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4 mai 2016 3 04 /05 /mai /2016 04:55

Au cimetière du Py, à Sète, on a profané la sépulture de Georges Brassens ! Son cercueil a disparu sans explication, ni même demande de rançon. Une immense indignation et une profonde colère fusent de chaque coin de France. C'est qu'ils sont nombreux partout à travers le pays, et bien au-delà des frontières, a admirer le regretté Brassens. Certains témoins se bousculent dans les médias, qu'ils aient vraiment connu le chanteur moustachu à la pipe, ou pas. Pour sa maison de disque, l'image n'est pas forcément si bonne, même s'ils vendent beaucoup. En référence aux chansons de Brassens, des recherches ont été faites sur la plage de Sète et ailleurs. Vainement, car l'affaire stagne depuis dix jours.

La lieutenant de police Sophie Lavigne, trente-trois ans, fille d'un défunt policier aimant la chanson française, est priée par sa hiérarchie de démêler ce dossier épineux au plus vite. Un expert de l'œuvre de Brassens s'est proposé pour assister la police. Il s'agit d'Arnaud Rivière de la Botté, un quinquagénaire oisif qui fréquente les amicales dédiées au célèbre Sétois. On ne peut pas dire que le premier contact entre eux soit cordial. Étant donné que les autorités n'ont aucune véritable piste, Sophie est priée de rattraper le coup auprès de ce spécialiste. Si la jeune femme connaît les chansons de Brassens, Arnaud essaie de lui inculquer l'état d'esprit, libre et sincère, de l'auteur-compositeur-interprète.

Puisqu'il y a beaucoup de symbolisme dans ses chansons, pourquoi ne pas imaginer qu'il s'agisse d'un canular ? De bons connaisseurs de son répertoire ou des étudiants de la fac de médecine de Montpellier peuvent s'être amusés à ce petit jeu. Certes pas très finaud d'appliquer dans la réalité les paroles de chansons poétiques, mais sait-on jamais ? C'est ainsi que le couple entreprend le voyage vers Sète. Séduit par la policière, Arnaud tente un maladroit marivaudage libidineux durant leur trajet en train. Sophie n'y répond pas vraiment. S'ensuit un cour séjour dans la ville natale de Brassens, tel un pèlerinage sur les pas de celui-ci. Le couple flirte plus qu'il n'enquête, à vrai dire.

Les ravisseurs du cercueil de Georges Brassens ont-ils fait des émules, ou est-ce la même bande ? Toujours est-il qu'on a tenté de subtiliser le cercueil de Gilbert Bécaud. Combien de défunts artistes, principalement ceux devenus célèbres après la guerre, seraient donc potentiellement visés ? Arnaud pense, sans doute à juste titre, que c'est une diversion. Brassens reste au centre des investigations du couple. Sophie et Arnaud participent à une soirée-hommage à l'Olympia, croisant le petit monde des passionnés de Brassens. Se souvenant des Quatre Bacheliers, Arnaud est sûr du nom du coupable. Faut-il réellement qu'il le révèle à Sophie ?…

Jean-Paul Sermonte : La tombe buissonnière de Georges Brassens (Éd.du Moment, 2016)

Bien entendu, il s'agit plutôt d'une parodie de roman policier. Certes, il y a une esquisse d'enquête autour d'un acte criminel, une tombe profanée. En effet, les investigations du couple de limiers font apparaître de possibles suspects, d'éventuelles explications. Oui, le coupable passera aux aveux. Mais c'est avant tout une approche de l'univers de Brassens, et de ses admirateurs restant fidèles plusieurs décennies après son décès, que nous offre Jean-Paul Sermonte.

Tous ceux qui aiment ses chansons n'ignorent pas que la Camarde et les enterrements, la mort et ses à-cotés, firent partie de l'inspiration du grand Georges Brassens. Tant de ses titres évoquent plaisamment le sujet : La ballade des cimetières, Le Fossoyeur, Les funérailles d'antan, Le Testament, Le Revenant, Les croque-morts améliorés, Trompe la mort, L'enterrement de Verlaine, L'Assassinat, Mourir pour des idées, et l'inoubliable Supplique pour être enterré sur la plage de Sète.

Quant aux idéaux de Brassens, son anarchie personnelle consistait surtout à ne donner de leçons à quiconque. Si l'on a parfois le sentiment que le langage s'appauvrit (comprend-on encore le sens du de "tabellion" ?), aimer Brassens c'est aussi aimer les mots (peut-être désuets, et alors ?), les tournures de phrases originales. Sans doute Arnaud passe-t-il pour pédant ou pour un vieux croûton, lui qui parle correctement la langue française. Un roman souriant pour saluer la mémoire d'un maître-artiste.

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 04:55

Australie, État de Victoria, en 1998. Mac Faraday est un ancien agent fédéral, qui exerça ce métier durant treize ans. Avec son supérieur Berglin, leur domaine était la lutte contre les trafics de drogue. Quatre ans plus tôt, dans l'affaire Howard Lefroy qui causa la mort du suspect et de sa compagne, Mac fut sur la sellette et quitta le service. Il retourna dans la bourgade où son défunt père s'était installé, à une heure et demie de Melbourne. Il a depuis relancé la forge paternelle, devenant lui-même ferronnier d'art. Il vient d'engager Allie Morris, experte dans ces travaux. Dans cette région campagnarde, les commandes ne manquent pas. En complément, avec le vieux jardinier Stan, Mac participe à des chantiers d'entretien de propriétés, telle celle de Harkness Park qu'ils doivent rénover.

Ned Lowey, vieil Aborigène élevant son petit-fils de seize ans Lew, était le meilleur ami et le voisin du père de Mac. Difficile pour lui de croire que Ned s'est suicidé par pendaison. Tandis qu'il s'occupe désormais de Lew, la police cherche des noises à Mac au sujet de l'héritage de Ned. Son passé d'agent fédéral plaide pour lui. Cherchant à comprendre, Mac consulte les archives de Ned. Six semaines plus tôt, on a retrouvé le cadavre d'une jeune fille de seize ans, morte depuis longtemps, dans un puits de mine. Ce n'est pas si loin de Kinross Hall, où Ned fut autrefois employé et où il est récemment retourné en visite. Cet endroit est un centre d'hébergement pour mineures, censé réinsérer les pensionnaires bien qu'il soit souvent trop tard. Mac ne tarde pas à s'y rendre à son tour.

Marcia Carrier, la directrice, débutait à l'époque où Ned y fut employé. Elle ne maîtrisait pas encore tout. Aujourd'hui, ce centre fonctionne sous la présidence du politicien Crewe, futur ministre de la Justice de l’État de Victoria. Peu après la mort de Ned, le docteur Ian Barbie s'est aussi suicidé par pendaison. Étrange coïncidence, car il fut le médecin traitant de Kinross Hall, au milieu des années 1980. Selon l'épouse du docteur, l'image publique de Barbie était impeccable, mais il était plus tendu en privé, dépendant d'une drogue. Mac interroge le vieux docteur Crewe, père du politicien. Retraité, il exerça à Kinross Hall avant Ian Barbie. Il ne cache pas que l'influence manipulatrice de certaines familles l'exaspérait, celles-ci abusant de leur poids. Son fils s'est introduit dans leurs sphères.

Marcia Carrier, qui a retrouvé un témoignage, incrimine Ian Barbie et Ned dans des cas de viols sur mineures, à l'époque. Pour Ned, Mac en doute complètement. Quant au médecin, il obtient la preuve que c'est faux. Concernant les trafiquants de drogue, pour un certain Algie, le passé de l'ex-agent Mac Faraday n'est pas enterré. Après une menace diffuse, un duo de faux policiers de la route va tenter de le supprimer. Quand il rejoint son amante Anne Karsh à Melbourne, il risque de nouveau sa vie. Ce n'est pas la jalousie du mari qui en est la cause. Si le flic Shea (qui le soupçonna au début) fait bien son boulot, il devrait y avoir des preuves autour de Kinross Hall. Côté mafieux de la drogue, Mac va se retrouver au cœur d'un feu d'artifice qui pourrait lui être fatal…

Peter Temple : La rose de fer (Éd.Rivages, 2016)

Précisons pour les puristes que “La rose de fer” est un des premiers romans de l'auteur, publié initialement avant ses autres titres traduits en français : “La rançon du mensonge”, “Un monde sous surveillance”, “Séquelles”, “Vérité”. Peter Temple y fait déjà preuve d'une belle maîtrise. Tout juste faut-il se mettre en tête que, outre son expérience d'enquêteur, le passé du personnage central n'est pas totalement effacé. D'autant que son ultime affaire traitée fut un échec. Il n'est pas inutile non plus de se souvenir que l'Australie est (aussi) le pays des grands espaces, où cumuler les heures de trajets est courant dès que l'on se déplace.

D'autant que Mac Faraday s'est retiré dans un secteur rural : “Une vie simple dans une simple maison de planches. À travailler avec les outils de mon père dans l'atelier de mon père. À marcher dans ses pas en descendant l'allée trempée et en traversant la route pour aller au pub, ou au terrain de sport. Et à connaître ses amis. Ned, Stan, Lew, Flannery, Mick, Vinnie : chacun y avait contribué en me redonnant une vie qui avait du sens.” Dans un pays où près de 90 % de la population est urbaine, un changement radical pour lui. Mais également une façon de souligner que l'on y masque aisément certains méfaits, tels ceux qui se produisirent peut-être au centre d'hébergement de Kinross Hill.

Exploiter sa forge, rénover un parc, s'occuper du jeune Lew, expliquer la mort de son ami Ned, résister aux trafiquants : l'emploi du temps de Mac est chargé, et fort mouvementé. Sans oublier ses rapports avec les femmes : Allie, Marcia, Anne, relations qui participent à l'intrigue. C'est dire qu'il s'agit là d'une histoire riche en détails et en énigmes, où plane l'ombre de malfaisantes personnes. Un noir suspense dans lequel on s'immerge, dont on suit avec passion les péripéties.

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1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 04:55

Libreville, capitale du Gabon. Ici, certaines enquêtes sont confiées à la P.J. ; d'autres à la Gendarmerie. Les policiers Pierre Koumba et Jacques Owoula sont les principaux limiers de la P.J., sous les ordres du colonel Lambert Essono. Chargés par exemple de mettre la main sur les escrocs ayant dérobé le chéquier d'un ex-ministre, pompant tout le fric qu'ils peuvent. Ou d'une affaire de vidéos diffusées sur Internet, montrant deux mineures, qui se sont suicidées ensuite. Voire d'un accident de voiture ayant causé la mort d'une femme et de son bébé. Dans ce dernier cas, Owoula mène une enquête énergique, afin de repérer l'automobile incriminée. Pour les vidéos du web, c'est plus difficile, le coupable jouant probablement avec les IP. Quant aux escrocs de l'ancien ministre, la plus grande banque de la ville est alertée, et signalera quand se présentera un chèque.

Du côté des gendarmes, on s'occupe généralement de crimes sensibles, politiques ou concernant la sécurité du pays. C'est à Louis Boukinda et Hervé Envame que leur supérieur et le Procureur de la République, proches de la famille présidentielle, confient les cas délicats. Le meurtre du journaliste Roger Missang, retrouvé sur la plage non loin des bâtiments gouvernementaux, est à traiter avec précaution. Abattu par balle, après avoir été ligoté, torturé et mutilé, il publiait des articles polémiques. Si la presse est libre au Gabon, il y a des sujets sur lesquels on ne fouine pas. Même la franc-maçonnerie, thème qu'il comptait bientôt aborder, reste de ceux qu'on n'étale guère. Un cadavre si près de la Présidence, il peut aussi s'agir d'un complot, sachant que les élections sont proches. Roger Missang a été exécuté avec une arme de pro, qui servit à tuer le chef de la sécurité du ministre de la Défense. Côté flics, Koumba et Owoula ont réussi à attraper un des escrocs au chéquier. Ce n'est qu'un lampiste au service d'un énigmatique Docteur…

Polars poche : Janis Otsiemi “African tabloïd” chez Pocket

Le Gabon ayant été un des pivots de la Françafrique, c'est un pays que nous pensons un peu connaître, fut-ce superficiellement. La dynastie Bongo, le pétrole et autres matières premières, l'Afrique équatoriale et sa forêt luxuriante, ce n'est pas faux. Il est sans doute plus judicieux de laisser un Gabonais évoquer son pays, présenter sa vaste métropole, Libreville. Batékés, Fangs, et un grand nombre d'ethnies y cohabitant, c'est un subtil jeu (non sans connotations politiques) que de préserver l'unité nationale dans cette ville et sur tout le territoire. Les arcanes du pouvoir y sont aussi obscurs qu'ailleurs. Quant au peuple, il n'ignore pas la corruption qui gangrène ses élites. Outre qu'il s'agit d'un très bon polar, Janis Otsiemi se montre brillant pour suggérer le contexte gabonais. Bien qu'utilisant de savoureux termes typiques, l'auteur ne force pas la dose. Deux équipes d'enquêteurs ne sont pas de trop pour résoudre les cas criminels en cours. Tout en suivant ces affaires sensibles, on n'oublie pas de nous parler de la population. Un suspense de belle qualité !

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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 04:55

À Belfast, en Irlande du Nord, de nos jours. Écrivain sans éditeur, Karl Kane est avant tout détective privé. Il vit avec son assistante et amante Naomi Kirkpatrick. Il s'inquiète encore pour sa fille Katie, récemment victime d'un traumatisme. Il culpabilise de ne pouvoir rien faire pour son père, atteint d'Alzheimer. Dans ses enquêtes, Karl évite soigneusement son ex-beau-frère Mark Wilson, le chef de la police. Il n'aime pas trop qu'Harry McCormack, un flic balèze et sournois, rôde autour de lui. Quand au jeune policier Malcolm Chambers, s'il paraît un peu léger, peut-être qu'il fait son boulot. Ce qui n'est pas forcément le cas d'une partie des flics de Belfast, estime Karl. Tel Edward Phillips, que Wilson dut naguère virer.

En ce matin neigeux, Karl Kane trouve une main tranchée sur le seuil de sa porte. Grâce à des caméras de surveillance, il sait bientôt que l'acte n'est pas intentionnel envers lui. Il s'agit de la seconde main coupée découverte ces derniers temps. Un homme d'affaire offre 20000 livres de récompense à qui découvrira la vérité sur l'affaire. Une somme qui motive Karl. Le détective peut compter sur son ami médecin légiste Tom Hicks, pour quelques indices supplémentaires. Par ailleurs, Karl essaie de sortir de la mouise la jeune prostituée Lipstick. En douceur ou en la menaçant, même si Naomi accepte de la protéger chez eux, pas facile de redresser la situation de Lipstick. Ça pourrait empirer, hélas.

Une cliente s'adresse au détective : Jemma Doyle veut savoir ce qu'est devenu son oncle Thomas Blake, que sa famille a perdu de vue depuis quelques années. Karl doute qu'elle se soit adressée à lui par hasard. Il déniche une piste à Ballymena, petite ville où sévit une flagrante agressivité. Dans un bar, il rencontre Sandy, une femme énergique, qui va le renseigner. L'oncle Blake dirige le principal bordel de l'endroit, et quelques autres trafics. Sandy prévient le détective : “Un petit avertissement, Karl. Quand vous entrez dans une ville fantôme comme Ballymena, faites bien attention à ne pas la quitter sous forme de fantôme.” Karl va bientôt vérifier qu'il y a du danger. Pour lui, mais aussi pour Sandy.

Une troisième main coupée est retrouvée, celle d'un homme qui a également un passé judiciaire. Il s'est fait piéger plusieurs jours plus tôt, avant d'être torturé. Des mains tranchées, ce pourrait aussi bien être un travail de boucher. Karl enquête à l'abattoir de Belfast, qui fut le théâtre d'une sale histoire. Georgina Goodman, patronne du lieu, lui apportera son aide. Le détective est effectivement sur la bonne voie, mais sera maltraité lors d'un sévère interrogatoire de la part des présumés coupables. Tandis qu'une certaine Sarah Cohen est assassinée, Karl reçoit un courrier posthume de l'ex-flic Phillips. Avec une clé de consigne, qui le mène à la gare de Great Victoria Street…

Sam Millar : Un sale hiver (Éd.Seuil, 2016)

Karl Kane est capable de tout. C'est même son slogan : “Kane's able” (qui se traduit aussi par “Caïn et Abel”). Il se charge d'une fille à la dérive, garde un œil sur sa fille et sur son père Cornelius, enquête sur des mains tatouées de piqûres, traîne dans un abattoir maudit et va flairer l'ambiance d'une ville hostile, Ballymena. Autant d'investigations sinueuses et riches en péripéties, énigmatiques avec de cruels passages, ça pourrait faire penser que l'intrigue est noire, très noire. En réalité, si ce scénario est sombre, l'humour (ironique) est également bien présent. Ce n'est pas un maigre atout, dans ces situations.

Car ce diable hémorroïdaire de Karl Kane, au corps suturé de partout, bien plus humaniste qu'il ne veut le montrer, ne manque certes pas de répartie. Si la plaisanterie ne suffit pas à détendre l'interlocuteur, sa poigne s'attaquant aux parties intimes incite au calme les récalcitrants. Face à sa compagne Naomi, il a également intérêt à avoir réponse à tout. En outre, Sam Millar glisse quelques réflexions sur l'Ulster d'aujourd'hui. Processus de paix en cours, c'est vrai, mais les rancœurs sont tenaces, les sectarismes toujours palpables, et la police ne semble pas parfaitement exemplaire. Quant à certaines fortunes, elles paraissent fort mal acquises. Un "roman de détective" dans la bonne tradition, comme on les aiment.

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29 avril 2016 5 29 /04 /avril /2016 04:55
Penmarc'h du 13 au 16 mai 2016, festival Le Goéland Masqué

Du 13 au 16 mai 2016, le festival du Goéland Masqué rassemble à Penmarc'h l'élite du polar et du roman noir. De nombreuses animations sont au programme, comme chaque année, de Quimper à Saint-Guénolé. Du samedi au lundi, lectrices et lecteurs ont rendez-vous avec de prestigieux auteurs, salle Cap Caval à Penmarc'h.

Les auteurs internationaux : Nadine MONFILS (Belgique), José Luis MUNOZ, Carlos SALEM, José Carlos SOMOZA, Carlos ZANON (Espagne), Eric MILES WILLIAMSON (États-Unis), Naïri NAHAPETIAN (Iran), Francesco de FILIPPO (Italie), Leye ADENLE (Nigeria), Parker BILAL (Angleterre-Soudan)

Les auteurs français : Elena PIACENTINI (Corse), Danielle THIERY, Maryse RIVIERE (Prix du Goéland Masqué – 2009), Françoise LE MER, Karen GUILLOREL, Yvon COQUIL (Prix du Goéland Masqué – 2008), Gérard ALLE (Prix du Goéland Masqué – 2002), Pierre BELSOEUR, Christian BLANCHARD, Stéphane BOURGOIN, Hugo BUAN, Dominique DELAHAYE, Gilles DEL PAPPAS, Rémi DEVALLIERE, Sergueï DOUNOVETZ, Jean-Jacques EGRON, Michel EMBARECK, Jean FAILLER (dimanche), Paul FOURNEL, Hervé HUGUEN, Firmin LE BOURHIS, Stéphane JAFFREZIC, Bernard LARHANT, Marin LEDUN, Hervé LE TELLIER, Jean-Luc MANET, Claude MESPLEDE, Jean-Bernard POUY, Patrick RAYNAL, Denis SOULA, François THOMAZEAU, Marc VILLARD.

Les auteurs jeunesse : Claudine AUBRUN, Margot BRUYERE, Patrice MANIC, Ingrid THOBOIS.

Les auteurs en langue bretonne : Yann BIJER, Annie COZ, Pierre Emmanuel MARAIS, Bernez TANGI.

Les auteurs de BD : BRIAC, Jean-Christophe CHAUZY, Germain BOUDIER, Julien LAMANDA.

La Revue Dessinée : Arnaud LE GOUEFFLEC (scénariste), Catherine LE GALL (scénariste), Benjamin ADAM (dessinateur et scénariste), RICA (dessinateur), Sylvain RICARD (scénariste).

Les invités : Hervé DELOUCHE (revue 813), Ida MESPLEDE (Polars sur Garonne), La bibliothèque sonore de Quimper.

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 05:01

Début des années 1950. Comme tant d'autres jeunes femmes, Penny Smith a été attirée par Hollywood. Dans ce décor clinquant, elle a tenté sa chance comme actrice. Elle a fini par se reconvertir en tant que maquilleuse chez Republic Pictures, une maison de production plutôt modeste. Penny a été la maîtresse de Monsieur D., un ponte dans le milieu cinématographique. Marié, père de six enfants, il l'a finalement larguée sur un coup de téléphone. Certes, il lui a offert un chèque de rupture, plus de sept cent dollars. Mais il est probable que ce goujat demande à sa banque d'y faire opposition. Si Penny n'ignore pas être sur une mauvaise pente, elle prétend conserver le moral. D'autant qu'elle vient de trouver le logement qui lui correspond.

Mme Stahl loue des bungalows autour d'une cour, à Canyon Arms, tout près des lettres géantes Hollywood. Un endroit calme et silencieux, parfumé par les abricotiers, à l'abri de la fureur de cette agglomération. Penny lie bientôt connaissance avec ses voisins, M.Flant et Benny. Un duo de grands buveurs, qu'elle accompagne dans leurs libations. Ils révèlent à la jeune femme que son bungalow n°4 fut le théâtre d'un suicide, douze ans plus tôt. Larry, libraire âgé de trente-cinq ans, bon vendeur qui fréquentait même les studios de cinéma, y mit fin à ses jours. Quand ils évoquent un suicide au gaz, Penny ne réalise pas immédiatement le mode opératoire choisi par Larry. Les livres restés après lui dans le bungalow n°4 ne suffiront pas à apaiser les cauchemars de Penny.

La nuit, elle a des visions, croit entendre de petits bruits répétitifs et agaçants. “Pendant quelques instants, les taches de lumière se brouillèrent et flottèrent, comme liées par un fil ténu. Puis elles se mirent à ressembler aux souris furtives qui, parfois, se faufilaient dans la maison de son enfance… Si elle plissait les yeux très fort, ils ressemblaient même à des petits hommes. Était-ce des souris sur leurs pattes arrière ?” Selon la logeuse qu'elle interroge, il n'y a rien de malsain dans ce bungalow rénové après l'affaire Larry.

Sa situation vis-à-vis de Monsieur D. et ses conséquences perturbent Penny. En discutant avec ses voisins, elle s'interroge : Mme Stahl n'est-elle pas suspecte, elle qui surveille de si près ce bungalow n°4 ? Ne fut-elle pas l'amante criminelle du beau libraire ? Ne laissa-t-il pas un message en guise de dédicace, dénonçant Mme Stahl ? Quand Penny contacte un inspecteur de police, ce dernier consulte le dossier concernant le décès. Les arguments de la jeune femme pèsent peu face aux faits. Il est vrai que, à cause du gaz ou non, le climat dans le bungalow est entêtant. Sans oublier l'ombre de ces petits hommes qui s'agitent chaque nuit devant ses yeux…

Megan Abbott : Les ombres de Canyon Arms (Ombres Noires, 2016)

Le talent de Megan Abbott n'est plus à démontrer, même lorsqu'il s'agit d'une novella telle que ce texte. Cette auteure a souvent exprimé sa fascination pour l'Âge d'or du cinéma américain, pour ces années 1930 à 1950 qui ont servi de décor à plusieurs de ses romans. Elle le confirme ici, dans l'interview qui suit cette nouvelle. Le format court n'empêche pas d'imaginer l'époque, ce monde du cinéma si cruel pour les apprenties comédiennes, si décevant y compris pour les plus obstinées. D'ailleurs, Megan Abbott déclare chercher, comme son modèle Raymond Chandler, à exprimer “la beauté et la noirceur d'Hollywood”.

Son héroïne Penny est une jeune femme vulnérable, déjà quelque peu désabusée suite à tout ce qu'elle a vécu dans cet univers. Être rejetée – et refoulée – par son amant, c'est le "coup de grâce", à l'heure où elle débarque dans ce bungalow particulier. Dépression et hallucinations vont encore compliquer sa vie fragilisée. Ne pensons pas pour autant que la narration soit morbide : elle s'avère limpide et juste, amenant quelques sourires. On aime les subtils romans de Megan Abbott : plus courte, cette novella propose une autre belle facette de cette auteure majeure.

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27 avril 2016 3 27 /04 /avril /2016 04:55

Nick Corey est le débonnaire shérif de Pottsville, une bourgade rurale, en ce début de 20e siècle. Il habite un logement au dessus du tribunal, avec son épouse Myra et le frère de celle-ci, un demeuré prénommé Lennie. Sa femme étant plutôt vindicative, les disputes sont fréquentes entre Myra et Nick Corey. Il faut dire qu'elle l'a naguère piégé afin qu'ils se marient, peu après leur rencontre lors d'une fête foraine. Pacifique par nature, Nick ne cherche qu'à apaiser les récriminations de Myra. Il n'y a qu'avec son amie Rose Hauck que Myra se montre gentille. Rose est flanquée d'un mari agressif, Tom, qui ne l'aide guère dans leur ferme. Jusqu'ici, Nick a réussi à cacher la liaison sexuelle qu'il entretient avec Rose. Malgré le vocabulaire vulgaire de son amante, Nick apprécie sa disponibilité.

L'élection du prochain shérif est pour bientôt. Sam Gaddis paraît nettement en tête, pour remplacer Nick. Étant donné que c'est le seul métier qu'il connaisse, et surtout le moins fatigant, il y a de quoi se montrer indécis. Ça remonte à son enfance, au temps de son père violent, cette habitude qu'à Nick de préférer les solutions de facilité. Il ne va quand même pas commencer à faire régner la loi dans le Comté de Potts, comme le voudrait Robert Lee Jefferson, le commerçant-procureur ! Néanmoins, il y a quelques situations à assainir : en priorité, ces cabinets publics qui puent sous sa fenêtre. Ce sera au banquier, qui en est un des utilisateurs, de prendre la décision qui convient. Pour le reste, Nick va d'abord consulter son collègue Ken Lacey, shérif dans un comté du genre métropole.

Finalement, Nick a bien assimilé la leçon donnée par Ken et son adjoint servile, Buck. Pas de raison, par exemple, de continuer à subir les railleries et brimades du Frisé et de Caribou, les deux proxénètes de Pottsville. Inquiet que Nick puisse passer à l'acte contre ces deux-là, Ken Lacey vient le relancer : ses fanfaronnades de grand redresseur de torts risquent d'entraîner certaines conséquences. Ensuite, Nick devra s'arrêter sur le cas de Tom Hauck, le mari de Rose, aussi méchant avec les Noirs qu'avec sa femme. Il ne va pas manquer à grand monde, s'il disparaît. Quant à Sam Gaddis, postulant à la fonction de Nick, il existe un moyen de le contrer : semer une graine de ragots, qui deviendront bien vite de florissantes rumeurs, monstrueuses au point de séduire leurs concitoyens.

C'est Amy Mason que Nick voulait épouser autrefois, si cette diablesse de Myra ne lui avait pas mis le grappin dessus. Lorsqu'Amy vient se plaindre du voyeurisme de ce taré de Lennie, c'est l'occasion pour le shérif de renouer intimement avec la jeune femme. Faire des projets ensemble ? Peut-être, mais il y a aussi Rose (qui doit toucher une assurance-vie), ainsi que Myra et Lennie. Sans compter les multiples contrariétés que Nick doit affronter. Éliminer des témoins gênants, ruser pour incriminer Ken Lacey ou Sam Gaddis, bluffer en expliquant pourquoi il n'est pas intervenu lors d'un incendie. Il s'en donne du mal pour montrer aux gens qu'il est honnête, courageux et travailleur, ce qu'il n'est pas…

Jim Thompson : Pottsville, 1280 habitants (Rivages/Noir, 2016)

Il y avait bel et bien 1280 habitants à Pottsville, et non 1275 âmes. On le savait, cette nouvelle traduction nous le certifie. Jean-Paul Gratias a récupéré les pages écartées de la première version française, afin de nous présenter l'intégrale du texte. Et de le rafraîchir, par la même occasion. Petites nuances, telles : “Me voilà de retour à Pottsville, et je vous fous mon billet que c'est bien la nuit la plus sombre de l'année” devient, en gommant l'expression argotique : “Quand je descends du train à Pottsville, il fait tellement sombre que c'est sûrement la nuit la plus noire de l'année.” La fonction de Robert Lee Jefferson est la même dans les deux cas, mais “[il] n'est pas seulement quincaillier, mais aussi aussi attorney général du canton” devient “pas seulement le propriétaire du magasin, c'est aussi le procureur du comté”. Par contre, on notera à propos des deux proxénètes qu'ils se nommaient Curly et Moose, alors qu'ils sont ici Le Frisé et Caribou. Les amateurs peuvent s'amuser à comparer plus amplement les deux traductions.

L'esprit reste évidemment identique :“Je dis pas que vous avez tort, mais je dis pas que vous avez raison non plus” restant le signe de la mollesse apparente du shérif Corey. Il ne peut pas s'en prendre aux puissants, alors il fait le ménage autour de lui, parmi les plus faibles. Faisant en sorte de passer entre les gouttes, il ment et bluffe avec une conviction désarmante. Face à un agent de la Talkington (Parkington, dans la première traduction), il joue les naïfs pour saluer la répression violente contre les ouvriers dont était chargés les hommes de chez Pinkerton. À la fin, la leçon qu'il peut donner à Buck, c'est que quand on n'est pas le plus fort il faut être le plus malin. Cette version rejoint ainsi l'œuvre de Jim Thompson inédite ou retraduite, une vingtaine de titres, dans la version Rivages/Noir. On n'ignore pas l'admiration de François Guérif pour cet écrivain. Même en connaissant déjà l'intrigue, c'est avec grand plaisir qu'on retrouve Nick Corey, shérif futé de Pottsville.

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26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 04:55

Bix éprouve autant d'attirance que de rejet envers Toulon et ses environs. Ça remonte à sa jeunesse, à l'époque où il pratiquait le surf avec son défunt frère aîné Tim. Bix n'ayant pas ménagé ses efforts, il était alors un pianiste virtuose, récompensé par plusieurs prix du Conservatoire. Toutefois, c'est la complexité de son parcours qui explique son rapport ambigu avec cette région. Durant une période, Bix fréquenta trop les bars, le Honkiki et surtout l’Éden. De l'abus d'alcool à la toxicomanie, il sombra vite. Il parvint à rebondir, à reprendre des études, après avoir rencontré Léo Leck. Un curieux flic, à la carrière plutôt sinueuse, un baroudeur ayant appartenu à des services secrets fort peu officiels. C'est lui qui guida Bix sur les dossiers, oubliés du grand public, des anciens de l'OAS. Il les traquait depuis des décennies, malgré l'amnistie qui assurait l'impunité à la plupart d'entre eux.

Bix est conscient d'être devenu "l'héritier" du combat de Leck, aujourd'hui décédé. Celui qu'il visait en particulier, c'était le Chef d'Orchestre. Connu sous diverses identités, cet activiste dirigea un petit groupe de fanatiques, et fut responsable d'attentats à Alger, pour l'OAS. Pendant plus de cinquante ans, cet homme a vécu depuis dans la clandestinité. Non sans l'aide d'anciens amis, dont son comparse Sartori. Ce dernier a longtemps évolué en eaux troubles, sans doute dans une semi-illégalité mercenaire, avant de s'établir à Toulon. Comme un certain nombre d'anciens de l'OAS, le poids militaire pesant sur la ville leur convenant peut-être. Du moins, c'est ce que ressentit Bix lorsqu'il en rencontra quelques-uns, en vue de l'écriture d'un livre à leur sujet. Il n'existe pas tant d'ouvrages consacrés à l'OAS : celui de Bix est ainsi devenu une sorte de référence.

Bix fut pendant un temps le compagnon de Pia, la fille du "vieux facho" Sartori. La jeune femme habitait la Villa Mansfield, en référence à l'écrivaine Katherine Mansfield (1888-1923). Pia refusait de réfléchir au passé nébuleux de son père, même si elle ne doutait pas qu'il eût des choses à cacher. D'ailleurs, elle ne gardait en mémoire que peu d'images de lui au temps de sa propre enfance. L'obsession de Bix sur l'OAS agaçait quelque peu Pia. Récemment encore, quand il fut menacé dans un bus par un vieux type armé, elle pensa que Bix virait parano. Pourtant, les sphères de l'OAS existent toujours. La preuve : un des leurs vient d'être assassiné à Toulon. Qu'il se soit fait appeler Ralf, Vial ou Merrain-Lérac, les policiers n'ont pas tardé à imaginer ses liens avec l'Organisation d'autrefois. Ils font appel à Bix comme consultant, puisqu'il est un expert reconnu sur la question.

Ce retour à Toulon, est-ce l'occasion de renouer avec ses parents, qui y vivent toujours ? Bix leur en veut d'avoir occulté une partie de leur passé d'avant sa naissance. Quant à Pia, pas sûr qu'il soit le bienvenu chez elle. D'autant moins, que le suspect n°1 du meurtre n'est autre que Sartori, son père. Nettoyée de toutes empreintes, l'arme du crime retrouvée sur les lieux lui appartient. Imprécision qui ne correspond guère à un type aussi chevronné. Règlement de comptes entre anciens de l'OAS ? Une version qui conviendrait à la police, sachant que la population ne s'intéresse plus à ces vieilles affaires-là…

Vincent Quivy : Brutal Beach (Éd.Wartberg, 2016)

Bien qu'il s'agisse d'une fiction, ce roman noir s'inspire de la réalité, et s'inscrit dans une tradition du polar documentaire. Néanmoins, l'auteur ne commet pas l'erreur de remâcher des faits historiques. On peut consulter çà et là assez d'archives, dont le discours du Général de Gaule du 23 avril 1961 évoquant Un pouvoir insurrectionnel [qui] s'est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire […] Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques… En abordant ce thème, Vincent Quivy nous rappelle à juste titre que, au cœur de ces évènements en apparence si lointains, se trouvaient des terroristes de l'OAS qui ne sont qu'octogénaires aujourd'hui. Amnistiés, beaucoup ont cultivé au sein d'un parti politique les idéaux fascisants qui étaient déjà les leurs à l'époque.

Ce roman dessine avant tout le trajet personnel de Bix. Par facilité, il est courant de renier le passé, d'ignorer volontairement (c'est le cas de son amie Pia) les traces sales d'hier. Nul n'est issu d'une "génération spontanée", pourtant. Et gommer ce qui nous dérange, c'est une lâcheté. À l'inverse, des réminiscences tourmentent Bix. Est-il investi d'une mission ? Pas exactement : ça, c'était le cas de son mentor Léo Leck. Mais penser que des tueurs de civils aient vécu des décennies dans une paisible clandestinité, narguant les autorités, c'est mal supportable pour Bix. Jouant avec la chronologie, baignant dans une ambiance sombre, voilà une intrigue dense très convaincante.

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