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7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 05:55

C'est à la mi-mai 2006, à New York, que la vie de Tomislav Bokšić va prendre un nouveau virage. Très jeune, il participa à la guerre en ex-Yougoslavie après l'explosion du pays, pour défendre sa nation croate. Quelques épisodes de cette époque l'ont marqué à vie. Il s'installe ensuite aux Etats-Unis, devenant serveur dans un restaurant croate. Ce n'est pas son activité principale. Sous le sobriquet de Toxic, il est tueur à gages pour la mafia de ses compatriotes. Seulement âgé de trente-cinq ans, soixante-six contrats réussis à son palmarès, un vrai record. Ne pas manquer d'argent et avoir pour amante la sexuelle métis Munita, tout va bien. Sauf que sa dernière victime, la 66e, est un flic du FBI. Il est prudent de quitter d'urgence le pays, direction Zagreb. Sentant un danger à l'aéroport JFK, Toxic doit supprimer une 67e personne, afin de passer davantage inaperçu.

Il endosse l'identité de sa dernière victime, le révérend David Friendly. Ce télé-évangéliste se rendait à Reykjavik, en Islande. S'exiler là-bas ou ailleurs, l'essentiel est de fuir. À la douane d'arrivée, Toxic s'emmêle un peu dans ses identités, mais ça passe. Un couple au nom imprononçable, ayant invité Friendly, l'accueille chez eux. Il va falloir qu'il assure son rôle, dans ce pays trop calme comparé à la frénésie new-yorkaise. Il devra intervenir sur la chaîne de télévision religieuse du couple d'hôtes, aux programmes aussi peu excitants que la télé de Corée du Nord. Selon son CV, Friendly est un prêtre plutôt réac. Du même genre qu'un ami du couple, un religieux que Toxic appelle pour simplifier Torture. Avec la blonde fille de ses hôtes, Gun-Île-Dure, serveuse de son métier, critique envers son père, il se sent plus à l'aise. Ivre lors de sa prestation télé, il convainc néanmoins l'auditoire.

Impossible pour Toxic d'acheter une arme. “C'est quoi, leur problème à ces Islandais ? Pas d'armée. Pas de flingue. Rien. Juste des femmes superbes qui conduisent de luxueuses Jeeps (…) Puisque je ne peux pas me procurer de pistolet, je me contente d'un couteau suisse, similaire à celui que je possédais.” La soirée Concours de l'Eurovision réveille chez lui des fantasmes, car il se souvient bien de la mûre candidate Croate. Recherché peu après par la police locale, Toxic se fait passer pour un peintre en bâtiment Polonais, tout en squattant pour quelques jours la propriété de riches Islandais absents.

Finalement, c'est chez Gun-Île-Dure, la blonde aux cheveux de beurre, qu'il trouve le meilleur refuge. Il en profite pour lui expliquer la différence entre son métier de tueur à gage et un serial killer. Quand passent les flics, Toxic les évite par miracle. Il réussit enfin à joindre le gardien de son immeuble, à New York. Qui lui annonce une fort mauvaise nouvelle concernant la belle Munita. Ça donne envie à Toxic de se supprimer, en sautant d'un pont sous un camion, mais il rate lamentablement son suicide. Son couple d'hôte et leur ami Torture, aux thérapies violentes, pourraient le remettre dans le droit chemin. À moins que les mafieux croato-new-yorkais Niko et Radovan ne s'en mêlent aussi…

Hallgrimur Helgason : Le grand ménage du tueur à gages (Presses de la Cité, 2014)

Raconter une énième histoire de tueur à gages mafieux, fut-il originaire de Croatie, et ses inévitables déboires n'aurait que peu d'intérêt. Plutôt qu'une traque froide et sanglante, c'est sous la forme d'une comédie policière que l'auteur nous narre le périple islandais de son héros. Sans doute parce qu'il a déjà été transplanté, de son pays à New York, Toxic a-t-il une capacité d'adaptation qui peut l'aider. Il apporte un peu d'animation dans un État froid, aux nuits claires, trop paisible sur la criminalité. Il n'y a que dans les livres qu'on assassine : “On a aussi beaucoup de meurtres dans les livres. Ces dernières années, on a eu pas mal de bons auteurs ici, en Islande, comme Arnaldur Indridason, par exemple. Ou encore Aevar Orn Jósepsson, Viktor Arnar Ingólfsson, Yrsa Sigurdardóttir et Arni Thorarinsson.” Prénoms et noms étant ce qu'il y a de plus effrayant en Islande, le tueur ne tarde pas à les transformer. C'est bien plus commode pour nous aussi, en effet.

Une aventure pleine d'humour et riche de rebondissements, avec la tonalité décalée qui convient. Toxic nous cite (avec son accent des Balkans) quelques exemples des exécutions de ses victimes numérotées. Il reste bien davantage troublé par son passé guerrier, dans cette pétaudière d'ex-Yougoslavie. Bon entraînement pour devenir un tueur, mais pas seulement. Passages d'une sombre nostalgie, en contrepoint du reste du récit, nettement plus drôle et parfois grinçant. Un suspense qui ne manque pas d'originalité.

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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 05:55

Serge Dahan est un Toulousain âgé de soixante-deux ans. Retraité des assurances, il peint en amateur. Son épouse Sylvia est décédée il y a quelques temps. Leur fille Marie, trente-sept ans, est policière municipale. Divorcée, elle est la mère de Marius, dix-sept ans, qui a l'habitude de faucher un peu de fric à son grand-père pour le perdre au poker. Serge vit dans le quartier Reynerie, un ensemble de hauts immeubles pas franchement accueillant. Il pourrait habiter ailleurs, mais Serge y a ses habitudes. Il s'entend bien avec sa voisine quadragénaire, la gouailleuse prostituée Nadine. Il n'en profite pas sexuellement.

Un soir, Emma Silvano, la docteur du quartier, est assassinée par un trio de voyous qui cherchaient de la drogue. Serge a toujours apprécié cette femme-médecin compréhensive, en particulier dans le cas de Sylvia. Ayant assisté à la scène, il sait que c'est Dany et sa bande qui l'ont tuée. Mais à Reynerie, il est prudent de n'avoir rien vu, de se taire. Ce que fait Serge quand la police l'interroge, prétextant qu'il était en train de peindre. Même pour Nadine, il garde la même version. Sans doute lui faudra-t-il trouver un remède contre l'impunité de Dany, le moment venu. Mais une autre question le taraude.

Sylvia avait l'habitude de se rendre au Musée des Abattoirs. Elle restait comme fascinée devant une toile de Roland Topor, “La jeune fille en pleurs”, datant de 1982. Un gardien confirme qu'elle venait une fois par semaine, ce qui est un peu trop souvent. Le visage de la fille du tableau rappelle quelqu'un à Serge. Ou plutôt non, car il n'a pas connu la jeune sœur de son épouse, Lily. Il l'a juste vue sur des photos, car elle est décédée à cause d'un accident de voiture, bien avant leur mariage. Topor n'ayant jamais vraiment séjourné à Toulouse, encore moins à Saint-Martin-du-Touch, il n'a pu la connaître mais elle ressemble à Lily. Son beau-père Antoine Marino, Serge et sa femme ne l'ont jamais fréquenté…

Marc Villard : La fille des Abattoirs (Tisséo, 2014)

Il s'agit d'une nouvelle d'environ trente pages, due à cet expert en textes courts qu'est Marc Villard. Dans la même collection sous l'égide de Patrick Raynal, on trouve aussi “Les joies de la famille” de Pascal Dessaint et “Drôle de tram” de Jean-Bernard Pouy. Pour se procurer ces titres, il est toutefois préférable d'habiter dans l'agglomération toulousaine. Car ces fascicules Tisséo-Polar sont produits et diffusés par la société des transports urbains (métro, bus, tram) de Toulouse, finançant des projets artistiques sur son réseau et via ces petits livres. Le polar étant un genre littéraire populaire, une initiative de bon aloi visant à toucher le public au quotidien.

Ceux qui liront “La fille des Abattoirs” pourront vérifier que Marc Villard ne se contente pas d'un texte passe-partout, loin s'en faut. On sait le soin qu'il apporte à chaque nouvelle. Le contexte est géographiquement situé dans la région toulousaine, sans masquer que certains quartiers sont “sensibles”. L'intrigue exploite non pas une idée, mais deux, tenant autant à cœur au modeste héros de cette histoire. La brièveté relative du texte n'empêche pas de parfaitement dessiner des personnages crédibles. Un court suspense qui se lit avec grand plaisir. Accessible à tous, du moins si vous avez des amis à Toulouse ou si vous vivez dans la région.

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 05:55

Âgé de quarante ans, Eugene Dahl est livreur de lait à Los Angeles en 1952. Pendant onze ans, il a été auteur de bandes-dessinées sur la côte Est des États-Unis. Trois ans plus tôt, en manque de reconnaissance, il a abandonné ce métier pour s'installer à l'Ouest. Tout en exerçant le métier de laitier, il compte lancer sa carrière d'écrivain. Même s'il ne dépasse guère la première ligne du chapitre Un. Son éditeur de bédés était James Manning. Plus connu dans la mafia sous le nom de La Machine. Cette activité lui permettait de blanchir l'argent sale. James Manning vient d'envoyer en Californie son comptable depuis dix ans, Terry Stuart, pour une mission. En réalité, il s'agit de faire éliminer Stuart par Louis Lynch, tueur-à-gages de La Machine. Ce dernier est présent en compagnie de la rousse Evelyn, la fille (et employée) de Manning. C'est Eugene Dahl qui devra passer pour le coupable.

C'est dans la famille désunie de Sandford Duncan, onze ans, que tout a commencé. Sandy se sentait le soufre-douleur du second mari de sa mère Candice. Celle-ci étant entraîneuse au Sugar Club, avec son amie Vivian, s'occupait peu du petit. Sandy a conçu un pistolet de façon artisanale, avec lequel il tue son beau-père. Il ne peut pas nier longtemps le crime, la police trouvant rapidement diverses preuves accablantes. Tandis que Sandy est envoyé dans un centre de détention pour mineurs, Vivian possède un moyen de pression sur le procureur du comté, Seymour Markley. Elle a des photos compromettantes, prises par son mari, Leland Jones. Ayant de l'ambition politique, le procureur ne peut se permettre un scandale. Pour étouffer tant soit peu l'affaire Sandy, il va médiatiser la mauvaise influence des bandes-dessinées. En effet, le gamin a imité le héros d'une bédé d'Eugène Dahl.

Veuf depuis peu, après la longue maladie de sa femme, Carl Bachman est un policier très expérimenté. Certes, il a besoin parfois d'un peu d'héroïne pour tenir le coup. Le crime de Sandy, il l'a évidemment vite résolu. Avec un brin de tristesse, car il n'est pas insensible au charme de Candice. Mais ni la mère de Sandy, ni lui n'expriment leurs sentiments. La campagne anti-bédés du procureur, pas son problème. Par contre, il retient qu'existe un lien avec le mafieux James Manning… La rousse Evelyn n'a eu aucun mal à séduire Eugene Dahl, jusqu'à bientôt devenir intimes. Pendant ce temps, Louis Lynch est passé à l'action, butant un flic puis le comptable Terry Stuart. Eugene a immédiatement compris le piège dans lequel il s'est fourré. Il masque les indices, et prend la fuite. Il va croiser le policier Carl Bachman, qui ne réagit pas avec assez de promptitude pour le coincer.

Pour la police et pour le procureur Seymour Markley, qui a entre-temps récupéré un lot de photos compromettantes visant des gens connus, le suspect est fatalement Eugene Dahl. Le lien avec Evelyn Manning et son père, La Machine, a été établi facilement. S'adressant à son collègue et ami Darryl Castor, un musicien surnommé Fingers, Eugene s'est procuré une arme. En cavale, il est conscient de ne pouvoir faire confiance à Evelyn. Carl Bachman progresse dans son enquête, sans se précipiter car la culpabilité du laitier le laisse un peu sceptique. Eugene élabore un plan digne des aventures de ses anciens héros de bédés…

Ryan David Jahn : Le dernier lendemain (Actes Noirs, 2014)

Dans certains vieux airs de jazz, l'orchestre jouait en harmonie, laissant place selon la partition à des solos de chaque instrument, se répondant musicalement, et c'est ainsi que l'ensemble offrait des morceaux magnifiques. Voilà ce que l'on peut ressentir à la lecture de cette histoire présentant un chassé-croisé de situations parallèles, dirigées par le maestro Ryan David Jahn, excellent chef d'orchestre. L'intrigue utilise la mythologie des romans noirs, c'est vrai : un flic mal sans sa peau, un faux-coupable piégé en fuite, un caïd mafieux sans pitié, son tueur attitré, sa fille jouant la femme fatale, une entraîneuse exerçant un chantage, un procureur arriviste, etc. On voit ces protagonistes se succéder dans le chapitre quatorze, sorte de bilan du début de l'affaire. Le meurtre initial commis par le petit Sandy importera moins que la suite, fort animée, des évènements.

Pour autant, l'auteur n'oublie pas le contexte sociologique de l'Amérique d'après-guerre. Aspect social, la mère de Sandy vivotant de son “métier” de taxi-girl, sans homme fiable pour lui offrir une vie décente. Époque florissante du Maccarthysme, et des répressions en tous genres, ainsi résumée ici : “Les temps sont bizarres. On vit sous la menace de l'arme atomique. Les hommes politiques crient aux communistes à tort et à travers. Malgré la désagrégation de la Ligue majeure de base-ball, Bâton-Rouge ainsi que d'autres villes du Sud persistent à interdire leurs terrains aux joueurs noirs (…) On observe des soucoupes volantes aux quatre coins du pays et l'Armée nie toute responsabilité. Le monde est plus effrayant que jamais, et ça ne s'arrange pas. Et quand les gens ont peur tout est possible.”

Le cas du musicien Fingers est éloquent sur les rapports raciaux de ce temps-là. Entre le Code Hays et la Chasse aux sorcières, Hollywood épurait à tous les niveaux. Dans ces conditions, même si elle est inventée dans ce scénario, une campagne contre la mauvaise influence des bandes-dessinées apparaît parfaitement plausible. Les États-Unis des années 1950 n'avaient pas que du positif, loin s'en faut. Ce cadre permet à l'auteur de développer de manière plutôt fascinante un solide sujet criminel, où jamais on ne se perd dans les méandres de la narration. Troisième titre traduit en français de Ryan David Jahn, qui vient confirmer avec brio le talent évident de ce romancier.

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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 05:55

Évoquer l'argot s'associe, dans l'esprit de beaucoup, à un langage vieillot et vulgaire. C'est davantage un vocabulaire qu'une langue, utilisé dans le monde du banditisme ou dans les milieux populaires. Parler l'argot, en connaître fut-ce quelques mots, ça reste très mal vu au sein de la bourgeoisie éduquée. Pourtant, quand le cadre d'entreprise dit qu'il va “être charrette” (en retard) à cause d'un bug, quand un boxeur “va aux pâquerettes” (au tapis), quand le cuisinier travaille sur son “piano” (fourneau), quand la couturière se sert d'un “hérisson” (pelote d'épingles), ou quand un lascar des cités “kiffe une zouz” (une femme), on s'aperçoit vite que l'argot a évolué et qu'il reste présent dans notre quotidien.

Le mot argot lui-même apparaît en 1628, mais ce serait oublier que François Villon utilisa bien avant des formules inexistantes dans le français de son temps. À l'époque du bandit Cartouche, début des années 1700, on utilise des termes tels “la fouillouse” (la poche), “défrusquiner” (déshabiller), “un ratichon” (un prêtre), “la tournante” (la clé), “le daron” (père ou patron), “la toccante” (la montre), “entraver” (comprendre), “le palpitant” (le cœur), “la tronche” (la tête). Autant de mots dont chacun peut se servir de nos jours, en toute facilité. Au siècle suivant, viendront des termes comme “greffier” (chat), “reluquer” (observer), “turne” (maison), toujours d'usage courant. Le célèbre Vidocq va contribuer lui aussi à enrichir ce langage imagé qu'est l'argot. “Être de mèche” (complice) ou “pioncer” (dormir) faisaient partie de son vocabulaire.

Tout au long du 19e siècle, les écrivains (Balzac, Zola, Sue, Hugo et bien d'autres) vont se servir de l'argot en tant que parler populaire, ou quand des malandrins apparaissent dans leur œuvre. Devenu littéraire, l'argot trouve ses lettres de noblesse, même si c'est pour longtemps un langage décrié des bien-pensants. Au 20e siècle, après avoir hanté les chansons populaires (comme celles de Fréhel), ce sont Auguste Le Breton, Albert Simonin, Alphonse Boudard qui vont user et abuser de l'argot du milieu des truands. Fernand Brignol, Francis Carco, René Fallet, Alexandre Breffort, Antoine Blondin, ne se prive pas de jouer avec ce langage. Il faut évidemment citer Céline, avec “Bagatelles pour un massacre” et “Guignol'Band”, qui associe l'invective féroce au parler des bas-fonds. Et puis Maurice Mac-Nab, Jehan-Rictus, Émile Chautard, qui furent des ambassadeurs de l'argot.

Les amateurs de langue verte, autre qualificatif de l'argot, retiennent deux noms majeurs dans la seconde moitié du 20e siècle : Frédéric Dard (San-Antonio) et Michel Audiard. Si le premier écrit des histoires policières, c'est en priorité le langage fleuri qui alimente ses récits. Quitte à forcer sur les logorrhées verbales, puisque le but est de faire sourire. Avec lui, “une gibecière à carénage italien” n'est autre qu'un soutien-gorge, “claper d'un store” c'est cligner de l'œil, “une jouvenpucelle” étant bien sûr une jeune fille vierge. Des milliers d'autres trouvailles émaillent ses romans. Quant à Audiard, faut-il rappeler les dialogues de films qu'il peaufina ? “Ça court les rues, les grands cons – Oui, mais celui-là, c'est un gabarit exceptionnel. Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre-étalon. Y serait à Sèvres” (Le cave se rebiffe). Sans oublier ici “Lulu la Nantaise”, bien entendu.

Catherine Guennec : L'Argot pour les Nuls (Éditions First, 2014)

Être swag, avoir le seum, un boloss, s'enjailler, wesh, blaze, et tous les mots en verlan de caillera à chelou, ont été adoptés par le FCC (Français Contemporain des Cités). Du bled ou d'Afrique noire, de l'américain ou du français classique, des mots triturés sont inventés par les nouvelles générations. Qui, curieusement, retrouvent le bon vieux “daron” d'antan. Plus classiques sont les mots-valise (la “prostipute” de San-Antonio vaut la “foultitude” de Victor Hugo, non?). Dans toutes les classes de la société, les jargons professionnels sont d'un bel apport pour l'argot également. “Sucer la roue” en cyclisme ou “tirer la couvrante” pour s'approprier un succès, le langage quotidien est souvent mêlé d'argot. Les chansons de variétés, et pas seulement celles de Pierre Perret, ne manquent pas d'exemples de ces expressions (quelquefois pleines de gauloiserie) s'inspirant du parler populaire.

Si une langue académique nous permet de nous exprimer clairement, un langage plus imagé ou plus vif permet aussi de se faire comprendre, parfois plus aisément. Répliques de cinéma, dialogues de théâtre, phrases de politiciens, argot oublié (tel “piquer un soleil” qui signifiait rougir) ou actuel (“belek” pour dire “fais gaffe”, “zonzon” désignant soit des écoutes téléphoniques, soit la prison), c'est une approche aussi complète que possible qui nous est présentée dans “L'Argot pour les Nuls”. Un langage qui a évolué, et progresse de nos jours encore, voilà ce que nous montre cet excellent ouvrage.

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 05:55

Au milieu des années 1930, dans le Kent, sur la côte Est de l'Angleterre, à moins de cent miles de Londres. Le corps d'une baigneuse est découvert dans la Crique de Beachy Head, du côté de Westover. Comme il est tôt le matin, on pense à une noyade accidentelle, pas à un suicide. Un jeune homme appelé Robert Tisdall, de son vrai nom Stannaway, déclare que cette femme se nomme Chris Robinson, qu'il logeait chez elle depuis peu. La victime était en vacances dans la région. On s'aperçoit bientôt qu'il s'agit d'une actrice célèbre, Christine Clay. Sa mort de médiatisée dans le monde entier. À Londres, le journaliste d'investigation Jammy Hopkins compte en savoir plus que ses confrères sur l'affaire.

Inspecteur de Scotland Yard, Alan Grant est chargé de l'enquête, même si le meurtre reste encore incertain. Sans le brusquer, il interroge Robert Tisdall. Ce jeune homme candide a hérité d'une belle fortune qu'il a dilapidée, se retrouvant sans un sou. Généreusement, Christine Clay l'hébergeait depuis quelques jours. Elle-même avait besoin de s'isoler après son dernier tournage, à l'ambiance imparfaite. L'inspecteur Grant et Tisdall croisent à Westover Erica Burgoyne, la fille du chef de la police du secteur. On trouve un emploi de serveur pour Tisdall. Un bouton de manteau repéré sur le lieu du crime pourrait accuser le jeune homme. On sait aussi de Jason Harmer, compositeur de musiques de films, peut-être amant de la victime, est présent dans les environs. Il n'a pas d'alibi sérieux.

L'inspecteur Grant fait la connaissance de lord Edward Champneis (ça se prononce Chins), le mari de Christine Clay. Voyageur aisé s'intéressant modérément à son épouse, l'homme reste assez sympathique pour Grant. Après avoir croisé Erica Burgoyne, de passage à Londres, le policier a rendez-vous avec Champneis et son avocat. Deux surprises dans le testament de la défunte. Elle laisse “Un shilling pour des bougies” (titre original) à son frère Herbert. Et un codicille offre une part de son héritage à Robert Stannaway, dit Robert Tisdall. C'est un mobile, aussi Grant se rend-il à Westover avec un mandat d'arrêt, afin d'interpeller Tisdall à l'hôtel La Marine. Mais le jeune homme utilise la ruse pour fuir.

La comédienne de théâtre Judy Sellers s'accuse du crime, mais le policier Grant n'y croit nullement. En cavale, Tisdall s'est caché dans la voiture d'Erica, ce dont elle s'était bien aperçue. Prête à nourrir le fugitif, la jeune fille suit aussi la piste du marginal Harrogate Harry, sur les traces du manteau volé de Tisdall. Il est fort possible que lord Champneis ait menti sur la date de son retour en Grande-Bretagne. Avec son adjoint le sergent Williams, Grant ne renonce ni à retrouver Tisdall, ni à comprendre les circonstances du crime...

Josephine Tey : Jeune et innocent (Éd.10-18, 2014)

Le film d'Alfred Hitchcock “Jeune et innocent” (1937) sur un scénario de Charles Bennett et Alma Reville s'en inspire, mais diffère sensiblement de “A shilling for candles” de Josephine Tey. La célèbre actrice Christine Clay est bien trouvée morte sur une plage, mais la strangulation par une ceinture prouve le crime. Le suspect Robert Tisdall (Derrick de Marney) est arrêté très vite et interrogé par la police. Il s'évade juste avant l'audience au tribunal, chaussant les lunettes de son avocat myope pour passer inaperçu. Dynamique fille de colonel, Erica Burgoyne (Nova Pilbeam) possède sa propre voiture. Robert Tisdall s'y est caché, tandis qu'elle quittait la ville. Il lui demande de le déposer auprès d'un vieux moulin abandonné, où il va se cacher. Erica y revient bientôt pour lui donner à manger. C'est ensemble qu'ils poursuivent l'aventure jusqu'à l'arrestation du vrai coupable.

Hitchcock fait une apparition assez longue, jouant un photographe à la sortie du tribunal. Parmi les scènes comiques, deux constables sont obligés pour rentrer au poste de police de monter dans une carriole pleine de cochons. Mémorable scène de bagarre dans un pub, ou encore celle avec l'avocat bigleux. Le dénouement, dans un bal, est calibré à souhaits par le cinéaste. Par contre, Alan Grant, le héros de Josephine Tey, ne figure absolument pas parmi les enquêteurs.

Josephine Tey : Jeune et innocent (Éd.10-18, 2014)

Publié en 1936, “A shilling for candles” est la deuxième des six aventures de l'inspecteur Grant. Roman d'énigmes, certes. Pas de ceux qui étalent une brochette de personnages d'allures fourbes ou faussement aimables, tous plus soupçonnables les uns que les autres, non. Au centre de l'affaire, un suspect très probable, qui à l'air d'un naïf malgré une vie déjà chargée, assez malin pour disparaître à temps. Autour, une foultitude de gens qui ont plus ou moins connu la victime. Grâce à eux, Josephine Tey décrit l'Angleterre de son époque, aussi bien rurale et côtière que citadine. On navigue entre le petit peuple, ce qui inclut des policiers débonnaires, et la bonne société londonienne, sans oublier le monde artistique. Ça donne de délicieux portraits tel celui, fort ironique, d'un hôtelier du Kent qui va se montrer obséquieux avec les policiers de Scotland Yard : “Toselli exécrait la police. Toute sa vie, il avait détesté quelque chose ou quelqu'un...” Sinueux, riche en détails et en péripéties, un roman d'enquête d'excellente qualité.

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29 novembre 2014 6 29 /11 /novembre /2014 05:55

Mark Bradley et son épouse Hillary ont choisi de vivre dans le Door County, sur Washington Island, une île sur le bord du Lac Michigan. Âgé de trente-cinq ans, Mark est un ancien golfeur pro, reconverti prof d'Anglais depuis cinq années. Hillary est prof de math, de trois ans l'aînée de son mari. Citadins de Chicago, ils se plaisent beaucoup ici, dans le Wisconsin. Un an plus tôt, Mark a été suspecté d'être intime avec une jeune fille, Tresa Fischer. Le shérif Felix Reich n'a rien pu prouver, car l'intéressée a défendu Mark. Néanmoins, il a perdu son poste de prof, et se sent tel un paria. Hillary n'a jamais douté de la bonne foi de son époux. Veuve et peu argentée, Delia Fischer, la mère de Tresa reste très hostile au couple Bradley.

Mark et Hillary séjournent pour quelques vacances à Naples, en Floride. Dans leur hôtel, il y a des personnes du Wisconsin, venues pour un concours de danse. Dont Amy Leigh, qui fut l'élève et l'amie d'Hillary. Mais aussi Tresa, sa sœur de seize ans Glory, et Troy, le petit ami de cette dernière. Un matin, on retrouve sur la plage le cadavre peu vêtu de Glory. S'il est vrai que Mark l'a croisée dans la nuit, il affirme à Hillary qu'il n'est pas l'assassin. Elle le croit, et le protégera une fois de plus. Cab Bolton est un policier trentenaire qui peut passer pour dilettante. Son train de vie est aisé, grâce à sa mère, star de Hollywood. Il ne tient pas à s'attacher à sa collègue Lala Mosqueda, d'origine cubaine. Son principal suspect dans la mort de Glory est bientôt Mark, peut-être trop soutenu par Hillary.

Cab Bolton ne veut rien précipiter. Une jeune femme morte sur une plage, ça lui rappelle le cas de son amie Vivian, alors qu'il enquêtait en Espagne. Il va poursuivre son enquête dans le Wisconsin, louant une voiture et un appartement de luxe dans le Door County. Au retour chez eux, Mark et Hillary ont trouvé leur maison saccagée. Après l'affaire Tresa, le meurtre de Glory ne peut qu'être attribué à Mark. Le couple est bientôt attaqué de nuit en voiture, sans doute par un justicier local. De son côté, Amy Leigh pense avoir un suspect, malgré le scepticisme de son amie Katie Monroe. Présent à Naples, leur coach sportif Gary Jensen est sorti la nuit du crime. Et Amy le sait amateur de nymphettes délurées.

Comme le couple Bradley, Cab Bolton apprend le drame qui s'est produit six ans plus tôt dans la région. La maison des Bone a été incendiée, la quasi-totalité de la famille a péri. Âgée de dix ans, Glory Fischer fut témoin du sinistre, ayant frôlé la mort. Ce qui expliquait peut-être son cynisme depuis. Harris Bone, le père, était le pyromane. Le shérif Reich n'en a jamais douté. Son vieil ami Peter Hoffman, ancien du Vietnam comme lui, qui a perdu sa fille et ses petits-enfants dans l'incendie, est aussi certain de la culpabilité de son gendre. Mais Harris Bone est parvenu à s'enfuir. S'il a disparu depuis, est-il possible qu'il se soit trouvé en Floride ? Pour Cab Bolton, ce serait une trop grosse coïncidence. Pourtant, voilà une piste qu'il ne peut négliger.

Cab apprend les circonstances de l'accident mortel du mari de Delia Fischer. Celle-ci reste convaincue que Mark a tué sa fille Glory, tandis que sa sœur Tresa approche l'ex-prof auquel elle causa des ennuis. Fidèle à Hillary, Amy Leigh prend quelques risques en jouant avec Gary Jensen. Troy possède maintenant une arme avec laquelle il pourrait vouloir venger sa copine Glory. Hillary reste le meilleur rempart pour protéger et sauver Mark…

Brian Freeman : L'empreinte du soupçon (Presses de la Cité, 2014)

La formule mérite de ne pas être galvaudée, car il est rare de pouvoir dire d'un polar que c'est “un suspense impeccable”. Ce qualificatif s'applique à “L'empreinte du soupçon”, sans hésitation. Car Brian Freeman ne se contente pas d'une intrigue bien construite, mais qui manquerait de souffle ou admettrait quelques facilités. Le cas de l'incendie six ans plus tôt pèse sur Door County et ses habitants concernés. Après une affaire où le coupable a fui, il faut que pour les suivantes, le responsable soit châtié. Étranger à la région, Mark est le bouc-émissaire idéal. La complicité est exprimée ici avec beaucoup de nuances entre l'épouse et le mari, ce qui la rend convaincante. Le regard amoureux de Tresa envers Mark est également finement dessiné.

Quant au shérif Reich et à son vieil ami Hoffman, ils sont des plus véridiques. Il faut effectivement un flic assez atypique, tel Cab Bolton, pour enquêter sur cette affaire riche en complexité. La piste Harris Bone ? “Je ne crois pas à des types surgis du passé, quand j'ai un suspect comme Bradley qui se trouvait sur la plage au moment du meurtre et qui a eu des problèmes avec la famille de la victime. Néanmoins, je sais aussi ce qu'est un doute raisonnable, et ce qu'un bon avocat ferait de cette information. Si je ne l'examine pas, je devrai m'en expliquer dans le box des témoins” dit Cab Bolton, plus pro que ne l'a cru le shérif local. Des personnages forts, et un chassé-croisé d'éléments qui alimentent toutes les suspicions. Une histoire dans laquelle le lecteur s'installe avec bonheur, et qui captive du début à la fin. Un vrai suspense réussi, à l'évidence.

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 05:55

Il s'agit d'un recueil de vingt-six nouvelles inédites, une par lettre de l'alphabet, signées Marc Villard et Jean-Bernard Pouy. Des textes aussi courts que savoureux, drôles ou plus sombres, toujours percutants, illustrés par José Correa. On peut faire confiance à ces vieux briscards du polar que sont Villard et Pouy pour faire mouche à chaque nouvelle. Le résultat, c'est un livre très réussi, y compris dans son esthétisme.

Survolons les sujets de ces vingt-six histoires : - Amphétamines : S'adresser franchement à son banquier larbin du système, en ayant pris un stimulant mais sans prendre de gants, un plaisir à s'offrir au moins une fois dans sa vie. - Balance : Quand Cécile, vingt ans, retrouve sa sœur aînée Anna, prostituée du côté de Barbès, elles ont un lourd secret à partager, et un compte à régler de deux balles de Glock. - Copropriétaires : L'assemblée générale des copropriétaires, tous grincheux, de ce vieil immeuble de standing, c'est un sacré spectacle. Ajoutez-y quelques accessoires, et ça deviendra carrément explosif. - Daïkiri : Si un désespéré au bord d'une fenêtre réclame des daïkiris en menaçant de se jeter dans le vide, une psychologue chevronnée pensera que c'est comparable au dernier verre de rhum accordé au condamné à mort.

- Évasion : Un fuyard prend le TGV vers Paris, pour brouiller les pistes et pour gagner du temps vis à vis de la police. Lorsque se produit un incident sur la voie causant du retard, il est urgent pour lui de trouver une solution, une porte de sortie à la Gare de Lyon. - Flic : Quand le gratin de la police est réuni sur un bateau-mouche pour faire la fête, organiser un attentat anti-flics est, pour un obsédé du crime gratuit, un tragique jeu d'enfant. - Gériatrie : Coup de foudre entre deux septuagénaires ayant les mêmes goûts, Lydie et Manu. C'est qu'ils sont encore vaillants et pas si décrépis, ceux deux rockeux. Et capable de trouver des solutions pour financer leurs projets d'avenir. - Hold-up : Une petite bande prépare un braquage de banque. Pour l'ambiance, la chanson de Claude Nougaro “Sing Sing” est un bon choix, ça donne le tempo de leur expédition.

- Immigrés : Face à des clients africains mauvais payeurs, un propriétaire d'immeuble a bien le droit de s'adresser à la police. - Jivaro : Pour un joueur de poker comme Albert, posséder un objet fétiche attire la chance. Si, malgré son porte-bonheur, la scoumoune s'en mêle, faut pas énerver Albert. - Kafka : Interrogatoire de police pour un suspect qu'accusent des caméras de surveillance, mais qui a quand même un alibi. Un Kafka d'école pour les flics ? - Lame : Jouer du couteau lors d'une interpellation ne peut que s'achever dans le sang. - Maniaque : C'est à Bruxelles que Théo cherche son père cuisinier qui, cinq ans plus tôt, a détruit leur famille. Pour lui qui exerce le même métier que son père, la vengeance sera-t-elle au menu ? - Nibards : Quadra employée dans les assurances, mariée et mère de famille, Lucille masque une secrète vie sexuelle. La vérité risque de bientôt apparaître, noir sur blanc.

M.Villard – J.B.Pouy – José Correa : L'Alphabet du polar (In-8, 2014)

- Outing : Dans l'aristocratique et traditionaliste famille vendéenne De Bournion-Gallibert, on craint le pire quand le fils aîné promet de leur asséner une fracassante révélation. - Panique : Émotions fortes pour un vieux couple voulant rendre service à leur petit-fils. Une âme charitable va intervenir. - Quéquette : Être surnommé Quéquette dans une bande de rappeurs délinquants, c'est énervant et handicapant. Parfois, le hasard vous offre une vengeance. - Rafle : Quand un sans-papiers se fait gauler par les flics, on le renverra plutôt à Kinshasa qu'à Draveil. Son amie sœur Marie convaincra-t-elle ses relations haut-placées ? - Satanique : Un hard-rockeux norvégien, azimuté diabolique, aurait-il menacé un grand évènement sportif français ? - Taxi : Sami fait le taxi et rend service aux putes. Que l'une d'elles disparaisse n'empêche pas le monde de tourner.

- Uchronie : Le 4 avril 1968, le destin de Martin Luther King eût pu basculer vers une toute autre voie. - Vivisection : Ouvrir un coffiot, c'est un boulot de pro, comparable à celui du chirurgien explorant les entrailles humaines. - Warhol : De l'exhibitionnisme zoophilique au tribunal, il n'y a qu'un pas, l'essentiel étant de créer le buzz. - Xylophone : Ça rigole chez les légistes chargés de s'occuper d'un cadavre à l'état de squelette. En musique, c'est encore plus sympa. - Yakusa : À Tokyo, une policière enquête sur le supposé suicide d'un homme aisé. Une affaire à ranger dans un tiroir, avec une boite à gâteaux au contenu répugnant. Zone : Jeune pickpocket dans le métro, Laura est habile. Le vieux peintre Henri la surveille, et la protège au besoin.

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26 novembre 2014 3 26 /11 /novembre /2014 05:55

La France du milieu des années 1960. Nathalie Farnel a été une célébrité du cinéma, dans la période 1938-1958. Depuis, cette solitaire âgée de quarante-six ans a le sentiment de végéter en jouant dans des tournées théâtres en province. Elle a précipité son retour en train, afin de retrouver la capitale. Son agente Gaby Walder n'a toujours pas grand-chose à lui proposer comme rôle. Nathalie Farnel apprend que, resté inédit depuis le tournage en 1944, son film “Dévotion” connaît un très beau succès en salle. Il fut réalisé par Richard Stresner, qui eut des ennuis au moment de l’Épuration et mourut bientôt en prison. Après avoir accordé une interview au jeune journaliste Hervé de Saint-Lieu, un séducteur âgé de vingt-huit ans, Nathalie Farnel va enfin voir au cinéma ce film trop longtemps oublié.

Ayant constaté que le dénouement a été changé au montage, la comédienne contacte l'ex-assistant réalisateur de Stresner, Pierre Rémusat. C'est lui qui, après avoir connu quelques problèmes après-guerre, détient les droits et exploite ce film. Il confirme que c'est selon les ultimes directives de Stresner qu'il a changé la fin de l'histoire. Même si il est certain de gagner beaucoup d'argent cette fois, Rémusat reste plein d'amertume. Aussi Nathalie n'est-elle pas surprise d'apprendre son suicide, intervenu peu après leur rencontre. Elle ne révèle pas tout à l'inspecteur de police Calvi, mais ne risque pas d'être inquiétée. Nathalie est présente aux obsèques de Pierre Rémusat. C'est l'occasion de faire la connaissance de sa veuve, Nadine, ainsi que du frère du défunt, Lucien Rémusat.

Grâce à un détail, la comédienne comprend avoir été victime d'un subterfuge. Ce n'est pas Pierre, mais Lucien Rémusat grimé qu'elle a vu ce soir-là. Nathalie Farnel ne tarde pas à faire chanter le couple d'amants ayant tué le mari. Elle va les obliger à financer un film où elle aura la vedette, et à payer quelques frais personnels. Le journaliste Hervé de Saint-Lieu organise la promotion du “retour” de Nathalie, s'affichant avec elle dans les soirées mondaines. Une adaptation au cinéma de “Chéri” d'après Colette serait l'idéal. La vieille cabotine Rosemonde n'est pas celle qui posera un problème à Nathalie. Par contre, elle est contactée par Philippe Mercier, son ancien partenaire dans “Dévotion”. Ce dernier risque de contrarier ses projets cinématographiques. Nathalie doit s'attendre à d'autres soucis et revirements, d'autant que Lucien et Nadine ne se laisseront pas plumer…

Jean-Pierre Ferrière : Retour en noir (Éd.Noir Délire, 2014)

Auteur de plus de soixante-dix romans, ce vétéran du polar qu'est Jean-Pierre Ferrière a toujours été un passionné de cinéma. Dans les décennies 1950 et 1960, avant que la télé ne s'impose, on produisait quantité de films. Dans des conditions parfois assez précaires, éloignées de l'industrie du cinéma d'aujourd'hui. Il n'était pas rare que les “têtes d'affiche” ne soient que des acteurs en devenir, des seconds rôles expressifs ou, à l'inverse, d'ex-gloires déclinantes du grand écran. Tel est le contexte que restitue ici l'auteur. L'essentiel consistait à lancer des projets, aussi bancals fussent-ils, même lorsque les scénarios s'avéraient rachitiques ou bâclés. Des qualificatifs qui ne s'appliquent assurément pas à l'intrigue concoctée par Jean-Pierre Ferrière.

Sans être du tout antipathique, bien sûr, Nathalie Farnel n'est pas un personnage suscitant une totale empathie. Ses côtés hautains, prétentieux, sont à l'image des stars has-been. Sa méthode pour financer son film n'est pas non plus très morale. Son impresario Gaby Walder fait preuve d'ironie, tandis que le journaliste voit le parti qu'il pourra tirer de cette affaire. Le couple criminel ne renonce pas non plus. On l'aura compris, l'ambiance reste incertaine entre les protagonistes, sans être inutilement chargée. Comme toujours, c'est la fluidité narrative qui donne sa tonalité à l'histoire, pour le plus grand plaisir du lecteur. Un brin de nostalgie du cinéma d'antan, mais surtout un solide suspense.

Jean-Pierre Ferrière : Retour en noir (Éd.Noir Délire, 2014)
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