Martin Mesnil est un Normand de quarante ans, divorcé, père de deux enfants. Même si ça fragilise sa situation bancaire, il a choisi une certaine liberté dans le travail, préférant des missions d’intérim. Cette fois, Martin trouve un job de nuit pour une semaine, à la gare maritime de Ouistreham. Avec son collègue David, il s'agira de guider les poids lourds à l'embarquement et au débarquement. Martin n'ignore pas que, comme d'autres ports sur la Manche, Ouistreham attire les clandestins cherchant un passage vers l'Angleterre. On ne lui demandera pas de fliquer ces migrants, ça reste le boulot des gendarmes. Dès son arrivée, il rencontre Novak Borovic, jeune patron de la SPB.
C'est un ancien joueur de foot venu de Salvénie, qui eut une petite carrière internationale après ses débuts dans l'équipe appartenant à son père Dragan, dans leur pays. Novak se veut absolument strict sur le contrôle des camions, pas de complaisance avec les réfugiés, ni de corruption. S'il repère des clandestins, il doit alerter le duo de vigiles de la SPB qui les envoient aux gendarmes. Martin a croisé les deux sbires, qui n'inspirent nullement la sympathie. Il va loger durant la semaine dans un bungalow prêté par l'intermédiaire de la séduisante Gisèle, amie de sa mère, infirmière libérale et bénévole auprès des migrants. La cabane est rudimentaire, mais Martin s'avoue sous le charme de Gisèle.
Des incidents concernant les clandestins, comme ce groupe d'une vingtaine d'entre eux bloqués dans un camion frigorifique, ou quelques pugilats dans leur camp de fortune, ça se produit aussi du côté de Ouistreham. Plus grave, le cas de ce réfugié salvène retrouvé crucifié sur la clôture d'un champ. Il se prénommait Viktor. C'était sa cinquième tentative pour trouver un moyen de traverser la Manche. Il a eu la malchance d'être pris en charge par un binôme en Mercedes. Il a été victime d'un traquenard mortel. Son cadavre exposé ainsi, ce n'est pas sans rappeler les méthodes utilisées lors du conflit en Salvénie, voilà quelques années. Pendant lequel Dragan Borovic fut un chef de guerre cruel et redouté.
La mort de Viktor est-elle due à un litige entre migrants, ou s'agit-il d'une vengeance qui trouverait son origine en Salvénie ? Renseigné par son ami flic de base William, Martin apprend que Dragan fut peu poursuivi après la guerre dans ce pays. Peut-être joua-t-il un rôle moins crucial qu'on ne l'a prétendu. Ni Novak Borovic, ni son père, n'ayant réellement intérêt à remuer le passé, difficile de leur attribuer la mort de leur compatriote Viktor. Son bungalow ayant été "visité", Martin craint que l'on s'en prenne à sa famille. Disposant d'une vague piste, le nom d'un certain Azem, il va croiser le Shérif et le Petit Tonio : un costaud aux cheveux blancs crépus, et un petit binoclard rondouillard. La tension monte autour du quai de Ouistreham…
Gabriel Lecouvreur a fait des émules : créé voilà une vingtaine d'années, Le Poulpe est un personnage libre et curieux, qui fouille à son compte dans les désordres et les failles du quotidien. Ni un vengeur, ni le représentant d'une loi ou d'une morale, c'est un enquêteur un peu plus libertaire que d'habitude, juste un témoin de son temps. Depuis 2008, il a un cousin breton, le cyberjournaliste Léo Tanguy (publié désormais aux éditions La Gidouille). Voici aujourd'hui un autre de ses cousins, un Normand cette fois, à l'initiative de Marion Chemin et de Jean-Noël Levavasseur. Sa parenté d'esprit avec le Poulpe ne nous est pas cachée, puisque Jean-Bernard Pouy (le père de Gabriel Lecouvreur) signe ici la préface.
La question des migrants, thème d'actualité et de controverse. Plutôt devrait-on dire : le problème des réfugiés de passage sur le sol français, cherchant à rejoindre la Grande-Bretagne, bloqués à nos frontières. Remercions les autorités britanniques de nous mettre dans le pétrin, et de faire de ces migrants quasiment des apatrides, des fantômes. Kurdes, Syriens, Afghans, Iraniens, et autres nationalités n'ont pas choisi de nous envahir. Nul ne fait preuve d'une compassion angélique envers ces clandestins. Martin Mesnil, le héros de cette histoire, dont la mère est très impliquée dans l'associatif leur venant en aide, n'est pas un naïf : il souhaite juste comprendre. D'autant qu'un meurtre a été commis.
Étant lui-même bas-Normand, le journaliste Jean-Noël Levavasseur utilise des décors qui lui sont familiers. Outre Ouistreham, ses habitants et ses paysages, l'ambiance nocturne d'une gare maritime ne peut qu'être singulière, troublante. Cela ajoute de la crédibilité au récit. Une intrigue à suspense, un contexte actuel : voilà un roman noir à découvrir.
Consultez le site de l'éditeur.
Ma chronique sur une enquête de Léo Tanguy écrite par Jean-Noël Levavasseur.