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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 07:07

 

Voici un roman idéal pour le mois de décembre : La révélation de Noël. Inédit dans la série des "Petits crimes de Noël", cette histoire plus courte d’Anne Perry montre une autre facette de son talent de romancière…

Londres, peu avant Noël 1895. Emily Radley est la sœur de Charlotte Pitt, dont le mari Thomas Pitt est un policier réputé. Susannah Ross, la tante d’Emily et de Charlotte vit en Irlande depuis longtemps. Elle dut s’écarter de sa famille quand elle épousa un catholique aujourd’hui décédé. Âgée de cinquante ans, Susannah est gravement souffrante. Emily se résout à quitter provisoirement son mari, pour rejoindre sa tante. PERRY-Noël2010Dans le Connemara, elle est accueillie par l’aimable Père Tyndale qui la conduit jusqu’au village côtier dont il est le prêtre. Il évoque le regretté Hugo Ross, le regretté époux de Susannah, qui fut très apprécié dans la région. Après cet exténuant voyage, Emily arrive chez sa tante, qu’elle trouve fort affaiblie. Heureusement, Susannah est bien aidée par Maggie O’Bannion, qui s’occupe de la maison. Emily remarque bientôt que Fergal O’Bannion veille de près sur sa femme Maggie, comme s’il redoutait un danger.

Malgré la météo venteuse, Emily se rend jusqu’au proche village. À l’épicerie locale, l’accueil est un peu distant mais poli. Plus tard, elle croise aussi Padraic Yorke. Ce sexagénaire connaît bien le passé de la région. Il lui raconte l’histoire, mêlée de légende, des clans qui furent maîtres des environs. De retour chez sa tante, Emily rencontre les Flaherty, mère et fils. Justement, jadis le clan Flaherty fut ici puissant. Si la mère semble acariâtre, le jeune Brendan est sympathique. La nuit suivante, le tonnerre gronde et les éclairs inquiètent Emily. Au cœur de la tempête, elle aperçoit un navire qui sombre au large du village. Elle ameute la population, qui se porte au secours des naufragés ayant pu survivre. Il n’y a qu’un seul rescapé, bien vite mis à l’abri chez Susannah Ross. Lorsqu’il récupère quelques forces, il dit s’appeler Daniel, mais n’a pas d’autre souvenir du drame.

Emily sent toujours une anxiété chez Maggie O’Bannion et le Père Tyndale. Le cas de Daniel risque de perturber les habitants du village, selon le prêtre. En effet, quelques années plus tôt, le jeune Connor Riordan arriva ici de manière inattendue, un peu comme Daniel. Or, il trouva la mort dans des circonstances mal expliquées. Emily se demande quel rôle joua Hugo Ross dans l’affaire. Se sentant faiblir, sa tante Susannah voudrait sûrement qu’Emily éclaircisse cette question. Toutefois, il s’agit d’un secret qui parait concerner l’ensemble de la communauté villageoise. Bien qu’anglicane, Emily assiste avec Daniel à la messe du dimanche, observant la population. Au bout de sept ans, poser des questions sur les moyens et les occasions qu’avait eu quelquun de tuer Connor Riordan s’annonçait difficile, pour ne pas dire impossible. Les seuls indices résideraient dans le mobile. Malgré les silences, Emily ne renonce pas à enquêter…

Anne Perry restitue de façon nuancée les ambiances et le contexte de l’époque. L’Irlande rurale est loin de Londres, une des villes-phares de la fin du 19e siècle. Les décors sont présentés avec la belle précision dont sait faire preuve l’auteur. L’analyse sociologique n’est pas absente, quand elle souligne l’éternelle frontière séparant anglicanisme et catholicisme. Une barrière pourtant franchie par Susannah Ross. Un tel village perdu recèle fatalement de lourds secrets créant une tension palpable, que l’œil extérieur d’Emily perçoit vite. La fluidité narrative et l’intrigue au tranquille suspense sont un régal. Un excellent conte criminel, en somme.

 

Dans la même série, Anne Perry a pubié en 2009 "La promesse de Noël" et en 2008 "Le secret de Noël". Retour sur ce titre, également très réussi.

Mi-décembre 1890. Le pasteur Dominic Corde et Clarice, sa seconde épouse, arrivent à Cottisham, petit village au cœur de la campagne anglaise. Pendant trois semaines, Dominic va remplacer le révérend Wynter, déjà parti en vacances. Le couple s’installerait volontiers ici. Fidèle au pasteur habituel, Mrs Wellbeloved s’occupera peu d’eux en cette période de fêtes. Peter Connaught, le jeune châtelain local, leur rend une amicale visite. Ils croisent aussi Mrs Paget ou Mrs Towers, dame âgée et seule. PERRY-Noël2008Dominic rencontre Mr Boscombe, qui fut l’assistant du révérend Wynter, et son épouse. Il est fort bien accueilli, mais sent que ces gens ont des soucis d’argent.

Tandis que Dominic s’interroge sur son futur sermon de Noël, Clarice remarque que le pasteur a oublié sa Bible personnelle. Personne ne sait où séjourne Wynter, pour la lui adresser. Il a aussi laissé son matériel à dessin dans son bureau et des vêtements d’hiver dans sa chambre, ce qui intrigue Clarice. Bientôt, elle découvre au fond de la cave le cadavre du révérend. Selon le médecin, Winter été victime d’une crise cardiaque provoquant une chute mortelle. Il n’admettra pas d’autre version, exigeant qu’on taise ce décès. Pourtant, Clarice se pose des questions sur les circonstances de cette mort. Des traces indiquent que le corps a été traîné dans la cave.

Dominic admet que ce peut être un meurtre. Pasteur à Cottisham depuis longtemps, Wynter connaissait sûrement beaucoup de secrets tus par les habitants. Les minces différences dans les comptes de la paroisse ne sont sans doute pas essentielles. Clarice avoue ses doutes aux Boscombe. Dominic fait de même chez Peter Connaught. Il n’est pas simple d’établir une relation de confiance, puisque le couple n’habite que provisoirement au village – bien qu’ils espèrent y rester. Dominic et Clarice veulent établir la vérité, mais doivent se montrer prudent. C’est dans les archives de la paroisse que Clarice trouve une piste concernant le secret des Boscombe. Sir Peter ou Mrs Towers ont probablement aussi des choses à cacher. S’il fut apprécié de tous, on peut se demander si le révérend était si honorable. Dominic clarifie le cas du couple Boscombe, qui n’est pas dans l’illégalité. Mais d'autres sombres secrets planent sur la calme bourgade...

Ambiance typiquement anglaise garantie, avec tasses de thé offertes à tout visiteur, et noirs mystères. Nous sommes ici dans la grande époque victorienne, avec ses codes et traditions. Dans un décor neigeux et frisquet, l’opiniâtre Clarice tente de résoudre l’énigme, sans déplaire à la population. Dominic, lui, est encore hésitant sur sa fonction : "Être pasteur consistait en partie à ne pas commettre d’erreur (…) Il était l’homme dont les gens du village attendaient qu’il accomplisse le travail de Dieu, et il ne devait pas les décevoir." Le couple évolue dans une intrigue classique et solide, qui se lit avec un réel plaisir.

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 07:08

 

Le troisième épisode des enquêtes du commissaire Van In, le héros créé par Pieter Aspe est désormais disponible au Livre de Poche. ASPE-PocheQuelques mots sur Les masques de la nuit

Dans la banlieue chic de Bruges, un squelette est découvert lors de la rénovation d’une fermette. Le policier Pieter Van In et son adjoint Guido Versavel sont chargés de l’affaire. Ils interrogent les Vermast, une famille agaçante, aujourd’hui propriétaire des lieux. La fermette appartenait auparavant à une association, le Secours Flamand. C’est le vieil homme d’affaire Vandaele qui l’offrit à cet organisme caritatif. Un détail étonne Van In : la grille d’entrée est télécommandée. C’est curieux pour une propriété ayant hébergé des activités associatives. Quand le policier interroge le puissant Vandaele, ce dernier répond avec sérénité, expliquant même le détail qui a surpris Van In.

Grâce à un de ses anciens amants, Guido Versavel apprend que cette fermette fut encore une douzaine d’années plus tôt un lupanar, le Love. Ce bordel de luxe accueillit une clientèle de notables. L’autopsie du squelette révèle que l’inconnu avait subi une opération de chirurgie esthétique, plutôt rare à l’époque des faits. Les policiers ont reçu le renfort de leur collègue Baert, auquel ils n’accordent pas une grande confiance. Par contre, la jeune policière Carine Neels semble vouloir prouver son efficacité. Du côté de Vandaele et de son avocat Provoost, cette enquête dérange. Ils savent que c’est William Aerts, patron d’un bar-club financé par Vandaele, qui enterra le cadavre. Or, celui-ci est en fuite avec son pactole, direction l’île de Malte.

Linda, l’alcoolique épouse de William Aerts, livre une liste des clients de l’élite qui fréquentèrent le Love. Tous appartiennent au Secours Flamand. L’association est très liée au VLOK, parti politique fascisant. Van In et sa compagne Hannelore Martens, substitut du procureur, sont conscients qu’il s’agit d’adversaires influents. Il serait bon de connaître les activités réelles du Foyer, siège actuel de l’association. Une mission idéale pour la policière Carine Neels, à condition qu’elle ne prenne pas trop de risques. Si Van In est certain que l’énigme tourne autour de Vandaele, il sera difficile de trouver des preuves contre lui et ses complices…

Un roman d’enquêtes aux péripéties sinueuses. Sous l’influence de Hannelore, enceinte de cinq mois, Van In tente de mener une vie plus saine, évitant les abus d’alcool. Le policier conserve des méthodes d’investigation personnelles. Face à des gens haut placés, il lui faut être aussi subtil qu’offensif. On peut noter la tonalité ironique, qui n’épargne pas Linda ou la famille Vermast. Le cas de la victime retrouvée à l’état de squelette est plutôt singulier. Celui de la jeune Carine ajoute l’inquiétude au suspense Les révélations sur le passé de Vandaele et de ses amis expliquent leur cynisme. Malgré les obstacles, le tenace Van In parvient à définir le rôle de chaque protagoniste…

Cliquez ici pour ma chronique sur "Le collectionneur d'armes", une autre enquête du même commissaire Van In.

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 07:05

 

Avec Moulin à vent (Les Presses du Midi), Sylvie Callet nous propose un nouvel épisode de la vie de son héros méridional…

Vivant dans la région toulonnaise, Jo Bianco est un comédien sans emploi qui s’improvise parfois détective amateur. Venant d’hériter de son ami Bèbe, il peut espérer quelques fonds en vendant le bar du défunt. Si la vieille R5 qui fait partie de la succession est une antiquité bringuebalante, elle l’aidera quand même à se déplacer. Justement, Jo va devoir quitter son refuge chez la belle lieutenant de police Flo. Il vient d’apprendre que son frère Louis-Édouard, qui habite en Beaujolais, est dans le coma. Jo s’est éloigné depuis longtemps de ce désagréable frère, un vrai facho, et n’apprécie guère sa pimbêche de belle-sœur, Mathilda. Néanmoins, Louis-Édouard reste un des rares membres de sa famille, et le soudain choc qui l’a plongé dans le coma intrigue Jo. En outre, il a envie de connaître sa petite nièce, la dégourdie Mary-Anne.

CALLET-2010Belle propriété que le domaine de la Rochejouhant. À son arrivée au château, Jo est accueilli avec rudesse par Franck, un cousin de Mathilda. Sa belle-sœur se montre peu chaleureuse et avare d’explications sur le cas de Louis-Édouard. Ne rechignant pas à apprécier les vins locaux, Jo est vite adopté par Luna, la vieille employée du château. Par contre, au déjeuner du lendemain midi, l’ambiance est plutôt réfrigérante. Les hôtes en sont le couple Delaunay et le poète Verbaurin. Jo n’imagine pas sympathiser avec eux ou l’omniprésent Franck, pas beaucoup plus avec son propre neveu Jean-Noël. Heureusement, il trouve une deuxième alliée grâce à la petite Mary-Anne. Tout ça n’indique pas clairement à Jo ce qui a conduit son frère dans cet état. À l’hôpital, la séduisante infirmière Angélique n’est pas insensible au charme du sudiste, mais ne peut le renseigner.

Jo apprend finalement que Louis-Édouard a été licencié, sous le prétexte de la Crise, de son poste de cadre bancaire. Depuis, sachant qu’une propriété comme la leur coûte une fortune, il s’est endetté auprès des Delaunay. Il semble que ceux-ci réclament leur prêt. Mathilda affirme que son mari était violent envers elle ces derniers temps, mais Jo y voit un joli mensonge. C’est en se promenant dans les bois que Louis-Édouard a été victime d’un accident, ou d’une agression. Selon le poète Verbaurin, la moto de Franck aurait foncé sur le frère de Jo. Le détective amateur ne peut faire pleinement confiance à ce témoin incertain. Quant à l’alibi de Franck, pas vraiment fiable non plus. Et quel est donc le rôle du gigolo Silvio, neveu de Luna ? C’est en jouant à Robin des Bois avec sa petite nièce Mary-Anne que Jo va découvrir de nouvelles pistes intéressantes…

Les puissants thrillers aux intrigues complexes et les romans noirs aux thèmes sociétaux possèdent d’évidents mérites. Les comédies à suspense ne manquent pas de qualités non plus, comme en témoigne ce nouveau titre de Sylvie Callet. Un petit jaune nous avait fait connaître le personnage de Jo, aimable dilettante plongé dans d’énigmatiques affaires. Le voici qui enquête dans les domaines et les sous-bois du Beaujolais. Évidemment, il se fait un peu voler la vedette par sa nièce. Néanmoins, face à une poignée de suspects, il doit faire la lumière sur une situation pas si simple. Malgré ou à cause de mon état d’épuisement, un essaim de question vibrionnait dans mon cerveau enflé, empêchant le sommeil de me trouver. Non seulement la tonalité est souriante, mais le récit enjoué introduit une belle complicité avec le lecteur. Dans l’esprit de Jo, des voix d’actrices connues interviennent parfois pour qu’il se concentre davantage. On partage son avis sur la hautaine Mathilda, le méprisant Franck, et toute la clique qui les entourent. L’écriture est inspirée, joyeuse souvent, caustique aussi. Un roman très agréable.

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25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 07:07

 

Après nous avoir fait connaître Maurice Batignol dans Le monde est plein de polissons, Nelly Bridenne nous donne de ses nouvelles, avec Sur un petit air de requiem.

Puisque ce recueil de nouvelles est une sorte de musée vivant, ça mérite une petite visite guidée. Dès l’entrée, la Négritude est évoquée à travers le sort d’un clandestin ayant péri, d’un dealer du Queens qui a sombré, et de ceux qui ont lutté pour les droits des Noirs. Plus loin, on voit aussi que des hooligans nazillons occupent encore les stades. Découvrons ensuite le portrait de ce mafiosi repenti, par obligation mais pas sans amertume, et de cette mule colombienne du trafic de drogue, facilement repérable comme tant d’autres passeurs. Beaux portraits aussi de quelques braqueurs peu brillants, que nous avons ici. BRIDENNE-2Voici maintenant l’espace consacré à la sécurité, que l’on surnomme commissariat. On y croise des personnages colorés, qui ne sont pas tous adeptes de la bavure.

Dans cette exposition que nous visitons, un coin est réservé aux mutants. Il est vrai que certaines vies sont en décalage avec la normalité. Ah ! La salle des embrouilles nous attend. On y retrouve nos amis fachos déjà aperçus dans les stades. Ceux-ci se félicitent d’être aussi efficace quand ils persécutent des homos. La dangereuse mission de deux inspecteurs du travail au cœur des vignes, et la malencontreuse chute d’une dame âgée, complètent cette partie de l’expo. Prenons le temps d’apprécier ici le tableau nous décrivant un religieux, star médiatique du caritatif, qui n’a vraiment rien d’un saint. L’image suivante traite des ravages du temps et de l’alcool, non sans conséquences. On y aperçoit le lieutenant Columbo et l’ombre de sa femme.

La visite se termine par les pièces consacrées aux seniors, le terme de vieux étant prohibé ici comme ailleurs. Pas si âgé, Martin est bien seul devant sa télé. À l’opposé, les Journées du Patrimoine permettent de se remémorer la vie de trois marquises, sous l’œil intéressé d’un certain Bruno. Là, un drôle d’oiseau nous commente la vie en maison de retraite. Pour finir, autre version de cet univers des résidences pour personnes âgées. Ainsi s’achève notre visite, n’oubliez pas le pourboire, s’il vous plait…

Nelly Bridenne fait partie de ces artisans créatifs qui se disent en entamant de nouveaux chantiers : il faut que ce soit de la belle ouvrage, le meilleur résultat possible. Dessinant ses portraits et sculptant ses textes, elle s’inspire autant des maux de la société que des faits divers. Intolérance, agressivité et médiocrité se traduisent souvent dans les actes. Il est bon de les mettre en scène, peut-être en perspective, pour se souvenir que cela n’a rien d’anodin. L’éternel racisme ou la chasse aux gays, la solitude des vieux ou les exploits minables de braqueurs, ce sont là des situations banalisées, à tort. Souvent souriantes, pas forcément au premier degré de lecture, ces nouvelles expriment une tonalité malicieuse, satirique ou enjouée selon les cas. Un très agréable regard sur le monde et ses inévitables travers.

  

On contacte l’auteur sur son site : www.confessionsdunpolisson.fr 

 

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19 novembre 2010 5 19 /11 /novembre /2010 07:13

 

S’il faut classifier les livres, Satan Lake de Joanne et Gerry Dryansky (chez Actes Sud) n’est pas un polar. Néanmoins, s’agissant d’une affaire criminelle, il s’adresse tout autant aux amateurs du genre…

L’été 1984 marqua une étape capitale de sa vie. Angie se remémore les faits, et en imagine la partie dont elle ne fut pas témoin. New-yorkaise, Angie est alors une brunette de treize ans. Ses parents ont divorcé. Sa mère est une nympho, prête à toute expérience sexuelle. Ayant la garde d’Angie, son père est un quadra attiré par les jeunes femmes. Cet été-là, il envoie sa fille séjourner à Whitman. Une gentille petite ville dans le nord de l'État [de New York], du genre qui ne fait jamais parler d’elle. Rien qui traîne. Vos voisins vous dénoncent si vous ne triez pas vos déchet. À part ça, tout le monde est ami avec tout le monde. Employée chez Vinnie’s Pizza, Angie sympathise peu avec le pizzaïolo coréen, mais davantage avec le jeune livreur à vélo, Ross. Âgé de douze ans, Ross s’occupe affectueusement de sa mère, Irlandaise d’origine, atteinte depuis plusieurs années d’une maladie incurable.

DRYANSKY-2010Un meurtre suscite durant quelques jours la curiosité de la population locale. Le tueur a laissé sur place une vidéo de son crime. Le policier Will Stone, le père de Ross, et son adjoint Fred Canish sont bientôt appelés pour un nouveau meurtre. Là encore, la victime avait eu une relation sexuelle juste avant, et la vidéo de l’assassinat est sur les lieux. De quoi commencer à inquiéter les habitants. D’autant que la maire de Whitman ne croit guère que Will Stone soit capable de trouver le coupable. Et que Maury Wescott, animateur de la radio du coin, ironise volontiers sur l’affaire. Entre le cas de son épouse et la paranoïa de la policière Corinne Chandler, Will Stone essaie de n’oublier ni l’enquête, ni son fils Ross. L’adolescent n’a pas manqué d’organiser des surprises pour l’anniversaire d’Angie, ce qui les rapproche encore. Will Stone garde du temps pour rendre visite à son frère Charles, interné depuis longtemps en hôpital psychiatrique.

La froide bibliothécaire locale est abattue dans un motel tandis qu’elle jouait à la maîtresse sado-maso avec un homme. Aucun doute, l’assassin est le même. La police ne tarde pas à arrêter Thurston, le vendeur de vélos, probablement le seul véritable ami de Ross. Depuis quelques temps, Thurston tentait publiquement de séduire la victime. Supposément plus qualifiés, deux policiers de l’État de New York vont se charger de dossier. Pourtant, le cas de Mr Little, qui s’occupe de la chorale, va vite relancer l’affaire. Will Stone et Fred Canish n’ont aucun doute, c’est l’œuvre du même tueur à la vidéo. Quant aux mœurs de la victime, elles sont aisées à déterminer. Tout cela disculpe Thuston qui, en cette occasion, s’est rapproché de la policière Corinne Chandler. Tandis que Ross rencontre pour la première fois son oncle Charles, Angie se rend en bus à New York pour retrouver son père. Elle revient à Whitman, plus désorientée que jamais par ses parents.

Cette série de meurtres est consécutive à une cause originelle. Sur toutes les cartes et pour toutes les personnes étrangères à cette région, l’endroit se nomme Winthrop Lake, mais dans cette partie de l’État, les gens l’appelle communément Satan Lake. En dépit de multiples théories sur la question, nul ne pourrait dire précisément pourquoi. Sur les rives de Satan Lake, se situe sans doute une des principales clés de ces meurtres…

En toile de fond, c’est un portrait de l’Amérique vers la fin du 20e siècle qui est présenté. Une société au fonctionnement idéalisé, qui masque bien des hypocrisies. Le cas de l’oncle Charles (interné faute d’autre solution) ou le comportement de la policière Chandler (complexée se disant harcelée) n’en sont que deux exemples. Bien sûr, ce sont les ados Angie et Ross qui se trouvent au centre du récit. Ils vivent un épisode initiatique de leur vie. Face aux épreuves traversées, une prise de conscience se produit. Angie et ses parents égoïstes, Ross et l’agonie de sa mère, Will Stone et sa vie sans ambition : on pourrait y voir une réflexion sur la solitude. Ce que confirme finalement l’épilogue, peut-être un peu moraliste, mais qui ne gâche en rien l’ensemble du roman. Car, outre les thèmes abordés, il convient de souligner la qualité du scénario. Cette histoire est diablement bien construite, suggérant ou éludant habilement certains détails pour y revenir par la suite. Utilisant la maladresse supposée de la narratrice, les auteurs installent un captivant suspense autour du sort de chaque protagoniste. Une intrigue vraiment passionnante.

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18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 07:23

 

Paru en 2008, le roman de François Caradec "Le doigt coupé de la rue du Bison" est réédité chez Le Livre de Poche en décembre 2010...

À l’angle de deux rues, le bistrot Le Boyard est le centre de ce quartier de Paris, quelques années après la fin de la guerre. Un jour, le chien du patron ramène le doigt coupé d’une femme. On alerte la police. Parmi les habitués, nombreuses sont les supputations sur l’amputation. On se demande si la victime est morte ou si, éventualité à la mode, elle a été découpée par des extra-terrestres. Ancien collabo ivrogne au langage très personnel, le policier Maurice n’a guère d’hypothèse à formuler. Son chef, Georges Pauquet, est le modeste commissaire du quartier. Au Ministère, où il est convoqué, on prend l’affaire au sérieux, on pense à la piste des sectes. Pauquet s’informe donc sur les sectes. Il s’interroge aussi sur la disparition de Mme Margaut, une voisine du Boyard.

M. Cherel et ses amis cultivent l’esprit anar. Dans le groupe, il y a Jean Jacquy, Le Grec, qui renseigne Pauquet sur d’improbables lucifériens. Les sectes sataniques ne sont pas rares, mais c’est de la mise en scène pour gogos. CARADEC-pocheÉsotérisme, petites religions, spiritisme, jouent sur la crédulité. Il y a aussi Paul, étudiant en médecine expert dans l’œuvre de Sade. Il y a encore Erik, avec sa chienne d’aveugle, et ses secrètes activités. Il y a enfin l’orphelin Pierre Levey, étudiant à l’École des Chartes. Il est obsédé par d’étranges rêves, qu’il estime prémonitoires, peut-être causés par le fait qu’il ignore tout de la mort de sa mère. Il fait du dédoublement onirique. C’est le neveu de Mme Margaut. Pierre est celui que cette affaire de doigt coupé intrigue le plus.

Mme Margaut n’a pas disparu. Elle est en voyage. Elle a rejoint son fils marin, Jean, en escale. Ce n’est pas n’importe qui, Mme Margaut. Dans cette guerre encore récente, elle fit preuve de caractère. Son réseau reste actif. Consultant un psychiatre pour l’enquête, Pauquet croise Pierre. Celui-ci renseigne le policier sur les sectes templières, qu’il étudie. Perquisitionnant chez sa tante, Pauquet a trouvé des documents sur l’affaire du doigt, d’autres sur 1944. Mais rien ne fait progresser les lentes investigations du commissaire. Peut-être les confidences de la chienne d’aveugle d’Erik lui seraient-elles utiles ?

N’imaginons pas une description nostalgique du Paris d’antan, dans ce bel exercice de style. C’est tout juste le décor d’un autre temps. Ici, une histoire peut en cacher une autre, plus sombre que la première. Mais probablement retient-on avant tout une évidente finesse d’écriture et la subtilité des jeux de mots : un cas de concierge, la copulation active, un prénom qui remonte au néolithique (Pierre), "est-ce ta minette qui sort de l’estaminet" ou "nous n’avons pas avancé d’un pouce dans notre enquête sur le doigt coupé." Peut-être y a-t-il aussi des allusions Oulipiennes plus personnelles. Soulignons autant le jeu sur la forme narrative (témoin impersonnel, conférence, dialogue, confession…) Et tout cela au sein d’une intrigue à suspense très réussie.

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16 novembre 2010 2 16 /11 /novembre /2010 06:53

 

Percutant, le nouveau roman noir de Michel Leydier ! Publié chez Pascal Galodé Éditeurs, Sex shot nous livre les plus répugnantes facettes du porno…

Parmi la population parisienne actuelle la moins glorieuse, il y a Max. Le bizness de Max, ce sont les films X. Il se vend quantité de films pornographiques, en France et dans le monde entier. Ceux de Max sont très particuliers. Ça pourrait ressembler à des histoires sado-masochistes ordinaires, extrêmes jeux de rôles entre adultes consentants. Quand on les visionne en entier, on comprend qu’ils dépassent le simple SM. Sur les tournages, le rôle du Maître est tenu par le pervers Reiner. Celui de sa complice est joué par Zinette. Âgée d’une vingtaine d’années, Zinette est une droguée à un stade déjà avancé. Une véritable junkie perdue, dont Max doit supporter les crises. Les tournages s’enchaînent. LEYDIER-2010Il y a tellement de fric à gagner. Chauffeur de taxi homo, Dorval est chargé de recruter des prostituées pour ces films. Leur comparse Wolianoff sert d’intermédiaire, caution du sérieux de l’organisation. Après les tournages, interviennent les cousins italiens Dox et Luigi. Tout un système efficace, qui bénéficie à Max et à celui qui commercialiste les DVD, l’Antiquaire.

En fréquentant les sex-shops de la rue Saint-Denis, François découvre que sa jeune sœur Zinette participe à ces films. Déjà fragilisé par l’état de santé de sa compagne, François se promet de sauver Zinette. Il ne peut pas compter sur leur frère, qui s’est éloigné d’eux. Seul, il va mener son enquête. Il commence par interroger le patron du sex-shop où il a visionné le film. François ne peut pas laisser de témoin derrière lui. De son côté, Dorval a rencontré une prostituée idéale pour les films. Anita, c’est le genre mère de famille. Il a bon espoir qu’elle accepte. À trop fréquenter le même quartier où plusieurs prostituées ont disparu ces derniers temps, Dorval est bientôt repéré par un proxénète. Sûr qu’il a causé la mort de sa protégée Samantha, le mac supprime le recruteur de Max.

Le policier Alain Blanche n’est concerné que par ce second meurtre. Il ne peut s’empêcher de le relier avec l’autre crime, commis à peu de distance. La mort du patron de sex-shop, c’est le domaine de Dubosq. Ce flic des Mœurs est un ancien collègue de promotion, dont Blanche n’apprécie ni le caractère, ni les méthodes. Il soutire quelques adresses à Dubosq, et tente de se faire passer pour un client amateur de films extrêmes. Aucun interlocuteur n’admet en vendre. Une bourde qui ne sera pas sans conséquences. Très mécontent, Dubosq interdit à Alain Blanche de s’occuper de son secteur. Tandis que Max incite Zinette à tourner encore quelques films avant de toucher le pactole, François poursuit son enquête mortelle. Localisant le comparse Wolianoff, les policiers tiennent sans doute une piste capitale. Pour la prostituée Anita, tourner ce film est un espoir…

Noir, très noir. Glauque, forcément sale. Prostitution ou sex-shops ne sont que la façade banalisée de la pornographie. Le marché du sexe obéit sûrement autant à des initiatives comme celles de Max, qu’à des réseaux organisés. Petit monde d’épaves, où même les pires moyens de croire s’enrichir ne rebutent personne. La violence est fatalement une des clés de cet univers. Auteur expérimenté de nouvelles et de romans, Michel Leydier confronte ses personnages à de sombres situations avec un réalisme convaincant. Dans les scènes les plus dures, on perçoit la volonté de l’auteur de ne pas en rajouter. Si nous sommes témoins de leur écœurement, ni François le justicier, ni aucun des flics ne sont des héros purement positifs. L’empathie n’est sans doute pas le but. Les moments plus légers sont rares. Leydier secoue ses lecteurs avec une histoire-choc, forte et brutale, au suspense très prenant.

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 11:02

 

S'il est un auteur auquel Action-Suspense a accordé des pages, c'est bien Nicolas Jaillet. En effet, dès le 23 mars 2008, un Coup de cœur fut décerné à "Sansalina". Puis, le 7 février 2010, une chronique a été consacrée à son roman "Intruse". Ensuite, le 21 mars Nicolas Jaillet répondait à un Portrait Chinois. Intitulé "Nous les maîtres du monde", son nouveau titre paraît en novembre 2010 aux éditions Après La Lune. Nous aurons l’occasion d’en reparler ici. Dans le même temps, "Sansalina" est enfin réédité, chez Folio Policier (le 18 novembre). Bonne occasion de découvrir cet auteur, pour qui ne le connaîtrait pas encore…

Folio-JAILLET-18-11Mexique, 1927. Un carnage incendiaire vise la bibliothèque de Cazcùn et sa jeune directrice, Dolores. Elle est sauvée par un nommé Guzman. Il est chargé autant de la protéger que de l’amener à Sansalina, leur ville natale. Il exécute les ordres de Don Zorfi, chef mafieux local, ami de jeunesse de Dolores.

Dès l’école, Pablo Zorfi s’affiche comme un caïd en devenir. Son instituteur, Don Jaime Vasquez ne s’y trompe pas. Avec les trois frères Martìn et Eduardo Mendes, ils forment bientôt une première bande, les Buenhombres. Pour payer ses dettes, Ramon Zorfi vend son fils Pablo à Don Fernando. Dans la ferme de celui-ci, le garçon supporte les sévices. Il finit par tuer Don Fernando, avant de fuir avec Guzman. De retour à Sansalina, il obtient l’aide de la prostituée Raquel, et de ses amies, pour s’emparer de l’hôtel Colòn. Les Buenhombres renaissent : les frères Martìn, Mendes, Guzman et Zorfi se débarrassent de Don Sisco, patron de l’hôtel et maître du quartier.

Pendant les dix années suivantes, Don Pablo Zorfi domine son univers. Il respecte à peu près le pacte des Buenhombres, le recours au meurtre étant rare. Sauf dans le cas de son père, Ramon Zorfi, auquel il ne pardonne pas de l’avoir vendu. Sinon, tous profitent de son système. Il fait même bâtir une nouvelle école. Il n’a jamais oublié Dolores, la seule qu’il ait aimé, sans doute pour son caractère volontaire…

Ces héros évoluent dans une atmosphère âpre, violente. Leur propre loi, leurs actes et leurs sentiments sont empreints de dureté. Survivre, défi permanent. « Le bilan était amer. Pablo était au bout de la course (…) Les Buenhombres avaient bâti un empire. Ils avaient accompli une œuvre immense. Mais ils avaient foiré quelque chose au passage. Pablo ignorait quand et comment, mais de toute évidence ils avaient loupé le coche et leur vie avait sombré dans le délire. » Soumis à un noir destin, ils n’en sont pas moins émouvants. À l’exemple de Sénèque, ils préfèrent la liberté du philosophe à la cruauté du tyran. Dans un décor original, un roman singulier.

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Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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