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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 04:55

Pour les amateurs de suspense de qualité supérieure, Pocket propose dès ce mois de juin deux remarquables nouveautés en format poche.

 

John Katzenbach : "Le loup"

Âgé de soixante-quatre ans, ce new-yorkais a connu un certain succès en publiant quatre thrillers. Alors qu'il craint que sa santé décline, il veut connaître un ultime moment de gloire. Commettre une série de crimes parfaits, d'anthologie, ça ne s'improvise pas. Il est marié à la secrétaire du directeur d'un collège privé. Son épouse se mésestime elle-même, restant admirative de son héros écrivain. Ce dernier va s'inspirer du Petit Chaperon Rouge pour son chef d'œuvre criminel, un conte plus sanglant à l'origine. Il se baptise le grand Méchant Loup. Il adresse des messages menaçants à trois femmes rousses, concluant par ce mots : “Et comme la petite fille du conte, vous avez été choisies pour mourir.”

Les trois victimes désignées ? La Rousse n°1 est le Dr Karen Jayson, quinquagénaire qui exerce dans le Massachusetts. Elle vit seule avec ses deux chats. Pleine de compassion pour les malades, dans sa vie privée, elle aime jouer les humoristes sur scène. La Rousse n°2 est Sarah Locksley, trente-trois ans. Depuis un an, elle a abandonné son métier d'institutrice après un drame familial. Dépressive, elle s'abrutit d'un mélange d'alcool et de médicaments, vivant nue chez elle dans le désordre. La Rousse n°3 est Jordan Ellis, dix-sept ans, étudiante dans une école privée préparant à l'université. Depuis le divorce de ses parents, elle n'est plus si bonne élève. À cause de ses cheveux roux, elle se sent aussi à l'écart des autres. C'est une excellente sportive, ce qui plaît au Grand Méchant Loup. Rédigeant le suivi de son projet, l'écrivain sait déjà que ses cibles n'ont pas de solutions concrètes pour réagir. Qui survivra à son jeu meurtrier ?...

Peu de commentaires à émettre sur un tel suspense signé John Katzenbach, Grand prix de Littérature policière 2004 pour “L'analyste” (réédité aux Presses de la Cité). Ce romancier gère son intrigue avec une rare maestria. S'il s'agissait simplement d'un “jeu du chat et des souris (rousses)”, ce serait déjà très réussi. Un tueur en série qui s'efforce de se montrer plus astucieux que la moyenne, un postulat classique souvent bienvenu. L'auteur va plus loin, car il met en scène un écrivain, censé mener la danse. Ce personnage fait part aux lecteurs de toute sa conception de ce qu'il va illustrer, de sa psychologie et de ce qu'il pense (à tort plus qu'à raison) être celle de ses futures victimes. C'est là que Katzenbach s'avère magistral. Ces passages “mise au point” ne sont jamais ennuyeux. Ces réflexions sur son métier ne ralentissent nullement le récit. Une histoire à dévorer, si le Grand Méchant Loup des contes d'antan nous en laisse un morceau.

Chez Pocket, le TOP du suspense : John Katzenbach et Lauren Beukes

Lauren Beukes : "Les lumineuses"

Chicago, novembre 1931. Auteur d'une altercation mortelle, Harper Curtis prend la fuite. Il est pourchassé dans Grant Park, où se sont réfugiés les miséreux, victimes de la Grande Dépression. Frôlant le lynchage, il est seulement blessé au pied. Harper réussit à se faire soigner au Mercy Hospital. À sa sortie, il est comme guidé vers un quartier très pauvre de la ville. Une maison, dont il a dérobé la clé à une victime, semble l'attendre. Le cadavre fraîchement assassiné d'un certain Bartek, peut-être le propriétaire du lieu, gît dans cette maison. Harper y trouve aussi une valise pleine de dollars en gros billets, un vrai pactole. Il découvre là une chambre étrange, tel un mausolée dédié à la mort de plusieurs femmes. Face à ces noms féminins qu'il a tracés, aux objets hétéroclites qu'il doit laisser près des corps, une pulsion habite le violent Harper. C'est la Maison qui lui réclame de les tuer.

Après La Luciole, danseuse de cabaret, les victimes à venir ne vivent pas uniquement à son époque. Grâce à la Maison, il voyage à volonté dans le temps. Quand il ouvre la porte, c'est sur l'année qu'il a choisi entre 1929 et 1993. Ce qui lui permet d'approcher d'abord ces filles, plus ou moins longtemps avant le moment où il a décidé de les assassiner. Arrêter ce jeu sinistre, Harper y songe brièvement. Fasciné par ses meurtriers voyages, magnétisé par les objets qu'il dépose près des cadavres, Harper continue jusqu'à ce que son hypothétique liste soit close… Née en août 1968, Kirby Mazrachi est élevée seule par sa mère Rachel. Se pensant artiste, un peu droguée, Rachel a trop souvent l'esprit absent pour s'avérer maternelle. C'est sans doute ce qui accélère la maturité de Kirby. Dès 1974, Harper va venir à la rencontre de cette victime désignée, mais il est bien trop tôt pour la tuer. Ce n'est que le 23 mars 1989 qu'il va la poignarder, lors d'une promenade avec son chien. Gravement blessée, sa force de caractère aide Kirby à survivre…

Un magnifique suspense, aussi surprenant qu'intelligent. Ce pourrait être l'histoire d'un tueur en série peu différent de la moyenne. Mais les raisons de sa violence obsessionnelle sont moins ordinaires. La manière dont il commet ses meurtres est carrément étonnante. Tels beaucoup de serial killers, Harper est itinérant. Ce n'est pas géographiquement qu'il voyage, c'est dans le temps. Un postulat issu de la littérature Fantastique mais on ne quitte pourtant pas le domaine du polar, car c'est bien le crime qui reste le moteur de ce roman. Traquer un assassin aussi spécial, ça suppose déjà une multitude de situations complexes pour la jeune Kirby. Pour originale qu'elle soit, l'idée initiale ne suffirait peut-être pas à convaincre. L'auteure va nettement plus loin. Dans la construction extrêmement habile du récit, dont Harper et Kirby constituent les deux lignes principales. Surtout, c'est un vrai portrait de l'Amérique qui est ici dessiné, à travers l'évolution de Chicago et ses aspects sociologiques abordés en toile de fond. Sans ces subtiles précisions qui ne nuisent nullement au tempo du roman, l'intrigue manquerait de véracité. Digne d'un Stephen King au mieux de sa forme, un “suspense riche”, un polar supérieur, magnifiquement maîtrisé.

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14 juin 2015 7 14 /06 /juin /2015 04:55

Archibald Sirauton est un ancien magistrat, reconverti dans la viticulture en Bourgogne. Il est maire de Saint-Vincent-des-Vignes, une bourgade à cinquante-cinq kilomètres au nord de Lyon. Avec son chien Tirbouchon, il habite le manoir hérité de ses parents. Bougonne, sa gouvernante, a assurément mérité son sobriquet. Filoche, son employé, est un repris de justice revenu dans le droit chemin. Archibald est fiancé à Xavière Sifakis, comédienne entrevue sur les écrans et au théâtre. Actuellement, Xa (c'est ainsi qu'on l'appelle) est en répétition à Lyon pour une pièce de Molière dirigée par Paul Deflers. Un grand metteur en scène, mais intransigeant. Bien que laïc par son état d'esprit et par sa fonction de maire, Archi s'accorde plutôt bien avec Hippolyte Goma, le curé local venu d'Afrique.

Ce qui agite depuis peu la population du cru, c'est un site Internet baptisé "Village en folies". Par ses propos venimeux, le rédacteur vise non seulement Archi et son entourage, mais plusieurs autres villageois. Photos à l'appui si le besoin s'en fait sentir, le corbeau dénonce de supposés défauts de chacun. Au manoir, les proches d'Archi tentent de dresser le portrait de l'auteur du site. Bon photographe, écrivant sans faute, c'est sans doute un type dans la force de l'âge, fortiche en informatique et vivant dans la région. Au bistrot de Saint-Vincent-des-Vignes, les habitants s'échauffent et les bigotes visées râlent. On est d'accord avec Archi pour ne pas mêler les flics à cette affaire. Néanmoins, le sujet finit par faire le buzz auprès des internautes, dont les réactions sont bassement sarcastiques.

Pour avoir "profané" un symbole respecté des villageois, l'anti-clérical Brulebois est la cible de la population, après avoir été dénoncé par "Village en folies". Se réfugiant au manoir, il est finalement pris en charge par le curé Goma. Il devient difficile pour Archi de raisonner ses administrés. Et puis, il suit une autre affaire, concernant quelque peu sa compagne Xa. Le metteur en scène Deflers a été assassiné dans son bureau, au théâtre. Un buste de Molière à disparu, peut-être l'arme du crime. Si le capitaine de police Bordas, ami d'Archi, est toujours fiable, le commissaire Poussin voit là une occasion de briller. Il soupçonne en tête Lydie Grandchamp, comédienne et amante de la victime. Heureusement, des témoins favorables à la suspecte évitent au policier de se fourvoyer dans cette voie.

Un personnage non-identifié traînait dans cette partie de la salle appelée "le paradis". Il se manifestera bientôt anonymement sous le pseudonyme de Valère, personnage de Molière. L'inconnu veut "récupérer son bien", sans préciser lequel. Ce qui ne fait pas forcément de lui un tueur. Kortas, producteur de spectacles, est retrouvé mort dans son appartement de luxe, assassiné de la même façon que Deflers. Il est certain que ce ne sera pas la dernière victime. Le commissaire Poussin interroge à nouveau la troupe de comédiens. De son côté, Archi suit une piste basée sur des limonaires pour retrouver l'énigmatique Valère. Il faut encore avancer sur le site "Village en folies", qui les attaquent de nouveau, Xa et lui…

Philippe Bouin : L'homme du paradis (Presses de la Cité, 2015)

Après “Le vignoble du Diable” et “Les chais des ambitieux”, on retrouve avec un plaisir certain l'univers bourguignon et lyonnais d'Archibald Sirauton. S'il affiche une part de désinvolture, l'ex-juge devenu vigneron n'en est pas moins un homme responsable et un enquêteur avisé. Il ne néglige pas les tirages de cartes divinatoires de Bougonne, mais se fie à son cartésianisme pour réfléchir et résoudre les problèmes. La tranquille tradition vinicole et villageoise est ici bousculée par l'aspect négatif d'Internet :

“Ces intouchables s'appellent les tchateurs anonymes. Sous le couvert de leurs pseudos, ils détruisent et salissent en toute impunité… Dès que l'un d'eux trouve un sujet à démolir, c'est aussitôt l'hallali. On ne sait pas de quoi il s'agit, mais qu'importe, marrons-nous, haro sur le baudet. Le lynchage est ouvert à l'abri des procès.” Modernité et médiocrité vont de pair, quand les vils instincts se déchaînent.

C'est encore une excellente comédie policière que nous propose Philippe Bouin, écrivain confirmé ayant, depuis quinze ans, deux douzaines de romans à son actif. Au théâtre comme au village, on nous présente une belle galerie de personnages typiques, prêtant à sourire. L'aspect criminel, c'est dans le petit monde théâtral (autour de la belle Xavière) qu'il prend forme ici. Mystérieux crimes et individu ambigu rôdant dans les parages : il est bon qu'Archibald Sirauton y mette son grain de sel (non pas son grain de raisin) afin que le commissaire, trop confiant en ses propres talents, ne se fourvoie pas. Un suspense très agréable, entre humour et énigme.

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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 04:55
L'homme noir, personnage mystérieux à plus d'un titre

Quand on parle polar ou SF, "l'homme noir" ne va pas désigner le mâle africain, mais plus sûrement la noirceur de l'âme, des actes ou des tenues, du personnage-titre. En 1939, un certain André Sans publia aux Éditions de la Librairie de L'Arc (Brive La Gaillarde) un roman de 126 pages (en tirage limité et numéroté, illustré de 36 gravures sur bois de Jean Margerit) intitulé "L'homme noir". On peut supposer qu'il s'agit d'un conte à suspense car Edgar Allan Poe est cité en exergue, via un extrait de Le puits et la pendule, "Oh ! Une voix… une voix pour crier !"

G.J.Arnaud utilisa le même titre pour un roman publié dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir en 1975. L'histoire se passe à Lyon, dans le quartier de la Croix-Rousse. C'est là que Roger Courson, qui vit aujourd'hui à Nice, passa son enfance. Dans certains couloirs de cet immeuble désormais lézardé, les mômes d'autrefois avaient peur du légendaire "homme noir" hantant les lieux. “Lorsqu'il n'était qu'un enfant, il ne s'y hasardait qu'en compagnie des autres, un bout de bougie à la main. Outre les chausse-trappes, il y avait l'Homme Noir. Tous les enfants l'avaient vu. Lui aussi. Une ombre en grande cape et chapeau pointu qui se glissait d'étage en étage, silencieux et sinistre… On disait qu'un trésor y avait été caché par un riche soyeux au moment de la révolte des Canuts en 1831 et que l'Homme Noir n'était autre que le fantôme du soyeux recherchant son bien.” S'il est de retour chez ses parents, c'est que Roger vient d'assassiner sa compagne Gisèle. Voilà le seul endroit qu'il ait trouvé pour se cacher. Auprès de ses parents, qui sont décédés de mort naturelle, dont les corps sont toujours dans l'appartement. Un refuge pas si sûr, car des attentats visent ce pâté de maison habité surtout par des familles arabes venues d'Algérie. C'est l'œuvre d'un comité dirigé par l'étudiant Pascal Lacaze et son amie Hélène Ferni, afin d'obtenir le relogement de ceux qui vivent dans ce trou-à-rats. Ce qui risque de trop attirer l'attention des autorités sur cet immeuble, augmentant l'angoisse de Roger.

"L'homme noir" fut réédité en 1995 chez le même éditeur, dans un recueil de quatre titres. Les autres sont trois succès de cet auteur : "Enfantasmes" (Prix Mystère de la Critique 1977), "L'enfer du décor", "Les jeudis de Julie". En début d'année 2015, les éditions Rivages/Noir ont aussi publié un roman de Luca Poldelmengo intitulé "L'homme noir".

L'homme noir, personnage mystérieux à plus d'un titre

En science-fiction, on trouve également ce titre. "L'homme noir" est un recueil de huit nouvelles signées Robert E.Howard, qui fut successivement publié par Le Masque fantastique en 1976, chez NéO en 1982, au Fleuve Noir en 1991. Il existe encore un roman de fantasy de Robin Hobb publié par Pygmalion en 2005, sous ce titre.

Légères variantes dans les romans destinés à la jeunesse. Avec le livre d'Alix Clémence "Ninon et l'homme en noir" publié par Syros, dans la collection Souris Noire, en 1999. Chez PKJ (Pocket Jeunesse), "L'homme en noir" de Catherine MacPhail est le tome 3 de sa série Némésis, publié en 2010.

Côté bédé, on peut citer des titres très approchants. Tel "Mandy Riley – L'homme en noir" (tome 1) de Ray Collins et Ernesto Garcia Seijas, aux Éd. du Lombard, 1988. Plus ancien, une bédé sans doute parue dans le Journal de Tintin, puis en album : "L'homme noir de Ripaton" de Mitteï (série L'indésirable Désiré, Dargaud 1970).

L'homme noir, personnage mystérieux à plus d'un titre
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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 04:55

Don Kurtwood est un universitaire de quarante ans. Il enseigne l'anglais dans le Kentucky. Il a eu une compagne, Rebecca, mais cultive peu sa vie sociale. Depuis l'enfance Don aime les livres, y consacrant maintenant l'essentiel de son temps. Son père Joseph Kurtwood, qui fut commercial dans l'Ohio, était également un grand lecteur. Si Don ne privilégie que les ouvrages à la qualité avérée, son père préférait la littérature populaire. Il a accumulé des quantités de polars et de westerns, qu'il lisait sans fin. Un vrai boulimique de lecture. Joseph Kurtwood vient de mourir, suite à une longue maladie dégénérative. Don est de retour auprès de sa mère pour les obsèques. Il réalise qu'il connaissait mal ses parents.

Au funérarium, Don est approché par un petit gros à l'allure négligée qui ne fait pas partie de leurs proches. Ce Lou Caledonia est libraire d'occasions dans cette ville, spécialiste des livres rares. Ces dernières années, il a essayé en vain d'entrer en contact avec le défunt. Joseph Kurtwood ne donnait pas suite à ses courriers. Lou Caledonia demande à Don de passer au plus tôt à sa librairie, afin de lui expliquer les détails. Vu le stock de livres dont sa mère ne sait que faire, autant que l'attitude énigmatique du libraire, Don décide de se rendre chez Lou Caledonia le soir-même. La boutique est bien telle que l'imaginait Don, surchargée de livres. C'est alors qu'il découvre le cadavre du libraire, assassiné.

Ayant immédiatement téléphoné à la police, Don est interrogé par l'inspecteur Phil Hyland. On peut penser que ce meurtre a été causé par un cambriolage ayant mal tourné. Don ne révèle pas au policier le petit indice qu'il a trouvé chez la victime : l'avis de décès de son père, avec une inscription manuscrite, "l'étranger". Est-ce que cela a vraiment la moindre importance, d'ailleurs ? Ce n'est pas sa mère qui pourrait le renseigner. Si ses parents formaient un couple ordinaire, une certaine indifférence régnait entre eux. Sa mère est juste embarrassée par tous ces livres.

Le policier Hyland est un pro consciencieux. Il creuse son sujet, s'informe sur le contexte autour du libraire, ne se contentant pas des apparences. C'est ainsi qu'il s'intéresse à une collection de romans populaires datant du début des années 1970. Elle ne comporte que vingt titres, des westerns traditionnels. Avec deux singularités, ce qui fait sérieusement monter la cote de ces livres auprès des passionnés cherchant la collection complète. Dans les cartons de son père, Don retrouve des photos du temps de la jeunesse de Joseph. Il n'avait jamais pensé que son père avait eu une vie différente, par le passé…

David Bell : La cavale de l'étranger (Ombres Noires, 2015)

Ce roman court est l'œuvre de David Bell, qui a connu un certain succès avec “Fleur de cimetière” publié chez Actes Noirs. Outre l'histoire, on trouvera une interview de l'auteur, en fin de volume. Il y explique clairement l'origine de sa passion du livre, et le contexte de cette fiction. Les romans mettant en scène des lecteurs assidus, soulignant le plaisir qu'ils éprouvent au contact du livre, possèdent toujours un "parfum" particulier. Si l'universitaire s'enferme dans l'étude de la grande littérature, activité fort honorable, son père avait saisi tout le charme d'ouvrages populaires, ceux d'hier et d'aujourd'hui.

“C'était la preuve flagrante qu'il avait bel et bien eu une vie avant son mariage. Mon père avait peu d'amis quand j'étais petit, et il ne s'en était pas fait beaucoup plus après mon départ de la maison et sa retraite. Ma mère avait une vie sociale. Mon père avait ses livres, et le sport à la télé. Mais les photos du carton racontaient une autre histoire…” Le thème de l'intrigue, au-delà de son aspect criminel, c'est avant tout la relation entre père et fils, parent et enfant. La transmission entre générations s'est perdue depuis quelques décennies, et pourtant elle était riche, y compris sur la personnalité et la vie de nos aïeux. C'est ce qu'évoque David Bell, avec fluidité et une sensibilité de bon aloi. Un fort agréable roman court.

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10 juin 2015 3 10 /06 /juin /2015 04:55

La ligne 1 du métro parisien va de La Défense jusqu'au Château-de-Vincennes, soit seize kilomètres et demi traversant le cœur de la capitale. C'est un dimanche soir du début de l'automne. Âgé de vingt-cinq ans, Vincent prend le métro à la station Les Sablons, afin de rejoindre des copains faisant la fête. Amis qui le considèrent comme assez immature, et qui sont habitués à ce qu'il soit en retard. Sans doute ignorent-ils le parcours chaotique de Vincent, qui vit aujourd'hui de petits boulots. Né d'un coït bâclé, il connut une enfance instable avec une mère alcoolo, avant d'être adopté par une famille bienveillante. Vincent en garde une fêlure profonde, qu'il masque aux autres. C'est un grand brun racé, de belle allure : “Il porte une barbe de trois jours qui accentue son côté sauvage, un brin brutal, vraiment masculin.” Séduisant, Vincent est beaucoup plus dangereux qu'il n'en a l'air.

Stéphanie Dujardin est une étudiante de vingt-trois ans. Il fait aussi l'hôtesse d'animation, comme ce week-end pour cette foire aux vins à La Défense. Stéphanie a un petit ami, Martin. Un jeune homme sérieux, épris d'elle, manquant hélas de fantaisie. Elle n'est pas trop sûre de ses sentiments à l'égard de Martin. Ce soir, Stéphanie préfère aller dormir chez ses parents (couple aisé, trente ans de mariage) à Saint-Mandé. Son père pense que le destin décide de nos vies, tandis que sa mère croit plus au hasard : Stéphanie oscille entre les deux opinions. Pourtant, à cause d'un passager du métro éméché et énervé, ce soir-là c'est bien le hasard qui met en contact Stéphanie et Vincent. Qui se présente sous le prénom de Pierre. Fasciné par le cou gracile des jolies jeunes femmes, il a vite cherché à lier connaissance. Leurs âges et le charme de Vincent les rapprochent bientôt.

Il ne faudrait pas croire que les policiers du Quai des Orfèvres restent inactifs concernant ce tueur en série ayant déjà poignardé quatre victimes. Au sein de l'équipe de Pelletier, le brigadier-chef Jean-Marc Charland, trente-sept ans, est obsédé par l'affaire. Au point d'y avoir encore consacré son dimanche, rentrant chez lui fatigué, en métro. Ce qui n'a pas été divulgué au public, c'est l'avancée du dossier depuis le cas Caroline Garrigue, dix jours plus tôt. Grâce à Sophie, voisine de la victime, la police dispose d'un portrait très précis de l'assassin égorgeur. Son mode opératoire, ils l'ont à peu près défini aussi. Charland va en métro de Châtelet jusqu'à Bastille. Derrière lui, un couple de jeunes amoureux, Stéphanie et Vincent. Il les a remarqués, mais n'a pas vu le visage du jeune homme. Il ne réalisera que trop tard que c'est justement ce tueur en série qu'ils traquent.

Bien que Martin lui laisse des messages SMS, lui promettant de la rejoindre en scooter à Saint-Mandé, Stéphanie se sent de plus en plus attirée par ce beau brun de "Pierre". Bien que le policier l'ait raté, le jeune homme a compris qu'il y avait du danger. Bien que tout puisse s'arrêter à ce moment-là, station Porte-de-Vincennes, Vincent et Stéphanie vont poursuivre ensemble le trajet vers Saint-Mandé. Bien que l'obstiné Charland ait la chance de tomber sur un chauffeur de taxi coopératif, interviendra-t-il assez tôt ?…

Jacques Expert : Tu me plais (Le Livre de Poche, 2015 – Inédit)

Il devient rare de lire des suspenses à l'intrigue tendue respectant les trois unités, ce qui exige une construction parfaite. Nous avons ici l'unité de lieu : le métro et la destination finale. Avec également l'unité de temps, celui du trajet durant cette soirée du dimanche. Enfin, tous les événements doivent être liés et nécessaires pour alimenter l'unité d'action, ce qui est aussi le cas. Certes, Vincent et Stéphanie sont au centre de l'histoire. Mais on nous présente par ailleurs les parents de Stéphanie, son compagnon Martin, une Sylvia et une Caroline parmi les précédentes victimes, un passager désagréable, un conducteur raciste du métro, un flic fatigué, un efficace agent de la RATP, etc.

En somme, on peut croiser tant de gens, et il se peut se produire tant de chose quand on emprunte le métro parisien un dimanche soir. L'auteur joue avec malice sur les notions complémentaires que sont le hasard et le destin. Dans les passages ponctuels en italiques, il fait le bilan d'étape, s'interrogeant sur le sort de la victime potentielle, sur l'attitude de personnes extérieures. Jolie combinaison avec les faits, inexorables, dont nous voilà les témoins. Pour ceux qui sont équipés, un "flash code" à la fin du roman laisse entrevoir une suite, puisque le dénouement est "ouvert". Un suspense (inédit) à la fois habile et enjoué, intense et vif, qui offre un grand plaisir de lecture.

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 04:50

Originaire de Brie-Comte-Robert, le commissaire Louis Gardel est âgé de vingt-huit ans. Il est en poste au Quai des Orfèvres. Il est très apprécié du préfet de police Lépine. Le jeune enquêteur entretient une relation semi-amoureuse avec une voyante, Lucie Cassandre, qui a pour voisin un drôle de bonhomme, Guillaume de Kostrowitzky. En ce mois d'octobre 1902, c'est le commissaire Cornette qui est chargé de faire la lumière sur le décès brutal d’Émile Zola. Néanmoins, par admiration pour celui qui défendit le capitaine Dreyfus, Louis Gardel s'intéresse à sa mort suspecte. Déjà, les funérailles du grand écrivain se préparent. Il y assistera, parmi une foule considérable. Il va aussi interroger Mme Monnier, concierge de l'immeuble de Zola. Car, ce jour-là, la présence imprévue de ramoneurs est curieuse.

Une autre affaire est confiée au policier Gardel : les sœurs Frou-Frou sont des jumelles qui se produisent aux Folies-Bergère. Habitant un hôtel particulier avenue d'Antin, ces demi-mondaines sont actuellement entretenues par le diplomate et financier Raffalovitch. Ruiné, leur précédent protecteur, le baron Eisenberg, s'est récemment suicidé. Olympe de Bléville et sa sœur Hortense figurent, telles Liane de Pougy ou la Belle Otero, parmi les célébrités du Tout-Paris. En réalité, c'étaient deux orphelines jumelles élevées séparément qui, sous l'impulsion d'Olympe, ont réussi ensemble à se hisser jusqu'à la haute société de l'époque. Riches amants et douces amantes, la liste des amours des sœurs Frou-Frou est longue. Hélas, Olympe de Bléville vient d'être poignardée dans sa loge, aux Folies-Bergère.

Assisté de l'inspecteur Galabert, le commissaire Gardel n'est pas certain que la lettre de menaces reçue par les jumelles soit capitale dans ce dossier. Néanmoins, on fait expertiser l'écriture, qui pourrait bien désigner quelqu'un de la famille du baron Eisenberg. Le préfet Lépine rappelle à Gardel que ce meurtre touche au prestige de Paris, et des jolies femmes qui en sont les ambassadrices. Tandis que Galabert rêve d'approcher la Belle Otero, Gardel s'intéresse à un couple d'amis d'Olympe, l'écrivain Willy et son épouse Colette. Celle-ci fut intime avec la victime. Gardel devine en elle une personnalité attachante, et ne doute pas qu'elle soit l'auteure de la série de romans "Claudine". Si son mari Willy fanfaronne, à son habitude, difficile de le soupçonner d'avoir assassiné par jalousie Olympe de Bléville.

Imaginer un lien entre la mort d’Émile Zola et celle d'une sœur Frou-Frou, c'est sans doute saugrenu. Autant que de tester sur des cobayes le gaz mortel qui tua Zola. Gardel s'invite chez la comtesse de Loynes, pas une aristocrate mais une demi-mondaine mûre qui guida les débuts d'Olympe. Le policier n'aime guère ces militants de mouvements anti-sémites, que fréquentent cette dame. L'affaire de Fort-Chabrol, trois ans plus tôt, oblige à se méfier de ces Ligues. La lettre de menaces offre à la police du préfet Lépine un coupable idéal. Le commissaire Gardel est sûr que la vérité est plus compliquée. Aux obsèques d'Olympe, le gratin mondain est réuni. S'il écoute en s'amusant les ragots du maître d'hôtel Hugo, c'est plutôt grâce à Colette que Gardel peut espérer avancer dans ses investigations…

Gilles Schlesser : Sale époque (Éd.Parigramme, 2015)

Explorer une période du passé, voilà une forme de voyage dans le temps que permet le polar historique. Toutefois, un roman n'est pas un cours magistral où l'auteur étalerait son érudition. Gilles Schlesser le sait pertinemment : il privilégie toujours l'intrigue criminelle. Ce sont le mystère et l'enquête qui priment, c'est la recherche de la vérité qui importe. Par la parfaite connaissance du contexte, ici Paris en 1902 au cœur de la Belle-Époque, sont ensuite restituées les ambiances d'alors, les décors typiques, et l'on côtoie les grands noms qui faisaient l'actualité de ces années-là. On aperçoit la silhouette d'Apollinaire, on rend visite à Colette et Willy, on entre dans le bureau du préfet Lépine, et sont évoquées ces courtisanes pour lesquelles les messieurs de la haute société dilapidaient des fortunes.

Les femmes, l'argent, le sexe : tout ça était clinquant chez les demi-mondaines, beaucoup moins chez les filles des rues : “Si l'on ajoute aux six mille filles officiellement encartées les quatre-vingt mille lorettes, grisettes et autres insoumises sur les trottoirs de Paris, sans compter les pierreuses des terrains vagues ou des fortifs, il y aurait – selon Lépine – plus de cent cinquante mille prostituées dans la capitale. Dont la moitié porte la syphilis, ce "Mal de Naples" qui touche désormais un Parisien sur sept, ces "avariés" qui emplissent chaque jour un peu plus le service des vénériens de Cochin.” Belle-Époque pour une infime partie de la société, le peuple ne comptant guère, loin de cette débauche frénétique.

L'émotion autour de la mort d’Émile Zola était indescriptible, mais on la ressent dans cette histoire. Quant aux circonstances de son décès, on verra ce qu'en dit le commissaire Louis Gardel. Bien que fin limier, il reste tant soit peu un provincial complexé, nostalgique d'un amour de jeunesse. Peut-être parce qu'elle vient de Bourgogne, il se sent en affinités avec Mme Gauthier-Villars, plus connue sous le nom de Colette. On apercevra la comédienne Polaire, qui incarna "Claudine" au théâtre, dont la popularité fut celle d'une star. Gardel aime aussi flâner dans Paris, choisissant certains bars : “Le Flore est un bistrot tranquille de petits rentiers et de joueurs de cartes, un café sans histoire où l'on est sûr que jamais la moindre personnalité ne mettra les pieds.” Le récit ne manque pas d'humour, en voilà une preuve, puisqu'on sait ce que symbolisera plus tard le Café de Flore. Il y aurait mille autre qualités à souligner, car c'est un savoureux polar qu'a concocté Gilles Schlesser.

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 04:50

En ce mois de juin 2015, la collection format poche Babel Noir propose deux suspenses de très belle qualité.

Bruce DeSilva : "Pyromanie"

Au nord-est des États-Unis, Rhodes Island est le plus petit État du pays. La seule métropole est Providence, sa capitale. Natif de cette ville, Liam Mulligan sera bientôt quadragénaire. Séparé de sa femme, il est journaliste pour le principal quotidien local. Ce métier est une vraie vocation pour Mulligan. Même si la presse est en crise, rien d'autre ne l'excite que l'investigation à l'ancienne, le reportage en profondeur. Dans un État où la corruption est omniprésente, où emplois fictifs et magouilles diverses sont monnaie courante, il y a tant de sujets à dénoncer. Parfois, il doit obéir au rédacteur en chef, et traiter des articles genre “la chienne qui a traversé le pays pour rejoindre ses maîtres”. Ou accepter d'être secondé par le fils du propriétaire du journal, jeune freluquet frais émoulu d'une école spécialisée. Sans lâcher ce qui l'intéresse vraiment.

En trois mois, neuf incendies ont causé cinq morts dans le quartier de Mount Hope. C'est là que Mulligan et Rosie, la chef des pompiers, vécurent leur enfance. Aujourd'hui, il n'y reste plus que des immeubles assez délabrés et de modestes maisons. Rosie s'investit au maximum pour sauver ce qui peut l'être, tandis que Mulligan veut comprendre ce qui se passe. Selon les enquêteurs d'incendie Polecki et Roselli, des sinistres dus à la malchance. Pour le journaliste, ils ne sont pas accidentels. S'il n'y a pas d'escroquerie apparente, il peut s'agir d'un pyromane. Sur les photos du public regardant les incendies, Mulligan repère un asiatique, qu'il baptise “M.Extase”. Le bookmaker Zerilli organise des groupes de vigiles volontaires pour surveiller le coin. Avec des battes de base-ball, d'où leur surnom, les DiMaggio. On n'est pas à l'abri d'une bavure. Si Gloria, photographe du journal, n'est pas insensible au charme de Mulligan, celui-ci débute une relation amoureuse avec la belle Veronica Tang. Jeune journaliste, elle dispose de sources sûres, y compris sur des cas ultra-confidentiels…

Voilà un polar qui s'inscrit dans la lignée du roman noir traditionnel. “À l'ancienne”, par certains aspects. Très probablement parce que Mulligan est un journaliste aux méthodes évoquant le temps passé de la grande presse d'investigation. C'était écrit dans le journal, donc c'était de l'info confirmée. Les reporters ne se fiaient qu'à leur expérience de terrain et à leurs contacts. Sans être âgé, Mulligan est un vétéran de la génération des purs et durs, avec ulcère à la clé. Un héros qui n'est pas sans rappeler les meilleurs détectives de la littérature policière. Y compris par sa rudesse, et parce qu'il est entouré de jolies femmes. Dessiné avec soin, son univers nous devient rapidement familier. Les portraits de tous les personnages apparaissent très crédibles, souvent subtils. Bon dosage entre humour et noirceur, dans cette intrigue à suspense de premier ordre. Un roman très excitant, à ne pas manquer !

Polars poches 2015 chez Babel Noir : Bruce DeSilva et Louise Penny

Louise Penny : "Défense de tuer"

À la fin juin, le couple Gamache séjourne au Manoir Bellechasse, luxueuse auberge des Cantons-de-l'Est, au bord du lac Massawippi. C'est dans cette hôtellerie construite tout en bois qu'ils comptent célébrer leurs trente-cinq ans de mariage. Armand Gamache est un policier chevronné de la Sûreté du Québec. Son épouse Reine-Marie est bibliothécaire. Ils sont là pour se reposer, profiter de la baignade, et du service stylé du Manoir. Mme Dubois en est depuis longtemps la propriétaire. Entre la chef de cuisine Véronique Langlois et le maître d'hôtel Pierre Patenaude, les clients ne peuvent qu'être satisfaits. Certes, le jeune serveur Elliot joue au rebelle, mais ça trouble peu l'activité de l'auberge. Les Finney, une famille d'Anglos du Québec, est également réunie ici. Gamache s'interroge à leur sujet.

Bert et Irene Finney sont les parents âgés de ce groupe. Leur fils Thomas est l'aîné, marié à Sandra, tous deux sexagénaires. Sa sœur Julia Martin ne se joignait pas jusqu'à là à ces réunions familiales. Elle est l'épouse d'un homme d'affaires, en prison pour détournement de sommes conséquentes. La sœur cadette Marianna est présente avec son enfant, Bean. Curieux prénom pour un môme asexué de dix ans, mais sa mère garde quelques secrets vis-à-vis de sa famille. Arrivent bientôt ceux que les Finney nomment leur frère Spot et sa femme Claire. En réalité, ce sont de vieilles connaissances du couple Gamache. Il s'agit de Peter et Clara, les artistes peintres du village de Three Pines, où l'inspecteur-chef mena plusieurs enquêtes. Pas plus que Julia, Peter et Clara ne sont heureux d'être venus. Les Finney ont inauguré la statue de leur ancêtre Charles Morrow aux abords de l'auberge. Gamache note la tension régnant au sein de la famille. Le personnel est assez tendu, lui aussi. Par une nuit de tempête et d'orage, chutant de la stèle où elle est posée, la statue cause une victime parmi ses descendants. Gamache est convaincu qu'il y a meurtre. Il convoque ses collègues Jean-Guy Beauvoir et Isabelle Lacoste…

C'est le quatrième opus des aventures d'Armand Gamache, de l'anglo-québécoise Louise Penny. Peut-être faut-il le rappeler : plutôt que l'action brutale et rythmée, la romancière préfère les ambiances feutrées, les descriptions précises des décors autant que des faits et gestes, les portraits nuancés et la psychologie des personnages. Le meurtre ne se produit qu'après une grosse centaine de pages, ce qui indique que l'auteure a pris son temps pour installer son sujet. Et elle a eu parfaitement raison, car cette méthode offre une densité plus crédible ensuite. D'ailleurs, le lecteur est prévenu : “Ce n'est jamais bon signe dans une réunion familiale. Plus ils sont retors, plus ils sourient” confie Clara. Louise Penny nous présente une subtile histoire, pleine de raffinement et de beau suspense.

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6 juin 2015 6 06 /06 /juin /2015 04:55

Dans l’Égypte actuelle, après les derniers épisodes de la révolution, le pouvoir est encore instable. Directeur du Musée archéologique du Caire, Kamal Nasser fait tout ce qu'il peut pour préserver l'activité des lieux. Entre les trafics d'objets anciens, vrais ou faux, et les ambitions politiques d'Hemheb Sabri, directeur du Conseil des Antiquités, son rôle n'est pas toujours facile. Marion Evans, étudiante franco-américaine âgée de vingt-quatre ans, a obtenu de travailler à l'inventaire des réserves du musée pendant un an. Marion participe aussi à des chantiers extérieurs, des fouilles supervisées par Hassan Tarek sur les abords du plateau de Gizeh. Mais la jeune femme va bientôt connaître de sérieux ennuis.

Une fouille permet de trouver une statuette supposée volée dans le sac de Marion. Elle nie avoir dérobé cet objet, qui est d'ailleurs une copie, ce qui ne trompe pas Kamal Nasser. On a cherché à piéger l'étudiante, c'est certain. Marion réussit à s'enfuir, à disparaître dans la métropole cairote. Chef de la police des Antiquités et du Tourisme, Najja Menes met tout en œuvre pour retrouver la fuyarde. Il doit se montrer efficace : comme Kamal Nasser, le policier a des comptes à rendre au puissant Hemheb Sabri. À Paris, le quadragénaire Yvan Sauvage, expert réputé dans le domaine de l'art, est alerté sur l'affaire concernant Marion Evans. Ils ont vécu de précédentes aventures ensemble, et ont même été intimes.

Sans délai, Yvan Sauvage se rend en Égypte afin de venir en aide à Marion, si possible. Il rencontre Menes (qui le fait prendre en filature par ses hommes) et Kamal Nasser. Yvan explore le bureau de Marion au musée, puis son logement, désordonné après une fouille policière. Une piste conduit Yvan du côté de Gizeh, jusqu'à la boutique du vieil antiquaire Daoud Abdel. Ce dernier prétend ne pas se souvenir de Marion, alors qu'elle est cachée chez lui. Après le départ d'Yvan, Daoud est agressé par deux hommes cherchant la jeune femme. Elle est parvenue à s'enfuir une fois de plus. Par un message crypté, Marion fait comprendre à Yvan qu'elle est à l'Institut Français d'Archéologie Orientale. Yvan n'a pas réussi à la joindre assez vite. Convoqué par Menes, il apprend que Marion est emprisonnée à Kanater. En cellule individuelle, certes, mais l'endroit reste sinistre.

Depuis Paris, l'amie avocate d'Yvan, Victoria, essaie d'intervenir en faveur de l'étudiante. Quand il obtient un bref contact avec Marion, elle demande à Yvan de s'adresser à Hassan Tarek, responsable des chantiers archéologiques. Très méfiant, celui-ci se montre brutal quand Yvan l'approche. Tandis qu'un employé du Louvre reçoit clandestinement un paquet venu d’Égypte, Hemheb Sabri soigne son image publique en passant à la télévision, avant de fare un saut jusqu'à Anvers. On ne sait qui est intervenu pour que Marion obtienne sa liberté conditionnelle. Libre, elle reforme son duo avec Yvan. Si Daoud reste un allié sûr, ce n'est pas sans danger pour lui. Tandis qu'Yvan et elle essaient de comprendre la situation, il n'est pas exclu non plus que Marion retourne en prison…

Samuel Delage : Cabale pyramidion (Albin Michel, 2015)

La base de cette histoire est plutôt bien résumée par ce constat du vieux Daoud : “Voleur, voilà le plus vieux des métiers en Égypte. Depuis des millénaires, nos trésors ont excité la convoitise. Il existe des chemins de voleurs dans tous les temples, les mastabas et les pyramides. Quand le pouvoir d'un Pharaon venait à vaciller et que le peuple se révoltait, on entrait dans les périodes intermédiaires, des périodes de décadence, de disette et de pillage. Tous les lieux sacrés en étaient alors victimes… La révolution de janvier 2011 a été un désastre culturel, nos musées ont été pillés, nos œuvres vandalisées, mais les autorités ont étouffé le scandale.” En effet, dans ce pays à la démocratie fragile, c'est de trafic et de pouvoir dont il est question, voilà ce qui alimente l'intrigue.

C'est un pur roman d'aventure, dans la belle tradition, qui nous est proposé par Samuel Delage. Non sans références aux richesses archéologiques égyptiennes, bien sûr. On retrouve le couple de “Code Salamandre” (Éd.Belfond, 2011) : le dynamique Yvan, expert en art et commissaire-priseur, toujours prêt à affronter des conditions énigmatiques, et la jeune Marion, dont l'équilibre personnel ne sera guère favorisé par ces péripéties. Il nous est aisé d'imaginer le contexte post-révolutionnaire récent du pays, les rues grouillantes de monde du Caire, autant que les sites antiques célèbres. Il ne nous reste donc plus qu'à suivre nos deux héros dans leurs tribulations mouvementées. Un très bon suspense !

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