Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 04:55

C'est chez Le Masque que fut publiée la trilogie de Stephen Booth ayant pour décor la région rurale de Peak District, dans les Midlands, en Grande-Bretagne : "Black Dog" (2001), "Peak Park" (2002), "L'aigle sanglant" (2003). Ils ont été réédités au Livre de Poche. Retour sur le deuxième titre, qui utilise le nom du parc naturel de cet endroit; Un très bon roman, pas seulement pour son aspect policier mais aussi pour son humanité. Le policier Ben Cooper, héros altruiste épris de justice et amoureux de la nature, est un personnage véritablement attachant. Sa collègue Diane Fry, avec ses nombreux défauts, apparaît son complément parfait. Mais ce sont les portraits de tous les protagonistes qui font la qualité de cette excellente histoire. Honnêtes ou véreux, on nous les décrit avec un réalisme sensible. Peak Park étant un lieu qui lui est cher, Stephen Booth en parle avec tendresse et précision. L’intrigue criminelle est délicieusement tortueuse et habilement construite, utilisant la part d’ombre de chacun, jusqu'à un dénouement convaincant.

Stephen Booth : Peak Park (Le Masque, 2002)

C'est au cœur de Peak Park qu'est découvert le cadavre de Jenny Weston, près du site des Neuf Vierges” sur la lande de Ringham. Elle a été poignardée. Le policier Ben Cooper et le sergent Diane Fry font partie des enquêteurs. Ils s’entendent mal : Ben est natif de la région, alors que Diane est une pure citadine. Celle-ci s’occupe aussi de la précédente agression ayant eu lieu à Peak Park. Maggie Crew, avocate, a été défigurée à coups de couteaux. Ses souvenirs, elle les refoule. Diane essaie d’établir des points communs entre les deux victimes, mais ils sont peu nombreux. Le dialogue avec Maggie est difficile.

Ben Cooper et son collègue Todd Weenink cherchent des témoignages. Le ranger Owen Fox les aide à approcher certains voisins, comme le brutal Warren Leach. La ferme de celui-ci périclite, son épouse disparaît. Deux marginaux vivotant dans un fourgon en panne feraient également de bons suspects. Ben n’y croit pas, Calvin et Stride n’étant pas des violents. D’autres sont interrogés : l’ex-mari de Jenny, un employé du marché aux bestiaux, un cambrioleur qui se serait vengé du père de Jenny, un type recherché pour agression par la police de Manchester. Mais ces gens-là n’ont guère de lien direct avec cette double affaire.

Ben apprend que des combats (illégaux) de chiens étaient organisés dans un hangar chez Warren Leach. Ce qui ne sera pas sans conséquences pour le fermier. Des indices entraînent l’arrestation d’Owen Fox, ce qui choque Ben. Même si le ranger est libéré, sa réputation est fichue. Ben découvre bientôt un cadavre putrescent, celui d’une femme. C’est la jeune Ros Daniels, activiste de la défense des animaux. On la recherchait, car elle a vécu durant une période chez Jenny Weston...

Partager cet article
Repost0
12 avril 2013 5 12 /04 /avril /2013 04:55

Durant l'automne 2024, ce grand rouquin fureteur qu'est Dorig Conan séjourne au cœur de la Bretagne intérieure. Un secteur appelé maintenant le Kreizbreizhkistan, ayant connu un fort développement économique ces dernières années. Surtout du côté de la “Tranchée de Glomel”, portion du canal de Nantes à Brest restée célèbre car elle fut creusée par des bagnards. En parallèle, une installation industrielle créée par Fred Turlen a vu le jour. Il s'agit d'un immense poulailler enterré sur des kilomètres. Un ancien maire peu scrupuleux donna les autorisations adéquates. Depuis, cette usine à poules s'affiche vertueuse, avec l'approbation des officiels et de certains écologistes. Pour le refroidissement, on va puiser dans l'ancienne “Tranchée de Glomel” aux eaux stagnantes hyper-polluées. Le confort des pondeuses est assuré. C'est tellement exemplaire, qu'on organise des visites en petit train depuis Brest, ou en liaison avec le nouvel aéroport voisin de Notre-Dame de Guiscriff.

Dorig Conan obtient des infos grâce à un ami habitant la contrée, William Pitch. Quant au médecin des environs, il confirme une mort suspecte autour du poulailler. Il y aura bientôt une autre victime, mais les décès de ces étrangers ne perturbent ni l'activité volaillère, ni la population. Dorig s'interroge sur l'auberge de Saint-Péran, tenue par l'énigmatique lord Gordon Lefébur. On y trouve entre autres une sorte de fumerie d'opium à peine illégale.

Dorig se pose encore plus de question sur la belle Manon, employée au poulailler. La nuit, on la voit parfois frayer avec le biznessman Ziad Khadi. Ce Libanais d'origine a relancé une grande partie de l'économie du Kreizbreizhkistan, avec la bénédiction des autorités. Avec ses questions insidieuses, Dorig a dû être repéré. Car on provoque un accident de mob, qui l'envoie à l'hosto. Puis on charge la séduisante Gaëlle de charmer ce fouineur, afin de le piéger. Les énigmes s'accumulent, mais pas de quoi faire renoncer l'opiniâtre Dorig.

Une surveillance discrète de l'aéroport de Guiscriff confirme que l'activité y est dense, tant en marchandises qu'en passagers. Dorig obtient par le nommé Francis des précisions sur l'élevage ultra-industriel des poules. Il s'immisce dans une délégation de Japonais visitant les installations pour approcher les maîtres de l'économie locale : Frot, patron du groupe qui vend les aliments pour les poules, et le boss du poulailler Fred Turlen. Le discours est bien rôdé, lénifiant à souhaits.

Manquant encore d'éléments, Dorig prend l'avion pour le Pakistan, siège des affaires de Ziad Khadi. Il y traverse des tribulations mouvementées, devant changer son identité et la couleur trop voyante de ses cheveux. Entre autres, il va faire du trekking jusqu'à une mine de pierres précieuses. Néanmoins, c'est en revenant au centre de la Bretagne qu'il peut espérer découvrir la vérité sur les magouilles de certains milieux politico-affairistes...

Jean Kergrist : Trousse cocotte (Éditions des Ragosses, 2013)

Même si l'on n'est pas familier des chemins vicinaux bretons, des panoramas offerts par les Monts d'Arrée, des localités citées ici, ça n'a finalement aucune importance. Le décor n'est là que pour évoquer le devenir de l'agroalimentaire dans cette région. Non sans faire des allusions appuyées à la situation telle qu'elle existe depuis une quinzaine d'années.

Les groupes dirigeant ces filières s'engraissent par tous les moyens, au mépris des exploitants agricoles et du personnel de l'agro-agri. Manœuvres financières douteuses et manipulation des populations vont de pair dans ce secteur économique. Il suffit de suivre l'actualité dans ce domaine, pour adhérer au propos ironique de l'auteur. Bien qu'il détourne leurs noms avec drôlerie, on reconnaît aisément au fil du récit quelques-uns des dirigeants d'hier et d'aujourd'hui. Qui se sont enrichis, avant de lâcher la filière.

Né en 1940, Jean Kergrist est un artiste qui aime à jouer les trublions. C'est dans un style jubilatoire, un peu mordant aussi, qu'il nous raconte les aventures de Dorig Conan. Cet enquêteur est un jumeau de Léo Tanguy, héros d'une série de romans animée par Gérard Alle, qui fut publiée chez Coop Breizh. Un proche cousin de Gabriel Lecouvreur, Le Poulpe, autre célèbre série de polars. Tous appartiennent à la tradition de ces détectives pointant leur nez là où ça sent le plus mauvais, en somme. Avec une belle part d'humour, certes (le syndrome DSK handicapant le brave Dorig). Mais en soulignant de plus sombres réalités sociopolitiques et des dysfonctionnements de l'économie. Ce “Trousse cocotte” est une belle réussite à l'actif de Jean Kergrist.

Partager cet article
Repost0
10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 05:06

À l'automne 1921, la terrible guerre qui s'est achevée trois ans plus tôt reste dans tous les esprits, et dans les corps meurtris des combattants. En ce mois de novembre, c'est le procès de Landru qui intéresse surtout la population. À Lyon, la vie apparaît paisible, sans crime notoire. Ce qui déplaît à l'ambitieux procureur Pierre Rocher, qui rêve de briller dans la politique. Ces anarchistes qui prépareraient des attentats, voilà une affaire susceptible de lui apporter un certain prestige. Il charge Julien Legone, policier des Brigades du Tigre, d'infiltrer ces réseaux. Loin d'être honnête, avec ses trafics pornographiques, l'inspecteur se grime pour fréquenter le jeune anar cinéphile Romain et ses amis. Le professeur Hugo Salacan, criminaliste renommé, accueille quant à lui deux hôtes. Il s'agit d'un confrère scientifique et du policier américain Craig Copper. Cet Irlandais d'origine vient observer les méthodes du commissaire Kolvair. Ce dernier est fort occupé, en ce moment.

Âgé de vingt-et-un ans, Anthelme Frachant a pourtant participé à la guerre de 1914-18. à l'issue de laquelle, il fut incarcéré à la prison Saint-Paul. On vient de le libérer, d'autant que sa conduite semblait exemplaire. Néanmoins, le commissaire Kolvair soupçonne ce jeune homme d'un meurtre, sur le Front. À cause du temps des combats, il n'a jamais pu prouvé que Frachant a tué son ami, le lieutenant Bertail. Puisque son suspect s'installe dans une pension de famille à Oullins, Kolvair fait la même chose afin de le surveiller de près. Entre-temps, le premier contact entre le policier Copper et le commissaire Kolvair est plutôt agité, mais les deux professionnels sympathisent rapidement. L'Américain est prêt à suivre l'affaire Frachant avec son collègue. Peu après, un triple crime est commis à la pension de famille. Le couple de logeurs et un client ont été sauvagement assassinés. Kolvair pense d'emblée que la femme a été décapitée à la baïonnette.

Rien n'a été volé, mais une profusion d'indices désignent Anthelme Frachant. C'est comme si son suspect espérait une sorte d'impunité. Aménagée tel un camp dans les tranchées, sa chambre recèle un lot de baïonnettes. Impossible de lui laisser le bénéfice du doute, alors que l'homme semble en fuite. Curieusement, Frachant se présente à l'infirmerie de la police un peu plus tard. Dès son arrivée dans les locaux, Kolvair réalise que son suspect est en proie à une crise délirante, et réussit à le calmer avec ses menottes. Hugo Salacan ne pourra guère épauler Kolvair cette fois, car son propre fils Charles connaît de graves ennuis de santé. Tandis qu'il prépare son prochain mariage, le légiste homosexuel Badou confirme l'utilisation d'une baïonnette pour le triple meurtre. L'interrogatoire de Frachant indique de sérieux troubles. Un cas que Kolvair entend confier à son amie de cœur, la psychiatre Bianca Serraggio. Tous deux vont devoir s'opposer au procureur Rocher...

Odile Bouhier : La nuit, in extremis (Presses de la Cité, 2013)

C'est la troisième aventure mettant en scène le commissaire Kolvair et le professeur Hugo Salacan. Autour d'eux, on retrouve les protagonistes impliqués dans les deux précédentes affaires. Tels Jacques Durieux, l'assistant de Salacan, ou l'infâme inspecteur Legone. Pas de soucis pour les lecteurs découvrant cette série : l'auteure nous présente chacun dans son contexte, jusqu'à la page quarante. Ainsi que le policier Craig Copper, qui accompagne ensuite les investigations de Kolvair.

Toutefois, ce n'est pas un strict roman d'enquête qui nous est proposé. Loin d'être balisé ou linéaire, le récit offre des incursions dans la vie privée des personnages. Par exemple, le mariage du légiste Damien Badou s'annonce fort houleux. Procédé narratif qui permet aussi, grâce aux souvenirs des anciens combattants Salacan et Kolvair, d'évoquer le conflit mondial encore récent. Les dégâts de l'offensive Nivelle, si mal inspirée, nous rappellent la cruauté de cette guerre. Si elle fut désastreuse en nombre de morts, des séquelles physiques et psychologiques atteignirent durablement beaucoup de soldats. À l'image de la séduisante Bianca, les psychiatres d'alors se doivent d'être opiniâtres. L'article 64 du Code Pénal est très contesté, on le verra ici. Quant à ce diable de Landru, on suit aussi son retentissant procès, en parallèle de l'histoire. Il y est encore question des anarchistes, qui jouaient effectivement un rôle à cette époque. Un roman riche, confirmant l'excellente impression que nous donne cette série.

Partager cet article
Repost0
9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 05:00

Publiée en France depuis 2000, Lisa Gardner a bientôt convaincu un large public grâce à ses très bons suspenses : Jusqu'à ce que la mort nous sépare, La fille cachée, La vengeance aux yeux noirs, Tu ne m'échapperas pas (tous chez l'Archipel)... Disparue, Sauver sa peau, La maison d'à côté, Derniers adieux, Les morsures du passé (tous chez Albin Michel).

Retour sur “Tu ne m'échapperas pas” sorti en 2003, réédité chez J'ai Lu en 2005. Imitant ceux de Mary Jane Clark, le titre français est peu inspiré. Néanmoins, on trouve ici de véritables qualités qu’il convient de souligner. Dès le début, la pression est intense. Le scénario, et le rôle de chacun, sont d’une belle précision. Certains indices sont plus clairs qu’on nous le suggère. Le plus intéressant reste le rappel des cas réels de fusillades en milieu scolaire. Lisa Gardner cherche à comprendre ce dramatique phénomène criminel. Bien documentée, elle esquisse des réponses. Un suspense efficace, qui démontrait déjà les atouts favorables de cette excellente romancière.

Lisa Gardner : Tu ne m'échapperas pas (2003)

Tranquille bourgade de l’Oregon, Bakersville est secouée par un drame. Une fusillade a semé la panique à la cité scolaire. Deux fillettes et une jeune prof d’informatique, Melissa Avalon, ont été abattues. Le tueur est un élève de 13 ans, Danny O’Grady, le fils du shérif. Lorraine “Rainie” Conner s’occupe de l’enquête. Adjointe du shérif, cette jeune femme compétente fut naguère impliquée dans le meurtre mal élucidé de sa propre mère. Elle reste marquée par ces faits datant de quatorze ans.

Danny étant le coupable évident, le policier Sanders entend boucler le dossier rapidement. Rainie éprouve des doutes. Elle sait Danny solitaire, mais pas violent. Quincy, “l’agenquêteur” du FBI qui les a rejoints, est un expert des fusillades dans les écoles. Avec Rainie, ils interrogent les témoins. Le principal et le conseiller d’éducation regrettent de n’avoir pas su prévoir le drame. Danny a sûrement été influencé. Il correspondait sur Internet avec un adulte signant “NoLava”. Mais les mémoires des ordinateurs ont été nettoyées. On parle d’un homme en noir, vu sur les lieux du crime. Rainie et Quincy n’excluent pas cette piste.

Celui qui manipula Danny n’est pas loin. Prudent, il a tout préparé avec soin. Il a même étudié le cas de Rainie, ravivant les douloureux souvenirs de celle-ci. La preuve est bientôt établie que Danny n’a pas tué la prof. Si tous possèdent un alibi, aucun suspect ne doit être écarté. Pas même le père de Melissa, trop intime avec sa fille. Conditionné, Danny a bien tiré sur les gamines. Reste à établir qui a exécuté la prof. Éloignant Quincy, le tueur s’attaque à Rainie...

Partager cet article
Repost0
7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 05:00

Germain Tzaricot n'est pas devenu par hasard phyto-analyste, le premier à exercer cette improbable profession. À la fois botaniste et philosophe, son père l'éleva dans un esprit végétal. “Papa ne pensait jamais comme les autres. Il inventait le monde à chaque fois qu'il ouvrait les yeux.” Par la force des choses, Germain dut se forcer pour s'accepter en tant qu'être humain. Ayant écrit un guide sur la rhétorique des végétaux, il a installé une clinique distillant des conseils imagés aux amateurs passionnés de plantes. Dire qu'on le prend pour un scientifique sérieux serait exagéré, mais il a une clientèle. Son meilleur ami est Jamal. “Il planifiait de petites magouilles à gauche et à droite, bien plus pour s'amuser que pour amasser des biens matériels. Jamal était un dérègleur professionnel, un faiseur de troubles.” C'est parce qu'il est sujet au vertige, que le grand Jamal a choisi de rester dans son fauteuil roulant. Par ailleurs, Germain est amoureux de la belle Rachel Blier. Ex-chanteuse ayant perdu sa voix, elle est maintenant guide dans un musée.

Germain découvre ce jour-là un vrai désastre : toutes ses plantes sont mortes, moisies, pourries. À n'y rien comprendre, car il en prenait grand soin. Quelques temps plus tard, il pense deviner la source de la contamination. Ce ne peut qu'être Pigalle, le crasseux barman de son pub habituel. Si les plantes de la voisine de Germain ont aussi moisi, c'est à cause du satané manque d'hygiène de Pigalle. Avec son ami Jamal, ils organisent un commando afin de laver le barman. Plongeon dans le lac local et eau savonneuse devraient suffire. L'opération se passe bien, mais Germain découvre un cadavre dans le même parc du lac. Détenant un bocal de drogue verte, l'homme a été victime d'une pourriture comparable à celle qui détruit actuellement les plantes. Une analyse de ce produit par Germain atteste de sa dangerosité. Après avoir été agressé, ce qui n'arrange guère son visage déjà ingrat, il découvre que sa clinique et son domicile ont été saccagés. Plus tard, un vieux client du pub de Pigalle et d'autres personnes s'avèrent touchées par la même pourriture.

Son ami scientifique Gloukov confie à Germain une plante préhistorique fossilisée, laquelle présente comme des hiéroglyphes en surface. Peut-être une des clés du mystère actuel. Alors que Rachel et Germain deviennent intimes, les locaux du Dr Riopel sont dévastés à leur tour. Vieil ami du père de Germain, le médecin s'aperçoit que celui-ci est atteint par la moisissure. Il découvrira bientôt pire encore, concernant le cœur de Germain. Rachel disparaît de façon énigmatique. De nouveau agressé, le phyto-analyste ne va pas tarder à avoir des ennuis avec la police. On l'accuse d'être responsable du trafic de cette fameuse drogue verte, que les camés appellent “nucléaire”. Germain est maltraité en prison par deux flics, certainement corrompus. Il est temps qu'il s'évade. Avec l'aide de Jamal et du Dr Riopel, Germain espère trouver une explication à cette étrange affaire...

Bertrand Busson : Le phyto-analyste (Éd.Carnets Nord, 2013)

Ce roman fort original ne s'adresse pas à tous les lecteurs. Ceux qui ne possèdent pas un brin de fantaisie, ceux qui prennent tout au sérieux dans un désespérant premier degré, lisez autre chose. Ceux pour qui plantes et végétaux ne sont que des abstractions, ou de banals bouquets de fleurs, oubliez ce livre. Par contre, si la drôlerie est votre remède préféré face à la sinistrose, si vous possédez un imaginaire souriant, il ne faut pas rater ce grand plaisir de lecture.

Germain est un personnage hors normes, à tous points de vue. Et ses mésaventures sont joyeusement débridées, à l'opposé d'un morne contexte réaliste. Derrière cet humour tous azimut, ponctué de coups enlaidissant notre héros, il s'agit bien d'un polar. Une intrigue avec enquête sinueuse, péripéties multiples et flics véreux. Sans oublier le thème en filigrane, ces contaminations (quelle que soit leur origine) polluant nos vies, ruinant la santé des populations après avoir détruit la nature. Québécois, Bertrand Busson a été récompensé pour ce roman par le Grand prix littéraire Archambault, destiné à souligner le talent des jeunes auteurs. Honneur mérité, pour ce livre complètement inclassable.

Partager cet article
Repost0
6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 04:29

En ce printemps 2013, deux formats poches réédités chez Points méritent l'attention des amateurs de polars. Version très sombre, avec le premier roman de l'excellent Sam Millar. Version plus souriante, grâce à David Carkeet. Deux romans de la meilleure qualité, des suspenses d'aspects très différents, complémentaires sans doute. Bienvenue dans la diversité du polar.

 

Sam Millar : Poussière tu seras

Ancien policier à Belfast, Jack Calvert est aujourd’hui artiste peintre et vaguement détective privé. Depuis le décès accidentel de son épouse, il élève seul leur fils adolescent, Adrian. Hanté par sa responsabilité dans la mort de sa femme, Jack s'alcoolise. Il entretient un début de relation amoureuse avec Sarah, galeriste réputée. Adrian fait l’école buissonnière à Barston’s Forest, quand il découvre un os humain et un corbeau mutilé dont il garde une plume. Petit secret, dont il ne parle pas à son père. Quand il y retourne de nuit, il remarque une poupée prise dans le lac gelé. En voulant la récupérer, Adrian manque de se noyer. Revenu sur la berge, il remarque l’ombre d’une femme rôdant dans cette forêt.

Un clochard cherche un abri dans un immeuble désormais à l’abandon, qui abrita jadis un orphelinat. C’est là qu’il découvre un macchabée décapité, victime de sévices sexuels. L’affaire ne va guère mobiliser la police. Harris et Grazier sont d’authentiques coiffeurs de quartier, à l'ancienne. Harris suit volontiers les faits divers, surtout l’enquête (sans résultat depuis trois ans) sur la disparition de la petite Nancy Mc Tiers. Grazier, est un mystique tourmenté. Il vit avec la dominante Judith, à laquelle il apporte la drogue dont elle a besoin. Il supporte stoïquement son sort.

Quand Adrian surprend son père avec la belle Sarah, il fait une fugue. Très inquiet de la disparition de son fils, Jack contacte son ex-collègue Harry Benson. Les consignes interdisent de lancer si vite une enquête pour fugue. Jack demande au légiste Shaw d’analyser l’os trouvé dans la chambre d’Adrian. Sachant que son fils aime Barton’s Forest, Jack découvre le lieu où il fit ses trouvailles macabres...

Ce sont des êtres de chair et de sang que l’auteur nous présente. Jack est à la fois angoissé et volontaire. Son ami policier Benson, ainsi que le légiste Shaw, sont aussi solidaires que possible. Adrian reste un ado, surmontant mal la mort de sa mère. Sans tergiversation stylistique, une narration vivante, claire et juste. Une intrigue solide baignant dans une noirceur bienvenue.

Sam Millar et David Carkeet en poche chez Points

David Carkeet : La peau de l’autre

Capitale du Vermont, Montpelier est la plus petite capitale d’un état des Etats-Unis. C’est là que, suite à un accident de voiture dû à la neige, débarque Dennis Braintree. Âgé de quarante-deux ans, flirtant avec les cent cinquante kilos, il est employé d’un magazine de modélisme ferroviaire, peu apprécié de son entourage professionnel. Denny s’installe pour la nuit à l’hôtel, où la réceptionniste aveugle Betsy lui trouve finalement une belle chambre. Quand l’exubérante Marge s’y introduit, Denny espère conclure sexuellement. Mais elle disparaît après avoir sauté du balcon, laissant du désordre derrière elle. Tant pis pour la déception, Denny doit prendre son avion du retour dès le lendemain.

À l’aéroport, le policier Nick croit reconnaître son vieil ami Homer en la personne de Denny. Avec son collègue Lance Londo, ils traquent un assassin en fuite. Dennis Braintree est soupçonné du meurtre de Marge. Par sécurité, il vaut mieux se faire passer pour Homer Dumpling, de même corpulence que Denny. Ayant quitté brutalement le Vermont, il a passé trois ans en Floride. Avec le filiforme flic Lance, qui n’aime pas les gros et qui entend choper le suspect Braintree, le courant passe mal. Denny va assimiler plutôt naturellement les éléments de la vie d’Homer. Petite célébrité locale, musicien, bon sportif, Homer a pour compagne la nerveuse Sarah.

Sparky, un ami marginal d’Homer, repère le cadavre de Marge à l’arrière de son pick-up. Les deux policiers retrouvent bientôt les restes du corps de la disparue, abîmée par un ours. Denny doit justifier quelques incohérences face au suspicieux flic Lance, qui ne lâche pas l’enquête. Le faux Homer renoue avec Sarah, qui ne tarde pas à se montrer tyrannique. L’usurpateur bénéficie d’un préjugé favorable de la part de Nick, mais les théories de Lance se font de plus en plus accusatrices...

Pour que le thème de l’usurpation d’identité fonctionne, il ne suffit pas que le héros prenne la place d’un autre, quels que soient les aléas qu’il rencontrera forcément. Denny possède un état d’esprit très personnel, qui le rend capable de jouer ce rôle. Mais l’auteur introduit de multiples embûches. Situations délicates, où son allure mollassonne peut le desservir ou l’inverse. En outre, Homer avait certainement ses secrets. Suspense plein de surprises et humour omniprésent, une brillante comédie policière concoctée par David Carkeet.

Partager cet article
Repost0
2 avril 2013 2 02 /04 /avril /2013 04:47

 

Dans la région d'Atlanta (Géorgie), la rousse Jodie Larkin, trente-deux ans, habite un petit studio avec son chat Nero. Femme de ménage pour la société Kwik Kleen, ce n'est pour elle qu'un job mal payé de plus. Chez un client, elle trouve l'occasion de dérober cinq mille dollars en billet. Elle a peu hésité, mais redoute d'être vite arrêtée. NIKITAS-2013Lors de la soirée de fête chez sa collègue Inez et son ami Hector, Jodie vole une voiture, embarque son chat et l'argent. Hantée par le risque d'être pourchassée, elle prend la direction de Cape Fear, en Caroline du Nord.

C'est là que vit son fils Calvin, quinze ans, qui lui a récemment adressé un message. Trop jeune alors pour l'élever, Jodie a dû l'abandonner. Il a été adopté par le couple Nowack. Cal est un garçon imaginatif et intrépide. Croyant avoir des tendances homo, l'ado contacte des inconnus par Internet. Déception assurée, mais ces rencontres aventureuses dopent son adrénaline. Cal repère bientôt sa mère naturelle, lorsqu'elle rôde dans son quartier. La rencontre mère-fils ne tarde pas.

À Weymouth, Sam Hartwick est adjoint du shérif du comté. Homme mûr et pieux, il est l'époux de Jill. Celle-ci souffre d'un cancer en phase terminale. Ils ont prévu un voyage à l'étranger ensemble, ultime cadeau qu'il pourra lui offrir. Leur fille Erika suit des études littéraires à l'université locale. Quand cette nuit-là, Sam intercepte le véhicule du jeune Dwight Kopeck, il ne devrait pas le laisser filer.

Dwight et son ami étudiant Wynn sont à la recherche de Cecilia Kopeck, qui a fui sa famille pour s'installer avec des marginaux. Son frère et Wynn la retrouve dans un camp de mobile-homes. N'ayant pas l'intention de les suivre, la jeune fille déphasée armée tire sur Dwight et le blesse. Dans un état second, Wynn abat la sœur et achève le frère, simulant maladroitement un échange de coups de feu entre eux. Le shérif adjoint Hartwick arrive le premier sur les lieux, après que Wynn ait déguerpi. Sam est conscient qu'il a une grosse part de responsabilité dans le carnage. Il affiche une froide réaction professionnelle face à ses collègues.

Cal et Jodie ayant des envies de départ, ils prennent ensemble en voiture la direction de New York. Un mot destiné aux parents adoptifs de Cal suffira. Laissant finalement le chat Nero, car l'ado fait de l'allergie. La mère et son fils n'ont aucune véritable raison de se rendre à New York, sinon d'essayer de se connaître mieux durant le long trajet. Passant par la Pennsylvanie enneigée, Cal contacte sur vieux copain Burt, lui donnant rendez-vous à Pittsburgh.

À Weymouth, Sam Hartwick s'arrange pour identifier le jeune homme qui se trouvait avec Dwight. S'il n'a pas l'air de mener son enquête perso, sa femme Jill se doute que quelque chose le perturbe. À l'université, Wynn Johnston lie connaissance avec Erika, dont il sait qu'elle est la fille de Sam. La littéraire et le matheux s'entendent bien. Le périple chaotique de Cal et Jodie continue, évitant la police, alors qu'on va considérer leur escapade comme un kidnapping. Quant à Wynn, il est de plus en plus mal dans sa tête...

 

Voilà typiquement le genre de romans qu'un résumé ne peut retracer qu'imparfaitement. Il s'agit des destins croisés de plusieurs personnages, que l'on suit en alternance. Avec cette construction d'histoire, on court parfois le risque de s'y perdre quelque peu. Ce n'est nullement le cas, cette fois. L'auteur est habile à nous présenter les protagonistes, d'une manière vivante, avec leur psychologie et leur quotidien, autant que leur mal-être. Car la vie de chacune des personnes impliquées est loin d'être droite et paisible.

S'il existe une véritable tension autour de ces gens, on ne cherche pas à la rendre plus lourde que nécessaire pendant l'essentiel du récit. Oui, il y a le meurtre du frère et de la sœur Kopeck, déclencheur d'une partie non négligeable de l'intrigue. Certes, on peut s'attendre à d'autres actes de violence. En effet, Sam culpabilise à plusieurs niveaux. Pourtant, ce qui trouble le plus, c'est que chacun conserve une sorte d'aura de secret. Ce voyage emprunte aussi au genre road movie” (ou road story”), avec ses péripéties. Un suspense à l'ambiance réellement singulière, servie par une narration très étudiée. Belle réussite que ce polar intense.

Partager cet article
Repost0
1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 07:05

 

Denise Mina vient de publier "La fin de la saison des guêpes", chez Le Masque, et "Le silence de minuit" a été réédité en janvier 2013 au Livre de Poche. Elle a connu un certain succès avec des suspenses (disponibles chez J'ai Lu) comme "Exil", "Sanctum", "Résolution", "La mauvaise heure", "Le dernier souffle", ou "Le champ du sang". Retour sur le premier de ses romans traduits en français - sauf erreur : "Garnethill".MINA-2003

Maureen habite le quartier de Garnethill, à Glasgow (Ecosse). Une nuit, elle rentre ivre après une soirée avec son amie féministe, Leslie. Au matin, elle trouve son amant cruellement assassiné dans son salon. Psy, marié, Douglas est le fils d’une influente député européenne. Le premier choc passé, Maureen appelle la police. L’inspecteur McEwan a des raisons de la soupçonner. Victime d’un viol incestueux, la jeune femme fut soignée au Northern Hospital, où exerça Douglas. Mais son psy traitant était Angus Farrell, de la Rainbow Clinic. Surtout, la famille de Maureen n’est guère glorieuse. Sa mère est une alcoolique extravertie. Son frère Liam, seul à la soutenir et à croire au viol, est un dealer. Elle trouve refuge chez leur ami étudiant, Benny. Alors que des paparazzi la traquent, elle rencontre la mère de Douglas, qui se montre méprisante et accusatrice.

Liam, entendu par la police, doit cacher son stock avant une ravageuse perquisition. Les policiers ont eu accès aux détails du passé médical de Maureen. Ils lui apprennent que Douglas lui a laissé une forte somme. Par d’ex-pensionnaires, elle découvre qu’un scandale fut étouffé au Northern Hospital : le viol de patientes fragiles. Certaines se sont suicidées. La pauvre Siobhain n'est pas en mesure de témoigner. Maureen obtient la liste de ces femmes par un infirmer, qui va être assassiné peut après. Le policier McEwan est furieux des initiatives de Maureen, mais son collègue McAskill l’aide discrètement. Benny est suspect, depuis qu’il est allé clandestinement chez Maureen déposer l’arme du crime. Shan, un infirmier, révèle à la jeune femme que Douglas venait de prendre conscience de la gravité de l’affaire du Northern. Il contactait les victimes, pour réparer financièrement le préjudice. Siobhain sert d’appât pour attirer le violeur et assassin...

 

Bien que victime, le personnage de Maureen n’est pas immédiatement sympathique. C’est en cernant peu à peu ses particularités qu’elle devient attachante. C’est dire que le portrait est vraiment réussi. Malgré ses traumatismes, on a confiance dans la débrouillardise futée de la jeune femme pour mener à bien cette affaire. En outre, un auteur qui parle de "mélancolie celtique" pour qualifier l’alcoolisme ne peut qu’être inspiré. Voilà un suspense psychologique de grande qualité.

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/