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12 août 2018 7 12 /08 /août /2018 04:55

Dans la région de Brighton, au sud de la Grande-Bretagne, le commissaire Roy Grace appartient à la police judiciaire du Sussex et du Surrey. Avec sa compagne Cleo, et leur fils de cinq mois Noah, ils déménagent actuellement dans une nouvelle maison. Roy Grace reste marqué par le souvenir de son épouse Sandy, portée disparue sans explication. En ce mois de décembre, deux affaires viennent se télescoper, mobilisant le commissaire et son équipe. Alors qu’elle rentrait chez elle, Logan Somerville – vingt-quatre ans, diplômée en chiropraxie – a disparu dans le parking souterrain de son immeuble. Son fiancé Jamie Ball a très vite alerté la police, pensant à un enlèvement.

Par ailleurs, sur un chantier des environs, des ouvriers ont découvert un squelette de femme. Selon la légiste, la victime aurait été tuée il y a trente ans, son corps ayant sans doute été déplacé pour le ré-enterrer là où on l’a trouvé. Pour Roy Grace, le cas de Logan Somerville reste prioritaire, car plus le temps passe, plus l’issue risque d’être fatale pour elle. En réalité, le ravisseur aime jouer avec les femmes qu’il enlève et séquestre. Il les appelle des "projets" et se plaît à les torturer. Captive, Logan imagine d’abord que c’est Jamie qui a organisé son enlèvement, car elle était en train de rompre leurs fiançailles. La police soupçonne également le jeune homme, mais sa culpabilité est improbable.

Le psychiatre Jacob Van Dam, oncle de Logan Somerville, reçoit un étrange patient, envoyé par le Dr Edward Crisp, généraliste à Brighton. Cet homme, qui dit s’appeler Harrison Hunter, prétend être un criminel et savoir comment entrer en contact avec le ravisseur de Logan. Sachant que la vie de sa nièce est en jeu, Van Dam s’interroge : doit-il dénoncer ce patient à la police, ou bien s’agit-il d’un mythomane ? Pendant ce temps, Roy Grace poursuit ses investigations. Il associe la disparition de Logan à celle, récente aussi, d’Emma Johnson, une jeune fille ayant la même allure qu’elle. Si le ravisseur est un criminel en série, il est probable qu’il chasse des femmes aux mêmes caractéristiques. 

Les ossements du chantier semblent correspondre au cas de Katy Westerham, âgée de dix-neuf ans à l’époque de sa disparition, voilà trente ans. D’après des photos, elle ressemblait énormément à Logan Somerville. L’enquête fut appelée Opération Yorker. Roy Grace consulte les archives sur cette vieille affaire, cherchant la signification du tatouage DCD sur le corps de Katy Westerham. Quand la jeune Ashleigh Stanford disparaît à son tour, vu qu’elle ressemble aussi aux victimes précédentes, la police met en œuvre de gros moyens. Une piste mène à un soi-disant Martin Horner, un nom peut-être trop courant pour être vrai. Mais la vérité est certainement plus complexe…

Peter James : Lettres de chair (Pocket, 2018)

Il retourna à la tente des techniciens et retira sa combinaison, puis fonça vers sa voiture. Avant de démarrer, il prit quelques notes. Les relevés dentaires permettaient parfois une identification, mais les circonstances n’étaient pas favorables. Contrairement à l’ADN, dont la base de données était centralisée, il faudrait contacter des milliers de dentistes britanniques pour espérer obtenir un résultat. Il faudrait aussi en savoir plus sur la victime. Si elle n’était pas britannique, les chances de trouver son dentiste étaient nulles.
L’ADN n’était pas une piste facile non plus, dans le cas présent. À moins que la victime se soit retrouvée en garde à vue, son ADN ne figurerait nulle part. S’il devait remonter trente ans plus tôt, aucune chance que son ADN soit inscrit dans une base de données. Ils allaient donc devoir éplucher le fichier des personne portées disparues en s’appuyant sur les informations données par Lucy Sibun : femme entre 15 et 30 ans, disparue entre trente-cinq et quinze ans plus tôt.

Il s’agit du onzième titre consacré aux enquêtes du commissaire Roy Grace. Une série rencontrant un beau succès international. Ce qui apparaît logique, car ce sont des romans policiers s’inscrivant dans une forme traditionnelle autant que dans notre temps. L’auteur n’oublie pas de donner à son héros une vie privée, entre le souvenir d’une épouse ayant mystérieusement disparu et le couple actuel du policier. Si, entouré de collègues compétents et d’experts en médecine légale bien inspirés, Roy Grace ne manque pas de flair et se pose les bonnes questions, c’est un coupable peu suspect qu’il devra cerner dans la présente affaire. Il se peut qu’un détour par un hôpital de Munich lui offre des réponses plus personnelles. Grâce à sa souplesse narrative et à un récit détaillé, “Lettres de chair” est un suspense qui captive immédiatement le lecteur. On suit avec intérêt les recherches du commissaire, jusqu’à la cachette où il dénichera le coupable. Un roman très réussi.

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 04:55

Gérard Escaude, quarante-cinq ans, est policier dans la région toulousaine. Il ne se flatte pas d’une carrière prestigieuse, mais entreprend de raconter une enquête – basique, dans le quotidien du flic ordinaire – qui le marqua voilà une dizaine d’années. Il était alors en poste à Blagnac. L’urbanisation n’ayant pas encore tout grignoté, il existait toujours des terrains agricoles exploités autour de cette ville. Avec son épouse Émilie, Maxime Casse et son frère cadet Lilian avaient une ferme, et vendaient leurs produits sur les marchés. Une dame retrouva le cadavre de Maxime Casse dans un des champs de l’agriculteur. La police – Gérard Escaude et son collègue Guy Sicre – furent chargés de l’enquête.

Maxime Casse a été tué par arme à feu, objet qui ne se trouve pas près du corps. Le plus curieux, c’est sans doute que la victime est en chaussettes – blanches et propres – ne portant pas ses habituelles bottes vertes. Pourtant, le cadavre n’a pas été transporté et déposé là, c’est bien le lieu du crime. Escaude commence par interroger Émilie, la veuve. Elle affirme que l’exploitation agricole fonctionne correctement, que Maxime et Lilian se complètent pour cela, et que personne n’avait de raison de supprimer son mari. Le sang-froid d’Émilie étonne quelque peu le policier. On va bien vite retrouver les fameuses bottes de Maxime, rangées sous de cagettes. Bizarre de les avoir placées à cet endroit.

Les experts d l’Identité Judiciaire examinent tout ce qu’ils peuvent à la ferme, sous l’œil de Lilian – qui, après tout, est chez lui. Le type d’arme, un modèle très courant, a été identifié. Dans une remise utilisée par Lilian, on découvre des munitions correspondant à ce calibre. Interrogé au commissariat, le frère de Maxime déclare que tout se passait bien entre eux, qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre chasseur (contrairement à leur défunt père). Il travaillait en tracteur non loin de l’endroit où Maxime est mort, mais Lilian prétend ne pas avoir entendu de coup de feu. Difficile pour les policiers de mettre en doute le témoignage de Lilian, qui est un honnête agriculteur, pas un repris de justice fiché.

Le jeune Jérôme Dupin, employé à temps partiel par Maxime, n’est pas une piste sérieuse non plus. Lorsque l’arme du crime est retrouvée dans un endroit inattendu, ça ne répond guère aux questions que se posent les enquêteurs. Certes, ils possèdent désormais un suspect n°1, mais – libre après sa garde à vue – ce dernier prend la fuite. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’il sera repéré du côté du Pays Basque. Cette fois, l’affaire semble close pour Gérard Escaude, mais elle lui réserve une ultime surprise…

Patrick Caujolle : Le mort est dans le pré (Éditions Cairn, 2018)

Pour tout vous dire, j’écoutais ses réponses autant pour les mot prononcés que pour sa manière de les distiller. À coup sûr intelligente, elle n’hésitait pas, me regardait dans les yeux, mais choisissait ses termes avec circonspection, les épilant de son vocabulaire avec une pince sémantique aussi minutieuse que vigilante, comme si elle ne voulait pas les gaspiller. Le propre d’un agriculteur, me disais-je, c’est tout de même un peu de semer. Elle, au contraire, faisait tout pour ne rien éparpiller, pour ne rien émietter. Était-ce sa nature ? Était-ce par décence ? Était-ce par peur que mon terreau de flic ne fasse germer questions, contradictions ou invraisemblances diverses ? Ça, je l’ignorais encore, mais je constatais, j’emmagasinais.

Avec “Beau temps pour les couleuvres” (2014) et “Le prix de la mort” (2017), Patrick Caujolle a déjà démontré un talent certain en matière de polar. Le narrateur prend la précaution de nous prévenir : ce n’est pas un thriller spectaculaire, le genre d’enquête (un paysan tué dans son champ) qui n’intéresse même pas les cadors des Services Régionaux de Police Judiciaire. Pourtant, ça nécessite les mêmes efforts que des dossiers plus glorieux, les mêmes recherches scientifiques sur les indices, la même évaluation des témoignages. Ayant exercé ce métier, l’auteur connaît tous les aléas des investigations et des impressions ressenties par les policiers. Les enquêtes classiques, au plus près de la réalité, sont aussi passionnantes que les intrigues tarabiscotées. Ce que nous prouve ce très bon roman de Patrick Caujolle.

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22 juillet 2018 7 22 /07 /juillet /2018 04:55

Le commissaire Nazer Baron est policier à Nantes. Alors que son père vient de mourir, une amie juge d’instruction lui demande de revenir sur une affaire probablement bâclée par le magistrat qui s’en est occupé. Infirmier à l’Hôpital nord Laënnec de Saint-Herblain, Léo Bréval est actuellement en prison. Il est accusé d’avoir assassiné sa femme, Adénaïs, trente-et-un ans. Elle a été tuée par strangulation, sûrement avec son propre foulard. Léo Bréval, qui assure le service de nuit à l’hôpital, affirme avoir découvert son corps en rentrant au matin chez eux. Il est vrai qu’il a un peu tardé – environ un quart d’heure – avant d’alerter les secours, estimant qu’il était trop tard pour sauver son épouse. Mais il y a beaucoup trop d’approximations dans le dossier.

Une visite au domicile du couple n’apprend pas grand-chose de plus au commissaire. Il se confirme juste que la victime était dépressive, et que la réaction de Léo peut s’expliquer par un état de sidération. Hubert Arneke, l’adjoint de Baron, interroge la plus proche voisine des Bréval. Laurence Ternier confirme son témoignage, défavorable à Léo, qu’elle considère comme l’assassin d’Adénaïs. La piste professionnelle mérite également d’être explorée. La victime était en arrêt-maladie depuis quelques semaines. Elle était considérée par ses collègues comme réservée, mais pas triste par nature. Toutefois, “un événement était advenu dans la vie d’Adénaïs Bréval, dix ou quinze jours avant sa mort, suffisamment grave pour la plonger dans un état dépressif.” Elle aurait confié à sa collègue Judith : “Les choses ne seront jamais plus comme avant”.

Le commissaire Baron rencontre Léo, afin que celui-ci lui répète sa version des faits. Léo dit qu’il ignorait qu’existait une liaison entre son épouse et Fabian Prentice. Les policiers ne tardent par à interroger ce dernier, chef d’entreprise. S’il admet cette relation, ce ne fut pour lui qu’une aventure d’un soir. Fabian Prentice est marié, sa femme est enceinte, il n’a jamais eu l’intention de remettre en cause sa situation, ni de revoir en privé Adénaïs. Le commissaire Baron peut envisager qu’une tierce personne, encore non identifiée, ait joué un rôle dans cette affaire. La suite de son enquête va le mener jusqu’à La Rochelle. Où il y aura une autre victime, en lien plus ou moins direct avec le cas d’Adénaïs…

Hervé Huguen : Le troisième des deux (Éd.du Palémon, 2018)

C’était ça qui intéressait le commissaire. Adénaïs qui avait la réputation de soigner ses tenues vestimentaires, ne portait pas un vêtement de nuit de flanelle épaisse, uniquement destiné à protéger du froid, mais de satin gris, agrémenté de dentelle et dont le col baillait largement sur la poitrine. On distinguait nettement, au travers du tissu, la marque d’aréoles brunes.
Baron reposa les clichés, songeur. À qui Adénaïs aurait-elle ouvert la porte dans cette tenue ? À qui se serait-elle montrée ainsi, vêtue d’un pyjama au travers duquel on devinait qu’elle était nue dessous ?

Ce roman est le douzième titre de la série ayant pour héros le commissaire Baron, basé à Nantes. S’il arrive que certains crimes le mènent à Vannes (Morbihan), c’est bien dans la région nantaise (jusqu’à Ancenis) que se déroulent ici ses investigations. Baron n’est pas un "flic de choc", il pratique des enquêtes réfléchies, cherchant à comprendre chacun des protagonistes, ne soupçonnant tel ou tel que lorsque des éléments probants se font jour. L’intrigue est énigmatique et réserve quelques surprises. Comme il se doit dans la bonne tradition du genre, s’agissant d’un roman policier de bon aloi.

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20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 04:55

En 2010 aux États-Unis, Carl Schwartz vit une retraite paisible avec Emmi, sa compagne depuis soixante ans. Le début de son existence fut plus compliqué. En 1938, Carl est âgé de douze ans. Il habite Ratisbonne (Allemagne) avec sa sœur Ida et leurs parents, Erwin et Gretel. Pour eux, il est temps de fuir le pays, la famille bénéficiant de passeports pour Shanghai. Lors du voyage en train via l’Italie, ils sont interceptés mais réussissent – grâce à une générosité miraculeuse – à gagner le port de Gênes. Tandis que sa femme et ses enfants embarquent sur le navire prévu, Erwin Schwartz reste volontairement à quai. Il pense devoir retourner chez lui en Allemagne, imaginant que les autorités nazies ne s’en prendront pas à lui.

Pour le petit Carl, cette croisière est riche en nouveautés. Ayant pour obligation de rester à bord du navire, les Juifs et assimilés ne pourront profiter des escales, ni à Port-Saïd (en Égypte sous protectorat britannique), ni à Bombay, ni ailleurs. Carl se fait des amis, y compris parmi des personnes âgées. Ils arrivent finalement à Shanghai, où vit déjà une colonie d’Européens. Carl, sa sœur Ida et sa mère Gretel vont devoir s’adapter à des codes fort éloignés de ceux auxquels ils étaient habitués.

De son côté en Allemagne, la jeune Erna n’est pas des plus sérieuses. Craignant qu’elle devienne prostituée, ses parents l’envoient chez sa tante Marga à Munich. Erna s’aperçoit bientôt que celle-ci exerce de curieuses activités. Profitant de la crédulité de clientes aisées, la tante Marga se fait passer pour une voyante, organise des séances de spiritisme totalement bidonnées. Quand l’occasion s’en présente, elle est également avorteuse. En ces temps incertains, il existe une grosse demande. Marga ne s’interroge pas longtemps, dès qu’il est question d’argent. Pour pouvoir épouser un soldat, sa protégée Trudi doit ruser en faisant semblant d’être enceinte avant d’adopter un bébé orphelin. Erna observe ce petit monde malsain. Elle non plus ne sait pas de quoi sera fait le futur…

Andrea Maria Schenkel : Le bracelet (Actes Sud, 2018)

Il ne s’agit pas d’une intrigue polar. C’est une saga "à travers l’Histoire". La montée du nazisme fut diversement perçue par la population allemande. Juif converti au christianisme, bon citoyen, le père de Carl se croit à l’abri des persécutions, alors que le pouvoir hitlérien impose sa loi sans nuances. À l’opposé, la tante Marga sait que le chaos de la guerre qui arrive est propice à toutes sortes de combines lucratives.

Suivre son destin. Pour Carl encore enfant, le voyage salvateur jusqu’à Shanghai, c’est la liberté et la découverte. Il ne figurera pas parmi les victimes exterminées dans les camps nazis, mais aura la chance de profiter d’une vie heureuse. Quant à Erna, l’influence de sa tante jouera sur son avenir, quel qu’il soit. Évitant un cours d’histoire sur le nazisme et ses conséquences, Andrea Maria Schenkel évoque le sort d’êtres humains. Un roman touchant, positif, qui se lit avec plaisir et émotion. 

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18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 04:55

À Ratisbonne, en Bavière, à une centaine de kilomètres au nord de Munich. Âgée d’une trentaine d’années, Sybille Aurich se réveille dans une chambre d’hôpital. Le Dr Muhlhaus lui explique qu’elle a été agressée et qu’elle est restée dans le coma durant deux mois. Les premières pensées de Sybille vont vers son mari Johannes et, surtout, leur fils Lukas, sept ans, dont elle pense qu’il a été kidnappé. Selon le médecin, elle n’a pas de fils. S’apercevant qu’elle est prisonnière dans cette chambre, Sybille assomme le Dr Muhlhaus et parvient à s’enfuir. La pièce où elle fut enfermée se trouve curieusement dans une cave d’un hôpital de la ville. Dans la rue, une automobiliste complaisante – une dame mûre prénommée Rosie – accepte de la prendre en voiture et de la ramener chez elle.

À son domicile, Johannes Aurich affirme ne pas la reconnaître, et ne pas avoir d’enfant. Les photos du couple montrent plutôt une autre Sybille, encore qu’elle ne soit sûre de rien. Johannes ayant prévenu la police, deux flics arrivent bien vite. Ces inspecteurs Grohe et Wittschorek, ils ne croient pas non plus qu’elle soit la vraie Sybille Aurich. Ensemble, ils retournent à l’hôpital. C’est un autre Dr Muhlhaus qui les reçoit, certifiant n’avoir jamais eu affaire à Sybille. Celle-ci fausse compagnie aux deux policiers. À qui s’adresser, sinon à Rosie, qui la rejoint vite et l’amène chez elle. Quand Sybille lui raconte ses mésaventures, aussi incroyables soient-elles, Rosie lui fait confiance. Toutes deux rendent visite à la belle-mère de Sybille, en résidence médicalisée, mais rien de probant n’apparaît.

Un certain Christian Rössler propose son aide à Sybille, lui conseillant de se méfier de Rosie. La jeune femme contacte sa meilleure amie, Elke. Cette dernière ne la reconnaît pas non plus, bien que Sybille évoque des détails qu’elles sont seules à avoir vécu. Alors qu’elle sort de chez Elke, Rössler la prévient que la police l’attend dehors. On pourrait imaginer que c’est Rosie qui les a alertés, car le policier Wittschorek est en pleine conversation avec elle. Fuir, encore fuir. D’après Rössler, Sybille serait victime d’une expérience, mais il ne sait préciser à quelles fins. Elle se demande pourquoi Munich – où elle a habité voilà quelques années – lui revient ponctuellement en mémoire. Mais la principale obsession de la jeune femme, c’est de retrouver son fils Lukas…

Arno Strobel : Souvenirs effacés (L’Archipel, 2018)

Ce n’est évidemment pas le premier thriller utilisant le thème de la mémoire viciée, des souvenirs flous ou tronqués, de l’exactitude fort incertaine des images que le personnage principal garde en tête. Ce type de suspense possède ses ingrédients, ses codes, ce qui permet de sans cesse relancer le mystère. L’essentiel, c’est que ces éléments servent l’intrigue. Sur ce point, “Souvenirs effacés” d’Arno Strobel s’avère efficace, percutant. On partage le désarroi de Sybille, l’héroïne, qui reste déterminée à comprendre ce qui lui arrive. Finalement, Rosemarie Wengler (Rosie) lui volerait presque le premier rôle, par son originalité. Un polar dans les meilleures règles du genre, énigmatique à souhaits… On ne demande qu’à se laisser séduire.

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16 juillet 2018 1 16 /07 /juillet /2018 04:55

Au village de Carsely, dans les Cotswolds, la pétulante quinquagénaire Agatha Raisin a enfin convolé avec l’objet de tous ses fantasmes, son voisin James Lacey. Mais ce n’est pas la réussite attendue. La première ombre au tableau est apparue deux semaines après leur retour de voyage de noces à Vienne et à Prague. À Carsely, chacun continua à habiter son propre cottage, gardant son espace privé. Vu qu’Agatha Raisin est une médiocre cuisinière et commet de bourdes en lavant le linge, James n’y voyait guère d’inconvénients. Mais, au-delà des problèmes quotidiens, c’est la jalousie qui accentua la catastrophe au sein de leur couple. Car James semblait toujours fricoter avec la belle Mélissa Sheppard, qui avait été sa maîtresse avant leur mariage. Insupportable pour Agatha Raisin. 

Lorsque James disparaît, la police soupçonne en priorité son épouse Agatha. Il est vrai que du sang a été décelé chez lui, ainsi que dans sa voiture abandonnée vide. Toutefois, elle n’est pas inculpée. Son ami célibataire Charles Fraith et Mrs Bloxby, la femme du pasteur, soutiennent le moral d’Agatha. Trois semaines plus tard, toujours aucune nouvelle de James. C’est alors que Charles et Agatha découvrent le cadavre de Mélissa Sheppard. À n’en pas douter, il s’agit bien d’un meurtre – que l’on pourrait attribuer à James. Agatha et Charles s’intéressent plutôt à la vie de la défunte qui – quelque peu mythomane – se comportait avec ses proches telle une héroïne de feuilleton-télé ; ainsi qu’aux anciens maris de Mélissa, John Dewey et Luke Sheppard.

John, le premier époux, avait vite compris le caractère romanesque de la jeune femme. Depuis leur séparation, il est resté sans nouvelle compagne. Luke Sheppard s’est remarié avec Megan, une trentenaire jouant volontiers les Lolita. Son union avec Mélissa n’était sûrement pas destinée à durer, il l’admet. Aucun des deux ex n’avait de véritable raison de la supprimer. Agatha essaie de soutirer des infos sur l’enquête policière auprès de son ami le jeune inspecteur anglo-asiatique Bill Wong. Pendant ce temps, James – qui n’est pas mort – a trouvé un endroit calme loin d’Agatha pour se requinquer.

La sœur de Mélissa émet un opinion tranchée sur elle : “On lui a diagnostiqué une psychose. Mensonges compulsifs, incapacité à distinguer le bien du mal. Un de ses grands plaisirs, c’était de prendre le contrôle des hommes et de les manipuler. Un vrai caméléon… Et elle ne se sentait jamais responsable de quoi que ce soit. La connaissant, je n’en reviens pas qu’elle ait pris la peine de rédiger un testament – elle était du genre à se croire immortelle. Vous devez me trouver très dure, je m’en doute, mais elle était impossible à aimer...C’est horrible de penser qu’on a un meurtrier en cavale, mais ma sœur pouvait rendre les gens complètement dingues, elle disait des choses atroces.” Serait-ce la cause de sa mort ? Agatha Raisin n’a pas dit son dernier mot…

M.C.Beaton : L’enfer de l’amour (Albin Michel, 2018) – Agatha Raisin 11

Alors qu’ils traversaient le village, Agatha remarqua les regards curieux et les mouvements de rideaux aux fenêtres. C’est moi la victime, pas James, se justifia-t-elle en son for intérieur. J’ai été trahie et abandonnée. Aussitôt, le souvenir de la tumeur de James la remplit de tristesse.
Comme elle, Mélissa habitait un cottage au toit de chaume, mais le jardinet qui donnait sur la rue était bien mieux entretenu que le sien. Une profusion de roses de toutes les teintes débordait par-dessus la palissade peinte en blanc. La porte aussi était blanche, mais Agatha nota que le heurtoir en laiton n’avait pas été astiqué. Bizarre, songea-t-elle. Mélissa se vantait toujours d’être une fée du logis.

Il n’y a pas de hasard : si cette série de romans connaît un beau succès (en France comme en Grande-Bretagne et ailleurs), c’est qu’il s’agit d’excellentes comédies policières. Agatha Raisin s’inscrit dans la longue tradition des détectives amateurs se mêlant d’affaire qui ne les concernent pas toujours directement. Volontaire, fouineuse, exaspérante par certains côtés, touchante dans d’autres cas, la quinquagénaire Agatha Raisin entraîne les lecteurs dans des situations drôlatiques et mouvementées. On est séduit par l’ambiance énigmatique "à l’Anglaise" dans le décor des Cotswolds, avec le petit village de Carsely et sa rare population. Non seulement, on adhère aux tribulations d’Agatha Raisin, mais on attend ses prochaines aventures avec impatience. C’est un signe qui ne trompe pas. Le polar et l’humour ne sont pas contradictoire, la preuve !

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8 juillet 2018 7 08 /07 /juillet /2018 04:55

En novembre à Vannes (Morbihan). Au bout d’une voie autrefois goudronnée qui n’est plus qu’un chemin crevé d’ornières, près des ruines d’une usine désaffectée, une voiture brûle cette nuit-là. Le commissaire Nazer Baron est appelé pour enquêter, car il y a un corps calciné dans le coffre du véhicule. Celui-ci appartient à Agathe Miracki, quarante-deux ans, commerciale en produits financiers pour une compagnie d’assurances. Disposant de son adresse, le policier commence par le domicile de cette Agathe. Le vieux voisin Jos Doaré peut utilement renseigner Nazer Baron. Il a vu la jeune femme quitter sa maison la veille au soir avec cette voiture. Une perquisition s’impose chez Agathe Miracki, même si l’on est pas encore sûr que ce soit elle, la victime.

Si tel est le cas, a-t-elle été assassinée chez elle ? Un tapis imbibé de traces de sang le laisse à penser. Il est surprenant qu’Agathe soit sortie en oubliant son téléphone portable sur son lit. Nadine Houlard, une de ses collègues, se présente alors que les policiers sont en train d’inspecter les lieux. Elle devait voir Agathe pour des questions professionnelles. Grâce aux relevés téléphoniques, le commissaire Baron et son équipe trouvent le nom du compagnon actuel de la jeune femme. Âgé de quarante-quatre ans, Jérôme Ségui est dentiste. Agathe et lui avaient rendez-vous la veille au soir pour participer au vernissage d’une exposition au cœur de Vannes. Jérôme, ne pouvant joindre son amie Agathe, s’est évidemment inquiété, mais il n’a pas jugé nécessaire d’aller jusqu’à chez elle.

Nadine Houlard est une amie de Thomas Darmain, l’ex d’Agathe. À trente-neuf ans, il a fait des tas de petits boulots. Il est employé comme magasinier dans une société de transport. Il n’a ni le profil d’un délinquant, ni d’un criminel. Toutefois, il a eu du mal à tourner la page après sa rupture avec Agathe. La police peut aussi envisager qu’Agathe, dont on admet que c’est bien la victime, ait été agressée par un cambrioleur ou par un violeur. À moins que certains dossiers professionnels de la jeune femme soient à l’origine de cette affaire ? Après tout, elle traitait des transactions financières, ce qui peut amener parfois des conflits. La hiérarchie d’Agathe ne semble pas au courant de problèmes de ce genre. Le commissaire Baron va se pencher sur l’entourage personnel de la jeune femme…

Hervé Huguen : La source du Mal (Éd.du Palémon, 2018)

Depuis 2009, le commissaire Baron a été le héros d’une douzaine de polars, souvent situés entre Vannes (56) et la région nantaise. Le voici de retour avec “La source du Mal”. Il s’agit d’un roman d’enquête s’inscrivant dans la bonne tradition du genre, une intrigue énigmatique. Une belle galerie de personnages présentés avec crédibilité, parmi lesquels on peut en soupçonner quelques-uns – comme il se doit. Collecter des indices et des témoignages, ne pas en tirer trop rapidement des conclusions, tel est le rôle d’un policier connaissant son métier comme le commissaire Baron. Loin des polars spectaculaires, il est très agréable de suivre des enquêtes policières à la tonalité juste.

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6 juillet 2018 5 06 /07 /juillet /2018 04:55

Julie Loubriac est une jeune lycéenne de tout juste dix-huit ans vivant dans la région de Quimper. Elle a disparu depuis plusieurs semaines. Ses parents divorcés, Martine et Louis, sont très inquiets car ce n’est pas une simple fugue. La police ne peut guère agir. Il est temps pour Louis Loubriac de prendre les choses en main. Il se renseigne auprès des profs du Lykès, le lycée de sa fille. Il charge un de ses amis, expert en informatique, d’explorer l’ordinateur de Julie. Ce dernier trouve des éléments : Julie a été entraînée par son ami Yacine, partis pour le djihad en Syrie. En effet, la jeune fille fait partie d’un groupe de "volontaires" transitant par un camp à la frontière syrienne. Julie est un peu désorientée, mais puisque Yacine lui a promis que c’était pour la bonne cause, celle de Daesh…

Louis Loubriac se rend chez la famille de Yacine, mais il ne doit pas compter sur leur coopération. Peu après, il est contacté par Meggane, la fille d’un défunt ami. Elle appartient à la DGSI de Quimper, surveillant les éventuels djihadistes de retour en France. C’est à Paris que le nommé Berlic est membre de la DGSI. Il semble tout savoir sur le cas de Julie. Louis se demande quand même s’il peut lui faire confiance, le policier Berlic agissant en marge des consignes de sa hiérarchie. Bientôt, une autre lycéenne est repérée pour son projet de départ vers la Syrie. Louis prend en filature cette Magalie, de Quimper à Paris, puis en train jusqu’à Mulhouse d’où elle va prendre un avion vers le Moyen-Orient. Louis fait de même, et se retrouve à Istanbul.

Pendant ce temps, dans le contexte des attentats commis en France, la situation syrienne agite les sphères du pouvoir, autour de l’Élysée. Certes, les pros de l’anti-terrorisme ne sont pas inactifs. Par exemple, ils mettent la pression sur Saber Kaanali, un recruteur de futurs djihadistes. Que sa filière continue à les expédier en Syrie, pas de problème. S’ils partent, ils ne participeront pas aux attentats sur le sol français. Toutefois, des conseillers du pouvoir, il en existe de plusieurs sortes : des expérimentés tel Sébastien Matteoli, et de nouveaux promus ambitieux. Tous manigancent, davantage pour leur intérêt que pour celui de l’État… De retour à Quimper, Louis Loubriac poursuit ses investigations, ignorant les combines politiciennes, manipulations qui risquent de causer quelques morts…

Pierre Pouchairet : Tuez-les tous… mais pas ici (Coll.Sang Neuf – Éd.Plon, 2018)

Pierre Pouchairet utilise ici un thème d’actualité récente : l’incitation au départ massif de jeunes combattants pour entrer dans les rangs de Daesh – ou de l’État islamique, en Syrie. Comme tant d’autres, les parents de Julie n’ont pas décelé ses projets. Si certaines familles étaient favorables à l’engagement de leur enfant, sous prétexte de religion, beaucoup n’ont pas compris le choix de leur fils, de leur fille. Julie elle-même ne sait pas vraiment à quoi elle s’expose. C’est une expérience de non-retour, pourtant. Quand, comme Louis Loubriac, des parents se mobilisent, il est forcément trop tard.

L’auteur nous rappelle à juste titre la portée politique de cette guerre contre Daesh. Derrière les fermes déclarations de nos dirigeants et l’action bien réelle et efficace de nos services anti-terroristes, grenouillent un tas de "conseillers" discutables. Un noir suspense très entraînant, à la narration captivante. Une histoire palpitante restituant un sombre aspect de notre 21e siècle. Un authentique roman noir "à la française" (ce n’est nullement péjoratif).

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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