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24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 04:55

Au début des années 1950, les Aiglons est un Institut médico-éducatif situé dans les montagnes savoyardes. Ce pensionnat regroupe soixante-trois enfants et adolescents. Âgé de dix-neuf ans, Moulin est un étudiant surnommé ici "Narcisse". Il fait partie des éducateurs des Aiglons, apprécié de la plupart des jeunes et de ses collègues. Quand il découvre le corps de Claude Boucheret, élève de Seconde, l’ado est dans le coma après ce qui paraît être une chute dans le massif montagneux. Boucheret ne survivra pas longtemps, bien qu’ayant été hospitalisé un peu plus tard. Un accident ? Narcisse n’en est pas vraiment convaincu. Car, même s’il n’avait que quatorze ans, Claude Boucheret avait des opinions politiques tranchées, partisan du communisme.

Parmi les élèves des Aiglons, il y a les "popotins" héritiers de la tradition réactionnaire, et les communistes. Chacun des camps défend plutôt une position de principe, plus ou moins engagée. Même si rôle des éducateurs impose une neutralité, et si Narcisse garde une distance envers les réalités du quotidien, la mort du jeune Boucheret le pousse à se poser des questions. Explorant les alentours du lieu de la chute de l’élève, il admet que deux versions sont possibles, crime ou accident. L’hypothèse meurtrière n’est pas exclue malgré tout. Une discussion avec les élèves lui montre l’importance de l’aspect politique pour quelques-uns d’entre eux. Un de ses amis éducateurs est féru de psychologie, mais cela ne suffit pas à expliquer le manque d’émotion affiché par Narcisse.

Il est clair que Grand-Condor, le directeur de l’établissement, ne cherche qu’à minimiser le rôle des encadrants, privilégiant le manque de prudence de Boucheret ayant entraîné cet accident. Néanmoins, une bagarre violente entre Chassant – le meilleur ami du défunt – et Varin – un des plus virulents chez les "popotins", indique à Narcisse que l’antagonisme a pu aller jusqu’au crime. Le jeune éducateur ne prend toutefois pas encore parti, même s’il est assez convaincu par les accusations de Chassant et de ses copains. Face à la tension qui monte, Narcisse adopte son repli préféré : une balade dans la montagne voisine. C’est ainsi que, après s’être légèrement blessé, il fait la connaissance du couple Bertod. Le mari a compris l’état d’esprit de Narcisse. Au lieu de théoriser, il lui conseille d’agir.

Le père de Claude Boucheret étant arrivé aux Aiglons, le directeur lui répond en évoquant avec une hypocrisie certaine la version "accidentelle" de la mort de l’élève. Narcisse est bien obligé de rester sur la même explication, mais il n’en pense pas moins. Il penche de plus en plus pour Chassant et son camp, bien que n’étant lui-même ni communiste, ni militant politique ou religieux. Un vent de révolte commence à gronder aux Aiglons, ce qu’il peut comprendre. S’associer au groupe de Chassant, contre l’autorité, n’est pas sans risque pour la suite de sa vie et de ses études. Pourtant, laisser planer une injustice ne convient assurément pas à Narcisse…

Jean Meckert : Je suis un monstre (Éd.Joëlle Losfeld, 2005)

Voudrais-tu comprendre, Tourillon, que les révoltés sont infiniment moins dangereux que les crétins. Nous venons d’avoir ici un crime crétin dans toute son horreur, et nous allons être obligés de le masquer, de l’absorber parce que les crétins sont les rois. Tout est permis, le crime, la guerre à profit, la prévarication, la combine… Il y a quelque chose de pourri dans le royaume, et ceux qui ne veulent pas s’adapter à la pourriture seraient considérés comme des malades ?…

Il s’agit du dernier roman publié en collection "blanche" chez Gallimard par Jean Meckert sous son nom en 1952, réédité aux Éd.Joëlle Losfeld en 2005. Par la suite, il va acquérir une grande notoriété sous le pseudonyme de Jean Amila dans la Série Noire. Pour l’édition 2005, Stéfanie Delestré et Hervé Delouche présentent un utile survol de la vie et de l’œuvre de Jean Meckert, anarchiste s’inscrivant dans la "littérature prolétarienne". Il faut souligner que “Je suis un monstre” évoque avec clarté le climat de l’après-guerre.

Le PC d’obédience stalinienne pèse électoralement, les conflits sociaux sont durs et réprimés sans pitié par la 4e République. C’est la Guerre Froide au quotidien en France. Est-ce que, comme on le voit dans ce roman, des ados de 14-15 ans exprimaient déjà des positions politiques ? Il faut se souvenir que, Certificat d’Études en poche, même s’ils poursuivaient un peu leur cursus, la plupart des jeunes entraient tôt dans la vie active. Ils pouvaient donc se sentir concernés par les luttes sociales, ou au contraire adopter l’idéologie de l’ordre et du travail sans récrimination transmise par leurs familles.

L’éducateur "Narcisse" Moulin, narrateur des faits, est un témoin de son époque. Préparant un essai encore nébuleux sur le thème de la Fatigue, son caractère solitaire étant en phase avec les décors montagneux qui l’entourent, incertain sur sa sexualité, il se considère comme "en retrait" – sans conscience politique, ni opinion sur la société. Ce qui ne l’empêche pas de vérifier l’attitude mensongère de la direction de ce pensionnat, ni le comportement des élèves aux réactions radicales.

Il convient d’ajouter que, à l’opposé de beaucoup d’écrivains de ce temps-là, le "style littéraire" de Jean Meckert apparaît limpide et fluide, d’une belle modernité et n’a pas du tout vieilli. Des experts tels Marcel Duhamel ou Raymond Queneau l’avait compris dès ses premiers titres. Décrire avec une vraie subtilité les nuances chez un être complexe comme Narcisse, évoquer la toile de fond politique… C’est sans la moindre lourdeur que Jean Meckert y parvient, même si la facilité d’écriture n’est probablement qu’apparente. Ce roman n’est pas un polar, mais son intrigue contient une part affirmée de suspense. Ses livres, qu’ils soient signés Jean Amila ou Jean Meckert, font partie de la belle littérature populaire française, méritant d’être lus ou relus encore et toujours.

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22 octobre 2018 1 22 /10 /octobre /2018 04:55

En France à notre époque, deux femmes anonymes aux parcours de vie trop différents pour qu’elles se rencontrent un jour. L’une est la mère d’une adolescente. Encore jeune, on la suppose âgée d’une trentaine d’années. Elle est aujourd’hui vendeuse, après avoir été ouvrière puis hôtesse d’accueil pour une compagnie maritime. Il lui arrive d’évoquer ses premières amours, quand elle était en poste à Roscoff, des souvenirs intimes qu’elle ne partage avec personne. À l’époque, Bruce Springsteen était son icône musicale.

Son plaisir depuis longtemps, c’est la moto. C’est pour elle une manière de s’isoler, de cultiver une part de liberté. Elle est à l’écoute de sa fille, sans atteindre une vraie complicité. Car existe une ombre dans leur relation, celle de la défunte sœur cadette de sa fille. La pitié, ce n’est pas ce qu’elle cherche, ce qui calmera sa douleur intérieure. La seule qui garde assez de distance sur cette situation, c’est leur voisine et amie Christiane, infirmière. Telle une mère suppléante, elle s’occupe de sa fille quand il le faut.

L’autre femme est maintenant quinquagénaire. “J’étais le mouton noir d’une famille très à droite. Du côté de mon père, il y avait des terres en Sologne, une lignée de militaires, de coloniaux, une génération de maréchalistes rentrés.” En mai 1981, elle avait à peine dix-huit ans quand la gauche accéda au pouvoir, suscitant un grand espoir idéaliste pour elle. Un proche du ministre de la Défense avait remarqué son habileté au tir. Elle fut engagée dans les Services Secrets, milieu masculin où elle fit très rapidement ses preuves.

Sans doute le pouvoir de gauche fut bien moins à la hauteur qu’elle l’avait cru, période teintée de désillusions. Néanmoins, elle fit carrière comme tireuse d’élite. Ses missions l’ont amenée à abattre des ennemis de la France un peu partout dans le monde. Du côté de Beyrouth en particulier, où le pays comptait des alliés et des intérêts financiers. Des "vengeances d’État" dont elle s’acquitta la plupart du temps avec succès. Sans doute reste-t-il d’anciens terroristes de l’époque encore vivants, à éliminer un jour ou l’autre.

Si elle-même n’a pas le sentiment de mieux se porter, la mère de famille est heureuse que sa fille se sociabilise toujours davantage. Elle a quelques copines, et de nouveaux copains de son âge venus de l’étranger. La tireuse d’élite, elle, habite une grande partie de l’année à Amsterdam, ville tranquille ce qui est utile à son équilibre. Toutefois, elle est toujours aussi active dans ses missions de mort. Aujourd’hui, c’est en France qu’elle doit agir, s’immergeant d’abord dans le quotidien en face de chez sa cible à venir…

Denis Soula : Deux femmes (Éd.Joëlle Losfeld, 2018)

Finalement, je n’ai pas mené la vie dont je rêvais. J’avais toujours pensé que je vivrais paisiblement dans un domaine comme celui de Montesquiou, à la campagne, au milieu des bêtes, mais j’habite dans de grandes villes et les seules bêtes que je fréquente, ce sont les bourreaux que les Services me demandent d’éliminer. Une vie passée à courir, nager, sauter dans des fossés, conduire des motos et des camions, faire de la chimie et des équations, dévorer des livres d’histoire, des manuels de géopolitique et, le plus souvent, des notices d’utilisation d’armes et d’explosifs.

Comme l’indique son titre, “Deux femmes” nous présente les portraits de femmes très différentes, dans un roman court qui ne manque pas d’intensité. Leur point commun, c’est le fait d’avoir enduré des épreuves marquantes, indélébiles. La perte d’une enfant ou la perte des illusions, ça peut causer des conséquences comparables. Sont-elles désabusées ou meurtries ? C’est ce que l’auteur s’efforce de cerner, avec une finesse certaine. Si la tireuse d’élite affiche une froideur professionnelle, elle ne peut oublier une expérience tragique au début de son activité au sein des Services Secrets. La mère de famille garde également en mémoire les bons moments de sa vie, mais aussi les plus lourds.

Deux destins croisés qui, on ne nous le cache pas, finiront par se rencontrer. En parallèle, nous les suivons jusqu’à ce que se produise l’étincelle. Dévastateur, le choc final. Avec sa part de fatalité, presque naturelle après avoir entre-temps examiné leur personnalité, leur sensibilité. L’intime et l’action vont de pair dans cette histoire, fort séduisante.

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21 octobre 2018 7 21 /10 /octobre /2018 04:55

Le commissaire San-Antonio est maintenant directeur de la PJ. Ce soir-là, il dîne avec sa brave mère Félicie dans un restaurant de spécialités. Voilà qu’on l’appelle au téléphone, un inconnu se disant en danger mortel. Ce ne peut être qu’un canular, San-Antonio ne voit pas d’autre explication. Malgré tout, un peu plus tard dans la nuit, il s’intéresse à l’immeuble en face du restaurant. Il y découvre un tueur d’élite armé assassiné, ainsi que deux victimes collatérales. Ce n’est pas le couple de voisins, mal assortis, qui pourra utilement témoigner. San-Antonio appelle à la rescousse son équipe de policiers, afin d’essayer d’évaluer ce qui s’est produit dans cet appartement. Dès le lendemain, le commissaire livre aux médias une version approximative de ces crimes.

Une jeune journaliste, Marie-Laure, est restée dans les parages. San-Antonio ne peut que succomber à la donzelle. Bientôt, le duo de tueurs de l’appartement est repéré dans un hôtel de la Vallée de Chevreuse. Cerner les lieux, tenter un piège, ne suffira sans doute pas. D’autant qu’une greluche intervient dans le tableau, dans un état pitoyable, affirmant avoir été violée par la paire de tueurs. Tout ça se termine par une fusillade, qui cause la mort d’un des policiers, et la disparition des malfaisants. Selon l’analyse d’expert, l’arme du tueur d’élite dispose d’un fonctionnement très spécial. On peut s’étonner que les tueurs ne l’aient pas emportée. Marie-Laure n’a pas dit son dernier mot. C’est elle qui déniche la trace de la prétendue "violée" de l’hôtel.

La cible, au restaurant, n’était nullement le commissaire San-Antonio. Plus sûrement le grand scientifique Anton Raspek, qui dînait là aussi. Ce dernier est décédé entre-temps, d’ailleurs. Pour San-Antonio et son adjoint Jérémie Blanc, subsistent des incohérences dans le scénario. La "violée" et son complice semblent bien être partis se réfugier au Brésil. Alors, c’est certainement là-bas quelque part dans la jungle, dans la tribu de Condor-miro, que se trouvent une grande partie des réponses. Quand il le faut, refusant les dénouements bancals, San-Antonio est voyageur. Direction le Brésil pour le commissaire…

San-Antonio : Allez donc faire ça plus loin (Pocket)

À peine pénétré-je dans l’appartement que je renifle une odeur de sang ou assimilé. Je traverse une entrée où sont exposées, sur des consoles, des vases chinois qui flanqueraient la migraine à un mandarin et à sa mandarine. En sus, on a droit à un bouddha dont la frime ne me revient pas:le genre adipeux-lisse, à l’œil enfoncé comme un escarguinche cuit au fond de sa coquille.
La double porte du salon est grande toute verte (comme dit Bérurier). La clarté de l’avenue suffit pour qu’on se repère. Il y a également le voyant rouge d’un poste de télé dont la lueur s’aperçoit depuis le trottoir d’en face. Ces maigres sources de lumière me suffisent à distinguer un corps d’homme allongé sur le tapis, la face en avant.

Indémodable San-Antonio, dont c’était ici la 157e aventure, publiée en 1993. “Souvent imité, jamais égalé” peut-on affirmer, car San-Antonio c’est avant tout une écriture, un véritable style. Il y est beaucoup question de sexe ? Parlons plutôt de gaudriole, de grivoiserie, de paillardise… Notons dans ce “Allez donc faire ça plus loin”, le passage remarqué – et toujours remarquable – de Bérurier et de César Pinaud, les vieux de la vieille. Sans oublier la mère du commissaire, Félicie. Des piliers de la saga San-Antonio. Inutile de préciser que se multiplient les péripéties. Les romans "dernière période" de l’auteur n’en sont pas moins excitants, percutants. L’humour et le polar ne sont pas incompatible, Frédéric Dard l’a démontré avec un talent indéniable.

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20 octobre 2018 6 20 /10 /octobre /2018 04:55

En Californie, vers 1960. James Carson, trente-six ans, occupe un emploi de cadre à la comptabilité de la société pétrolière de El Segundo. Il vient d’épouser quinze jours plus tôt Shannon Grey, vingt ans, avec laquelle il a eu le coup de foudre voilà quelques semaines. Le couple est parti en voyage de noces sitôt après le mariage. Lune de miel en camping dans une caravane, une idée originale de Shannon. Au retour, Carson a encore du mal à maîtriser la conduite de sa voiture tractant ladite caravane. À un embranchement, ils se trompent de route durant la nuit. Peu après, le couple est attaqué par un duo de jeunes voyous. Ils violent Shannon sous les yeux de Carson, sans qu’il puisse réagir. Puis ils la kidnappent et disparaissent. Dès qu’il le peut, le mari alerte la police.

Une escouade de flics est bientôt sur place, mettant tout en œuvre pour intercepter les deux malfaiteurs et leur prisonnière. Toutefois, les policiers se montrent vite sceptiques sur la version des faits donnée par Carson – qui ne dit que la vérité, pourtant. Dans la voiture, ils trouvent un revolver qui n’est pas censé y être. Peut-être une précaution, dont Shannon a oublié d’avertir Carson. Dans les fichiers photos de police, il ne reconnaît pas leurs agresseurs. Il regagne son appartement, mais reste sous l’œil des enquêteurs. La seule famille de Shannon, c’est sa sœur Shirley Grey. L’épouse de Carson ne lui a pas caché que la blonde Shirley était mi-strip-teaseuse, mi-prostituée. Il se rend à l’hôtel où elle réside. Si Shirley apparaît effectivement beaucoup plus vulgaire que Shannon, elle n’est pas indifférente au sort de sa sœur. Sa spontanéité ne déplaît pas à Carson.

Les policiers pensent avoir accumulé les indices contre leur suspect, avec des témoignages et des éléments à charge. Toujours vive, Shirley ne leur cache pas sa façon de penser, affirmative sur l’innocence de son beau-frère. Faute de preuves suffisantes, Carson et Shirley sont libres. La sœur de Shannon s’installe dans leur appartement, essayant d’aider Carson a démontrer qu’il n’est pas un meurtrier. De la sympathie au sexe, il n’y a qu’un pas pour le couple. Dès le le demain, Carson reçoit une demande de rançon de la part des ravisseurs, accompagnée d’une photographie éloquente de Shannon. Les 50.000 dollars réclamés, c’est bien plus d’argent qu’il n’en possède. Néanmoins, il y a peut-être une solution pour payer – sans prévenir la police. Les kidnappeurs sont très bien renseignés sur le lieu de la remise de la rançon.

Carson et Shirley agissent du mieux possible pour empêcher les deux ravisseurs de toucher le gros paquet de dollars. Mais Shannon n’est pas libérée pour autant, et le duo parvient à filer. La police n’était pas loin, intervenant en accusant une fois de plus Carson d’avoir monté ce scénario pour – en plus du meurtre – détourner cette forte somme. S’il parvient à s’enfuir, Carson est blessé et hospitalisé. Ce qui lui permet de réfléchir à la situation inextricable dans laquelle il est plongé…

Day Keene : Je cherche après Shannon… (Série Noire, 1960)

Compte tenu de la raclée qu’il avait reçue, il fut étonné qu’elle ait laissé si peu de traces. Il n’avait jamais été ce qu’on appelle un "joli garçon". Ses traits étaient trop marqués, trop virils. Il avait trente-six ans, et son visage commençait à se rider. Ses cheveux grisonnaient par endroits. Mais, même après cinq années passées derrière un bureau, il conservait sa forme physique. Ses quatre-vingt kilos étaient du muscle pur. Le jour où il se retrouverait en face des deux jeunes brutes, il n’aurait besoin de personne pour leur régler leur compte.

Quand il écrit ce roman, Day Keene (1904-1969) a déjà une bonne trentaine de romans à son actif. C’est dire qu’il maîtrise parfaitement une intrigue et son suspense. La base de l’histoire ne cherche pas l’originalité : une jeune femme enlevée et séquestrée, son mari faisant figure de principal suspect. Comme la plupart des héros de l’auteur, James Carson est un citoyen américain honnête, peu préparé à devoir prouver son innocence. Malgré tout, il ne manque pas de combativité, espérant retrouver saine et sauve sa jeune épouse. En face, la police choisit la facilité, tant il est vrai que la version du mari est bancale par rapport aux indices qu’ils collectent.

Heureusement, il peut compter sur sa belle-sœur. “Pour autant qu’il pût en juger, Shirley n’était pas immorale, ni même amorale. Elle voyait les choses en face ; et, pour survivre dans la jungle enfumée, alcoolisée et artificielle où elle vivait, elle utilisait au mieux la seule arme dont l’eût pourvue la nature. En outre, elle avait pour Shannon un attachement farouche.” Le savoir-faire avéré de Day Deene et sa narration fluide visent à captiver les lecteurs, en ménageant autant de rebondissements que de questions. Un authentique polar de tradition.

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18 octobre 2018 4 18 /10 /octobre /2018 04:55

Jeune policier de la Grosse Cité, Gustave Flicman est un des rares humains ayant pénétré dans l’Université d’Onirie, avant de sympathiser avec le Professeur B. et son adepte à l’allure singulière, Loligoth. Quant aux Lutins Urbains qui entourent ces deux personnages, Gustave n’a sans doute pas tort de s’en méfier quelque peu. Leur incroyable capacité à se métamorphoser est une arme redoutable contre ceux qui les pourchassent, la Brigade de Répression de l’Onirisme dirigée par le Supérieur Inconnu. Pour les autorités de cette métropole, pas question de laisser se développer le rêve et l’imaginaire chez leurs concitoyens. À cause des Lutins Urbains, bien que se mettant plutôt de leur côté, Gustave a été entraîné depuis quelques temps dans une série de mésaventures agitées et très fatigantes. Comme il a grand besoin de repos, Gustave passe des vacances en Bretagne.

C’est au village de Restick, chez sa tante et sa grand-tante Philomène, que le policier citadin s’est installé. Entre la lande bretonne et la proximité de la mer, Gustave apprécie la région. Au-delà des paysages, il va rapidement en découvrir les particularités. Un curieux bonhomme barbu attire son attention. C’est René Le Brac, confrère en lutinologie du Professeur B. Comme toujours, Gustave éprouve une certaine méfiance envers ceux qui sont trop amis avec ces sacrés lutins, urbains ou ruraux, tel ce Lebrac. En effet, celui-ci connaît tout sur les légendes celtes, et surtout sur les gnomes dont il existe quantité de variétés, chacun ayant des pouvoirs originaux. Lebrac va initier Gustave aux rudiments de ces mythes. Le jeune policier va, par exemple, être confronté à un animal changeant de forme à volonté, ainsi qu’à de pauvres enfants dansant sans fin la nuit sur la lande.

Bientôt, Gustave retrouve le Professeur B., Loligoth et leur amis Lutins Urbains. Ils sont venus se réfugier chez René Le Brac, après que l’Université d’Onirie ait été prise d’assaut par la B.R.O. Reconquérir leur QG ne sera pas une mince affaire, car les forces de l’ordre ont trouvé le moyen de contourner les sortilèges des Lutins. Les amis de Gustave sont encore sous surveillance, d’ailleurs, la Brigade de Répression de l’Onirisme avant repéré leurs traces en Bretagne. Un commando avec un hélicoptère a été envoyé sur place, ne tardant pas à cerner la demeure de Lebrac. Heureusement, Gustave et toute la bande avaient déjà déguerpi. Il y a une parade contre la B.R.O., un talisman protecteur, une légendaire "grosse galette" répulsive contre les humains hostiles. D’après Le Brac, cet artifice magique se trouverait sur l’île de Groix, terre d’élection des korrigans.

Et voici encore une fois Gustave embarqué dans une aventure à hauts risques. Fréquenter les Lutins, même aux côtés de Loligoth, du Professeur B et de Lebrac, lui offre bon nombre de surprises – pas tellement agréables la plupart du temps. Surtout, le commando de la B.R.O. est toujours à leurs trousses, semant la pagaille sur l’île de Groix…

Renaud Marhic : Korrigans et Grosse Galette – Les Lutins Urbains 5 (Éd.P’tit Louis, 2018)

Loin d’être rassuré, le jeune policier scruta le rivage. Le Trou de l’Enfer n’était qu’une simple brèche dans la falaise. Mais devant ce gouffre, malgré la houle et les remous, quelque chose se tenait là, immobile. Gustave plissa les yeux. Défendant les lieux, le Bag Noz était là. (Quelques lambeaux de voiles accrochés à l’unique vergue de son mat).
L’embarcation des lutins croisa l’épave à courte distance. Raide dans son ciré jaune, celui qui en serrait le gouvernail ne tourna même pas la tête. (Malgré les coquillages collés à son crâne décharné et sa barbe pleine de goémon, Gustave reconnut sans mal l’homme dont le portrait trônait sur la cheminée de sa grand-tante, à Restick).
— Soyez tranquille, fit doucement le barbu, il ne cherchera pas à vous parler.

Après “L'attaque du Pizz'Raptor”, “Le dossier Bug le gnome”, “Les lutins noirs”, “Le péril Groumf”, voici pour les jeunes lecteurs une cinquième aventure des Lutins Urbains. Le candide Gustave était censé se reposer, après ses tumultueuses expériences passées. Mais des virevoltants gnomes, les contes et légendes en regorgent. Où donc les rescapés de l’Université d’Onirie seraient-ils à l’abri de la répression, sinon dans ce terroir ? Toutefois, la lutte acharnée des responsables de la Grosse Cité continue, les poursuivant jusqu’à là. Ce nouvel opus raconté par le Petit Reporter de l’Imaginaire, est aussi excitant que les précédents, riche en péripéties et en mystères. Renaud Marhic se base ici sur les récits collectés autrefois par des spécialistes qui ne voulaient pas que s’éteigne la tradition des légendes teintées de fantastique.

Si cette série de romans s’adresse en priorité au jeune public, jouant sur la fantaisie imaginative des enfants sans tomber dans des histoires puériles, leurs parents et les adultes en général ne seront pas moins séduits. Outre les tribulations de Gustave avec les Lutins face à des "méchants" fort antipathiques, qui nous font beaucoup sourire, ce roman est également instructif. Un Bonus nous présente quelques-unes de ces créatures issues des légendes anciennes, et rend hommage aux folkloristes qui collectèrent des récits qui ne se transmettaient alors qu’oralement. C’est avec grand plaisir que l’on retrouve le petit monde mouvementé des Lutins Urbains à chaque épisode.

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16 octobre 2018 2 16 /10 /octobre /2018 04:55

Quatre militaires sont revenus très marqués par leurs missions en Afghanistan. Ex-sergent du génie, Xavier Kerlic a été blessé là-bas. Depuis son retour, il recherche les situations conflictuelles dangereuses, au point d’être devenu incontrôlable. Ex-tireur d’élite, Franck Lecostumer ne s’est jamais remis d’avoir abattu un enfant-soldat de dix ans, ses séjours en psychiatrie n’ayant rien amélioré. Aumônier militaire catholique, Paul Brive assume son allure décalée et sa sympathie pour les bikers ; néanmoins, lui aussi garde en mémoire son expérience afghane. Walter Colley était infirmier, proche des trois autres ; rentré en France, il s’est exilé sur l’île de Batz, au nord de la Bretagne. Sans doute le traumatisme a-t-il perduré chez lui, car il vient de se suicider en incendiant sa propre maison.

Le lieutenant Emily Garcia, des services sociaux de l’armée française, a envisagé une expérience destinée à redonner un certain équilibre à Xavier Kerlic, Franck Lecostumer et Paul Brive. Ils n’ont d’ailleurs guère le choix. Les trois hommes et Emily Garcia vont embarquer sur un chalutier partant en pêche vers la mer d’Irlande. Tous se retrouvent à Concarneau, les anciens militaires doutant de la réussite de cet essai de réinsertion. Kerlic et Lecostumer vont remplacer des marins-pêcheurs manquants, tandis que le curé Paul Brive est censé être plutôt un observateur, Emily Garcia veillant à ce que tout se déroule au mieux – ou au moins pire. Dès les premières heures en haute mer, ces néophytes subissent le mal de mer. Mais des situations plus dramatiques les attendent.

Pure citadine, Saadia Aleph est enquêtrice pour une compagnie d’assurance. La mort de Walter Colley n’apparaît pas aussi claire qu’on a pu le penser, le suicide et sa mise en scène méritant d’être examinés de près. Saadia n’est pas enchantée de se déplacer sur l’île de Batz, en ce mois de décembre. Quelques centaines d’habitants seulement qui, dans la bonne tradition des insulaires, ne s’avéreront guère loquaces. Pourtant, la thèse du meurtre est plus que probable. Et la jeune femme a retenu les leçons des bases de la criminologie qu’elle a acquises. Cerner le vrai et le faux autour du défunt Walter Colley, telle est le meilleur moyen de comprendre les faits. Il serait surprenant que personne ne cherche à entraver l’enquête de Saadia…

Christian Blanchard : La mer qui prend l’homme (Belfond, 2018)

Au large des côtes du Finistère, un chalutier à la dérive est localisé. Lors de l’opération de sauvetage, une femme est retrouvée dans une remise, prostrée, terrorisée et amnésique. Le reste de l’équipage a disparu. Parmi eux se trouvaient trois anciens militaires français. Xavier Kerlic, Franck Lecostumer et Paul Brive avaient embarqué sur le Doux Frimaire à Concarneau, encadrés par le lieutenant Emily Garcia, des services sociaux de la Défense. Celle-ci devait expérimenter avec eux une méthode de lutte contre le stress post-traumatique en les insérant dans un groupe d’hommes soudés par de rudes conditions de travail – les marins du Doux Frimaire. «Je ne le sens pas, ce coup. Qu’est-ce qu’on vient faire dans cette galère ?» avait lancé Franck en montant à bord, avant que le chalutier ne lève l’ancre en direction de la mer d’Irlande et ne disparaisse des radars…

En décembre 2005, à ma question “Quels sont tes auteurs de polars de référence ? Tes livres ou films préférés ?” Christian Blanchard répondait : “Ce ne sont pas nécessairement des auteurs de polars mais, plus généralement, des auteurs de suspense dans le large sens du terme. J’aime des auteurs français connus comme Grangé (Le vol des Cigognes), Jonquet (Les orpailleurs), Izzo (pour l’ensemble de son œuvre) ou Dantec (La sirène rouge)… À l’étranger j’apprécie des auteurs comme Connelly (avec l’inspecteur Bosh), Cornwell (avec le médecin légiste Scarpetta), Mankell.

Hormis les films de science fiction et fantastique, mes attirances cinématographiques vont vers les films assez violents. Cette violence ne se traduit pas nécessairement dans les images mais surtout par les thèmes abordés ou leur traitement. Je ne les citerais pas tous mais des films comme "Seven", "8mm", "L’échelle de Jacob" m’ont particulièrement interpellé.” En octobre 2014, répondant à une autre interview, il précise encore : “Je suis un fan inconditionnel de Karine Giebel, une écrivaine redoutable… Demandez à votre libraire habituel sa bibliographie, tout est à lire, rien à jeter. Si je peux citer deux ouvrages qui ont guidé mes choix littéraires depuis des années, ce sont "Shutter Island" de Dennis Lehane et "Seven" d’Andrew Kevin Walker. Déjà avec ça, cela donne une bonne idée.”

Dans cette interview de 2014, Christian Blanchard évoquait l’intrigue de “L’homme qui prend la mer”, alors publié dans une première version : “L’idée de base était de faire un livre sur le stress post-traumatique d’ex-militaires de la guerre d’Afghanistan et de l’immersion de ces personnes dans un contexte plus dur encore afin qu’ils comprennent qu’il peut y avoir des peurs pires que les leurs. D’où l’idée de leur intégration sur un bateau de pêche en haute mer.

Ça ne me semblait pas être suffisant pour un roman noir, alors j’ai repensé l’intrigue en intégrant une affaire d’incendie volontaire sur l’île de Batz. J’y ai rajouté aussi une Parisienne à talons hauts ne supportant pas la Bretagne en hiver mais ayant un caractère bien trempé… un gendarme n’aimant pas qu’on se mêle de ses affaires… une assistante sociale des Armées voulant absolument soigner les ex-militaires… Et puis tous les hommes du "Doux Frimaire", chalutier de haute mer. Un roman noir au large des côtes d’Irlande avec un détour par les îles Féroé et quelques heures à l’île de Batz.

Dès le prologue, une femme est impliquée "salement" dans cette affaire. Laquelle ? C’est une partie du suspense. Le lecteur est amené à imaginer une histoire pas nette en Afghanistan… Peut-être, mais laquelle ? Qui sont les gentils et les méchants ? Peut-être tout le monde en même temps ou à tour de rôle ? Le lecteur cherche aussi le lien entre tous ces gens. La solution existe évidemment… à la fin.

Et puis, le lecteur subit, comme tous les acteurs de ce livre, la mer : l’humidité, le froid, les vagues, les tempêtes hivernales dans l’atlantique nord… le mal de mer. Il y aura aussi les odeurs : l’iode, le gasoil, le poisson,… le café et le fumet des plats du cuistot.”

Interrogé sur ses sources d’inspiration, Christian Blanchard répond : “Quand je suis en chasse d’idées, j’ouvre les yeux et les oreilles à ce qui m’entoure, la presse, les reportages-télé… Il y a toujours un truc lié à un fait divers banal ou extraordinaire qui m’inspire. Le fait en tant que tel ne m’intéresse pas. C’est ce qui est sous-jacent qui me parle : le pourquoi ? Le principe d’un roman qui explique un meurtre, une enquête et une résolution où l’objectif est de trouver le "méchant" ne revêt pour moi (comme auteur) que très peu d’intérêt. Ce qui me motive c’est comprendre pourquoi les choses se passent de cette façon, pourquoi cette victime est-elle la victime, pourquoi le "méchant" était-il comme ça. Voilà les ressorts qui guident ma motivation à écrire des histoires.”

Christian Blanchard : La mer qui prend l’homme (Belfond, 2018)

Déjà en 2005, à l’époque de ses premiers titres, il expliquait sa méthode : “…Je développe un plan précis d’écriture.Je pars d’une idée générale que j’ai trouvée de différentes façons (en observant un groupe de personnes sur une place à Morlaix, en regardant un documentaire à la télé, suite à une conférence sur les dangers de l’adolescence, suite à une lecture du psychiatre Boris Cyrulnik) Ensuite, j’effectue des recherches sur des moteurs de recherches Internet en associant des mots. Je découvre alors différents sites (plus ou moins regardables) et mon histoire prend forme. J’aboutis à une trame générale et je cherche tout de suite la fin et la chute de l’intrigue. En tant que lecteur, j’ai toujours été énervé (et le suis toujours) par des livres où l’on sentait que l’auteur ne savait pas trop comment finir son histoire. D’un coup, il nous balançait un fax qui donne l’élément vital, ou bien la clé de l’énigme introuvable au préalable... Bref. Quand j’ai ma trame générale et la chute, je travaille sur le déroulement de l’histoire et sur le résumé des chapitres. Je fais des fiches par personnage et des photos des lieux… Évidemment, je ne peux empêcher quelques évolutions de l’histoire mais à 80 % je respecte mon plan préalable.” (Sources rayonpolar.com et Éd.du Palémon)

Avec “La mer qui prend l’homme”, Christian Blanchard a concocté un roman puissant. Des contextes insolites autant que réalistes, un suspense tendu tout en noirceur, de multiples degrés d’intrigue avec leur mystère, voilà la garantie d’une lecture fascinante.

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14 octobre 2018 7 14 /10 /octobre /2018 04:55

Silvère Lavarec est un jeune séminariste qui sera ordonné prêtre dans quelques semaines. Alors qu’il randonnait en forêt, il a été blessé par un animal. Quand il se réveille, Silvère est attaché sur un lit. La personne qui le séquestre commence par le soigner. Mais il reste durant plusieurs jours dans une alternance entre somnolence et angoisse lucide. Qui est donc sa ravisseuse, une femme pas si âgée qu’il l’a d’abord cru ? Elle s’occupe de lui, mais n’affiche pas ses réactions, ne parle pas pendant les premiers jours. Silvère tente de l’apprivoiser, de susciter une sorte de confession de sa part. Elle n’est pas croyante, paraît animée par une instabilité psychologique pouvant amener des actes insensés. Depuis son enfance, Silvère admet une part de masochisme en lui, ce qui l’aide peut-être à accepter tant soit peu la situation. Néanmoins, il plane sur lui un danger de mort.

L’inconnue finit par libérer Silvère, sans explication. S’il s’éloigne de la masure où il était prisonnier, il y revient peu après par besoin de comprendre. Il trouve une photo ancienne, celle d’une fillette nommée Blandine de Quincy. Serait-ce le nom de la ravisseuse ? Elle nie, mais ça semble être le cas. Silvère rentre chez ses parents, le couple Lavarec s’étant inquiété entre-temps. Silvère dédramatise sa longue absence, continuant à réfléchir à sa mésaventure. “J’aurais dû prévenir la police, les gendarmes – une séquestration quand même, cette femme a tenté de m’empoisonner, elle a même été à deux doigts de m’égorger… Mais je ne peux pas, j’éprouve trop de compassion pour la misérable qu'elle est.” Le futur prêtre entreprend une discrète enquête personnelle sur cette famille de Quincy, dont il obtient l’adresse par la mairie de sa commune. 

C’est dans leur propriété ancestrale que Silvère rencontre Bérengère de Quincy, mère de Blandine – sa fille disparue depuis environ vingt ans. Sans doute ne livre-t-elle qu’une version édulcorée de l’histoire familiale. Par Constance, la vieille employée de maison des de Quincy, il en apprend bien davantage. C’est au temps de Fiacre de Quincy, le père de Bérengère, que se nouèrent les premiers éléments du drame qui entraîna le départ de Blandine dès l’âge de seize ans. Honteux secrets de famille bien réels ou affabulations de Constance ? Silvère s’interroge. S’il retourne à la maison de la supposée Blandine, cela ne suffit pas pour avoir toutes les réponses. Homme d’Église, Silvère craint d’être éprouvé dans sa foi par ces événements inattendus. Si l’emprise du diable touche les de Quincy, il lui reste bien des mystères à éclaircir…

Daniel Cario : Les bâtards du diable (Presses de la Cité, 2018)

N’en sais-je pas assez pour suspendre mes investigations ? Je viens de découvrir l’enfant et l’adolescente jusqu’à seize ans. Selon mes calculs, elle doit en avoir trente-six aujourd’hui. Pourquoi ne pas en rester là ? Une décision dictée par la sagesse, mais qui pourtant ne peut me suffire. Des détails matériels. Isolée dans sa fondrière, de quoi vit Blandine de Quincy ? Le beurre, le lait, le pain qu’elle m’a servis… Où s’approvisionne-t-elle ? Sans être un adepte des marchés, ma mère m’y traînait étant enfant ; je ne me rappelle pas avoir jamais rencontré cette misérable. Ou je ne l’ai pas remarquée. Physiquement, il est vrai qu’elle ne présente rien d’exceptionnel […]
Une chose est certaine : impuissant à fixer mes idées, me voilà entraîné dans un engrenage infernal dont les rouages me grignotent la raison…

Daniel Cario est l’auteur de nombreux "romans de terroir" depuis près de quinze ans. Il n’est pas moins habile à manier le suspense, comme dans “Les bâtards du diable”, jouant sur une atmosphère particulièrement énigmatique. Notons que l’intrigue n’est pas vraiment située dans le temps, intemporelle bien que se déroulant à notre époque – ce qui participe à l’ambiance. Le style d’écriture de Daniel Cario est pur, raffiné, précis, très agréable à lire. Ne pas égarer le lecteur tout en gardant quantité de questions sans réponses, c’est tout un art qu’il gère avec une certaine finesse.

Le récit est empreint d’une poésie, certes macabre, autant liée aux personnages qu’aux lieux décrits. Ici, c’est la ruralité éternelle et son admirable nature. Mais ce sont aussi des endroits où, causé par l’isolement, le mode de vie dans certains milieux cause de lourds mélodrames. Le jeune ecclésiastique s’improvise enquêteur, s’impliquant fortement dans cette affaire. Par pitié pour sa ravisseuse, bien sûr, mais également par un besoin viscéral de vérité. Un très bon suspense possédant sa propre tonalité, tout simplement.

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13 octobre 2018 6 13 /10 /octobre /2018 04:55

La journée s’annonce ordinaire à la Tour Montparnasse, à Paris. Mais, dirigé par une certaine Lorraine – dite "La Patronne" – un commando vient de s’installer au 17e étage de l’immeuble. Si la bande ne compte que huit complices, ils feront en sorte de sembler plus nombreux. Rapidement, Lorraine et ses hommes prennent en otage deux cent personnes employées à cet étage. La plupart des lignes téléphoniques sont coupées par le commando. Parpant, le commissaire de police du quartier, est bientôt informé de la situation. Tandis que Lucien Bédoré, directeur d’exploitation de la Tour, relativise le problème pour calmer les mécontents, le commissaire Parpant obtient un premier contact téléphonique avec Lorraine. Celle-ci montre une détermination certaine.

À la tête du commando, au 17e étage, "La Patronne" gère l’opération avec fermeté. Quand il faut éliminer les otages récalcitrants, Lorraine n’hésite pas à le faire. Elle a exigé d’être mise en rapport avec le Préfet de Police. Ce dernier et les décideurs politiques tergiversent afin de laisser s’enliser les choses. Lorraine n’est pas d’humeur à perdre du temps : une rançon de deux cent millions de Francs, voilà ce qu’elle réclame. Le policier Leripinsec va s’occuper de l’affaire, puisque le Préfet de Police préfère rester en retrait. La rousse Lorraine est finalement identifiée : ce serait Lorena Davallo, connue des services de police mais pas pour actes de banditisme. Le commissaire Leripinsec ne sous-estime nullement "La Patronne", tout en cherchant la meilleure solution pour mettre fin à l’opération.

La rançon en lingots d’or doit être déposée par hélicoptère sur le toit de la Tour. Lorraine accepte cette procédure, même si elle retarde le déroulement prévu. Au 17e, la tension monte chez les otages. S’il advient une tentative de rébellion, Lorraine et sa bande riposteront sans la moindre hésitation, tant pis si ça cause des victimes. Lorraine et sa bande obéissante s’impatientent. Autour de la Tour, le GIGN est prêt à intervenir. Le commissaire Leripinsec préférerait une issue moins expéditive, avec l’aide de certaines personnes présentes dans la Tour, près du 17e. À l’heure du versement de la rançon, l’affaire peut encore réussir pour Lorraine, en évitant un dramatique bain de sang.

Paul Kinnet : La Tour, prends garde ! (Série Noire, 1986)

À partir de 1975, c’est chez Le Masque que Paul Kinnet va publier l’essentiel de ses romans policiers. “Voir Beaubourg et mourir” est récompensé en 1978 par le Prix du Roman d’aventure. Un seul titre de Paul Kinnet fut publié dans la Série noire, “La Tour, prends garde !” en 1986. Une prise d’otage dans la célèbre Tour Montparnasse, une très forte rançon exigée, une "Patronne" de commando jusqu’au-boutiste, voilà les éléments qui assurent un roman d’action aux péripéties multiples. La narration claire est, comme dans tout bon polar, le premier atout favorable. Pas de cachotterie inutile pour le lecteur, c’est ainsi que le tempo reste vif et passionnant. Baignant dans son époque – le milieu des années 1980 – “La Tour, prends garde !” est sans nul doute un excellent "Série Noire" à redécouvrir.

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