Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 06:49

 

Chez Fayard noir, il faut dès maintenant savourer le nouveau roman de Joseph Incardona, intitulé 220 Volts. En effet, il y a de l’électricité dans l’air au sein du couple qu’il nous présente…

Âgé de trente-sept ans, marié à Margot, père de deux enfants, Ramon Hill est l’auteur de plusieurs best-sellers, de solides romans d’action grand public. Un écrivain de talent promis à un avenir littéraire radieux. Sauf que depuis quatre mois, Ramon Hill est incapable de produire une ligne supplémentaire, bloqué au milieu du chapitre 43. Panne sèche, réservoir vide, manque total d’inspiration. Margot a organisé pour eux deux un séjour en montagne de quinze jours, dans la maison appartenant à ses parents. Elle estime qu’un provisoire changement de vie peut relancer son goût d’écrire. Ramon n’en est pas tellement convaincu. INCARDONA-2011Encore moins quand il voit que la grange dépendant de la propriété a été prêtée à leur voisin Charlot. Il y héberge une basse-cour et surtout des porcs puants.

Les relations du couple ne sont pas au beau fixe. Issue d’une famille bourgeoise, vaguement journaliste, Margot adresse de virulents reproches à son mari dès le premier jour. Certes, Ramon se laisse un peu aller, mais pense ne pas mériter la pression que lui impose son épouse. Dès le lendemain au petit-déjeuner, les chamailleries vindicatives de Margot continuent. Ayant trouvé un préservatif usagé, Ramon s’interroge. Sa femme prétend ne pas être revenue dans cette maison depuis le mois de mars. Un deuxième indice trouble bientôt Ramon. Le livre d’un confrère qu’il exècre ne devrait pas traîner ici puisqu’il est paru depuis peu, sauf si Margot y a séjourné entre-temps. Entre paranoïa et jalousie, Ramon ressasse ce drôle de pressentiment, ces questions sur la loyauté de sa femme.

Ramon est victime d’une électrocution. Le vieux docteur Kraus est appelé à domicile. Bien qu’il ne semble pas y avoir de séquelles, il met en garde l’écrivain, lui conseillant le repos. C’est l’inverse qui se produit. L’incident a réveillé la libido de Ramon. Non seulement il assouvit avec Margot sa faim de sexe, mais il se sent désormais capable de poursuivre l’écriture de son roman. Le sommeil de Ramon reste agité, des crises de somnambulisme qui inquiètent un peu le vieux médecin. La jalousie de l’écrivain ne s’est pas éteinte. Il imagine des zones d’ombre dans la vie de Margot, mais chasse les hypothèses lui venant à l’esprit. Alors qu’il vient de mettre le point final à son roman, la situation dérape. Garder son sang-froid, jouer la comédie, Ramon se sent assez fort pour ça. Ce n’est pas sur son beau-père, hostile à sa vocation d’écrivain, qu’il peut compter. Avec un peu de chance, il peut espérer passer entre les gouttes…

 

Il n’est pas indispensable de chercher des arguments pour évoquer les qualités de Joseph Incardona. Il suffit de lire ses romans. Remington et Lonely Betty ont déjà prouvé qu’il s’agit d’un auteur inspiré et subtil. Les vicissitudes d’un couple, des vacances censées ressouder leur union, un mari en proie à une jalousie peut-être injustifiée, voilà le sujet éternel qu’explore la première moitié de l’histoire. Un huis clos raconté avec fluidité, non sans quelques passages amusés (Tu sais à quoi je pensais pendant que je pédalais ?  Que t’étais Jeannie Longo ? Margot a laissé s’éteindre ma remarque sans souffler dessus). En effet, il n’y a pas de raison de dramatiser.

D’ailleurs, cette tonalité reste présente quand les circonstances se font plus sombres. Dès lors, Ramon Hill va incarner un personnage, tel le romancier jouant à être son héros. Débarrassé d’une pesante moralité, il se sent libre et fort, tant dans son écriture que dans sa vie. Si, malgré tout, quelques épreuves l’attendent, Ramon peut compter sur la solidarité des lecteurs. Un suspense noir tout en finesse, à l’écriture nuancée et précise, vraiment très agréable à lire.

On peut cliquer ici sur mon article consacré à  Lonely Betty” et Remington”, ou là pour le Portrait chinois auquel a répondu Joseph Incardona.

Partager cet article
Repost0
21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 06:49

 

On connaît le talent d’Elmore Leonard, romancier émérite, écrivain chevronné. Avec N’ayez crainte ! publié chez l’Archipel, on découvre Peter Leonard, son fils. Ce dernier nous a concocté une intrigue plutôt mouvementée…

L’action se passe autour de Detroit, dans le Michigan. Séduisante rousse de plus de trente-cinq ans, Karen Delaney tourne occasionnellement dans des publicités. Elle est attirée par les hommes fortunés. Ainsi, elle a vécu quelques mois avec Samir Fakir, propriétaire d’épiceries. En réalité, il s’agit d’un puissant usurier d’origine chaldéenne, entouré de sbires chargés du recouvrement des dettes. Samir n’a jamais restitué à Karen les 300.000 dollars qu’elle lui avait confiés. La jeune femme vit désormais avec le riche Lou Starr, qui possède des restaurants. L’idylle romantique a cédé la place à de la lassitude, chez Karen. Bobby est un joueur compulsif, un perdant endetté. Il vit avec Megan, employée d’un casino. Bobby s’est acoquiné avec Lloyd, un repris de justice sorti de prison depuis peu, qui vit dans un mobil home. Quand Karen rencontre ce duo de minables, elle voit le moyen de récupérer chez Samir la somme qu’il ne lui a pas rendue.

LEONARD-2011Ancien policier de Detroit ayant fait de la prison, O’Clair est un hommes de main de Samir. Nettement plus fiable que Ricky, le neveu du patron, même si tous les deux manquent cruellement d’argent. Plus sûr aussi que Johnny, autre sbire de Samir, trop occupé avec ses conquêtes féminines. Ce soir-là, O’Clair et Johnny sont absents quand trois types déguisés en policiers s’introduisent chez Samir. Ce sont Bobby, Lloyd et Wade, troisième complice recruté par Karen. Comme on pouvait le craindre, l’opération tourne mal. Un employé est abattu. Blessé, Samir va être bientôt hospitalisé, dans le coma. Karen et ses comparses ont un peu de mal à ouvrir le coffre de Samir, qu’ils ont emporté. Une fois mieux équipés, ils utilisent les grands moyens pour le forcer. Étrangement, le coffre est vide. La tension monte entre les complices, et Wade est le premier à en faire les frais. Karen échappe à Bobby et Lloyd, qui ont flairé une grosse embrouille.

O’Clair continue à mener son enquête personnelle pour retrouver Bobby, qui doit une belle somme à Samir. Pour l’ex-flic, pas difficile de comprendre que c’est Karen qui a organisé le braquage sanglant chez son patron. La jeune femme a rejoint son autre complice, amant du moment. Qu’elle ne tarde pas à abattre, car elle craint qu’il devienne trop gourmand. Bobby et Lloyd sont en maraude pas loin de l’hôtel où logeait le couple. Obligée de fuir avec précipitation, Karen emprunte la BMW de son défunt amant, ce qui lui permet de semer le duo de poursuivants. Elle se réfugie dans un hôtel de grand luxe, d’où elle prend contact avec sa sœur Virginia. Ricky a sans doute tort de se prendre pour le nouveau patron, à la place de Samir. Persévérant et bien inspiré, O’Clair a compris que Megan pouvait le mener à son petit ami Bobby. En outre, il repère l’hôtel où se trouve Karen. Celle-ci doit encore fuir, se réfugiant chez son avocat…

 

C’est d’abord un polar musclé et nerveux, une succession incessante de péripéties, où chacun traque l’autre dans un feu d’artifice d’arnaques ou de coups tordus. Pour tous les protagonistes, l’évolution de la situation est rythmée à souhaits. S’emparer du pactole en cavale, voilà un thème classique. Toute l’originalité réside dans le traitement du sujet, dans la maîtrise des rebondissements. Le résultat est ici impeccable.

En plus d’un tempo vif, il faut souligner une belle part d’humour. Un caïd chaldéen, par exemple, ce n’est pas si banal. Sourires aussi, à travers le comportement des personnages, qui sont pour la plupart des médiocres, en décalage avec la vie américaine ordinaire. On s’amuse même avec les rôles annexes : Cindy, ouais, c’était ça. D’après elle, elle travaillait pour une société d’édition spécialisée dans les communications. En réalité, elle téléphonait aux gens le soir, après leur longue et dure journée de travail, et tentait de leur vendre des abonnements pour des revues. L’appel de merde qu’on reçoit pendant le dîner. Un polar diablement percutant, dans la plus excitante des traditions.

- Disponible dès le 6 avril 2011 -

Partager cet article
Repost0
19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 06:41

 

Dans la collection Grands Détectives chez 10-18, la première enquête de François-Claudius Simon est intitulée La valse des gueules cassées. Un vrai polar historique de qualité, signé Guillaume Prévost…

Printemps 1919. Blessé durant la guerre, François a suivi une formation à l’école de police. Âgé de vingt-six ans, il intègre aujourd’hui la Brigade Criminelle, Quai des Orfèvres. Il est affecté dans le service de l’inspecteur principal Robineau, une figure de la police, proche de Clemenceau et des Anciens Combattants. S’il garde quelques traumatismes, François n’en montre rien. Il est très vite plongé dans une enquête, au côté de son supérieur. Un cadavre est retrouvé dans un atelier vide de la gare Montparnasse. Robineau et François s’aperçoivent bientôt que des travaux souterrains ont été effectués sous le bâtiment en question. Grâce à une facture de quincaillier, François essaie d’identifier la victime. Une autre affaire met à l’épreuve la sagacité du jeune policier.

PREVOST-2011Un vol de diamants a été commis au domicile du couple Maupin, qui rentre d’un voyage en Afrique. Le seul suspect est leur domestique Noir. François ne tarde pas à le disculper. Il trouve le chemin emprunté par les voleurs, établissant un rapport avec le crime de Montparnasse. Un autre meurtre est commis dans un garni, rue de Montmorency. Là encore, l’homme a subi des mutilations au visage qui rappellent celles des soldats blessés, les gueules cassées. La victime était un locataire discret, sans doute un ancien prisonnier rentré d’Allemagne. Force est de constater que tout cela a été pensé [déclara François]. Fort bien pensé, même. La serrure sabotée, le vin trafiqué envoyé à un voisin porté sur la bouteille. Notre assassin est habile, et il ne manque pas de sang froid.

L’inspecteur Lefourche, autre jeune policier, est bien plus impliqué que François en politique. Alors qu’il participe à une réunion syndicale interdite en vue de la manifestation du 1er mai, Lefourche a une altercation avec François, qu’il prend pour un espion de Robineau. L’incident permet au jeune inspecteur de rencontrer la belle Elsa, peintre et pilote de side-car. Si Lefourche protège jalousement la jeune femme, celle-ci explique la situation à François. Tandis que son supérieur Robineau tente de récupérer l’affaire Landru confiée aux Brigades Mobiles, François fait le lien entre le vol des diamants du couple Maupin et les meurtres. Le cas n’est qu’à demi élucidé, mais l’enquêteur sait qu’il progresse.

Après un détour par Gambais et le défilé réprimé du 1er mai, François intervient trop tard pour empêcher un troisième assassinat, au Port-aux-Vins. Délégué général aux pensions, au Ministère de la Guerre, la victime n’a pas le même profil que les précédentes. François découvre un indice décisif, même si le monogramme VdG ne désigne pas encore le criminel…

 

On pourrait se croire dans une aventure de Fantomas ou d’Arsène Lupin, grands personnages de la littérature populaire de l’époque. D’autant qu’est évoquée la célèbre affaire Landru, ainsi que le décès vaguement suspect d’Émile Zola. Ce qui marque surtout, c’est la période choisie. Six mois après l’Armistice, ce n’est pas encore le retour à la vie normale, ni le début d’une nouvelle ère prospère. D’un côté, il y a les vainqueurs, suivant Clemenceau dans la reconstruction du pays, censurant toute opposition politique. De l’autre, on trouve les survivants, brisés par les séquelles de la guerre. Les gueules cassées, mais aussi leurs familles sans grandes ressources.

Le parcours de François, abandonné tôt par sa mère, éduqué en orphelinat, soldat blessé cauchemardant toujours, logeant désormais chez une épicière sexagénaire, le rapproche des gens du peuple. Bien qu’encore maladroit, il utilise à bon escient son intuition. Non sans se servir des analyses plus techniques, déjà disponibles en ce temps-là. Il nous apparaît donc tel un témoin humaniste, mais aussi un très bon enquêteur. L’intrigue criminelle est fort bien maîtrisée, avec ses multiples péripéties et hypothèses, ses scènes d’action et son excellent suspense. La souplesse du récit est le meilleur atout de ce polar historique parfaitement convaincant.

Partager cet article
Repost0
16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 06:49

 

Quand le Poulpe s’intéresse au nucléaire et aux déchets radioactifs, direction le Cotentin, décor de La poubelle pour aller danser (Éd.Baleine). Quelques mots sur l’intrigue du nouveau roman de Philippe Huet…

Certes, Gabriel Lecouvreur reste le Poulpe, cet enquêteur un peu plus autonome que les autres, ce témoin des failles de notre époque. Mais ça mollassonne pas mal pour lui, du côté de l’avenue Ledru-Rollin. Aussi indifférent à l’ambiance du bistrot de Gérard qu’aux charmes de son amante Chéryl, Gabriel est cafardeux. Un certain Hassan Belkacim le contacte chez Gérard. Autrefois, au temps où ils militaient contre l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff, Hassan était surnommé Mouloud. Même s’il a changé physiquement, Gabriel se souvient bien de lui. Aujourd’hui installé dans le Cotentin, Mouloud est toujours actif. Il est vrai que son groupuscule écolo Respire n’est guère pris au sérieux. On les appelle les glandeurs nature, HUET-Poulpe2011ces militants opposés à l’usine de retraitement des déchets radioactifs de La Hague. L’Usine fait vivre bien trop de monde pour espérer faire bouger les choses. C’est l’omerta sur les éventuels dangers.

Sauf qu’il y a eu meurtre dans les parages. Lejudec, jeune retraité de l’industrie nucléaire, a été assassiné alors qu’il allait livrer un dossier secret à Respire. Il détenait les preuves des stockages défaillants, à gros risques. Mouloud a besoin de l’aide de Gabriel pour retrouver ce fameux dossier, source de scandale. Le Poulpe fait la connaissance des quelques amis de Mouloud, et de sa fille Lilas, avant d’explorer les environs de l’Usine hyper protégée de La Hague. Poubelle, selon le groupuscule écolo.

Se faisant passer pour un journaliste suisse, Gabriel interroge des élus municipaux amis de Lejudec. Pas vraiment expansifs, dès que les questions deviennent sensibles. D’après certains ragots recueillis par Lilas, la vie de couple de Lejudec n’était pas exactement au beau fixe. L’homme s’avérait dépressif, et violent avec son épouse, bien plus jeune que lui.

Sous couverture journalistique, Gabriel rencontre Charlène Lejudec, la veuve. Pas un instant il n’est dupe des talents de comédienne de son interlocutrice. Son chagrin sonne faux, ses réponses manquent de naturel. Ce n’est pas par cette hypocrite créature qu’il approchera la vérité. Lilas, avec son petit ami Tom, se propose de la prendre en filature.

La blonde Chéryl débarque dans le Cotentin, sapée parisienne aux champs, pour un week-end touristique auprès de son Poulpe d’amour. Lorsque, dans un bar, éclate une altercation avec des gars qui détestent les écolos, Chéryl n’est pas la dernière à répliquer. Lilas et Tom ont pris quelques photos de la veuve Lejudec avec son amant. Gabriel va devoir affronter un lieutenant de gendarmerie, peu coopératif. Ce type froid harcèle bientôt Mouloud et ses amis, car il est informé de leurs moindres gestes…

 

Dans la région de La Hague et de Flamanville, personne ne critiquera l’activité nucléaire pourvoyeuse d’emplois, bénéfique pour l’économie. Quant aux mesures de sécurité en cas d’incident majeur, nul n’imagine un scénario catastrophe. Les exploitants de ces usines nient les expertises alarmistes, produisent des rapports rassurants, cultivent le top-secret. Malgré l’explosion de la centrale japonaise de Fukushima, après Three Miles Island et Tchernobyl, rien n’évoluera. Néanmoins, La Hague reste une poubelle de quatorze hectares abritant 530.000 mètres cubes de déchets radioactifs enfouis entre trois et sept mètres de profondeur. Ce qui n’est pas sans impact sur l’environnement. À part de vaines piqûres de moustiques, les militants ne peuvent rien contre les lobbies nucléaires. C’est dans ce contexte que Gabriel Lecouvreur vit une nouvelle aventure poulpesque. Auteur confirmé, Philippe Huet nous entraîne dans un récit souple et fluide, avec des sourires d’une tonalité un brin douce-amère. Un épisode dans l’esprit du Poulpe, qui développe par ailleurs une bonne intrigue criminelle.

Partager cet article
Repost0
11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 07:27

 

Chez Krakoen, Franck Membribe publie en ce mois de mars son nouveau suspense, Coup de foehn

Sarah est une jeune Marseillaise âgée de 16 ans, fille d’une prof d’Allemand et d’un père peu actif. Si on observe avec attention cette brunette au teint bronzé, on devine qu’elle a des origines juives. Cet été-là, elle passe deux mois pleins en Suisse, dans le canton alémanique de Zurich. Au pair chez la riche famille Gründlich, elle va s’occuper des petits jumeaux Max et Jonas, tandis qu’un de leurs grands frères passe l’été à Marseille. Hübscherwald n’est pas un village si idyllique. Les Gründlich dominent depuis longtemps toute l’économie locale, le bois, le textile et la filière laitière. Dans leur propriété, tout se veut exemplaire, dans la tradition suisse. M.Gründlich est homme d’affaire, son épouse s’occupe d’art contemporain, la gouvernante Franca surveille la maisonnée, la femme de ménage fouille dans les bagages de la jeune française. Tout est en ordre.MEMBRIBE-2011A

Si Sarah et sa mère ont choisi ce village, ce n’est pas totalement par hasard. Samuel Seemann, l’arrière-grand-père de Sarah naquit et vécut à Hübscherwald. Cet artisan menuisier juif y fonda une famille. Quand vint la 2e Guerre mondiale, il mit à l’abri sa femme et sa fille au Maroc, où vivait déjà son frère. Puis il regagna la Suisse, où l’on perd sa trace en 1943. Sarah a hérité d’un curieux ouvrage, Ma patrie - le livre des Suisses à l’étranger, seul lien avec le passé des siens. Arrivée ici, elle s’est bien gardée de dévoiler aux Gründlich son intention de se renseigner au sujet de son aïeul. Sarah rencontre le journaliste boiteux Johann Kramer, qui a le double de son âge. Handicapé comme le fut Blaise Cendrars, un Suisse aussi, il s’occupe du petit hebdo local, qui appartient aux Gründlich. Sarah tombe vite amoureuse de cet admirateur de l’écrivain Friedrich Dürrenmatt. L’histoire de l’aïeul ne tarde pas à éveiller la curiosité de Johann.

Il va rechercher des témoignages sur la lointaine époque de la guerre. Sarah montre la photo de la maison de Samuel à quelques habitants peu coopératifs. Pourtant la vieille Frédérique Sauser devrait se souvenir, estime Johann. Il sait déjà que Samuel participa à un réseau de résistance aidant les Juifs à transiter par la Suisse. Via le Gothard, Sarah et Johann se rendent dans la région de Lugano. Dans le petit village haut perché de Bré, ils rencontrent Élias Bloch, qui fut jadis un ami de Samuel. Mobilisé durant la guerre, il désapprouva la position faussement neutre de la Suisse, et rejoignit le réseau de Samuel. Son hypothèse sur sa disparition reste une piste à suivre. De retour à Hübscherwald, Sarah se permet de relancer Frédérique Sauser. Il faudrait aussi retrouver un reporter américain avec lequel Samuel sembla être en contact…

 

Le but de la jeune Sarah n’est pas de faire justice, de se venger, juste de savoir. Une victoire, une toute petite victoire sur l’oubli dit-elle. Elle trouve un allié (et amant) compétent pour l’épauler, face à la digne hypocrisie qui plane. Durant la guerre, la neutralité suisse fut fort discutable. Les émissaires helvétiques de la Croix-Rouge ne virent dans les camps d’extermination nazis qu’un séjour forcé mais agréable pour non-aryens, nous rappelle-t-on. Quant aux banques suisses, on a émis la supposition qu’elles protégèrent les biens mal acquis des hitlériens. Aujourd’hui encore dans ce pays, le populisme xénophobe confine au racisme, l’étranger étant considéré comme fatalement criminel par les ultranationalistes. Quête d’identité et contexte sombre, vus à travers le regard de Sarah. Ce qui offre des passages plus souriants. Quand elle évoque sa vie d’adolescente, ses amours, ou joue avec les mots : La musique adoucit les nurses, à ce qu’il paraît… Au final, ce retour sur un aspect de l’Histoire donne un roman fluide et passionnant, vraiment très réussi.

Partager cet article
Repost0
10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 06:45

 

Légitime défense afficheAu cinéma dès le 16 mars, Légitime défense de Pierre Lacan est un polar musclé qui devrait séduire les spectateurs. C’est une adaptation du roman d’Alain Wagneur Terminus plage (Actes Sud), avec Jean-Paul Rouve, et la participation de Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Marie Kremer, Gilles Cohen. Le thème général de l’intrigue : Benoît, jeune père de famille, mène une vie heureuse et sans histoire. Un jour, son père, détective privé, disparaît mystérieusement. Benoît va découvrir le passé trouble d'un père qu'il pensait connaître. Et pour la première fois, il va devoir se battre pour sauver sa peau et protéger les siens.

 

Scénariste et réalisateur de ce film, Pierre Lacan répond à quelques questions.

Votre film est inspiré du roman de Alain Wagneur Terminus plage (Actes Sud). Quel a été votre travail d’adaptation ?

Terminus Plage est un roman passionnant, dont la structure assez complexe s’articule autour de plusieurs intrigues. Pour Légitime Défense, j’ai choisi de m’inspirer de l’une d’elles : l’histoire d’un fils qui, tel Télémaque, part à la recherche de son père disparu. Il s’agit donc d’une très libre adaptation. Un fils va peu à peu découvrir la face cachée de son père et s’interroge sur l’homme qu’il est et l’homme qu’il veut être.

Légitime Défense est une quête initiatique, mais aussi et avant tout un polar avec tous les codes du genre. Le fils doit-il régler les dettes de son père ? C’est une manière détournée d’évoquer une préoccupation très actuelle : jusqu’où une génération doit-elle payer les dettes de la précédente, que nous lèguent aujourd’hui nos parents et que transmettrons-nous demain à nos enfants ?

Légitime défense 1Dès le début du film, vous installez le spectateur dans un film de genre : le thriller. Vous créez une tension en fragmentant votre récit…

Effectivement, les flashes-forward viennent interrompre la linéarité du récit et créent une tension immédiate : on veut savoir ce qui va se passer. Cela permet de tout de suite mettre en place une empathie avec le personnage de Benoît qui est bousculé par les événements comme le spectateur l’est par le rythme.

J’ai voulu Légitime Défense comme un film sec, brut, sans complaisance. Pour être au plus près du ressenti des personnages, de leurs peurs, de leurs tensions, je l’ai filmé à hauteur d’homme, souvent caméra à l’épaule. C’est dans cet esprit que, par exemple, la course-poursuite a été intégralement filmée de l’intérieur des voitures.

Le récit est également ponctué par des séquences abstraites où l’on devine un corps qui avance en eaux troubles ?

Ces séquences aquatiques, comme des pauses intemporelles dans cette course contre la montre, participent à la perte de repères du personnage de Benoît. Il semble s’enfoncer dans une eau de plus en plus opaque en découvrant la face cachée de son père.Légitime_défense-Terminus_Plage

Quelles sont vos influences cinématographiques ?

Mes influences sont à chercher dans beaucoup de polars américains des années soixante-dix. Je trouve qu’il y a une énergie formidable et une incroyable modernité dans des films comme Bullit, The Getaway, Serpico ou encore Get Carter. Plus récemment, j’ai été bluffé par la trilogie danoise Pusher, dont le réalisme radical et la crudité m’ont inspiré. Gomorra de Matteo Garrone m’a aussi beaucoup impressionné.

Quel amateur de polar êtes-vous ?

Un amateur très éclectique. C’est un genre qui m’accompagne depuis mon adolescence, avec d’abord des auteurs très classiques comme Maurice Leblanc ou Gaston Leroux. Puis il y a eu Manchette, Dantec, Benaquista… Aujourd’hui, cela va de Giorgio Scerbanenco à David Peace, en passant par Tim Willocks…

 

Légitime défense” au cinéma, dès le 16 mars.

Partager cet article
Repost0
9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 06:45

 

Connue pour ses polars noirs et intenses, Andrea H.Japp est également capable de nous faire sourire. Elle en donne la preuve avec “Les cadavres n’ont pas froid aux yeux” publié en mars 2011 aux Éditions Marabout...

C’est un groupe de copines citadines entre trentaine et quarantaine d’années. La plus caractérielle, c’est Hélène, scientifique dans un laboratoire de recherche. Elle n’a guère d’affinités avec son entourage professionnel. Il est vrai que ses collègues manquent aussi de franchise et de cordialité. Ce qui n’est sans doute pas une raison pour les détester tous ou presque, mais c’est ainsi qu’Hélène exprime son vif caractère. Et, pour cette fumeuse accro, ce n’est pas une séance d’hypnose anti-tabac à 295 Euros, sans résultat probant, qui va la calmer. Une initiative de son amie Charlotte, la psy qui choisit ses amants parmi ses patients. Ce qui n’est pas très déontologique, mais qui assouvit sa sensualité.

JAPP-2011Dans ce groupe, il y a Emma, magnifique blonde obsédée par l’idée de faire un bébé dans les mois à venir. D’ailleurs, elle va croiser un bel avocat qui pourrait correspondre, mais il ne suffit pas d’avoir les mêmes projets pour les réaliser. Et puis Nathalie, “qui venait de découvrir ce qu’était le sexe après vingt-cinq ans de mariage et deux enfants”, ex-femme au foyer, copine fidèle et amante comblée. Et aussi Juliette, l’esthéticienne qui utilise les meilleurs remèdes pour détendre sa clientèle, évidemment masculine. Enfin, nouvelle venue dans le groupe, voici Marie-Hortense-Dominique de la Theullade. Elle ne manque pas de répondant si on l’embête, MHD. Sa faiblesse, c’est son compagnon Serge, un écrivaillon qui se croit doté d’un grand talent et de capacités sexuelles supérieures. Si elle décide de le virer brusquement après avoir lu ses piètres écrits, on la comprendra.

Ce matin-là, Hélène débarque au laboratoire et découvre sous sa hotte la tête de son collègue Stéphane Lambin. Pas une grosse perte pour la science, mais il faut bien alerter la police. Benoît Levasseur n’est pas le plus futé des flics, lui qui se verrait bien l’amant de la belle psy Charlotte. Même si tous les indices accablent la chercheuse, Hélène ne tarde pas à se disculper. Sauf que le corps est bientôt retrouvé dans un local clos, une réserve dont Hélène a la clé. Ensuite, lors d’une perquisition dans le bureau d’Hélène, on trouve un DVD où Lambin collectait ses recherches. Levasseur admet que, sans être coupable, elle semble visée par l’assassin. Prenant l’avis de ses amies sur le danger qu’elle court, Hélène résume: “Ce tordu veut en découdre avec moi ? On y va. Castagne à outrance.”

Un nouveau meurtre est commis au labo, avec peu de traces de sang. Hélène suggère au policier Levasseur que l’assassin aurait utilisé un produit coagulant. Surtout, il est temps pour les copines de se lancer dans une contre-offensive musclée. Elle interrogent la gardienne d’immeuble de Lambin. Sur les visites de l’étudiante thésarde qu’il parraine. Sur ses disputes avec une autre chercheuse et avec le directeur du labo. Hélène n’hésite pas à bousculer les suspects…

 

Toujours intéressant, ces études sociologiques sur un panel représentatif de la population féminine urbaine, confrontée au manque de princes charmants et à des crimes insolubles. Il est utile de rappeler cette vérité : le résultat de toutes les analyses confirme que les mâles sont prétentieux et lâches, que les jeunes femmes (quel que soit leur âge) sont pétulantes et dynamiques…

Quitte à lire une comédie policière, autant qu’elle soit l’œuvre d’une romancière au talent confirmé. C’est d’évidence le cas d’Andrea H.Japp, qui a une bonne trentaine de romans et quelques recueils de nouvelles à son actif. Si la plupart de ses polars sont nettement plus sombre, elle s’amuse ici avec ses personnages placés face à des situations souriantes, voire carrément débridées. Sachant qu’elle est docteur en biologie, toxicologue de métier, elle connaît bien l’univers d’Hélène Audibert, qui est au centre de l’affaire. Des “crimes pour rire” peut-être, des digressions sans doute. L’humour n’est pas incompatible avec le polar, mais Andrea H.Japp n’oublie pas de concocter une intrigue bien solide. Un roman vraiment sympa.

Partager cet article
Repost0
8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 06:59

 

Situer un polar dans un région de France serait-il donc une hérésie ? Certains lecteurs s’expriment parfois en ironisant sur ce qu’ils appellent avec mépris les polars régionaux. Par opposition à cette vieille idée, que le polar ne peut qu’être urbain, citadin. C’est vrai, il n’y a pas de villes dans les régions, juste de la cambrousse. Préjugeant une qualité insuffisante ou médiocre, lesdits lecteurs n’en lisent quasiment jamais. C’est leur droit, mais on peut s’étonner d’une position aussi intransigeante, et citer quelques exemples récents.

PELOT-MariaC’est pour moitié dans la Creuse que se situe l’action de La rigole du diable, de Sylvie Granotier (Albin Michel). Dans ce suspense psychologique, sa jeune héroïne avocate cherche autant la vérité sur l’affaire qu’elle traite que sur sa propre enfance, dans cette région. C’est principalement à Nancy et dans sa région que se passe le roman Je suis un terroriste de Pierre Brasseur (Après La Lune). La jeune Maude et un petit groupe d’étudiants nancéens, en décalage avec la société actuelle, se lancent dans une expérience terroriste en province. C’est dans un petit village des Pyrénées que Pascal Dessaint place l’intrigue de son roman Le bal des frelons (Rivages). On y croise une belle galerie de personnages malhonnêtes, déjantés, ou ayant des projets meurtriers. Tous vont glisser sur la peau de banane de leur propre stupidité. C’est dans la région des Vosges où il vit toujours que Pierre Pelot, auteur émérite, situe l’intrigue de son roman Maria (Éd.Héloïse d’Ormesson). L’histoire de cette vallée des Vosges est au cœur du récit, et des mésaventures dramatiques vécues depuis la fin de la guerre par cette dame âgée. Un récent épisode de la série Le Poulpe est intitulé Les ignobles du Bordelais (Baleine). François Darnaudet, son auteur, envoie Gabriel Lecouvreur du côté de Bordeaux et du Bassin d’Arcachon, pour une affaire aux forts relents antisémites. H.BUAN-2011L’action de Enlèvement avec rançon (Éditions de Minuit, 2010) d’Yves Ravey se place dans un secteur des Alpes, frontalier de la Suisse. C’est dans ce petit village si provincial que deux frères, pas si complices, commettent un kidnapping…

Nous parlons là de polars de belle qualité, publiés ces dernières semaines, ces derniers mois. À moins que cette dénomination de polars régionaux ne vise ceux publiés par des éditeurs installés en région ? Dans ce cas, il convient de citer L’Œil du singe d’Hugo Buan, chez Pascal Galodé Éd. C’est dans la région de Rennes que l’irascible (et fort drôle) commissaire Lucien Workan mène une enquête débridée. Un paléoanthropologue ne sait plus où il en est, des cadavres sont enterrés, disparaissent, et Workan se met en colère plus souvent qu’à son tour… On peut aussi citer Bavure dans le béton de Charles Madézo (Éd.du Palémon) qui nous apprend bien des détails sur les pratiques illégales du BTP. Entre Paris et la Bretagne, enquête sur un univers sombre et corrompu, que cet auteur a lui-même quelque peu connu… S’il situe souvent ses intrigues du côté de Dunkerque, Maxime Gillio choisit une région frontalière proche dans son roman La fracture de Coxyde (Polars en Nord). Son détective Jacques Bower, aussi téméraire qu’un Poulpe en action, y mène une enquête mouvementée… Pour Noires vengeances en V.O. (Éd.du Valhermeil), MADéZO-2011Jean-Louis Serrano place l’affaire criminelle dans le Val d’Oise, département certes proches de Paris, mais en plus régional quand même. Un vieux policier se penche sur un dossier datant de vingt ans, alors que des crimes similaires sont commis. Une intrigue solide… Ces quatre romans ne déméritent sûrement pas, et que leurs éditeurs soient régionaux ne change rien à leur qualité.

Une dizaine d’exemples parmi des parutions du dernier trimestre, qui semblent bien indiquer que l’étiquette polars régionaux, trop vite décriée par quelques puristes, ne rime pas à grand-chose. Sans doute ne s’agit-il que de mes propres lectures, mais je ne suis pas le seul à apprécier ces contextes. Oui, j’admets que d’autres auteurs de polars régionaux seraient peut-être moins inspirés, nous proposeraient parfois des romans moins convaincants. Un constat valable pour toutes les collections, tous les éditeurs, non ?

(Pour les chroniques, cliquez sur chaque titre)

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/