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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 05:55

Parmi les polars disponibles en format poche dès ce mois de janvier 2015, en voici deux qu'il faut absolument retenir.

Zygmunt Miloszewski : "Les impliqués" (Pocket, 2015)

Varsovie, juin 2005. Magistrat âgé d'environ trente-cinq ans, Teodore Szacki a déjà les cheveux blancs. Il est marié depuis dix ans à Weronika, conseillère juridique employée à l'hôtel de ville, et passionnée de football. Ils ont une fille de sept ans, Hela. Teodore Szacki n'est, en tant que procureur, qu'un des modestes rouages de la justice polonaise. Avec son ami policier Oleg, ils se complètent fort bien. Les dossiers ne manquent pas, dont beaucoup en attente de CSS, classement sans suite. Il parvient parfois à en relancer un, tel le viol et le meurtre d'une ado disparue, dont le cadavre fut enterrée dans une cour d'école. L'affaire sera semi-élucidée. Dans un autre cas, face à une meurtrière ayant tué son mari non sans raison, le procureur Szacki ne retiendra qu'un crime accidentel.

Le docteur Cesary Rudzki a organisé durant le week-end un exercice thérapeutique pour quatre de ses patients, louant des locaux à l'église de la Vierge Marie de Czestochowa. Le dimanche matin, le cadavre d'Henryk Telak est découvert, tué d'un coup de broche à rôtir dans l'œil. Une affaire à sensation, sur laquelle la belle journaliste Monika voudrait obtenir des détails. Bien que mari fidèle, Szacki s'avoue désirer une relation intime avec Monika. Selon le premier rapport d'Oleg, le psy Rudzki ferait un bon suspect. Szacki interroge les patients, la prof Hanna, la comptable Barbara, et Ebi Kaim. Le docteur Rudzki explique au procureur la méthode utilisée pour cette thérapie, des jeux de rôles très intenses. Henryk Telak était le cas principal, ce week-end. Car l'ambiance familiale de la victime est assez mortifère. Jadwiga Telak, l'épouse de la victime, confirme. Le fils de quatorze ans, malade en sursis, est également interrogé. Sur son dictaphone, Henryk Telak enregistra entre autres un message d'adieu...

Bien que l'énigme soit le moteur de ce premier roman de Zygmunt Miloszewski traduit chez nous, on trouve ici bien d'autres aspects passionnants. D'abord, à travers la personnalité du procureur. Il sait que sa fonction est sans prestige, exigeant pourtant un discernement humaniste. Outre qu'il a d'autres dossiers en cours, on le voit troublé à la fois par cette curieuse thérapie qui entraîna un meurtre, et aussi par sa relation avec une journaliste. Dans un cas criminel, le doute habite toute personne sensée : le portrait nuancé de ce magistrat enquêteur s'avère très réussi. Ce qui distingue un roman noir, c'est son contexte. Nous sommes ici dans la Pologne postcommuniste, une quinzaine d'années après l'avènement de la démocratie. À travers le métier de Weronika, l'épouse du héros, on constate que des lourdeurs administratives restent présentes. Le procureur gagne correctement sa vie, mais semble attentif à ne pas gaspiller d'argent… Voilà un suspense noir qui ne possède que des atouts très favorables.

Polars poche 2015 : Zygmunt Miloszewski (Pocket) - Walter Mosley (Babel Noir)

Walter Mosley : "Les griffes du passé" (Babel Noir, 2015)

Âgé de cinquante-quatre ans, Leonid McGill a longtemps participé au plus sales activités de la vie new-yorkaise. Ce Noir encore athlétique, boxeur amateur, a tourné la page en devenant détective privé. Ses relations avec les flics restent diverses. À son égard, la policière Bonilla fait preuve d’empathie, mais l’inspecteur Kitteridge espère toujours le coincer pour ses méfaits passés. Quant au capitaine Charbon, c’est l’adversaire le plus dangereux du détective. Côté familial, pas brillant non plus pour McGill. Son épouse Katrina et lui sont aussi infidèles l’un que l’autre. McGill reste obsédé par la belle métis Aura Ullman. Elle l’a quitté pour le directeur financier gérant l’immeuble prestigieux où il a ses bureaux.

Sur le conseil de son fils, le détective engage la toute jeune Mardi Bitterman. Celle-ci ayant déjà connu de lourdes épreuves, elle va se montrer une secrétaire efficace. McGill connaît des contrariétés avec ses garçons. Twill, le fils très débrouillard de Katrina, et Dimitri, l’ombrageux fils de McGill, se sont entichés de filles de l’Est. Ils ont disparu avec elles, restant vaguement en contact. Katrina s’inquiète à juste titre. Pas sorcier d’imaginer que ces trop jolies filles appartiennent à un réseaux mafieux. En l’occurrence, celui d’un slave nommé Gustav. Si McGill ne craint guère les sbires de ce type retors, une explication invoquant une erreur ne suffit pas à régler la situation. Alphonse Rinaldo, conseiller spécial de la ville de New York, est en réalité un caïd mafieux auquel McGill ne peut refuser aucun service. Sans s’expliquer, Rinaldo exige que le détective retrouve et protège Angélique Tara Lear. C’est d’abord sur un double meurtre que tombe McGill. Une certaine Wanda Soa, fille de riches parents brésiliens, a été assassinée avec violence. Son meurtrier, un inconnu, est également mort dans la même pièce. Les flics étant sur l’affaire, ils posent d’embarrassantes questions à McGill. L'affaire s'annonce pleine de coups tordus...

Après “Le vertige de la chute”, la deuxième aventure de Leonid McGill, aussi excitante que la première. De plus en plus foisonnante, même. Le fil conducteur étant l’enquête autour d’Angie, le détective utilise ruse et force pour progresser. L’univers de McGill est bien loin d’investigations linéaires, ponctuées de quelques effets et de révélations soudaines. Son expérience s’est construite sur des erreurs, il le sait trop bien. Si son existence est encore plus compliquée que pour la moyenne des new-yorkais, McGill s’en accommode. Il se souvient chaque jour des leçons que lui inculqua son père idéaliste. Son principal enseignement étant, sans doute, qu’il faut toujours trouver un moyen de se sortir des situations périlleuses. C’est un pur bonheur de suivre les nouvelles tribulations de Leonid McGill, véritable héros humaniste de roman noir.

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 05:55

À Londres, James Trelawney et Andrew Singleton ont acquis une belle réputation en tant que “détectives de l'étrange”. En cet automne 1938, la paix n'est que relative en Europe après les fallacieux Accords de Munich. S'il ne renonce pas à prévoir un séjour sur le continent, le duo s'accorde d'abord quelques vacances aux États-Unis. Ils y retrouveront un ancien compagnon d'université, Stuart Latham Dauncey. Comédien sans avenir, celui-ci s'est reconverti comme rédacteur au “Hollywood Citizen-News”. Échotier du cinéma, où la production très active de films entraîne infos et rumeurs, Stuart Dauncey connaît sa part de notoriété. La villégiature des détectives est programmée de fin-novembre à mi-décembre.

C'est au “Mayflower Hotel” de Los Angeles qu'ils louent une suite. Ainsi James Trelawney peut-il fréquenter les soirées mondaines, espérant y côtoyer les stars féminines du monde hollywoodien, tandis qu'Andrew Singleton va passer son temps à la bibliothèque, la Los Angeles Public Library. Il y étudie la vie et l'œuvre de Jack London, ainsi que les troublants mouvements eugénistes qui se sont créés en Californie. La sélection génétique apparaît tel un symbole de modernité, légitime à cette époque. Au soir d'une journée festive, le duo se trompe de route pour regagner la ville, se perdant dans les brumes de Mulholland Highway. Du côté de Malibu Lake, leur automobile heurte un effrayant personnage, qui s'enfuit.

“C'était une sorte de créature fantastique mi-homme, mi bête, échappée tout droit d'un conte populaire, et dont les yeux ténébreux étaient fixés sur moi. Sa face toute entière, ses oreilles, son cou, de même que l'extrémité de ses membres, tout chez lui était recouvert d'une épaisse fourrure.” Singleton et Trelawney pensent avoir vu une sorte de loup-garou. À moins qu'il ne s'agisse d'un canular, d'une opération publicitaire en ces temps où les films d'horreur font la fortune des studios de Hollywood ? Si le duo est perturbé, l'histoire amuse leur ami Stuart Dauncey. Néanmoins, on apprend qu'une jeune femme a été sauvagement égorgée ce soir-là vers minuit près de Malibu Lake.

Stuart identifie rapidement la victime, Innes Crowrie, serveuse dans un cabaret, l'Angels Club. Singleton et le journaliste partent à la découverte de l'établissement, qui s'avère singulier. On peut y assister à des spectacles avec des artistes genre sœurs siamoises, des Freak Shows. Le couple de propriétaire, Sam Llewellyn et sa femme Eileen, prétendent ainsi protéger ces monstres humains. Innes Crowrie avait aussi sa particularité physique. Ils suspectent un des deux nains ayant rôdé récemment autour du club. À la bibliothèque, Singleton s'informe plus tard sur le syndrome d'Ambras, possible explication concernant le lycanthrope qu'ils pensent avoir vu cette nuit-là.

De retour sur Mulholland Highway, Trelawney et Singleton explorent les alentours du cottage du crime. C'est en face, dans Malibu Lake, qu'ils découvrent le cadavre de leur loup-garou. Ils alertent la police, en la personne du sergent Terrence Latimer. Le capitaine Chambers serait, lui, d'avis de clore cette affaire. Le défunt lycanthrope possédait un livre de Victor Hugo, “L'homme qui rit”, qui fut adapté au cinéma. L'aide de Random et Brisbee, le duo de nains suspecté par Llewellyn sera fort utile aux deux détectives. C'est dans le désert Mojave qu'ils trouveront des réponses, dans un “castello” de style mauresque...

Fabrice Bourland : Hollywood Monsters (Éd.10-18, 2015)

Lorsqu'on veut faire évoluer des héros dans un contexte aussi complet que possible, il est indispensable de se documenter très précisément. Ce qu'à fait l'auteur, pas uniquement sur le cinéma ou au sujet des phénomènes de foire appelés Freaks, mis en valeur par le célèbre film de Tod Browning. Les décors et la géographie de Los Angeles et de sa région sont aussi évocateurs, ainsi que l'ambiance festive en ces temps de Prohibition. Parmi les mouvements intellectuels, la Société Théosophique et ses théories raciales sont également esquissées. Depuis peu, c'est le triomphe pour les adaptations des romans noirs tels ceux de Raymond Chandler, avec Humphrey Bogart ou autres “gueules” du grand écran.

Toutefois les films d'horreurs séduisent encore. Si la carrière du cinéaste Tod Browning se termine presque, Boris Karloff, Basil Rathbone, Lon Chaney Jr, Lionel Barrymore ont toujours un public. C'est dans cette ambiance-là que débarque ce duo d'enquêteurs, plutôt dans la tradition de Holmes et Watson. Ils sont davantage habitués à une part de mystère irrationnel, que leurs confrères américains. Leur ami reporter Stuart Dauncey fait le lien entre les deux cultures. Hommage est rendu aux monstres humains exhibés dans les Freak Shows, tandis que Trelawney et Singleton sont plongés dans une aventure aussi palpitante que troublante. Un riche et captivant suspense !

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14 janvier 2015 3 14 /01 /janvier /2015 07:45

Âgée de trente-cinq ans, Claire DeWitt est native de Brooklyn. Elle avait onze-douze ans quand, avec deux copines, elle se passionna pour la résolution de mystères. Sa bible fut le seul livre du détective français Jacques Silette, “Détection”. Un ouvrage obscur, qui dit tout et son contraire, mais qui guide toujours les enquêtes de Claire DeWitt, devenue détective privé. Jacques Silette, dont la fille Belle fut kidnappée et jamais retrouvée, était lui-même un homme énigmatique. Une des copines ados de Claire disparut elle aussi sans laisser de traces. Quittant sa famille dès qu'elle eut dix-sept ans, le parcours de Claire se fit plutôt cahoteux, avec casier judiciaire et curieux tatouages.

À La Nouvelle-Orléans, elle poursuivit sa formation de détective privé, grâce à Constance Darling. Un sacré personnage qui ne vivait que pour les investigations, qui interprétait aussi sûrement les signes ésotériques que les indices. Constance mêlait augures extra-lucides et philosophie asiatique. Comme son ex-ami Mick Pendell, reconverti prof de criminologie en Louisiane, Claire estime avoir appris beaucoup avec Constance Darling. Fumer quelques joints l'aide parfois à se concentrer. Installée en Californie, Claire a été très perturbée par une récente enquête. Elle a dû suivre une cure, genre retour à la vie naturelle. Quand on la contacte pour une enquête à La Nouvelle-Orléans, Claire apparaît de nouveau en forme.

Ce n'est pas la ville la plus sécurisante qui soit, elle ne l'a pas oublié. Les crimes y sont rarement résolus. Les accusés sont généralement libérés à la fin du délai légal de soixante jours. Pourtant, “un suspect dans une affaire d'homicide à la Nouvelle-Orléans avait davantage de chance de se retrouver lui-même à la morgue plutôt qu'au tribunal.” On est en janvier 2007, un an et demi après l'ouragan Katrina. Partout subsistent des séquelles de la gigantesque tempête qui sema la mort et détruisit des quartiers déjà modestes. Secteurs où, rien n'étant réglé, les trafics ont bientôt repris. C'est durant la catastrophe Katrina que semble avoir disparu Vic Willing, qui habitait au bout de Bourbon Street.

Ce riche magistrat était honnête et généreux, un peu hautain sans doute par sa fonction de District Attorney. Claire inspecte son appartement, sa bibliothèque et son bureau. “Vic n'avait sûrement pas été tué chez lui. Pas de sang, pas de balle, aucun détail suspect.” Elle prend quelques empreintes, et remarque un perroquet vert aux alentours. Les empreintes sont celles de Andray Fairview, un jeune délinquant afro-américain qui vient d'être incarcéré à l'Orleans Parish Prison, au cœur de la ville. Quand Claire l'y rencontre, il nie avoir tué Vic Willing, mais son alibi est fort relatif. Andray Fairview aurait même sympathisé avec le magistrat, qui avait une passion pour les oiseaux. Claire note une incongruité : Fairview possède un exemplaire de “Détection”, le livre de Jacques Silette.

Un SDF appelé Jackson prétend avoir vu Vic Willing vivant plusieurs jours après Katrina : Claire vérifie cette possibilité. Le criminologue Mick Pendell parvient à faire sortir Fairview de prison. Peu après, Fairview, son ami Terrell (dit Dreadlocks) et Claire sont la cible de tirs dans des rues mal famées. Le pick-up de location de la détective contribue à les protéger. Claire n'a pas fini de faire des bonnes et des mauvaises rencontres. Les visions et les intuitions inspirées de ses maîtres, Silette et Constance, très bien. Mais c'est plutôt le monde de Terrell et d'Andray, né du sordide et du marginal, qui l'aidera à résoudre les ténébreux mystères de l'affaire du perroquet vert...

Sara Gran : La ville des morts (Éd.Le Masque, 2015)

Avec “Dope” (2008) et “Viens plus près” (2010), Sara Gran imposait une tonalité aussi personnelle qu'originale. Cette fois, serait-elle devenue plus ordinaire avec l'enquête d'une détective privée qu'elle nous propose ? Certes non, il y a ici toujours ce refus de la bien-pensance qui la caractérise. C'est vrai, tous les "privés" ont un vécu, ayant traversé tant d'expériences qui ont été des épreuves. Dans le cas de Claire DeWitt, on sent très vite que son hyper-sensibilité s'est amalgamée avec sa volonté de devenir enquêtrice. Pourtant, son parcours n'a rien de larmoyant. Au contraire, l'ironie est perceptible dans son regard sur les autres, sur tout ce qui l'entoure. Ses retrouvailles avec son ancien ami Mick Pendell en sont un bon exemple. Ce sourire décalé est présent tout au long de l'aventure.

Encore l'ouragan Katrina et La Nouvelle-Orléans ? s'insurgeront quelques sceptiques. Il ne nous est pas difficile de comprendre que cette situation a marqué les Américains. À la fois par le manque de "réponses" rapides et flagrantes pour venir en aide aux populations. Et aussi, parce que cette partie de la Louisiane a toujours semblé éloignée des règles en vigueur aux États-Unis. Sara Grant ne cache pas que police et justice, Blancs et Noirs, se sont toujours mutuellement accusés de tous les maux. Comme un statu-quo permettant à chacun d'évoluer au mépris de toute paix sociale, fric et trafic dominant tout.

Jacques Silette, détective français exemplaire pour Claire DeWitt ? Ça pourrait faire penser au chevalier Auguste Dupin, l'enquêteur d'Edgar Allan Poe. Adapté par Sara Gran, c'est un théoricien de l'investigation criminelle un peu fumeux, dont on peut interpréter les conseils de maintes façons. Finalement, c'est aussi un des personnages de l'histoire. S'il fascine Claire, celle-ci exprime peu de tendresse pour lui ou envers quiconque : c'est une dure-à-cuire. Du moins dans l'image qu'elle veut afficher, car au fond d'elle-même... Des chapitres courts, un récit raconté à la première personne par l'héroïne, une belle dose de non-conformisme, un témoignage sur une ville hors norme et une multiplication de péripéties, voilà ce qui rend réjouissant cet excellent suspense de Sara Gran.

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 05:55

Quadragénaire sportive native de Nantes, Garance Calderon est capitaine de gendarmerie dans l'Yonne, où elle fut élevée par ses grands-parents. Fin août, Garance est chargée d'enquêter sur une mort suspecte au hameau de l'Hermitage. Autour d'un lac, les trois propriétés ont longtemps appartenu à la famille Marceau, Colette, Marianne et Paul, puis à plusieurs héritiers. La maison de Paul a été vendue toute meublée, deux mois plus tôt. L'acquéreur était Mehdi Azem, prof d'Histoire-Géo de trente-et-un ans au Lycée Janot, de Sens. C'est lui la victime. On l'a trouvé mort près du lac à la limite des propriétés voisines. Sa blonde compagne Juliette Lauris ne vivait pas avec lui.

Mehdi Azem a été tué avec un fusil de chasse. Peut-être par accident, vu qu'on traque le sanglier sur les terres agricoles par ici, même hors-saison. La chasse est un bon souvenir d'enfance pour Garance, qui la pratiquait avec son grand-père, gendarme. Selon Juliette, Mehdi préparait un livre sur les femmes tondues. “Entre [19]43 et 46, elles ont été à peu près vingt mille en France. Mehdi espérait retrouver certaines de ces femmes, et leur faire raconter les tontes avant qu'elles meurent...” Un collègue de lycée confirme à Garance que le sujet obnubilait le défunt prof. Il montra à ses élèves un film là-dessus. D'autant que la région fut active au temps de l’Épuration, car l'occupant y avait été très présent.

Il semble que la famille Marceau ait abrité alors une collabo “horizontale”. Ce qui, dans un sens, fait écho au propre passé de Garance. Petit-fils de Paul, Christophe Marceau avait eu une altercation avec Mehdi Azem. Chasseur à la réputation vérifiée de viandard, adoptant le discours facho, il prétend n'obéir qu'à sa loi personnelle et éduque ses enfants dans cet esprit. L'histoire des Marceau inclut leur aïeule Marianne, au caractère rebelle.“Un jour, en 1942, leur propriété a été réquisitionnée par les Allemands. Il y en a un qui est venu vivre chez eux. Et à la Libération, Marianne Marceau a filé avec lui. On ne les a jamais revus, ni elle, ni son Boche.” Mieux que cette version définitive, dans sa maison de retraite, Paul Marceau témoigne clairement du contexte malsain qui entraîna la disparition de sa sœur.

Aucune arme saisie chez Christophe Marceau ne correspond au calibre détecté. Colette reste sévère sur le cas de sa sœur Marianne. Aux Archives, Garance retrouve des lettres de dénonciation d'autrefois, avant de humer l'ambiance de la maison où tout est intact depuis si longtemps. Est-ce que, soixante-dix ans plus tard, le sang peut encore raconter le passé ? Et révéler les secrets de Marianne Marceau et de toute cette famille ? Déterrer les traces de jadis, se souvenir des armes alors utilisées, voilà qui aide à comprendre un crime du présent. Attention, car la violence n'est pas éteinte chez les Marceau…

Elsa Marpeau : Et ils oublieront la colère (Série Noire, 2015)

Nous vivons dans un monde où tout nous incite à ne penser qu'au présent, à n'envisager que vaguement l'avenir. Quant au passé, on le gomme de nos mémoires aussi vite qu'on l'a commémoré, sans retenir grand-chose. Il est plus facile de ne pas chercher à savoir si nos aïeux furent des héros, des traîtres, ou même un peu les deux à la fois. “C'était mieux avant”, cette formule résume tout ce qui concerne autrefois, ne venez plus nous embêter avec l'Histoire. Pourtant, “un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre” ont dit Winston Churchill, et sans doute quelques autres. À quoi bon tirer des leçons de ces temps révolus ? Certains discours de tribuns actuels ressemblent à ceux d'antan, et alors ?

Bien pire que l'oubli volontaire, peut-être, il y a la banalisation. Être collabo en temps de guerre, c'était juste de l'opportunisme, pas si grave. L’Épuration, il n'avaient qu'à être assez malins pour y échapper. Quant aux femmes tondues, leurs cheveux ont repoussé et puis c'est tout. Banaliser, le meilleur moyen d'ignorer que certaines cicatrices ne se sont jamais parfaitement refermées ? Voilà ce qui apparaît en filigrane dans ce roman noir. Et lorsque l'héroïne a connu elle aussi un parcours perturbé, elle est d'autant plus obstinée dans sa volonté de lever le voile sur les liens entre hier et maintenant. En précisant que cette intrigue se situe chez nous dans quelques mois, on verra ce que ça suggère. Le polar a une fonction sociologique, on le vérifie dans ce très bon roman d'Elsa Marpeau.

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 05:55

À l'occasion de la parution de Que ta volonté soit faite !” (Albin Michel, 2015) de Maxime Chattam, retour sur deux précédents succès de ce romancier populaire. Si Action-Suspense avait déjà présenté les chroniques de Carnage et Leviatemps, ce n'était pas encore le cas pour L'âme du Mal et Les arcanes du Chaos...

 

"L'âme du Mal" (2002)

Issu du FBI où il a suivi une formation de profileur, le trentenaire Joshua Brolin est policier à Portland. Il enquête sur un serial-killer qui a déjà fait trois victimes, des femmes mutilées dont le front a été brûlé à l’acide. Juliette, étudiante de vingt-trois ans, est la dernière cible du "Bourreau de Portland". Il l’enlève, la séquestre. Il va lui couper un bras. Brolin, ayant enfin trouvé une piste, intervient et tue Leland Beaumont d’une balle en pleine tête…

Un an plus tard, exactement. Le traumatisme s’atténue pour Juliette, qui renoue avec Brolin. Le cadavre d’une jeune femme est découvert, tuée selon le mode opératoire de Beaumont. L’enquête est confiée à Brolin, auquel le district attorney impose son futur assistant, Bentley Cotland. Le nouveau tueur n’est pas un simple copieur : il connaît des détails non divulgués par la police. Le seul proche de Leland était son père, Milton Beaumont, un type pas très futé. Il faut chercher ailleurs. Brolin définit le criminel comme étant à la fois psychopathe et psychotique, du genre narcisso-sexuel.

La police et Juliette reçoivent une lettre du tueur, faisant référence à "L’Enfer" de Dante. L’assassin est trop primaire pour en être l’auteur. Il existe donc un deuxième homme, sans doute le commanditaire des crimes. Une autre victime est retrouvée, jambes découpées. Des traces de pneus offrent aux enquêteurs le moyen de piéger le tueur. Mais il réussit à fuir, laissant toutefois un indice : l’ADN est bien celui de Leland Beaumont. Impossible, puisqu’il est mort. Que Leland se soit intéressé à la sorcellerie ne signifie pas qu’il ait trouvé le secret de l’immortalité. De nuit, on procède à l’exhumation de son cercueil : il est vide ! La troisième victime est la meilleure amie de Juliette...

Maxime Chattam : L'âme du Mal - Les arcanes du Chaos

"Les arcanes du chaos" (2006)

Yael Mallan vit à Paris. Cette jeune femme solitaire de vingt-sept ans remarque des ombres inquiétantes dans les miroirs, chez elle comme chez le taxidermiste qui l’emploie. Bientôt, Yael reçoit des messages énigmatiques émanant du "Monde des Ombres". On l’invite à chercher ce que masquent les apparences. Par exemple, le billet de un dollar recèle d’étranges symboles. Ou encore, les assassinats des présidents Lincoln et Kennedy présentent de curieuses similitudes. D’autres cas sont aussi étonnants, dans lesquels on devine l’influence de sociétés secrètes. Yael ne comprend pas pourquoi on l’incite à découvrir ces faits troublants, elle qui mène une vie ordinaire.

Reporter indépendant, Thomas devient un précieux allié pour Yael. Ensemble, ils se lancent dans un dangereux jeu de piste. L’aide de Kamel Nasir, fils de diplomate, leur est fort utile. Sur son blog, Kamel dénonce les manipulations démagogiques, les collusions entre dirigeants politiques et monde financier. Non sans paranoïa, il souligne les risques de faire éclater la vérité. A Herblay, puis dans la région de Thonon-les-Bains, Yael et Thomas collectent de nouvelles infos. Leur parcours est jalonné de meurtres. Eux-mêmes sont pourchassés par des tueurs. "Le Monde des Ombres" semble se diviser en deux camps adverses : l’un offre des éléments, l’autre veut les éliminer. Un riche banquier genevois, que Yael a déjà rencontré, vient d’être assassiné. Des documents trouvés chez lui indiquent au couple les noms de ceux qui savent la vérité. Toujours traqué, Thomas et Yael embarque clandestinement pour les États-Unis, direction Philadelphie…

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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 05:55

Carson Mills est une petite ville du Midwest américain, restée plutôt rurale. Venant de Suède, la famille Petersen s'y installa au milieu du 20e Siècle. Ce fut dans des conditions dramatique que se produisit la naissance de Jon Petersen. Il fut élevé par son grand-père Ingmar, avec ses tantes Rakel et Hanna. Très tôt, l'enfant se montre asocial, supportant mal l'école. Dès six ans, sa cruauté dominatrice s'exerce sur des fourmilières. Posséder un pouvoir destructeur sur ce petit monde qu'il observe, voilà ce qui l'excite déjà. Quand, à l'âge de douze ans, les provocations d'un petit caïd local de sa génération vont trop loin, Jon estime légitime de se venger avec une extrême violence.

Trois ans plus tard, son aspect sec et nerveux donne à Jon l'allure d'un jeune adulte. Il fantasme sur sa jolie tante Hanna, alors amoureuse et prête à quitter Carson Mills pour New York avec son petit-ami Thomas. Jon trouve l'occasion d'imposer sa virilité à Hanna. Quand Louise, la fille d'une ferme voisine, est violée dans son lit, le vieux shérif Jarvis Jefferson serait bien avisé de soupçonner Jon Petersen. Dix jours plus tard, c'est sur le meurtre de la bienveillante bibliothécaire Theresa Turnpike qu'il doit enquêter. Elle a été tuée avec violence dans un sinistre hangar isolé. Âgée de seize ans, la fille du banquier Monroe semble aussi avoir été violée, en l'absence de ses parents.

La disparition de plusieurs chiens et chats est signalée dans le secteur. Jarvis Jefferson en profite pour interroger Jon, adolescent qu'il sait “à part” à Carson Mills. Toutefois, le shérif n'en tire aucune conclusion. Ayant trouvé un travail et acheté une voiture avec laquelle il se balade beaucoup, Jon se tient relativement tranquille durant les quatre années qui vont suivre. Sa recherche d'une compagne reste longtemps infructueuse, les jeunes femmes devinant son caractère dur. Jusqu'à ce qu'il épouse la blonde Joyce Flanagan, à Wichita (Kansas). Lorsque Jon perd son job pour une affaire de mœurs, le couple revient bientôt habiter la ferme familiale, avec le grand-père et la tante Rakel.

Jon et Joyce ont un fils, Riley, qui sera élevé sans grande tendresse. Tandis que Jon vivote de son activité d'équarrisseur, sa femme est contrainte de monnayer ses charmes pour rapporter un peu plus d'argent à leur foyer. Encombrants pour Jon, Ingmar et Rakel ne vont plus avoir leur place à la ferme. De son côté, Ezra Monroe, la fille du banquier, a mal tourné. Sans doute est-il fatal que sa route croise celle de Jon. C'est alors que plusieurs signes du Destin interviennent dans la vie des Petersen, père et fils. Non pas que Jon améliore tant son comportement agressif. Non pas que l'adolescent Riley “découvre” la monstruosité sans borne de son géniteur. Mais, en entraînant une mineure dans sa ferme, Jon va commettre sa première et dernière erreur…

Maxime Chattam : Que ta volonté soit faite (Éd.Albin Michel,2015)

L'étiquette "thrillers" convient certainement pour la plupart des livres de Maxime Chattam. Encore que ce label s'applique moins à son diptyque “Leviatemps” et “Le requiem des Abysses”, polars historiques teintés d'une belle dose de Fantastique. Cette fois, il s'écarte plus nettement de sa manière habituelle, en produisant un suspense dans la veine du roman noir. "Un vrai de vrai ?" s'interrogeront les puristes. Force est d'admettre que nous avons ici les éléments caractéristiques du genre.

Au centre, comme dans tous les cas chez Chattam, se trouve le Mal, incarné par Jon Petersen dans un portrait sans concession. Un homme brutal, assumant dès son plus jeune âge sa cruauté. Cynique aussi, puisqu'il jouit d'une certaine impunité lui permettant de mépriser la population. Dans son entourage, on n'ose guère réagir, personne n'ayant assez de courage pour affronter le Diable.

Avec pour décor l'Amérique profonde, comme il se doit, l'histoire nous est racontée par un témoin anonyme, présent et attentif. Soulignons qu'il faut faire le distinguo entre le dénouement de l'intrigue criminelle et la fin du récit. L'expérimenté shérif Jefferson saura éclaircir plusieurs points, moins flagrants qu'on a pu le croire. Quant au "final", chacun y verra soit un ultime rebondissement empreint de philosophie, soit une pirouette astucieuse du narrateur. Cela ne gâche en rien la bonne impression générale. Car nul ne contestera l'évident savoir-faire de Maxime Chattam. Y compris quand il emprunte les sombres chemins du roman noir.

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7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 05:55

Karl Kane est détective privé à Belfast, secondé par sa jeune amante Naomi Kirkpatrick. Geraldine, dix-sept ans, et Martina Ferris, seize ans, sont issues d'une famille de junkies de Dublin. Elles sont clean depuis plusieurs mois. Logeant en foyer à Belfast, Martina est coutumière des fugues. Cette fois, elle ne donne plus de nouvelles depuis trop longtemps. Très inquiète, sa sœur Geraldine engage Karl Kane. Le "privé" rencontre l'aimable Beverly Thompson, directrice du foyer, qui a déjà fait vider les maigres affaires de Martina Ferris. Malgré l'inhabituelle chaleur sur la ville, l'émule d'Humphrey Bogart se renseigne dans la vieille église squattée, du côté de Custom House. Cathy le Chat y règne en maîtresse sur une flopée de clodos. Elle n'est pas loquace concernant Martina, pourtant venue par ici.

Deux adolescentes assassinées après des maltraitances ont été examinées par Tom Hickx, ami légiste de Karl Kane. L'une fut trouvée en centre-ville, l'autre vers Black Mountain. Le médecin suppose une perversion sexuelle assez monstrueuse chez le tueur, qui a prélevé des organes sur les corps. Kane obtient ces infos à l'insu de son beau-frère Mark Wilson, patron de la police de Belfast, car les deux hommes se détestent cordialement. Dès le lendemain, les deux filles de dix-huit et quatorze ans sont identifiées. Il ne s'agit pas de Martina. C'est Ivana, amie transsexuelle de Naomi et Karl Kane, qui leur indique le suspect ayant le bon profil, Robert Hannah. S'il a effectivement un passé trouble et pervers, les policiers se refuseront à interroger ce notable socialement intouchable.

À ce stade, le détective sent la nécessité de se procurer des armes pour se protéger. C'est à Ivana qu'on s'attaque ensuite sans pitié. Karl Kane estime ne pas pouvoir faire confiance à l'inspecteur néophyte Malcolm Chambers pour élucider cette affaire-là. Peu après des menaces téléphoniques, le détective est agressé avec violence sans pouvoir répliquer. Il ne tarde toutefois pas à se venger du nommé Lennon, l'intermédiaire chargé de le cogner. En Écosse, le corps d'une jeune fille a été rejeté sur le rivage, du côté de Mull of Kyntire. On craint qu'il s'agisse de Martina Ferris, cette fois. Espérer amadouer Cathy dans cette église squattée, afin qu'elle avoue ce qu'elle sait sur les pauvres oies blanches qu'elle abrita ? Ça va occasionner pour Karl une rencontre cauchemardesque avec un Jésus sanguinaire.

Un nouveau cadavre dans la rivière Lagan, plombé avec le flingue qu'avait acquis le détective ? L'élimination de témoin, suite logique de sa virée en Enfer. Avec son ami Willie, auquel aucune serrure ne résiste, Karl explore une bâtisse à l'air sinistre. Il pénètre dans l'univers malsain de l'adversaire à ses risques et périls. Le retour à Belfast de Katie, la fille de Karl, change la donne. Pour le détective, mais aussi pour son ex-femme Lynne, et pour son beau-frère Mark Wilson. Même si la police interroge enfin Robert Hannah, ce n'est pas sur elle que Karl Kane va compter pour voir le bout du tunnel...

Sam Millar : Le cannibale de Crumlin Road (Éd.Seuil, 2015)

L'ambition de Sam Millar n'est pas de dépeindre un énième tueur en série, dans un de ces scénarios horrifiques dont on nous a tant gavés (c'est le mot). C'est, dans la meilleure tradition héritée d'Hammett et Chandler, de conter une authentique “histoire de détective privé”. On n'échappe pas à certains clichés ? Le “privé” s'entend mal avec la plupart des flics, il est l'amant de son assistante, il est désargenté voire endetté, sa santé n'est pas au beau fixe, il prend de sévères coups qu'il essaie de rendre au centuple, il traque la vérité dans les recoins les plus sombres ? Et sa route est jonchée de cadavres sanglants, tandis qu'un monstre d'une infinie cruauté, tapi dans l'ombre, poursuit ses morbides exactions ? Tant mieux, puisque ces images sont liées à ce type de personnages. Les ignobles criminels sont ses ennemis naturels, et le danger appartient à son quotidien, pas vrai ?

Par ailleurs écrivain en quête d'éditeur, partenaire un peu maladroit envers Naomi, Karl Kane se sait imparfait. Il avance de façon empirique, profitant d'infos glanées çà et là, sans méthode apparente. Il préfère les petites plaisanteries à moitié drôles aux effets comiques. Notons pourtant le souriant double palindrome "Bob Hannah". Fataliste, il ne vise pas une empathie à son égard : le “privé” reste solitaire, ou introverti. Néanmoins, la seconde partie de l'histoire va prendre une connotation très personnelle. C'est avec un enthousiasme certain que l'on suit les investigations de ce détective nord-irlandais.

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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 05:55

À Vigàta, en Sicile, un couple frère-sœur de vieux calotins enfermés dans leur immeuble s'est mis à menacer tout le monde. Le commissaire Salvo Montalbano, forcément, il a été obligé d'intervenir. Malgré ses cinquante-sept ans, il a eu fière allure sur la grande échelle des pompiers, à l'assaut du bâtiment. Les deux Palmisano, il n'a pas fallu longtemps pour les arrêter. Quand même, Montalbano s'est retrouvé au milieu d'une forêt de crucifix, puis face à des pianos où un rat jouait de la musique, à la lumière tremblotante d'une lampe à pétrole, puis en présence d'une poupée gonflable très usagée appartenant au propriétaire des lieux. Un reportage de TéléVigàta a témoigné du capharnaüm où vivait le couple de bigots, internés depuis, en s'attardant perversement sur la poupée décrépite.

Montalbano, le légiste Pasquano et toutes les autorités sont alertés quand on en retrouve bientôt une deuxième, une poupée gonflable identique. Le commissaire organise un genre de confrontation des deux, qui datent d'une trentaine d'années. La seconde a été copiée, pour les défauts dus au vieillissement de l'objet, mais des différences existent. La pauvre Adelina, chargée du ménage et de la cuisine chez Salvo, risque d'être épouvantée par ces deux faux cadavres. Un vieux neveu des deux dévots cinglés s'informe déjà, quant à un possible héritage. Par ailleurs, Montalbano a reçu un courrier qui l'invite à un jeu de piste. Dès la deuxième étape, il doit récupérer la copie des plans de Vigàta, afin de s'y repérer. Il suit à la lettre le chemin indiqué, trouvant une baraque où son image est omniprésente.

Les poupées causent à Salvo des tracassins en cascade. Il se demande s'il est bien utile de persévérer dans cette chasse au trésor insoluble. Arturo, un ami étudiant de sa copine Ingrid Sjostrom, voudrait connaître les méthodes d'investigation du commissaire. Avec ses airs d'Harry Potter, celui-là pourrait l'aider pour les indices du jeu de piste. Et en voilà un autre, un gros paquet qui ne contient pas d'explosif mais une tête. L'adversaire prend-il Salvo pour un agneau ? Le nouveau texte mène Montalbano à un profond étang, du côté de Gallotta. Son collègue Fazio "s'arappelle" qu'il s'y produisit jadis un drame familial.

Cette drôle d'histoire n'arrange guère les rapports, téléphoniques et déjà tendus, de Salvo avec sa fiancée Livia, là-bas à Boccadasse, dans la région de Gênes. Survient alors la disparition d'une jeune fille, Ninetta. Peut-être une "fuitina", fugue amoureuse ? C'est plus sûrement un enlèvement, car elle a été précédemment agressée. Et probablement une erreur, vu que Ninetta ressemble beaucoup à une autre femme, prostituée. S'il y a un lien, le curieux jeu de piste commencerait-il à prendre un tour plus cruel ? C'est bien un duel, les motivations de l'adversaire visant Montalbano "pirsonnellement en pirsonne", comme dirait le brave agent Catarella…

Andrea Camilleri : La chasse au trésor (Fleuve Éditions, 2015)

Lorsqu'on veut s'offrir une lecture garantie sans déception, il suffit de suivre Montalbano dans ses aventures. Roman d'enquête ? La formule ne s'applique que dans un sens large, avec cette nouvelle affaire. Il s'agirait plutôt d'un puzzle, où s'entrecroisent la vie privée du commissaire sicilien et son métier. Ensuqué par le manque d'action, ayant moins d'appétit, rousinant volontiers et ronchonnant souvent, le célèbre habitant de Marinella n'a guère le sentiment d'être au cœur d'un problème criminel, jusqu'à ce que…

Un strict "jeu de piste" serait déjà assez sympathique. On peut compter sur la virtuosité du Maestro Camilleri pour y apporter une tonalité plus alléchante encore. Le récit est enjoué, émaillé de scènes souriantes. Normal quand tout commence par des poupées gonflables, fussent-elles usagées. On aura même droit à un délicieux quiproquo, le fils d'Adelina ayant mal compris le souhait du commissaire. Autour de Salvo, on retrouve avec grand plaisir les policiers Fazio, Mimì Augello, Gallo et Galluzzo. Sans oublier notre désopilant ami Catarella, ainsi que l'attirante suédoise Ingrid. Encore un fort excitant et amusant épisode dans l'univers de Montalbano.

 

- "La chasse au trésor" d'Andrea Camilleri est disponible dès le 8 janvier -

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