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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 05:07

 

Bien que publié au printemps 2012, Arab Jazz de Karim Miské (Éd.Viviane Hamy) reste dans l’actualité puisqu’il a été primé fin septembre. Une intrigue criminelle mais, davantage encore, un regard sur notre époque.

MISKE-2012Hôtesse de l’air, Laura Vignola a été assassinée chez elle, dans un immeuble du 19e arrondissement de Paris. Elle est morte d’hémorragie après avoir été mutilée, torturée. La jeune femme était issue d’une famille de Niort adepte des Témoins de Jéhovah, avec laquelle elle avait rompu tout contact. La police a été alertée par un appel téléphonique venant du 18e. Les flics de ce quartier n’ont pas trouvé de témoins, ou sont réticents à collaborer avec leurs collègues du 19e. En réalité, le premier qui a découvert le cadavre, c’est Ahmed Taroudant, voisin de la victime. Âgé de trente ans, ce métis arabe vivote en touchant l’Allocation Adulte Handicapé. Il fut suivi par le Dr Germain, un psy, suite à une sévère dépression. La passion d’Ahmed, ce sont les polars classiques ou moins bons qu’il achète au bouquiniste brocanteur du coin, le vieux M.Paul. Par ailleurs, Ahmed se laisse souvent envahir par des rêves et des réminiscences de son passé tourmenté.

N’ignorant pas qu’il ferait un parfait suspect, d’autant que la belle Laura n’était pas insensible à son charme, Ahmed prétend ne rien savoir face aux enquêteurs. Un curieux duo, ces deux protégés du commissaire Mercator. La rousse Rachel Kupferstein, Juive ashkénaze, admiratrice d’Ellroy comme Ahmed, s’interroge sur le possible sens religieux du meurtre de Laura. Sceptique face aux croyances, elle est certaine qu’on a voulu souiller la victime. Son partenaire Jean Hamelot est fils de communiste de Saint-Pol-de-Léon. Ce Breton lunaire préfère Horace Mac Coy ou Hammett, parmi les valeurs sûres du roman noir. Au commissariat, Rachel sait pouvoir se fier au jeune flic Kevin Gomes, beaucoup moins à leur collègue Meyer. Selon Gomes, les parents de Laura sont des Témoins de Jéhovah aux convictions extrémistes. De son côté, Ahmed doit reprendre quelques séances chez le psy, s’il veut avoir l’esprit clair afin de contribuer à l’enquête sur la mort de sa voisine.

Rachel et Jean espèrent que les amies étudiantes de Laura leur offriront une piste exploitable. Si le crime est religieux, faut-il suspecter plutôt parmi les jeunes le Juif hassidique Ruben ou le prêcheur musulman Moktar. Politisés au temps de leur groupe de rap 75-Zorro-19, ils s’investissent désormais dans l’excès religieux. Le rôle du coiffeur juif Sam ou d’un imam autoproclamé du secteur resterait autant à déterminer. Je ne sais pas ce que cache cet assassinat, mais il est bien à l’image du quartier. Avec des fous de Dieu postés à tous les carrefours résume Rachel. Peut-être, l’origine du crime vient-elle de New York. Là-bas, Dov Jakubovicz, un juif rasta intello, a créé un hallucinant produit, la psilocybine, distribué sous le nom de Godzwill avec l’aide de Susan et James Barnes, frères et sœurs. Ahmed, Rachel et Jean pourront-ils vraiment éclairer les mystères de cette affaire ?

 

MISKE-GPLPCe roman (dont le titre s’inspire du White Jazz de James Ellroy) a été récompensé par le Grand prix de Littérature policière 2012. Un très bon choix du jury. Certes, les trois principaux personnages sont amateurs de polars, ce qui offre déjà une complicité avec les lecteurs. Ahmed et son mur de livres, les passionnés s’y reconnaîtront. Deuxième atout favorable, ces trois-là ont un passé compliqué, chargé, qui induit sans doute leur difficulté quant à l’approche du sexe. L’ombre de Freud et de Lacan plane sur leur personnalité, autant que leur vécu familial.

Enfin et surtout, religions et communautarismes sont au centre de cette histoire complexe. Un thème actuel, omniprésent dans cet arrondissement bigarré dont l’auteur se plait à décrire l’ambiance. Ahmed ou Rachel ont pris de la distance par rapport aux croyances. À l’inverse, on observe ici une radicalité dans la pratique religieuse, les intégrismes de tous bords manipulant les esprits et les trafics. Banalisé par une intégration relative dans la société, un phénomène pas si aisé à décrypter. Le roman noir témoigne de telles questions sociétales, c’est bien ce que fait Karim Miské dans cette sinueuse et passionnante histoire.

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2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 05:16

 

Hervé Jaouen n’a jamais renié le genre qui le fit connaître, le polar. Dans l’œil du schizo (Presses de la Cité) se rapproche furieusement du roman noir, pour notre plus grand plaisir.

JAOUEN-2012-OeilDelphine et Jean-Luc Gouézec forment un couple ordinaire de notre époque. Ils se sont connus étant étudiants, à Brest. Les parents de Delphine sont de modestes employés municipaux. Habitant Vannes, ceux de Jean-Luc appartiennent à une bourgeoisie quelque peu hautaine. Delphine est bientôt devenue prof de Lettres, après leur mariage. Brillant diplômé d’une école de commerce, Jean-Luc se lance dans une première expérience professionnelle. C’est loin du succès escompté, car l’investisseur n’est pas fiable. Delphine ne s’inquiète pas vraiment quand Jean-Luc montre des signes dépressifs. L’arrivée de leur bébé, Maël, pourrait améliorer la situation. Mais Jean-Luc reste un père fantomatique, ruminant son échec. Un état quasi paranoïaque, où il parait se complaire.

Finalement, Jean-Luc rebondit sur le trampoline des relations de ses parents. Grâce à l’intervention paternelle, il obtient un emploi à Vannes. Cette fois, Jean-Luc est enthousiaste, la société Isolda 2000 lui permettra d’atteindre ses légitimes ambitions. Il est motivé, il sera le meilleur. La famille s’installe dans le Morbihan, s’agrandit avec la naissance de la petite Enora. Sans doute Delphine remarque-t-elle le caractère cyclothymique de son mari. Ce qui agit probablement dans son métier, car les résultats de Jean-Luc ne sont pas à la hauteur. Glissant vers un inévitable licenciement, il s’est acheté une carabine pour le très gros gibier, arme hyper-perfectionnée. Delphine s’inquiète sérieusement : Elle aurait payé cher pour avoir un double des clés de son cerveau. D’autant qu’elle n’ignore pas qu’il adresse des courriers délirants aux plus hautes autorités.

Le psy vannetais qu’elle contacte donne un juste diagnostic. Pourtant, il n’a rien à proposer d’autre qu’un internement pour Jean-Luc, ce que Delphine espère éviter. Le jour où elle envisage enfin la fuite avec ses enfants, c’est le grand dérapage dans l’esprit de Jean-Luc. Pour un schizophrène décidé, une UMD (Unité pour Malades Difficiles) en plein cœur de la Bretagne n’est pas une prison assez solide. Les victimes se multiplient sur la route sanglante de Jean-Luc, qui a basculé dans une guerre personnelle. Il se dirige vers les Monts d’Arrée, terre sauvage selon sa vision du monde, où vivent quelques adeptes d’un celtisme rural et militant. Plus rien ne semble pouvoir arrêter la folie hallucinatoire de Jean-Luc Gouézec…

 

Beaucoup des romans récents d’Hervé Jaouen sont empreints d’ambiances assez sombres. Lucide ou réaliste, c’est un écrivain qui décrit la vie dans sa rudesse, où les moments heureux sont plus rares que les épisodes dramatiques. Le parcours de ses personnages n’est jamais un long fleuve tranquille dans un paradis terrestre, fut-il irlandais et riche en saumons. Grand prix de Littérature policière 1990 (pour Hôpital souterrain), Hervé Jaouen renoue cette fois avec la pure noirceur. Si la schizophrénie est une maladie mentale complexe semblant sans véritable solution thérapeutique, on évite ici l’approche médicale proprement dite. Non qu’elle soit absente, mais c’est l’évolution du comportement psychotique qui importe. Le cas de Jean-Luc ne peut que dégénérer, vers un passage à l’acte criminel.

Toutefois, l’histoire ne se concentre pas seulement sur lui. En contrepoint, la normalité du quotidien existe à travers les portraits de Delphine désemparée face au problème, de leurs parents respectifs, de l’infirmière de l’UMD ou des habitants de cette campagne bretonne. Décalage entre leurs vies aussi cohérentes que possible, et cette paranoïa qui entraîne tant de violence. Péripéties nombreuses et intrigue maîtrisée, on retrouve dans ce suspense mouvementé tous les qualités d’Hervé Jaouen.

D'autres titres d'Hervé Jaouen : Le Fossé - Flora des Embruns - Aux armes z'écolos - Les soeurs Gwenan - Ceux de Menglazeg.

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30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 05:23

 

Publiées en 2009, les Chroniques de la main courante de Serge Reynaud sont désormais disponibles en format poche, chez Pocket.

REYNAUD-2012Surveillance, constatations d’autopsie, stage technique d’intervention : un gardien de la paix sortant de l’école de police ne peut acquérir de l’expérience que sur le terrain, et l’apprend parfois à ses dépens. Il doit aussi connaître le langage assez artificiel des PV, dans lesquels il aura parfois envie d’intégrer des commentaires personnels. Il entre dans une équipe avec sa hiérarchie, dont quelques collègues sans doute moins finauds. Pour dédramatiser le décès d’un ami policier, on va évoquer ses éternels retards. Parfois, traitant des affaires courantes à son poste, il songe que les flics sont comparables à des fourmis toujours en mouvement. Les interventions, c’est ce qui motive leur mission. À condition de ne pas frôler la bavure en confondant une adresse avec une autre. Bien suivre les directives du responsable, précises à souhaits, demandant s’il a été bien compris : Le résumé, il va être vite vu. C’est toi le chef : où tu vas on va, comme tu fais on fait.

Gardien de la paix, un métier qui engendre des moments de fermeté et d’autres épisodes de pitié. Quand un citoyen en cogne un autre qui filmait en cachette, la police se doit d’être sévère, avec l’agressé. Quand une Asiatique est prise sur le fait, vente illégale à la sauvette, quelle défense peut-elle offrir ? Éviter que ne dérapent les situations à risque, tel est fréquemment le rôle des flics de base. Un cambrioleur pris sur le fait par le voisinage quelque peu éméché, et il faut trouver une porte de sortie, à l’aide de chiens impressionnants. Un suicide qui perturbe le marché local hebdomadaire de la vente de drogue, un vendredi soir, et voilà les mercantis mécontents. Les contacts sont parfois plus aimables avec la population, comme avec cet enfant de quatre ans qui sait lire les lettres CRS. Citons encore le cas particulier d’un flic peu féru d’automobiles, qui tait son handicap.

 

Serge Reynaud est animé par une véritable vocation pour ce métier, qu’il exerce depuis plusieurs décennies. Il a recensé pas loin d’une centaine d’anecdotes, qu’il a scénarisées en petites histoires, épisodes du vécu professionnel de ses collègues et de lui-même. Il ne s’agit pas pour lui de faire l’apologie de la police. Le cas du Schtroumpf hurleur suffirait d’ailleurs à démontrer qu’on les insulte parfois pour de bonnes raisons. S’ils perdent leur sang-froid, l’article 122-5 du Code Pénal ne les protégera pas forcément. Pas non plus de glorification des choix politiciens en matière de sécurité. Seize arrestations dans Statistisquat prouvent, par exemple, que la politique du chiffre n’a guère de sens. Culture du résultat qui peut même amener, dans le feu de l’action, à menotter un mort. Cocasses ou plus graves, les scènes retracées ici constituent un vrai témoignage sur ce métier.

En 2011, Serge Reynaud a publié un deuxième tome tout aussi intéressant et varié, Bonne nouvelle, c’est la police !.

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 05:27

 

Dans la collection Petits polars du Monde, l’excellente Sylvie Granotier signe un texte au charme vénéneux, Le temps égaré.

Michel Demérand est chef comptable à la compagnie d’assurance La Providence. Quadragénaire, bel homme attirant, cheveux noirs coiffés en arrière, gros poste à responsabilités, costume anthracite et tenue de rigueur. GRANOTIER-2012-ppmIl est très amoureux de sa compagne, Marianne, âgée de vingt-six ans, secrétaire dans la même société. Il a mis trois semaines pour la séduire, avant qu’elle ne s’installe chez lui, rue Cadet. Michel est un peu possessif, sans doute, car Marianne ne laisse insensible aucun regard masculin. Moi, j’adore les sandales plates, les couleurs flashy, les jupes qui volent et les boucles d’oreilles à étages. Elle possède une sensualité naturelle, une liberté à l’opposé du conformisme de ces milieux. Peut-être pas le couple le mieux assorti qui soit, Marianne pouvant paraître futile pour le sérieux Michel. Néanmoins, une relation satisfaisante. Pourtant, Michel a senti que ça se dégradait entre eux. Puis, il a trouvé le journal intime de Marianne.

De l’automne précédent jusqu’à ce mois de juin, elle a rencontré fréquemment un amant, âgé de trente ans. Il est marié, n’a aucunement l’intention de quitter son épouse, mais ça ne semble pas déranger Marianne. Depuis de longs mois, ils se donnent rendez-vous Gare d’Austerlitz. La jeune femme l’attend avec impatience. Ils vont à l’hôtel, se promènent dans des coins de Paris où ils ont peu de risques de croiser Michel. L’amant a fait découvrir à Marianne un endroit insolite, à La Salpêtrière. Et puis, clandestinement, ils se retrouveront pour des week-ends à Orléans. C’est du bonheur pur qu’exprime Marianne dans son journal intime. Elle craint que Michel ne trouve ce carnet. Elle le cache mieux, mais son compagnon déjoue ses modestes ruses. Cette fois, Michel a décidé qu’il ne la laisserait pas partir avec cet amant inconnu. Il se servira des confidences de Marianne dans son journal pour la supprimer…

 

Si, pour le grand public, Sylvie Granotier est avant tout comédienne, les lecteurs de polars connaissent en priorité ses qualités de romancière. Elle a été publiée dans la Série Noire, chez Baleine. Plusieurs de ses subtils suspenses sont parus aux éditions Albin Michel, tels Double Je, Belle à tuer, Tuer n’est pas jouer ou La rigole du Diable en 2011. Dans ce texte court, on retrouve avec un grand plaisir toute sa finesse d’écriture. La narration est tout le contraire de linéaire, entre extraits du journal de Marianne et réflexion personnelle de Michel. Histoire d’un couple actuel improbable, dessinée en peu de phrases mais avec précision. Histoire criminelle aussi, au dénouement quelque peu ironique. Avec des clins d’œil au film Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock. Belle occasion de lire Sylvie Granotier, auteure trop rare pour ceux qui aiment sa maîtrise d’intrigues doucement perverses.

Les treize titres de cette collection : Didier Daeninckx (Les négatifs de la Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), Franck Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 05:25

 

Le jeune Antoine Perchaux découvre Paris, dans les années 1950. Pour quelquun qui a passé sa vie à Auxerre, Paris est une sorte d’enfer gris. Tout va trop vite. Ce provincial essaie de s’y acclimater au plus tôt, marchant dans les rues, évitant d’abord le métro. Antoine n’est pas venu dans la capitale sans raison. Son père s’est suicidé, ruiné par un certain Robert Mondcamp, qu’il désigne dans une lettre d’adieu à son fils. Loustal-GottingAntoine a bien l’intention de venger son père, en poignardant l’escroc en question. Retrouver Mondcamp à Pigalle n’est guère difficile, grâce à son numéro de téléphone. Muni de son adresse, il pourrait tout simplement le surprendre à son domicile. Mais le jeune homme préfère l’observer avant. Dans le quartier, Mondcamp semble connu de tous. C’est à l’académie de billard où sa cible à ses habitudes qu’Antoine s’arrange pour prendre contact. Tout en espérant que ses saignements de nez d’émotif ne trahiront pas son trouble.

Mondcamp sympathise bientôt avec Antoine. Il a besoin de jeunes débrouillards tels que lui pour ses arnaques en tous genres. À tout moment, Antoine craint que Mondcamp découvre sa véritable identité. Le jeune homme trouve sa place dans le monde interlope nocturne de Pigalle. Il devient ami avec Betty, un transsexuel qui se produit dans les boîtes de nuit du quartier. Mais c’est une jeune fille au manteau jaune, Caroline, dont il tombe vite amoureux. Parmi les combines mises au point par Mondcamp, Antoine attire les demoiselles pas trop farouches afin de faire des photos coquines. Une autre s’avère plus fructueuse, quand il s’agit de vendre des faux visons à des dames trop crédules. Ou bien, le coup de la pendule ancienne, qui rapporte pas mal de bénéfice aussi. Antoine prend-il goût à cette vie, à ces escroqueries bien payées ? En tout cas, il se sent maintenant incapable d’assassiner Mondcamp, comme il l’avait projeté…

 

Jean-Claude Götting au scénario et Loustal pour les dessins s’inspirent de l’esprit des polars français de l’après-guerre. Dans cette histoire, ce ne sont certes pas des truands de grande envergure qui sont mis en scène. Pas de braquage violent, mais ces multiples arnaques dont vivait alors toute une faune de petits caïds et de voyous sans scrupules. Le visage du Paris de l’époque est fort éloigné de celui que nous connaissons, ce que le graphisme de Loustal rend de belle manière. Inutile de vanter la qualité de son trait, parfois simplifié, parfois plus précis, toujours dans le ton du scénario. Par nature, celui-ci utilise quelques clichés, nostalgie oblige, mais reste solide et bien construit. Une bédé polar à suspense très réussie.

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 05:19

 

Basées à Saint-Étienne, les Éditions du Caïman présentent un petit catalogue de polars fort intéressant. Après “La guerre a son parfum” de Jean-Louis Nogaro, “Alpes noires” de Philippe Paternolli, et “Gurs 10.39” de Patrick Amand, voici “Les six naïades” de Laurent Corre.

Avril 2000. Vivant à Lyon, le commissaire Marling et le journaliste Brawner sont de vieux complices, lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des affaires obscures. Le policier compte sur l’intuition de son ami qui, il est vrai, ne manque pas d’instinct. CORRE-2012C’est à Lille que le duo est appelé par le commissaire Vernaekel pour exercer son talent. Le crime apparaît simple : Emmanuel Tardy a assassiné Édouard Feldmann avant de se suicider. Ces deux octogénaires ne semblant pas se connaître, il s’agit donc de découvrir le pourquoi de ce crime. Brawner et Marling commencent par visiter l’appartement de la victime. Des photos de jeunesse de Feldman laissent une curieuse impression au journaliste. L’homme avait alors le même regard froid que Klaus Barbie ou Josef Mengele, nazis notoires. Certes, Feldmann venait d’Autriche quand il s’installa dans la région après la guerre, mais il pouvait aussi être Juif.

La police surveille de près l’association SGT, un groupuscule néo-nazi. Adrien Kampf et ses quelques comparses n’ont guère d’influence, mais les fanatiques restent un danger potentiel. Le duo est ne tarde pas à interroger Kampf. Celui-ci joue profil bas, affirmant n’avoir rien à cacher et n’être nullement mêlé à l’affaire. Brawner et Marling se rendent ensuite chez Tardy, l’assassin, qui était peu liant selon le voisinage. Peintre amateur, l’homme signait des tableaux assez primaires, sauf celui intitulé “Six naïades”, chargé d’émotion. Tardy fut autrefois séduisant, dans le genre Aryen, au point que le journaliste se demande s’il ne s’est pas trompé de nazi. Quand il revient seul sur les lieux, Brawner s’aperçoit qu’il existe sous la maison une étrange pièce quasiment indécelable.

Kampf tient à montrer que Feldmann n’était pas de ses amis. Il produit un article soulignant les convictions anti-racistes de Feldmann, éminent membre d’une association d’aide à l’enfance. Le duo d’enquêteur explore le grenier de Tardy, non sans s’interroger encore sur le fameux tableau. Pour obtenir une explication sur certaines cartes perforées, ils vont devoir faire un détour par Montpellier. Un ami expert confirme leurs soupçons. Six cartes, si naïades, probablement pas de hasard. Adrien Kampf aurait dû se souvenir que la passion des armes n’est pas sans risques. Surtout si, muni d’un Walther P38, le tireur est précis. C’est à Wambrechies que Brawner et Marling vont rencontrer le seul qui détienne toute la vérité sur Feldmann, Tardy et les “Six naïades”.

 

On pouvait déjà suivre la même paire de personnages dans “L‘inconnu de Lyon”, publié en 2008 chez Ravet-Anceau, collection Polars en Région. Leurs aventures sont racontées par le journaliste Frédéric Brawner, qui n’est pas aussi sûr que son compère de son intuition et de ses hypothèses. L’auteur ne nous cache pas bien longtemps la toile de fond de l’affaire. Le thème n’est pas innovant, mais joue sur bon nombre d’incertitudes et de questions. Laurent Corre nous offre un exercice de style très réussi autour de la mitraillade visant la maison de Tardy. D’ailleurs, l’ensemble du récit est bien construit, avec une fluidité qui rend très plaisante la lecture. Cette histoire s’inscrit dans la meilleure tradition des romans d’enquêtes, s’appuyant sur de noirs évènements du passé. Un suspense sympathique, qui ne décevra certainement pas ses lecteurs.

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 16:17

 

Le Grand Prix de Littérature Policière 2012, domaine français et domaine étranger, a été attribué officiellement ce mardi 25 septembre aux romans suivants :

 

Prix roman français : "Arab jazz" de Karim Miské, Éditions Viviane Hamy (Chemins nocturnes), 2012.

« À Paris, le 19e est un arrondissement des plus cosmopolite : sushis kasher, GPLP-2012-1restaurant turc, coiffeur juif, libraire arménien… Seul Ahmed Taroudant demeure à l’écart : prisonnier de son histoire, rêveur, lecteur fou de polars… jusqu’à ce qu’il découvre le corps affreusement mutilé de sa voisine et amie, Laura Vignola, attaché au-dessus de son balcon. Il comprend vite qu’il constitue le coupable idéal. L’horreur de la situation l’extirpe de sa léthargie, et il va collaborer avec les lieu tenants de la Crim’ qui mènent l’enquête, la flamboyante Rachel Kupferstein et le Breton Jean Hamelot. Les imaginations s’enflamment. Mais, ensemble, ils détiennent les éléments pour décrypter cette mort. Un meurtre symbolique exécuté par un fou de Dieu loubavitch ou salafiste ? Qu’en est-il du père de Laura, Témoin de Jéhovah, dont l’influence s’étend jusqu’à New York ?

Quel rôle joue le Godzwill, cette si jolie pastille qui traverse les frontières ?»

Le second titre le mieux classé étant : "Je tue les enfants français dans les jardins" de Marie Neuser, L'Ecailler (Noir & polar), 2011


Prix roman étranger :
"Le diable, tout le temps" de Donald Ray Pollock, Albin Michel (Terres d'Amérique), 2012.

GPLP-2012-2« Dès les premières lignes, Donald Ray Pollock nous entraîne dans une odyssée inoubliable, dont on ne sort pas indemne.

De l'Ohio à la Virginie Occidentale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s'entrechoquent. Williard Russell, rescapé de l'enfer du Pacifique, revient au pays hanté par des visions d'horreur. Lorsque sa femme Charlotte tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver, même s'il ne doit rien épargner à son fils Arvin. Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et enlève de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste. Roy, un prédicateur convaincu qu'il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Théodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.

Toute d'ombre et de lumière, la prose somptueuse de Pollock contraste avec les actes terribles de ses personnages à la fois terrifiants et malgré tout attachants. Le diable tout le temps n'est pas sans rappeler l'univers d'écrivains tels que Flannery O'Connor, Jim Thompson ou Cormac Mc Carthy».

Le second titre le mieux classé étant "Au lieu-dit Noir-Étang" de Thomas H. Cook, Éd.Seuil (Seuil/Policiers), 2012

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24 septembre 2012 1 24 /09 /septembre /2012 05:09

 

Chez Actes Noirs, 404 not found d’Hervé Decca nous ramène en 2005. Stephan Arénas est alors policier à Villeneuve-Saint-Maur. Pour résoudre son problème de couple, il cherche à devenir commissaire, mais ce n’est pas gagné. Bien qu’en proche banlieue parisienne, les habitants d’ici se sentent loin de Paris. DECCA-2012En particulier ceux de la cité Presov, grand ensemble de tours et d’immeubles, qui périclite au fil des ans, surtout depuis que la Cimenterie a fermé. Ne restent que le Maximarket et le Lycée Ravel, école où quelques profs motivés côtoient ceux qui ne le sont plus du tout. La scolarité d’élèves comme Lila Mezouani, qui admire sa prof de français en 1ère, Mme Castelli, c’est encourageant. D’autres, telle Hélène Glauce, s’enfoncent dans un refus agressif de tout enseignement.

Et puis, il arrive qu’une élève disparaisse, sans qu’on puisse réellement savoir s’il s’agit d’une simple fugue ou d’une affaire criminelle. C’est le cas de Déborah Brahmi, âgée de quinze ans. Arénas enquête sur cette disparition avec sa collègue Dorothée. Ayant eu une jeunesse agitée, la jeune policière pratique la boxe. Pas inutile dans ces quartiers. Le flic Bonnal est également associé à ces investigations. Au nom de son expérience, il est nettement moins tolérant qu’Arénas et Dorothée. Il y a aussi Karim, policier s’occupant de l’informatique. C’est lui qui va fouiller l’ordi de la disparue, y trouver son blog où elle affiche des photos sensuelles. Entre les rapports scolaires négatifs sur Déborah et le témoignage d’Hélène, qui affirme ne pas être responsable de la disparition de son amie, les enquêteurs finissent par dénicher quelques pistes. Plusieurs jeunes hommes, peut-être suspects.

Des incidents se produisent autour du Lycée Ravel. Des jeunes de la cité de La Grange-aux-Loups affrontent ceux de Presov, sans véritable prétextes. Surveillée par son frère Hicham, mandaté par leur père inquisiteur, Lila aspire au goût de la liberté avec Mamadou. Pourtant, ils sont trop différents pour qu’un clash ne se produisent pas entre eux. Arénas et Dorothée interroge Christopher le Canadien, prof assistant, qui nie toute intimité avec la disparue Déborah. Il y aurait encore un beau gosse nommé Landry Guérin, pas facile à retrouver. Ainsi qu’Ahmed, un jeune aujourd’hui professionnellement inséré, qui donna des cours de maths à Déborah. Les incidents violents causent des victimes, la tension monte dans ces quartiers, risquant de toucher des innocents. Surtout si un flic nerveux tel que Bonnal s’en mêle. Arénas et Dorothée poursuivent l’enquête, vaille que vaille…

 

Voilà un roman noir sociétal, sur un sujet perpétuellement sensible, les quartiers des banlieues et leur univers compliqué. L’année n’est pas choisie au hasard. On se souvient des émeutes de l’automne 2005. Comme le suggèrent dans l’histoire certains pessimistes, la situation n’est pas prête d’évoluer. Malgré ceux qui, sans naïveté ni complaisance, cherchent sur place des solutions concrètes, les bonnes volontés s’essoufflent parfois. Terreau idéal pour toutes sortes de délinquances, l’auteur ne le nie pas. Il nuance avec justesse le propos. On le voit avec la notion de protection, dans un cas précis. Il insiste aussi sur ce décor qui encourage si peu le moral de ses habitants, à de rares exceptions près.

L’ambiance réaliste crée ici une part de trouble ou de malaise, nécessaire pour imaginer le quotidien en question. Très léger reproche, il n’était pas indispensable d’en rajouter avec les soucis familiaux du policier Arénas, le contexte étant déjà chargé. Noir polar qui témoigne sans prétendre donner des réponses, qui constate un fait de société. Un roman actuel, de belle qualité.

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