Tony habite une cité d'Aubervilliers, avec sa mère. Un quartier de tours, pas le plus agité de Seine-Saint-Denis, pas le plus facile non plus. Le jeune homme est né de père inconnu, probablement un gitan. Sa mère se fait entretenir par des types pas très brillants. C'est son oncle garagiste qui, autant qu'il peut, veille sur Tony. Il l'incita le gamin à pratiquer la boxe. Tony réalisa bientôt qu'il avait trouvé sa voie : “C'est là que je comprends pour la première fois que j'ai une prédisposition pour ce sport, sans doute plus mentale que physique. Je sais que mon talent est mineur, la preuve, je suis le seul à en avoir conscience. Mais je sais que si je veux faire quelque chose dans ma vie, je dois me consacrer à ça à fond.” Aujourd'hui, Tony est un vrai boxeur, qui s'entraîne chaque jour, et qui compte bien gagner son premier combat pro. Soixante-dix kilos de muscles. Rester concentré sur son objectif, malgré les vicissitudes de la vie de sa mère.
Habitant la même cité, Moussa aurait pu devenir son meilleur ami, d'autant que lui aussi fit un peu de boxe. Gamins, ils fréquentèrent la même école. Mais Moussa est devenu un de ces petits dealers de quartier. Certaines circonstances familiales l'y ont poussé, c'est exact. Et il essaie de rester aussi discret que possible. Quant à Miguel, c'est un homme mûr, un froid chef de bande, un véritable caïd. Son bizness s'étend sur l'ensemble du département, et au-delà. Entouré de ses sbires et de son frère Jean, handicapé, Miguel semble impressionné par le jeune boxeur. Peut-être parce qu'il sait que Tony a eu un père gitan, comme lui. Lors d'une virée nocturne à Paris, Tony viendra au secours de la belle Clara. Une jeune fille des beaux quartiers de la capitale, qu'il espère revoir, même si son fantasme reste aléatoire. D'autant qu'il a bientôt de plus graves soucis. Sévèrement agressée par un de ses compagnons, sa mère a été hospitalisée.
Bien que Moussa conseille à Tony d'éviter les représailles contre celui qui a tabassé sa mère, le jeune boxeur a soif de vengeance. Il prend contact avec Miguel, afin de localiser le type en question. L'homme sera vite retrouvé, dans la banlieue-sud. Et subira le sort qu'il mérite, sans doute. Tony n'ignore pas qu'il a une dette envers Miguel. Il participe avec les hommes du caïd à une opération, où ils simulent une intervention de police. Tony ne s'est pas dégonflé. Pour lui, c'est ensuite le retour au calme après un épisode perturbé. Tout pourrait s'arrêter là. Mais Miguel aura encore besoin de ses services. Tony a mis le doigt dans un engrenage dont on ne se libère pas si aisément...
Avec “Paris la nuit”, son premier roman, on sentait déjà un bon potentiel chez ce jeune auteur. Un certain style, malgré un sujet trop classique. “Balancé dans les cordes”, second titre de Jérémie Guez à ce jour, est nettement plus convaincant. Bien sûr, parce qu'il met en scène le contexte de la banlieue, de ces cités dites sensibles. Sans complaisance, à l'image de ce jugement de Miguel envers les jeunes délinquants : “Ils ont grandi dans la rue, mais ils savent se tenir. Alors que ceux de ton âge, Tony, ce sont des putains d'animaux, ils ont de la merde dans la cervelle.” Pas d'angélisme dans la description des ambiances, donc.
On retient peut-être davantage encore un autre atout. Outre celui du héros, les portraits des protagonistes sont plus fouillés, précis. Les histoires personnelles de Moussa, de Miguel, d'Assad, c'est ce qui ajoute de la crédibilité au récit. Sans oublier les sentiments intimes et familiaux de Tony, comptant beaucoup dans son comportement. De l'humain, des tripes, de la noirceur, voilà ce qui fait la force de cet excellent roman. Fin mai 2013, “Balancé dans les cordes” a été récompensé par le Prix SNCF du polar. À juste titre, car Jérémie Guez ne manque pas de talent.
Jérémie Guez : Paris la nuit (J'ai Lu, 2012)
http://action-suspense.over-blog.com/article-jeremie-guez-paris-la-nuit-j-ai-lu-2012-101664154.html
Ma chronique sur "Paris la nuit" de Jérémie Guez (cliquez ci-dessus)