La Grèce subit toujours la crise. La famille du commissaire Kostas Charitos n'est pas moins touchée que les autres. Le policier économise le carburant de sa Seat. Son épouse Adriani est une ménagère attentive à leur budget. Katérina, leur fille avocate défendant immigrés et populations modestes, partage son cabinet avec son amie psy, Mania, et le compagnon informaticien allemand de celle-ci, Uli. Phanis, le mari de Katérina, est médecin hospitalier. Ses propres parents ont des ennuis d'argent, ruinés par les impôts. Zissis Lambros, le vieil oncle des Charitos, ancien militant communiste, s'occupe vaille que vaille d'un foyer qui héberge leurs compatriotes les plus pauvres. La guerre civile des années 1950, la Grèce des Colonels, l'oncle Lambros reste un des derniers témoins de ces époques troublées.
Katérina est agressée devant le Palais de Justice d'Athènes alors qu'elle s'occupait de deux Sénégalais. Une femme témoigne qu'il s'agissait d'un vrai commando, certainement des fachos de l'Aube dorée. Personne n'est intervenu pour défendre l'avocate. Pas même le flic de garde devant le tribunal. Il a regardé la scène tout en téléphonant. Hospitalisée, la fille de Charitos s'en remettra en quelques jours. Pourtant, la menace persiste, le commissaire recevant un appel virulent sur son téléphone portable. En théorie, ce numéro n'est connu que de rares collègues. Ça indique des fuites dans les services de la police, exploitées par l'extrême-droite grecque. L'équipe de Charitos enquête bientôt sur une mort suspecte, le suicide d'un ingénieur. Élevé en Allemagne, ce Grec était revenu dans son pays natal.
Malchance et projets contrariés peuvent expliquer ce décès. Néanmoins, on trouve une sorte de message revendiquant cette mort, signé “Les Grecs des années 50”. Canular ? Le commissaire n'en est nullement convaincu. Puis c'est le directeur de l'Institut Chronos, une école privée, qui est assassiné d'une balle dans la tête. La douille permet d'identifier une arme ancienne, un Smith & Wesson 38 modèle Victory, datant de 1950. Un nouveau message des mêmes signataires anonymes accompagne ce meurtre. La victime était un combinard ayant des appuis politiques, un avare réservant son fric pour l'éducation de son fils en Angleterre. Charitos dispose d'un vague indice, une vieille photo d'école qui fut sans doute prise autrefois dans la région de l’Épire. Un chirurgien qui y était scolarisé confirme.
Un autre homme est abattu dans sa voiture. Sans boulot officiel, cet ex-employé viré de l'administration de l'urbanisme ne manquait pas d'argent. C'était un expert en corruption de fonctionnaires, monnayant ses services. Deux autres victimes, des agriculteurs, sont à ajouter au compteur des crimes commis par “Les Grecs des années 50”. Le commissaire s'intéresse par ailleurs à un trafic de drogue autour des clients africains de sa fille. Ayant trouvé des preuves accablantes contre le flic de garde au Palais de Justice, Charitos et ses collègues font pression sur lui, essayant d'enrayer la gangrène commençant à pourrir la police, en faveur de l'Aube dorée. Quant à situer “Les Grecs des années 50”, peut-être vengeurs, rien d'évident…
Ce sera une tétralogie, l'auteur ayant choisi de prolonger d'un épisode sa trilogie dédiée à la crise grecque (Liquidations à la grecque, Le justicier d'Athènes, Pain Éducation Liberté). Ce nouvel opus apparaît peut-être encore plus explicatif sur l'état d'esprit de la population en Grèce. À travers la vie de famille des Charitos et de leurs proches, nous observons la réalité quotidienne actuelle de ces membres de la classe moyenne. Privations relatives, en attendant des jours meilleurs. Inquiétude masquée, mais présente dans les têtes. Dans le pays, si des crimes ou des méfaits sont commis, certains nationalistes extrêmes désignent illico les immigrés, d'Afrique ou de l'Est de l'Europe. Le refrain populiste des fachos est le même partout, la violence verbale et parfois physique également.
En complément d'une enquête policière à l'allure (volontairement) éclatée, Petros Markaris nous présente un pan de l'Histoire grecque encore récente. Il nous rappelle que “l'OGRE”, organisation paramilitaire d'officiers nationalistes, fit régner la terreur et la mort autour de la Guerre civile qui déchira longtemps ce pays, avant la dictature des Colonels. Il souligne que rien ne s'efface jamais totalement dans la mémoire du peuple : “Avec la crise, on rouvre les vieux comptes. Les gens vont voir dans les années 80 ce qui a cloché, ils peuvent bien remonter d'encore trente ans, jusqu'aux années d'après la Guerre civile.” Si l'aspect criminel en fait un roman noir, cet excellent livre nous offre un regard lucide sur la situation grecque passée et actuelle, au plus près de la population.
Petros Markaris : Liquidations à la grecque (Éd.Seuil, 2012) - Le blog de Claude LE NOCHER
Le roman noir n'est pas seulement du polar. Il inclut un regard sur la société, sur une époque. On le vérifie avec Petros Markaris et son nouveau titre, " Liquidations à la grecque ". C'est la...
Petros Markaris : Pain, éducation, liberté (Éd.Seuil, 2014) - Le blog de Claude LE NOCHER
C'est en famille que le commissaire Kostas Charitos a fêté le nouvel an, avec sa femme Adriani, leur fille avocate Katérina et leur gendre médecin Phanis, ainsi que des proches. Triste festivit...
http://www.action-suspense.com/2014/03/petros-markaris-pain-education-liberte-ed-seuil-2014.html
Petros Markaris : L'empoisonneuse d'Istanbul (Ed.Seuil) - Le blog de Claude LE NOCHER
Sans doute " L'empoisonneuse d'Istanbul " de Petros Markaris est-il un roman d'enquête, mais sûrement pas au sens strict. Si c'est bien elle, le nom de la présumée coupable est connu. Ce sont l...
Mes chroniques sur trois précédents titres de Petros Markaris.
Epilogue meurtrier - Petros Markaris - Le blog de Dasola
Avec Epilogue meurtrier (Editions du Seuil, 280 pages), Petros Markaris m'a fait plaisir. En effet, ce roman est une suite (et une fin?) à sa trilogie Liquidations à la grecque , Le justicier ...
http://dasola.canalblog.com/archives/2015/11/30/32938323.html
A lire également : la chronique de Dasola sur ce roman de Petros Markaris.
Traduction:Michel Volkovitch Auteur d'une trilogie remarquée sur la crise en Grèce, Petros Markaris revient avec un nouveau volume " épilogue meurtrier " pour finir un cycle commencé en 2012 et...
http://www.unwalkers.com/2015/11/30/epilogue-meurtrier-de-petros-markaris-seuil-policiers/
Lire aussi la chronique de Wollanup sur ce roman, chez Unwalkers.