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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 05:55

Drôle d'expérience d'être une pute bon marché au club Gran Madam's, côté espagnol de la frontière, à La Jonquera. Ex-étudiante, Virginie Lupesco devenue Bégonia Mars, “apprécie” les plaisirs du job. Y a qu'à se faire secouer dans tous les sens par une succession de clients, qui paient via une sorte de parcmètre. Pour le reste, Ludovic le Boss s'occupe de tout : lui tirer son fric, lui claquer des baffes, ingurgiter des chocolats et picoler. Et puis organiser un mauvais coup avec son assistant le Chinois et elle : buter salement le Catalan, patron du club où elle est employée. Dès le lendemain, le trio s'offre une virée côté France sous la chaleur de l'été, avec le chien de Bégonia, dans la Dacia pourrie du Boss conduite par le Chinois. Pinard à volonté pour un pique-nique en bord de mer près de Leucate, sur une plage polluée où la baignade est interdite. L'ombre du Catalan plane encore sur eux.

Le hasard fait qu'ils embarquent une gamine d'une douzaine d'années, Marielle, traînant dans les dunes. Elle a tendance à l'embonpoint, la petite. Quand elle a envie de voir les lions au zoo de Sigean, Ludovic le Boss est d'accord pour cette balade chez les fauves. Il n'empêche qu'une mineure, ça peut finir par attirer les embrouilles avec les flics. Ramener Marielle à ses parents, Jean-Louis et Sylvie, couple de garagistes à Capendu, un village du coin ? Bien que la fillette fugueuse ait disparu depuis plusieurs jours, ils ont l'air modérément perturbés, ces deux-là. Ce n'est pas sa première fugue, il est vrai. Quand même, ils sont très heureux que Marielle soit retrouvée, et invitent le trio à rester. Le Chinois étant tombé malade, ils sont obligés de prolonger leur séjour. L'occasion pour Bégonia Mars de se remémorer son parcours du Puy-de-Dôme jusqu'à la prostitution.

La jeune femme s'entend bien avec Marielle, qu'elle a envie de protéger. Surtout, Bégonia est très attirée par Ali Talib, le beau gardien de nuit de la station. Ludovic le Boss ne parle plus de ses projets parisiens. Globalement, une agréable pause vacances, dans la bonne humeur. Tandis que le farniente s'éternise à Capendu sous la canicule, les habitants du village masquent mal une certaine désapprobation envers le trio, suspect à leurs yeux. Le Chinois, issu d'un étonnant métissage, les intrigue sûrement. Par ailleurs, il y a la famille de Sylvie, au sujet de laquelle Bégonia ressent un malaise certain. Faut-il protéger Marielle contre tout cet environnement, finalement pas si calme, avec ses secrets et sa nervosité ? Quand les gens du village lancent les hostilités, il est temps pour le trio de réagir…

Anne Bourrel : Gran Madam's (La Manufacture de Livres, 2015)

Cet excellent roman s'inscrit dans la lignée de ce que l'on appela le “néo-polar” voilà une trentaine d'années. On y mêlait réalisme et marginalité, la narration fluide compensant un climat tendu. À l'époque, il eût trouvé sa place aux côtés de ceux de Pierre Pelot, Thierry Jonquet, Michel Quint, et autres ténors de la collection Engrenage du Fleuve Noir. Par son écriture vive et inspirée, l'auteure réussit instantanément à nous fasciner. Sacré “tour de force”, car elle n'est pas la première à nous raconter les déboires d'une prostituée.

Cette jeune femme acceptant le sexe tarifé à la chaîne, assumant sa soumission à un proxénète, on n'a vraiment aucune raison de la trouver émouvante. Probablement est-ce sa franchise qui la rend bien plus sympathique. Par exemple, elle n'a pas l'hypocrisie de se dire escort-girl, qualificatif plus noble (mais c'est la même chose) que celui de pute. Elle ne nie pas que, en plusieurs occasions, elle pourrait certainement fuir cet univers malsain. Franche ou sincère, oui, mais pas peut-être pas complètement lucide.

Elle semble accro au dégoût, comme bon nombre de ces femmes, qui jureraient mordicus qu'elles sont libres de leur vie, heureuses. Elles sont au service de faux-caïds : “Ils se ressemblent tous : visages fermés, lunettes noires, costume chemise blanche, chapeau de cuir, ou survêt, médaille, casquette. Aucun ne révèle jamais son véritable nom. Ils s'entre-tuent et sont interchangeables.” Les maquereaux d'antan n'ont guère évolué, des gagne-petits qui se donnent des airs de chefs, de businessmen.

Anne Bourrel confronte son trio à un monde normal et quotidien, en apparence équilibré, mais peut-être pas tant. Sous le soleil du Languedoc-Roussillon, un noir polar de haute qualité, nettement plus sombre qu'il y paraît.

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 05:55

En 2010, âgé de soixante-deux ans, K.William Hodges est depuis quelques temps retraité, après avoir passé quarante années dans la police. Sa vie est désormais plutôt ennuyeuse. Il est divorcé de sa femme Corinne, et leur fille trentenaire Alison vit à San Francisco. Il ne fréquente plus guère ses ex-collègues, dont son partenaire Pete Huntley. Seul Jerome Robinson, lycéen noir qu'il paie pour de menus travaux, reste un contact avec la vie réelle, sinon la télé occupe son temps. Hodges reçoit un courrier d'un criminel qu'il n'a pas réussi à identifier tant qu'il était en service. Ce Tueur à la Mercedes fonça volontairement sur une foule de chômeurs réunis en attente d'une Foire à l'emploi au City Center, causant plusieurs victimes dont un bébé. L'auteur de la lettre ne cache pas sa jubilation d'avoir tué tous ces gens sans se faire prendre. Avec ce puissant véhicule volé à Mrs Olivia Trelawney, et en prenant moult précautions, l'opération ne pouvait pas être un échec.

Hodges ne confie pas le courrier à la police. Il veut comprendre le but du tueur, qui semble bien renseigné sur lui-même, l'ancien flic. Besoin de célébrité ou, quoi qu'il en dise, envie de recommencer ? Hodges analyse la forme de la lettre, un texte avec des détails curieux, tel ce mot erroné de “créminel” pour “criminel”. Le retraité se souvient de l'interrogatoire de Mrs Trelawney, qui se suicida au cours de l'enquête. Se posait la question de la clé de cette Mercedes, l'assassin ayant refermé la voiture avec elle après l'avoir garée dans une zone industrielle isolée. La propriétaire disait ne pas posséder de doubles de ladite clé. Un petit mystère, pourtant capital, qui entraîna peut-être le suicide de Mrs Trelawney. Hodges retourne dans le quartier pour habitants aisés où elle habitait. Les confidences d'un agent de sécurité l'aident à mieux cerner les circonstances et le caractère de la défunte.

Hodges s'adresse à la quadragénaire Janey Patterson, sœur et héritière de Mrs Trelawney. Elle lui donne une lettre, à la tonalité culpabilisante, que le tueur envoya à feue sa sœur. Janey engage Hodges tel un détective privé pour éclaircir l'affaire. Malgré leur différence d'âges, le vieux flic et Janey masquent à peine leur attirance mutuelle. C'est Jerome qui va bientôt résoudre l'énigme de la deuxième clé de la Mercedes. Doué en informatique, il aide aussi Hodges à explorer un site Internet de rencontres, “Sous le parapluie bleu de Debbie”. Mrs Trelawney fut en rapport avec le Tueur à la Mercedes via ce site. D'ailleurs, le criminel donne aussi rendez-vous à Hodges sur le même site. Le retraité finit par jouer le jeu. À sa manière, tel le pêcheur à la ligne ferrant le poisson, en utilisant la provocation envers son adversaire anonyme. Il le traite de mythomane, ce qui ne peut qu'exacerber la fierté de cet assassin. Après plusieurs messages de la sorte, les réponses sont irritées.

Âgé de vingt-huit ans, Brady Hartsfield vit avec sa mère Deborah, adepte de la vodka. Il est employé à temps partiel chez Discount Electronics, vente et réparation informatique. Son second job, c'est marchand de glace. Avec son fourgon Mister Délice, il passe dans les quartiers. Dont celui de Hodges, où il a pour clients Jerome et sa jeune sœur de neuf ans. Voilà en partie comment Brady connaît si bien le retraité de la police. Chez lui, le sous-sol est aménagé tel un poste de contrôle informatique, avec sept ordinateurs et tout ce que le bricolage permet comme connections. Il compte même y mettre au point un appareillage explosif. Utilisant le pseudo de Frankie, du nom de son défunt frère, pour le site “Sous le parapluie bleu de Debbie”, c'est d'ici qu'il incita Mrs Trelawney à se supprimer. Excité par les réponses ironiques de Hodges, pour prouver qu'il n'est pas un rigolo, Brady projette d'empoisonner Odell, le chien de Jerome. En fait, il va se produire un sérieux ratage.

Hodges invite Jerome et Janey à repérer tout véhicule susceptible de surveiller le quartier. En provoquant le criminel, le but du vieux flic est “qu'il se concentre sur une personne en particulier. Plus je resterai dans sa ligne de mire, moins il pensera à planifier une autre tuerie comme celle du City Center, peut-être même encore plus grande.” En effet, Brady est jaloux des amours de Hodges et Janey. Tout en rôdant au centre culturel de la ville, il prépare un piège explosif. Interrogé par son ami policier Pete, Hodges ne dit pas la vérité. Le vieux flic, Jerome et leur amie Holly Gibney, doivent absolument contrer le tueur...

Stephen King : Mr Mercedes (Éd.Albin Michel, 2015)

Brady sait qu'il est malade mental, bien sûr qu'il l'est, les gens normaux ne foncent pas sur des foules de gens avec leur voiture et n'envisagent pas de commettre un attentat-suicide contre le Président des États-Unis. Les hommes normaux ne s'arrêtent pas devant la chambre de leur mère en se demandant si elle est nue. Mais les hommes anormaux n'aiment pas que les gens sachent qu'ils sont anormaux.

 

Il est superflu de faire l'éloge des romans de Stephen King. Son sens narratif fait de lui un des meilleurs conteurs de tous les temps, quel que soit le genre d'histoire qu'il entreprend de raconter. Cette fois, c'est dans un polar qu'il embarque ses lecteurs. Pas une énigme où il faudrait découvrir le nom du coupable, mais un duel entre un enquêteur et un tueur. D'une part, un récent retraité de la police prêt à se muer en détective privé, pour revenir sur une monstrueuse affaire non élucidée. De l'autre, un solitaire se croyant intelligent et malin parce qu'il est bon bricolo en informatique. Une base plutôt classique, en effet.

Ce qui convainc dans les romans de cet auteur, c'est la description de l'univers où évoluent les personnages centraux. Entre quartiers rupins et secteurs où fleurit la délinquance, une ville ordinaire du Midwest, quelque peu touchée par la crise économique. Un jeune Noir de bonne famille qui, par complicité avec le flic retraité, s'amuse à parler “petit nègre”. La petite sœur de Jerome excitée, comme une gamine de son âge, par un show au centre culturel. Une dame impliquée dans un acte criminel qui, comme beaucoup, s'occupait peu de la sécurité de sa voiture. Une amourette entre le vieux flic et une femme plus jeune. La mère du tueur ressemblant à une loque vulgaire. Voilà une poignée d'exemples de ce qui offre une belle crédibilité au sujet.

Stephen King s'applique à coller au quotidien, à une certaine réalité. Y compris dans les technologies si présentes à notre époque. Que nous maîtrisons parfois mal, tandis que d'autres savent en tirer parti de manière néfaste. Contraste entre l'innocente activité de marchand de glace et celle de technicien névrosé, en ce qui concerne le tueur. L'angle que choisit le policier retraité pour l'affronter est symptomatique aussi : la provocation. Sans doute, un des points forts du récit. Face à des jusqu’au-boutistes, raisonnement et recherche d'indices seraient insuffisants, il faut être aussi hargneux qu'eux. L'auteur utilise tout ce contexte avec son aisance naturelle, ce ton assez enjoué qui lui est propre. Encore un excellent suspense de Stephen King, un maître en la matière.

— Disponible dès le 5 février 2015 —

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 05:55

En cette année 1734, Voltaire va avoir quarante ans. Son ouvrage “Lettres Philosophiques” a été condamné par les autorités royales. Il a été contraint de se réfugier au château de Cirey, dans le duché de Lorraine, chez son amie Émilie du Châtelet. Malgré les mirabelles et la cuisine locale, Voltaire s'ennuie de Paris où il est banni. Il y retourne clandestinement afin de retrouver Émilie, avant qu'elle se laisse séduire par Maupertuis, savant en vogue.

Quand il arrive chez la marquise, le cadavre empoisonné d'une soubrette vient de sortir d'un placard de cuisine. Ni Maupertuis, ni Voltaire n'ont vraiment de solution, car l'alerte a été donnée. Sollicitée par le lieutenant général de police Hérault, Émilie du Châtelet joue la comédie de l'ignorance. Une noble dame n'a pas à se préoccuper d'une simple servante, que diable ! Si René Hérault poursuit l'interrogatoire dans ses bureaux, ce n'est pas qu'il la suspecte, mais parce qu'il est sous le charme incontesté d'Émilie.

Voltaire a bien vite quitté la demeure de la marquise, retournant à son ancien domicile. Non pas qu'il compte sur l'assistance du couple Dumoulin, ses logeurs chafouins. Mais l'aide du gros abbé Linant, son ancien secrétaire prisonnier dans leur grenier, peut s'avérer utile. Encore qu'il pense davantage à s'empiffrer. Voltaire va successivement se faire engager chez l'écrivain Montesquieu puis chez l'épistolière Mme du Deffand, profitant que tous deux soient bigleux. Il ne profitera guère de l'hospitalité du comte d'Argental, fera quelques dépenses au frais de Maupertuis, avant de s'installer chez des nonnes. S'il doit se grimer, c'est facile pour ce Fregoli avant l'heure qui pense posséder “les plus belles fesses de la littérature française.”

Quoi qu'il en soit, Voltaire doit garder un œil sur sa belle Émilie, invitée à résider chez Hérault, tout en menant son enquête. La jolie marquise n'aurait jamais dû recevoir cette luxueuse “maison de poupée”, décorée avec soin, garnie de petits personnages. Le service de surveillance du courrier a mal dirigé ce précieux objet. Avec la bénédiction du lieutenant général Hérault, Voltaire se renseigne chez une modiste malgracieuse, puis chez l'artisan qui fabriqua cette merveille de jouet. Restant officiellement recherché, sous menace d'embastillement, Voltaire frôle l'arrestation chez un perruquier saxon qui se fait son complice.

C'est donc ladite “maison de poupée” qui s'avère empoisonnante. Du moins, en la tripotant, faut-il se méfier d'insidieux dards mortels. Émilie du Châtelet finit par situer la demeure ayant servi de modèle à ce remarquable jouet. Déserté aujourd'hui, l'hôtel particulier de Parolignac fut le sinistre lieu d'un crime, dit-on. Serait-ce dans les salons mondains que Voltaire trouvera les preuves de ce qui pourrait bien être un complot ?…

Frédéric Lenormand : Élémentaire, mon cher Voltaire ! (Éditions J.C.Lattès, 2015)

Depuis “La baronne meurt à cinq heures” (2011, Prix Arsène Lupin), c'est la cinquième aventure voltairienne que nous raconte Frédéric Lenormand, auteur chevronné. Il s'agit d'une comédie policière enjouée, qui s'amuse avec les péripéties (revisitées) de la vraie vie de son héros. Que l'on imagine pas le vieux Voltaire, quelque peu assagi, réfugié en son château de Ferney, assis dans son fauteuil et se consacrant à l'écriture. Car c'est un Voltaire encore jeune et frétillant, se gaussant des littérateurs de son temps (ainsi que du compositeur Jean-Philippe Rameau), amoureux de l'intelligente et ravissante Émilie, échappant d'un air sautillant à la police royale, qui nous entraîne dans son sillage.

Philosophe et aventurier ? La biographie de Voltaire nous montre que son existence fut effectivement agitée. Ses moments de répit ne furent que temporaires, on le sait. À vrai dire, c'est l'époque du roi Louis XV qui s'y prêtait, riche en manigances et conspirations. Une quinzaine d'années plus tard, le chevalier d’Éon en sera l'illustration. Si l'auteur se base sur des personnages et des faits d'alors, il choisit de traiter l'Histoire avec le sourire. On se plaît à penser que le pétillant Voltaire, doté d'un esprit vif et caustique, aborda avec la même énergie endiablée les vicissitudes de son parcours. Entre fluidité du récit, humour et suspense, un roman “historique” fort excitant.

 

— Disponible dès le 4 février 2015 —

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28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 05:55

Un immeuble en chantier sans gardien, rue du Laos, Paris 15e. Dans la cave, le cadavre d'une quadragénaire morte là depuis plus d'une semaine. La victime ligotée a été mutilée, torturée, bras brûlé et langue sectionnée. Étrange constatation : ces blessures ont été soignées, et le corps martyrisé déposé tel un gisant médiéval. C'est une ado anonyme qui a donné l'alerte en pleine nuit. Le groupe du commandant Bastien Carat, de la Brigade Criminelle, est chargé de l'enquête. Une équipe un peu bancale et démotivée, marquée par l'exclusion d'un des leurs, Colin Mansour, meilleur ami de Carat. Il a été remplacé par Franka Kehlmann, venue de la Brigade Financière, protégée par la divisionnaire Christine Santini. La nouvelle ne demande qu'à faire ses preuves, malgré un frère embarrassant, Joey. Enfants d'une défunte chanteuse et d'un universitaire agressif, Franka et son frère ont une histoire familiale chargée. Pour elle, leur père fait figure de “chacal”.

L'heure serait à l'efficacité, en récoltant rapidement un maximum d'élément, bien qu'on ne dispose ni d'empreintes, ni de traces ADN. Car on a probablement affaire à un prédateur, un méchant dingue cruel et précis. Si Bastien Carat se méfie de sa supérieure Christine Santini, il peut compter sur le soutien amical du juge d'instruction Seimourt. Garder un contact positif avec son ex-collègue Mansour, qui est en soins psys, paraît de moins en moins possible. Les ouvriers du promoteur Victor Frey ayant travaillé sur le chantier figurent parmi les premiers suspects. L'un d'eux, Teddy Brunet, aurait le profil adéquat. On procède à son arrestation musclée chez son ancienne petite amie sage-femme. Un coupe-boulon peut incriminer Brunet. Il sera défendu par un célèbre avocat, Louis Bagneux, qui ne semble pas redouter l'accusation contre ce véhément client.

Quand Colin Mansour prend contact avec Franka, c'est visiblement dans le but de semer la discorde dans le groupe de Carat. La jeune policière garde le cap dans l'enquête, notant les petits troubles de santé de son chef. Maître Bagneux, ami du promoteur Frey, s'affiche en esthète bienveillant : il a remarqué les qualités de photographe de Joey. Peut-être cet avocat joue-t-il un trouble jeu. Néanmoins, on finit par réaliser que la nervosité de Brunet était explicable. La victime est enfin identifiée : Victoire Pélissier était médecin au Samu.

Tu baigneras dans la lumière. Tu seras noyée dans l'étang de feu” : cette formule tirée de l'Apocalypse indique aux enquêteurs qu'ils ont affaire à un prédateur mystique. Un ami du juge Philippe Seimourt, historien spécialiste de la torture, cerne pour Carat l'esprit de l'assassin. La calligraphie intervient sûrement dans son processus mental. Plus tard, on s'apercevra que des phénomènes naturels sont aussi prétextes déclencheurs. L'enquête devient fatigante pour Carat, qui aimerait consacrer plus de temps à son épouse Garance, chef cuisinière. Pour Franka, les tentatives de retour de leur père nuisent quelque peu à sa concentration. Une affaire datant d'une dizaine d'année présente des analogies avec le cas de Victoire Pélissier. Un homme retrouvé dans un canal avait aussi été amputé de la langue…

Dominique Sylvain : L'archange du chaos (Éd.Viviane Hamy, 2015)

Ce n'est évidemment pas un ordinaire roman d'énigme, avec assortiment de suspects et enquête rectiligne, que nous propose Dominique Sylvain. Auteure confirmée, elle entraîne son public sur les pas d'un assassin mystique, en prenant bien garde de ne pas “surdoser” ses effets. Elle sait qu'il serait contre-productif de charger l'ambiance, de miser sur l'excès de croyances délirantes, dans cette intrigue ou la motivation criminelle est autre. Finesse et méandres vont agréablement de pair dans le récit.

Certes, un climat de mystère règne ici, mais c'est davantage à travers chaque personnage et son univers privé. Ce sont des portraits fouillés, riches en nuances, voire en demies-teintes, que dessine Dominique Sylvain. Ainsi, sous son air de catcheur, Bastien Carat masque une part de fragilité. Ou encore, le suicide passé de leur mère crée entre Franka et Joey un lien fort subtil. Et l'on peut discerner que le cas de Colin Mansour n'est pas si extérieur, bien sûr. En somme, si tous portent leur croix, celle de l'adversaire des policiers s'avère la plus pesante. Notons que l'auteure glisse la différence entre les tueurs-en-série américains, souvent cruels par goût, et les quelques cas français. Toutefois, la férocité du prédateur reste mortelle jusqu'au bout de cette affaire. Un suspense aussi sombre que palpitant, une belle réussite.

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26 janvier 2015 1 26 /01 /janvier /2015 05:55

La vie de W. a basculé vers 1979-80 en Italie, quand il a rencontré un certain Dan. Celui-ci dirigeait un groupuscule anti-communiste, le Gladio. C'est sur une base de l'OTAN que son adjoint Gus entraînait des tireurs d'élite, des baroudeurs qui seraient envoyés plus tard en mission. Avec une préparation idéologique, afin que ces exécuteurs réalisent les bienfaits de l'économie capitaliste mondiale, pour laquelle ils allaient œuvrer. Être grassement payé afin d'éliminer les grains de sables qui nuisent à l'ultra-libéralisme, sans contact avec les commanditaires. Ne pas exister, mener des opérations occultes pour un résultat efficace. Voilà ce qu'on attendait de W. et de ses semblables. Il arriva qu'il coopère avec des gens exerçant le même métier particulier.

À Samarkand (Ouzbékistan), c'est avec Dimitri qu'il accomplit sa mission. C'était l'époque post-Gorbatchev, où l'on faisait le ménage autour de Gazprom afin que ça devienne un puissant holding. W. est intervenu depuis dans d'autres pays du monde. Y compris aux États-Unis, à la demande de l'industrie céréalière. C'est cette fois-là qu'il découvrit les Struggle For Live, un groupe de rock trash. Leurs musiques violentes accompagnent généralement ses missions, depuis cette époque. Quant à lui, W. n'est pas du tout opposé au système, qui lui permet de gagner des fortunes avec une activité “infralégale”. Que ses employeurs soient puissants, tandis que W. reste discrètement dans la marge, voilà ce qui lui garantit une certaine sécurité.

Il y a plus de vingt ans qu'il est exécuteur sur contrats. Le Gladio de Dan, c'est du passé. Il compte sur son ami trader new-yorkais Jack pour gérer au mieux son patrimoine. En abattant naguère un duo de maîtres-chanteurs, W. rendit un sacré service à Jack. En ce début septembre 2001, W. s'est installé au Chelsea Hotel, en plein cœur de New York. Il a une nouvelle mission lucrative à remplir, dans une des tours du World Trade Center. Buter un inconnu, récupérer sa mallette de documents, la transmettre à un contact, sans rien savoir des raisons de l'opération, parfait pour W. Tout se déroule comme prévu. Sauf qu'il remarque une femme qui le surveille et, surtout, que la tour du WTC se met à trembler. Dimitri est présent, lui aussi, venu là pour supprimer sur contrat son collègue W.

W. avoue avoir été déstabilisé par la situation inattendue, même si l'obstacle principal n'était pas Dimitri. Descendre avec la foule fuyant l'immeuble, sortir du guêpier encore inexplicable, regagner le Chelsea Hotel, c'est ce que lui dicte son instinct de survie. Il se procure au plus vite des armes. Après un périple dans la ville paniquée, W. pense que le Chelsea Hotel est surveillé. Se réfugiant dans une église, il s'aperçoit que les documents de la mallette qu'il a récupérée possèdent une très forte valeur.

Il est temps de faire son débriefing personnel. Et de se demander pourquoi il est, à son tour, devenu une cible ? Il a pourtant toujours privilégié le business, ne pratiquant jamais de politique. Lorsqu'il rentre clandestinement à l'hôtel, repérant des gens en surveillance, W. est sûr que plusieurs camps le traquent. Une nommé Lila, probablement employée par un service secret, lui offre une opportunité de négocier. Leur cavale ne sera pas sans causer quelques nouvelles victimes….

Jean-Paul Chaumeil : Ground Zero (Éd.Rouergue Noir, 2015)

Il serait un peu trop facile de classer ce livre parmi les “romans d'espionnage”, ou de lui donner la même étiquette que ces “thrillers internationaux” traitant de la guerre secrète. Il est vrai que l'auteur souligne le cynisme de la finance mondiale, de son mépris de tout ce qui gêne son essor exponentiel. Ce qui a déteint sur le personnage central, narrateur de cette histoire, converti à l'ultra-libéralisme. S'il garde en lui une certaine rébellion, elle est musicale, à travers les chansons ponctuant ses missions. Pour le reste, le fric est plus motivant que tout, à ses yeux. Ce genre d'exécuteur sur contrat est-il crédible ? Ne dit-on pas que, au nom de la Raison d’État, certains pays utiliseraient les services de tueurs ? Des financiers usant de méthodes mafieuses pourraient assurément faire de même.

Le héros qui se trouve “au mauvais endroit, au mauvais moment”, c'est une des grandes traditions du polar. Quand il s'agit d'une tour du World Trade Center, le 11-Septembre, on est fatalement entraîné dans une situation extrêmement complexe. Notons qu'une partie de l'affaire se passe au Chelsea Hotel : un lieu judicieusement choisi, car c'était encore à l'époque une joyeuse pétaudière où tout pouvait se produire. Nous voilà plongés dans un tumultueux roman d'aventure, où plane un danger omniprésent.

Ce suspense possède un atout supplémentaire : sa tonalité d'écriture. Le narrateur interpelle le lecteur, ne cachant rien de son état d'esprit, de son activité, de son passé. Les dialogues sont peu nombreux, internes au texte, indiqués en italiques. Ça correspond à la logique d'un récit qu'il nous raconterait de vive voix, type “témoignage vécu”. Surtout, la méthode étant bien maîtrisée, ça offre un tempo bienvenu à l'intrigue. Un premier roman de très bon niveau.

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24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 05:55

Originaire du Sénégal, Pénélope Cissé est depuis peu en poste à la brigade criminelle de Sète. À son âge, elle devrait mériter mieux que son grade de lieutenant. Par son caractère indépendant et ses méthodes jugées contestables, c'est une mutation disciplinaire qui l'a conduite dans cette ville. Ce qui gêne quelque peu le commissaire Garamont, mais le juge d'instruction Éric Monteil semble apprécier la jeune femme. Quant à la grossièreté du Dr Bigard, le légiste, elle s'en accommode. Pénélope doit accepter comme adjoint l'aspirant policier Thomas Dujardin, pour cette nouvelle enquête que lui attribue Garamont. Il sait qu'elle va détonner dans cette affaire, qui devrait d'ailleurs être confiée aux gendarmes.

Ludovic Gallieni a été récemment réélu maire de Castellac, un village de la région sétoise. Charmant décor bucolique que cette bourgade au milieu des garrigues et des combes, où le bistrot de Maurice constitue la centre de l'animation communale. Pour l'essentiel, la population locale est composée de “natifs”, souvent chasseurs. Quand le maire Gallieni est retrouvé mort dans la campagne des environs, ça crée un émoi certain. Sauf pour Marianne Grangé, candidate malheureuse face à Ludovic Gallieni au dernier scrutin. Elle fut même agressée physiquement par des amis du maire, à cette occasion. Son téléphone portable a été découvert près de la bergerie des Aulas, sur les lieux du crime.

La version officielle évoque en priorité un suicide. En réalité, sous prétexte de soirée entre chasseurs, c'est une orgie qui se déroulait à cet endroit. Pratiques sexuelles perverses et drogues fortes étaient au programme. Pénélope interroge José Vidal, premier adjoint et beau-frère de Gallieni, époux de sa sœur Anita. Celui-ci ne cache pas son vif agacement contre les nouveaux habitants néo-ruraux de Castellac. Vidal défend son terroir, fait l'éloge des Gallieni, maires de père et fils depuis l'Après-Guerre. N'ont-ils pas fait des “donations” de terrains, afin que les habitants puissent vivre de la vigne ? Cet état d'esprit villageois serait à l'opposé de celui des étrangers récemment installés, selon lui.

Entre autres, le comité de Marianne Grangé et de son ami Fred est contre l'implantation d'une décharge de déchets nucléaires. Il est possible qu'ils aient entraîné Jérémie, le fils unique de Gallieni, dans leur combat idéologique. Disposant de photos de la bacchanale à laquelle participa le maire, Pénélope fait interroger par la police sétoise tous les gens qui étaient présents. Ce qui énerve son supérieur Garamont. Anita Gallieni a gardé le contact avec Simon Janssens, un Juif de Belgique qui vécut ici durant leur enfance. Il peut lui apporter un certain soutien moral. Quand Marianne et Fred sont blessés après avoir été cibles d'un 4x4 et de coups de feu, l'affaire prend une tournure plus tendue encore…

Martine Nougué : Les Belges reconnaissants (Éd.du Caïman, 2015)

L'évolution péri-urbaine amène, depuis deux à trois décennies, de plus en plus d'habitants vers des communes où l'on vivait “entre soi” jusqu'à là. D'un côté, l'accueil n'est pas si chaleureux de la part des gens qui ont toujours vécu à leur rythme. Pas question de remettre en cause des projets municipaux non plus, par exemple. De l'autre, des néo-ruraux veulent rapidement imposer leur seule vision des choses. Chant du coq, bouses de vache, cloches de l'église, dérangent certains. On connaît des bourgades où les nouveaux ont manœuvré pour évincer de la mairie les villageois d'origine. Rivalités et mésententes qui assombrissent parfois le contexte local. Y compris avec une part de violence.

C'est un agréable roman policier traditionnel que nous propose Martine Nougué. Quand un paisible village “bien de chez nous” est frappé par une affaire criminelle, ça crée quantité de remous. Ce qui donne lieu ici à une intrigue balisée, une enquête de bon aloi. On aurait pu souhaiter une tonalité plus percutante, davantage de mordant, l'ambiance s'y prêtant. Néanmoins, le tempo narratif est fluide, et les personnages sont fort bien dessinés. La policière reste une observatrice attentive. Entre sa fille qui l'attend à Dakar pour de proches vacances, et le sympathique libraire Luigi, Pénélope Cissé essaie de cerner les caractères autant que les us et coutumes de cette bourgade. Et les éventuels dérapages. Un bon polar du terroir de forme classique.

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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 05:55

Le commissaire divisionnaire Robert Laforge et son adjoint Étienne Brunet en ont vu “des vertes et des pas mûres” en trente ans de carrière. Pourtant, dans cette affaire-là, ils sont “restés comme deux cons”. Le rondouillard et caractériel Laforge autant que le grand et fidèle Brunet, ils croyaient tenir le coupable dès le départ. Élodie Favereau, vingt-sept ans, prof de français, a été assassinée chez elle avec une hachette. Le tueur l'a mutilée, posant en vue la tête décapitée de la jeune femme. Mise en scène sordide, perverse. Grâce à des caméras de surveillance, le suspect est très vite identifié. Antoine Deloye, vingt-huit ans, est le fiancé d’Élodie. Il a des vêtements identiques à ceux des vidéos, et son ADN est sur les lieux du crime. Pas d'empreintes, à cause dune maladie génétique, l'adermatoglyphie. Les yeux très clairs d'Antoine, captés en vidéo, suffiraient presque de preuve.

Bientôt arrêté et interrogé, le suspect accuse son frère Franck. Ce serait un être malsain, jaloux, qui aurait autrefois tué un chien à la hache, et entraîné la mort prématurée de leurs parents. Ce Franck est effectivement son jumeau, à l'identique : les policiers en sont tout surpris quand il se présente à leurs bureaux. Franck a l'air affable, bouleversé quand il apprend le crime. Quand le commissaire Laforge se montre affirmatif, Franck refuse de croire en la culpabilité de son frère Antoine. Non seulement ils ont le même ADN, mais le jumeau n'a pas d'empreintes non plus. Pour Laforge et Brunet, les deux pistes sont autant valables, à suivre à égalité. Franck est pris en filature par un flic. Si Antoine réclame son avocate, rien d'urgent pour Laforge. D'abord comprendre comment le tueur a éliminé tout le sang qui a dû gicler sur lui, et pourquoi il est entre-temps sorti acheter des roses.

Le lieutenant Hervé Pauchon, trente-et-un ans, blessé en service, est un maladroit aux yeux du colérique Laforge. Brunet l'envoie dans l'immeuble d’Élodie pour une enquête de voisinage. L'appartement de la jeune femme donne une impression d'abandon. Ça faisait plusieurs jours qu'elle en était absente. Les Marchand, couple de vieux voisins, ont-ils vraiment eu le pressentiment qu'un malheur devait arriver à côté ? Pauchon persiste à chercher témoignages et éléments sur place, tandis que Laforge consigne noir sur blanc pour son équipe tout ce qu'on sait déjà. Un des deux frères a un alibi : il a passé la soirée dans un bar avec Fabrice Peyrot, collègue d'Antoine, connaissant également Franck.

Sans doute les policiers ignorent-ils que, dès l'enfance, les jumeaux se montrèrent plutôt joueurs, mais aussi très turbulents. Ils brouillaient les pistes pour que leurs parents ne puissent pas les identifier. À l'âge de cinq ans, ils eurent une sœur, Claire, dont le décès subit ne leur causa pas d'émotion visible. En grandissant, les parents ne furent plus en mesure de maîtriser Antoine et Franck, sans qu'on sache lequel était le plus méchant. Le docteur Catherine Daout, gynécologue aujourd'hui âgée, avait fini par être effrayée par cette famille, par ces jumeaux monstrueux. Pour les policiers, le premier face-à-face des frères ne sera guère concluant, chacun accusant toujours plus ou moins vivement l'autre…

Jacques Expert : Deux gouttes d'eau (Sonatine Éditions, 2015)

Dans la réalité, ce type d'affaire serait un casse-tête pour n'importe quel enquêteur. Nul doute qu'un vrai policier ou un juge d'instruction n'auraient qu'une envie, être dessaisi du dossier au plus vite. Peut-être même, de quitter le métier. Tenir le coupable, tout en étant dans l'impossibilité de désigner lequel d'eux, terrible dilemme. Mais l'expérimenté Robert Laforge n'est pas de ces flics qui renoncent, quitte à éclater de rage ou a accuser un de ses subordonnés (ici, le jeune Pauchon) quand le cas est difficile à résoudre. Son adjoint ne sait trop sur quel pied danser, non plus. L'un et l'autre ont un suspect différent.

Le théoricien du polar S.S.Van Dine recommandait (règle n°20, alinéa F) d'éviter comme procédé de présenter “le coupable frère jumeau du suspect ou lui ressemblant à s'y méprendre”. Certes, mais en affichant cette gémellité ou l'aspect identique dès le début, on contourne aisément ladite règle. G.J.Arnaud le démontra déjà dans “Les imposteurs” (Fleuve Noir, 1980). Notons la présence furtive d'un Professeur Mesplède (spécialiste des maladies orphelines), ce qui ressemble fort à un clin d'œil à Claude M. On l'aura compris, c'est la notion de jeu que Jacques Expert cultive dans cette histoire. Jeu entre l'auteur et le lecteur, entre le commissaire Laforge et ses collègues, et bien sûr entre les jumeaux. Bien malin qui dira quel est le criminel. Une intrigue solidement racontée, ce qui n'exclut pas de belles occasions de sourire.

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 05:55

En Finlande, le terrain de camping de Vehmerranta appartient au couple Kilkki. Situé au bord du poissonneux lac de Pyhäjärvi, ouvert pour l'été à partir de mai, il se compose seulement d'une demie-douzaine de bungalows. Ces chalets sont principalement loués d'avance par des habitués. Il s'agit de passionnés de pêche, tel le fluet et taciturne Ilpo Kauppinen accompagné de son épouse Hilkka. Bientôt retraité, il y passe ses journées jusqu'à l'automne, le matin près de la rive, l'après-midi en eaux plus profondes, pêchant à la ligne ou au lancer. Il alerte la police ce matin-là, après avoir reçu sur sa barque un message de détresse par CB de Hilkka, restée au bungalow. Le quadragénaire capitaine Sudenmaa est chargé de l'affaire, l'épouse d'Ilpo ayant effectivement disparu du chalet.

Même si une battue avec des volontaires ne la retrouve pas, le policier préfère considérer que Hilkka est encore en vie. Nul cadavre noyé dans le lac, non plus. Tout en enquêtant, Reijo Sudenmaa garde un œil sur sa fille adolescente Mariska, qu'il élève seul car sa mère Irene n'est guère exemplaire. Le policier s'aperçoit que Ilpo Kauppinen divorça de la robuste Seija Kauppinen, avant de se remarier à la sœur de celle-ci, Hilkka, bien plus terne. Telle une furie mal contrôlable, l'amazone Seija accuse son ex-mari Ilpo d'avoir assassiné sa femme, sa sœur à elle. Ils n'ont été mariés qu'un an, mais les obsessions halieutiques du pêcheur exaspéraient Seija. Celle-ci est la seule à parler d'une mésentente dans le couple Hilkka et Ilpo. Sa sœur a souscrit une assurance-vie en faveur de Seija.

Osmo Kilkki, fils des propriétaires du camping, fait un possible suspect. Âgé de vingt ans, défiguré lors d'un incendie durant son enfance, il apparaît assez simplet. Ce bricolo sans vraie activité n'a pas d'alibi sérieux. Il fut accusé d'une tentative de viol sur une femme mûre, par le passé. Sudenmaa visite l'appartement des Kauppinen, où rien ne semble manquer parmi les affaires personnelles de Hilkka. Il remarque les trophées de Ilpo, ses “crânes”, têtes de poissons correspondant à ses records de pêche.

Au camping, un voisin habitué aussi du lac admet ne pas avoir de relations avec Ilpo. Un coin de la propriété abrite une décharge puante, remplie de poissons mort, futurs appâts pour Kauppinen. Ilpo continue à passer une grande partie de son temps sur le lac. “L'eau, perfection incarnée”, indispensable pour lui. Ignorant toujours si Hilkka est vivante ou défunte, Reijo Sudenmaa espère que cesseront les addictions de son ex-femme Irene, pour l'équilibre de Mariska. Par contre, le policier n'empêchera certainement pas une nouvelle disparition...

Martti Linna : Le royaume des perches (Babel Noir, 2015)

Il paraît que la Finlande compte 187.888 lacs, la plupart assez petits : c'est dire que Martti Linna a choisi le décor le plus typique de son pays. En conséquence, on imagine que les pêcheurs finlandais sont très nombreux. Probablement pas tous aussi obsédés par les gardons, les brochets et surtout les perches, que Ilpo Kauppinen. Ça reste une activité saine, proche de la nature. Sauf, peut-être, quand on s'entraîne à la pêche au lancer dans une piscine. La psychologie du mari de la disparue fait parfois sourire, disons-le.

Quant à l'enquêteur Sundemaa, il a son lot de soucis privés, ce qui influe finalement peu sur le rythme de ses recherches. Il n'irait pas plus vite, ne serait pas plus efficace, s'il n'y avait le cas de son ex-épouse, divorcée depuis neuf ans. Le contexte agreste incitant à une agréable lenteur, l'intrigue avance sans précipitation. Déterminer les circonstances de la disparition, établir une petite liste de suspects, comprendre la relation de couple chez les Kauppinen, l'enjeu est classique et non dépourvu d'intérêt. Tout ça se passera dans le climat de plénitude où baigne ce roman. Par sa tonalité, ce suspense de Martti Linna est doté d'un charme évident.

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