartier vieillot. Son père qui jouait les ermites, à l'étage, n'a rien entretenu depuis des lustres. Tout se déglingue dans la bâtisse. Auguste, qui ignore tout du fonctionnement domestique, qui ne saurait que faire d'un tournevis ou d'un marteau, n'imagine pas réparer, restaurer, remettre simplement en état. S'agissant d'engager quelques ouvriers, Auguste se livre à un casting approximatif. Sept trimardeurs pittoresques sont retenus, probablement plus forts en gueule qu'efficaces. Il leur attribue un sobriquet à chacun, non sans remarquer qu'ils sont parfois un tantinet caractériels : “L'installateur sanitaire, qui ne tolère plus l'appellation obsolète et vulgaire de plombier, travaille seul en grommelant...” Dès le début des travaux, ça remue-ménage déjà.

Voilà un chantier qui prend vite des allures de pandémonium : “On pioche à l'ancienne, on entaille à la gorge, on pellanche à qui mieux mieux dans la glaise baveuse. L'atmosphère espiègle et débonnaire du chez-moi des vertes années avait bien changé. Beyrouth-ouest succédait à Barbizon... L'ampleur de l'intervention que j'avais initiée me dépassait par tous les pores de la peau. J'étais parti pour quelques légers rafistolages, et nous étions de plain-pied dans la remise en état du Pavillon de l'Arsenal.” Auguste sent bien qu'on raille son projet, qu'on abuse du pigeon qu'il est. Pourtant, vendre ce "nid à soucis", que nenni ! Certes, pas de place pour lui dans les jambes des gars du bâtiment chez lesquels il perçoit un net esprit clanique. Tant pis s'il doit s'isoler afin de poursuivre ses propres activités. Pas dans un coin, puisqu'il n'y en a plus. Alors, ce sera sur une sorte d'échafaudage branlant.

Seules ses sorties parisiennes, au cirque, le remontent le moral. Sans doute parce que, à l'inverse de son chantier bordélique incontrôlable, il n'y a quasiment pas d'improvisation dans un numéro de cirque. Auguste a connu dans sa vie des parenthèses sentimentales, aussi maladroites de sa part que le maniement d'une truelle ou d'une varlope. Avec Lilith, qui apparaît dans le décor chaotique sans crier gare, va se nouer une nouvelle relation. Le douloureux vécu de cette danseuse flamboyante ne peut que toucher l'esthète Auguste. Et surtout, Lilith va ici s'imposer, nettoyer, régenter, améliorer. Peut-être qu'un jour, la triste Villa Quolibet se métamorphosera en glorieuse Villa Alphabet ?…

Patrice Delbourg : Villa Quolibet (Le Cherche Midi, 2015)

Non, Patrice Delbourg ne se lance pas dans le roman criminel, dans l'intrigue polardeuse. Encore que ce passionné du langage, cet épris de vocabulaire, dresse en cette occasion des portraits qui ne dépareraient pas dans quelque roman noir. Son sombre héros (désolé) ne lui ressemble-t-il pas un peu ? “Je bricole la mécanique des mots… La littérature n'est pas une bourgeoise huppée. C'est une paysanne. Une âme toute simple comme vous. Elle est parente de l'instituteur des campagnes, de l'homme des écluses, du receveur des postes, parfois d'un collègue d'usine. L'écrivain, comme le maçon, est seul face à la performance, concentré dans ses starting-blocks, cassant le buste sur la ligne d'arrivée, célibataire au monde dans l'exercice de son unique effort.” En l’occurrence, l'écriture d'un livre peut effectivement ressembler à un chantier, certains auteurs en témoignent.

De péripéties, il n'en manquera point ici. Quiconque a été envahi par des travaux à son domicile connaît le plaisant agrément de la chose, le bonheur du bruyant colmatage et du déblaiement de poussiéreux gravats, la délicieuse sensation de pagaille généralisée et interminable, car surgissent les impondérables. Ce que l'on retiendra, par-dessus tout, c'est l'usage amoureux des mots. Les termes professionnels, bien sûr : herminette, rifloir, gouge, égoïne, chignole, serre-joint. Puis encore les “vocables radieux : aconit, courtille, faluche, jable, nocher, roquentin, ou mazette.” À titre personnel, “Doucement, à petit pas valétudinaires” me comble d'aise, tant j'aime ce mot "valétudinaire", un de mes préférés avec "matutinal". Le langage chante avec poésie, le vocabulaire est coloré, les mots rares pétillent. Merci à Patrice Delbourg de rendre vivants ces endormis des dictionnaires, ces fantômes de la langue française.

Patrice Delbourg est annoncé au festival Le Goéland Masqué, qui vous attend à Penmarc'h (Finistère-sud), les 23, 24 et 25 mai 2015

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 04:55

De Jean Jaurès à l'amiral Darlan, des ministres Jean Zay ou Georges Mandel au président Paul Doumer ou à Marx Dormoy, les meurtres de politiciens ne manquent pas au cours de la récente histoire de la France. Patrick Caujolle recense dans cet ouvrage dix-neuf affaires marquantes, faisant le portrait des victimes et racontant le contexte de leur mort. Parmi les cas remontant à plus d'un demi-siècle, soulignons celui de Philippe Henriot.

Il a trente-six ans quand, en 1925, Henriot se lance dans la politique. C'est un orateur brillant, défenseur virulent des "valeurs traditionnelles". Au début de la guerre, il reste prudent. Pourtant, dès 1942, à la radio, Philippe Henriot devient la voix officielle de la politique de Collaboration de Pétain. Ses discours haineux n'expriment que détestation des Juifs et autres ennemis étrangers. Il a grand tort de s'attaquer à Pierre Dac, qui est alors une des voix du Radio-Londres gaulliste. Reproduite in-extenso ici, la réponse intelligente de l'humoriste est un texte puissant, qui mériterait d'être enseigné. Qu'il le sache ou non, Pierre Dac y annonce la future mort de Philippe Henriot. Le politicien le moins respectable de son temps sera assassiné chez lui par une crapule, au nom de la Résistance.

Durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, trois graves affaires secouèrent l'opinion publique. La première concerne le meurtre de Jean de Broglie, un proche du Président de la République. Issu d'une lignée aristocratique, ce prince est député de l'Eure, et occupe de hautes fonctions à l'Assemblée. Le 24 décembre 1976, Jean de Broglie est abattu à Paris, rue des Dardanelles. Derrière la façade de respectabilité, la victime était impliquée dans une nébuleuse financière, où l'argent de l'Opus Dei servait autant à des transactions privées qu'à des campagnes politiques. Certes, la Justice condamnera les coupables, le policier véreux Guy Simoné, le tueur Gérard Frèche et leurs complices. Pourtant, bien des mystères subsisteront sur des sommes colossales et sur les causes exactes de ce crime.

Le mardi 30 octobre 1979, le cadavre du ministre giscardien Robert Boulin est retrouvé en forêt de Rambouillet, près d'un étang. Maire de la commune girondine de Libourne, il était âgé de cinquante-neuf ans. Il s'agirait d'un suicide, après des accusations mal supportées. Ce possible successeur de Raymond Barre à la fonction de premier ministre est suspecté d'illégalité dans une affaire immobilière à Ramatuelle. Son implication serait relative, en effet, mais Robert Boulin apparaît stressé. La veille de sa mort, il écrit et poste plusieurs lettres dénonçant un complot contre lui, destinées en particulier aux médias. Un suicide s'expliquerait, c'est certain. Néanmoins, une foultitude de détails non vérifiés au cours de l'enquête, et le poids politique de la victime, sèment encore le doute dans ce dossier clos.

Patrick Caujolle : Meurtres au sommet de l’État Français (Le Papillon Rouge Éditeur, 2015)

Le troisième cas est celui de l'ancien ministre Joseph Fontanet, assassiné en février 1980, dans le 16e arrondissement de Paris. Il était penché sur le coffre de son véhicule, quand il fut atteint par une balle de 11.43. Fontanet n'a jamais été un politicien "à scandale", il n'est mouillé dans rien de frauduleux. Tout juste tenta-t-il de lancer un journal, qui a vite coulé. Des revendications farfelues ne peuvent être retenues par la police, même pas celle créant un lien avec l'incendie du lycée Pailleron. Par contre, une bande de truands roulant en 504 sévit au même moment dans Paris. Dirigés par une certaine Thérèse Gulkers, ces malfaiteurs sont traqués après quelques braquages. Si ces bandits sont armés, possédant un 11.43, pas sûr qu'il s'agisse de l'arme qui tua Fontanet. Une affaire mal résolue.

Le 25 février 1994, la députée UDF du Var Yann Piat est abattue par des tueurs à moto. Cette élue âgée de quarante-quatre ans, mère de deux enfants, n'était guère apprécié de son camp politique en PACA. Passations de marchés publics douteux et autres projets immobiliers aux limites de la légalité, Yann Piat militait pour une moralisation dans ces domaines. On navigue là entre le politico-financier et les intérêts mafieux. D'ailleurs, des morts fort suspectes ont précédé et suivi le meurtre de Yann Piat. L'affaire va faire tomber Maurice Arreckx, conseiller général et maire de Toulon. Les investigations vont permettre l'arrestation de Gérard Finale, patron du bar Le Macama, et de quelques-uns de ses amis. Paroles de voyous et secrets d’État rendent difficile une véritable explication des faits.

Sont également retracés les meurtres du préfet Claude Érignac, à Ajaccio en février 1998, et plusieurs autres affaires peut-être oubliées aujourd'hui, scandaleuses à leur époque. C'est avec clarté, autant qu'il est possible dans des dossiers épineux, que Patrick Caujolle revient sur ces meurtres touchant les élites politiques françaises depuis plus d'un siècle. Un livre documentaire très réussi, qui nous rafraîchit utilement la mémoire.

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 04:55

À Tokyo, en 1925. Minoura est un employé âgé de vingt-cinq ans, d'un caractère réservé. Il est amoureux de Hatsuyo Kizaki. Partageant ses sentiments, cette jeune fille de dix-huit ans lui raconte ce qu'elle sait de sa propre vie. Elle a été adoptée, mais garde des bribes de souvenirs d'avant ses trois ans, des images d'une île. Hatsuyo confie à Minoura le registre généalogique de la famille Higuchi, qui pourraient être ses vrais ancêtres à elle. Plus âgé que Minoura, son ancien colocataire Michio Moroto prétend alors se marier avec Hatsuyo. Certes, par sa profession de chercheur en médecine, il a du prestige. Pourtant, il serait étonnant que cet homosexuel qu'est Moroto soit attiré par une jeune fille. Hatsuyo a remarqué un inquiétant octogénaire, vieillard ridé et voûté rôdant autour de chez elle.

Peu après, la jeune fille est assassinée dans sa chambre, alors que la maison de sa mère adoptive était verrouillée. On a volé sa paye, et une boîte de chocolat. Ni empreintes, ni traces du coupable ne sont décelables. La police soupçonne vaguement la mère. Minoura s'adresse à son ami Miyamagi, détective amateur déjà chevronné. Il ne croit pas non plus au cambriolage. C'est comme un tour de prestidigitation, ce crime en chambre close. Il va enquêter de son côté, tandis que Minoura exploite un indice, un grand vase émaillé. Un second vase identique a été acquis par Michio Moroto, auprès du brocanteur voisin de chez Hatsuyo. Pensant avoir situé le repaire du criminel, le détective Miyamagi a reçu une lettre de menaces. Il ne dévoile pas encore ses trouvailles à Minoura.

Miyamagi est assassiné sur la plage, en public, poignardé comme Hatsuyo, en présence de témoins qui n'ont rien vu et d'enfants. Minoura n'a rien pu faire non plus. Alors qu'il se rend chez Moroto, il croit apercevoir l'inquiétant vieillard ridé. Moroto s'est improvisé à son tour détective. Pour le meurtre de la jeune fille, il pense qu'il y a un "effet d'angle mort" faussant le raisonnement. Moroto émet une hypothèse très plausible. Quant à la mort de Miyamagi, il l'explique assez simplement. Toutefois, le tueur n'est pas l'instigateur de ces crimes. Moroto a réussi à amener chez lui le double assassin, mais il est abattu d'un coup de feu avant qu'il ne révèle le peu qu'il sait sur le commanditaire.

Minoura et Moroto étudient le registre généalogique d'Hatsuyo et des Higuchi. Ils lisent aussi le carnet de confessions d'une jeune fille confinée toute sa vie sur une île. Hide-chan a reçu un peu d'éducation, mais son existence reste fort étrange, dans cet entrepôt avec vue sur la mer. Tandis que le policier Kitagawa s'intéresse au cirque Ozaki, Moroto raconte à son ami Minoura ce qui furent ses origines, et pourquoi il pratique la vivisection dans le cadre de ses recherches médicales. Le duo va poursuivre ses investigations à l'extrémité du Kishû, vers une île isolée, celle de la caverne rocheuse. Avec son "gouffre du Diable", ce lieu a mauvaise réputation chez les pêcheurs locaux. C'est dans les entrailles de l'île que, non sans prendre des risques, Minoura et Moroto espèrent en découvrir les secrets…

Edogawa Ranpo : Le démon de l'île solitaire (Éd.Wombat, 2015)

Ce roman d'Edogawa Ranpo (1894-1965), initiateur de la littérature policière au Japon, est fascinant pour diverses raisons. Si la plupart des ouvrages de cet écrivain ont été publiés aux Éd.Philippe Picquier, celui-ci restait indisponible en français, semble-t-il. Il s'agit donc d'un inédit, traduit dans un langage très vivant par Miyako Slocombe.

Voilà, en effet, une deuxième particularité de ce suspense. À l'origine, c'est sous forme que roman-feuilleton que fut publiée cette histoire, vers 1929-1930. Admirateur d'Edgar Poe et des classiques du roman policier occidental, l'auteur en utilise les codes, adaptés à la culture japonaise. Surtout, on remarque une tonalité narrative très fluide, moins lourde que dans beaucoup de "feuilletons" d'alors. D'ailleurs, le héros Minoura s'adresse aux lecteurs, témoignant sur le mode "Vous n'allez pas y croire, bien que tout soit vrai".

L'ambiance est chargée de mystère, dans cette enquête avec une touche de fantastique. Çà et là, on trouve des allusions aux œuvres des maîtres du genre policier (et à un roman de H.G.Wells). Si l'érotisme est évité, Edogawa Ranpo paraît indiquer que l'homosexualité n'est pas si taboue dans la société japonaise de l'époque. Il entraîne ses personnages dans des tribulations riches en énigmes et en péripéties, des aventures mouvementées et dangereuses. Une intrigue impeccablement construite, pour un roman d'une indéniable qualité supérieure.

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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 04:55

Les liens familiaux n'existent pas vraiment dans cette famille-là, vivant dans une maison au cœur d'un paysage campagnard. Ne parlons pas de la mère qui, hormis aux repas, n'a guère de contacts avec ses proches, et qui n'entretient rien dans son foyer. Le père, c'est un homme sévère et froid, qui semble aboyer sur ses fils plutôt qu'il ne leur parle, qui n'a que des reproches à leur adresser. Face à lui, autant que possible, il vaut mieux faire front ensemble, ses trois fils l'ont bien compris. L'aîné, Stanislas, est un lycéen de dix-huit ans. N'étant présent que pour les vacances, il observe cet univers familial glacé où ses frères expriment logiquement un besoin de liberté, peut-être une nécessité de fuite vitale.

C'est chez Matthias, âgé de quinze ans, que Stanislas sent le plus cette envie. D'ailleurs, l'adolescent disparaît parfois durant quelques jours. Que fait-il ? “Je marche parce que je n'ai rien à attendre de personne et parce que le jour où je foutrai le camp je veux pouvoir me débrouiller sans rien ni personne. C'est pour ça le fusil…” En effet, Matthias a dérobé le précieux fusil de Jimmy, un autre jeune du secteur. Ce dernier sait qui est son voleur, et va se bagarrer avec Matthias pour le récupérer. Stanislas calmera la tension, provisoirement. À chaque retour de fugue, le mépris de leur père est plus flagrant envers Matthias. Il n'est pas plus tolérant envers ses deux autres fils, il n'en supporte aucun.

Ladislas, le plus jeune frère, a treize ans. Si Matthias et Stanislas ont repéré une cabane des alentours où habitent une jeune fille et Samuel, son petit frère de neuf ans, c'est Ladislas qui a noué contact avec l'adolescente. Peut-être s'agit-il d'une amourette mais le garçon a besoin de cette tendresse, introuvable dans son monde. Veuf, le père de Samuel et de sa grande sœur déserte leur cabane. Sans doute profite-t-il des plaisirs de la ville située à une heure d'ici. “On vit comme des clochards” estime le petit Samuel. Sa sœur lui offrira une balade en car jusqu'en ville, et un appareil Polaroid. Croit-elle Ladislas capable de l'emmener loin de ce coin perdu, comme ils en ont formulé le projet ?

Le seul que Stanislas puisse apprécier, c'est leur oncle. Cet homme cultivé est impotent, et commence à perdre la vue. Sans doute lui donnerait-il d'utiles leçons de vie. Stanislas n'a pas la maturité pour les comprendre pleinement. L'oncle a prêté de l'argent à leur père, qui le rembourse avec ponctualité : bonne occasion pour Stanislas de rendre visite à ce parent diminué. Quand la situation va devenir complexe pour sa famille, c'est l'oncle que Stanislas consulte en premier. Mais il s'agit d'une agression ayant conduit au meurtre. Et le petit Samuel a pris en photo celui qu'on peut suspecter d'être l'assassin…

Stéphane Guyon : Ici meurent les loups (Éd.de la Différence, 2015)

Ça se passe dans un décor rural fantomatique, avec des petites collines boisées, à l'écart d'un village qu'on ne fréquente guère. Ça se situe plutôt en France, mais ce pourrait être aussi bien dans quelque contrée américaine, anglaise ou de n'importe quel pays. L'histoire de trois frères confrontés… à quoi ? À un père trop dur, telle est la réponse venant en tout premier à l'esprit. Pourtant, non, ce n'est pas si simple. Ne sont-ils pas plutôt confrontés à eux-mêmes, à leur solitude, à leur inexpérience ? Leur fatalité n'est pas de vivre dans ces paysages rustiques, que d'autres trouveraient idylliques. Leur aspiration ne consiste pas à "partir pour la ville". Quelles que soient les raisons de leur mal-être, quelle que soit la sensibilité de chacun d'eux, ils ont profondément besoin d'une autre vie.

─ “T'as bien fait de partir… T'as bien fait de t'obstiner. Je comprends ça en te voyant aujourd'hui. Je regarde tes frères, et je sais c'est toi qui a fait le bon choix. Je le sens. Tu as bien fait de t'éloigner. Parce qu'il y a dans l'air de cette maison quelque chose de pourri.” Par son regard pessimiste sur un petit groupe de personnes, par la lourdeur qui plane sur eux, par la sourde violence en filigrane, c'est assurément un roman noir qu'a écrit Stéphane Guyon. L'écriture elliptique, parfois déstabilisante, nous invite à aller au-delà du portrait des protagonistes, à illustrer ce qui est passé sous silence. Roman criminel, bien sûr, mis en valeur par une sombre psychologie. Un troublant troisième titre de la collection "Noire" des Éditions de la Différence.

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