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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 04:55

André est âgé de douze ans en 1978. Il habite dans le canton de Genève, en Suisse. Il est le fils de Jeanne, trente-quatre ans, et de Carlo Pastrella, Sicilien d'origine. Celui-ci n'a pas encore obtenu un permis de séjour définitif, mais doit se contenter d'un permis renouvelé chaque année. Chez les Pastrella, on garde une relation forte avec la famille, en Sicile. Ils déménagent toutes les fois où le père trouve un nouvel emploi. Ce qui ne simplifie ni la scolarité d'André, élève de niveau correct, ni ses relations avec les autres gamins. Est-ce que ça le perturbe ? Pas forcément davantage que les torgnoles dont son père n'est pas avare. L'école, la classe d'Olga Schanz, est juste un mal nécessaire. Imaginatif, André Pastrella se fabrique des imitations en bois d'armes à feu, et sait jouer seul.

Avec Akizumi Miyu, un des élèves, est né un étrange accord entre un Rital et un Japonais. Il est vrai que la mère de son ami est une personne singulière, qui va le faire frissonner. Le seul plaisir collectif d'André, c'est le football. Son père parie sur les matchs italiens. Pour la Coupe du Monde en Argentine, la Squadra Azzura a ses chances. Au pied des HLM où ils vivent, l'équipe de Carlo et de son fils est offensive, mais pas vraiment gagnante. Le problème actuel d'André, ce ne sont ni les tensions internes à sa famille, ni d'éventuels incidents avec Mme Schanz. C'est une bande de cinq ados violents qui ont pris pour cible le petit Rital qu'il est. Ils l'ont déjà roué de coups, mais André sent que la menace devient de plus en plus sérieuse. Avoir peur d'eux, est-ce réellement de la lâcheté ?

Arrive le temps des vacances estivales, ce qui offre à André un répit concernant le Chef et sa bande. Long voyage routier depuis la Suisse jusqu'au ferry qui, de Calabre, permet de rallier la Sicile. Là-bas, se trouve le village où habite toute la famille de Carlo. C'est surtout leur séjour dans une maison des Pastrella du bord de mer qui donne à André un sentiment de liberté. Redevenir un “chasseur-cueilleur” dans la tradition ancestrale ? Selon le vieil Armando : “C'est ça être un homme, créer sa journée, inventer sa vie, et tu recommences tous les matins jusqu'à ta mort. Ne l'oublie pas, c'est la seule manière de garder tes couilles, figliolo, crois-moi.” Ce séjour en Sicile fera très légèrement progresser la sexualité d'André, sujet qui trotte fatalement dans la tête d'un garçon de son âge.

Au retour, il entame sa dernière année en école primaire, avec un nouvel enseignant peut-être plus attentif que Mme Schanz. Tandis que ses parents frôlent le divorce, il se fait un nouveau copain, Étienne. Il est un peu meilleur en tout qu'André, mais sans aucun mépris, donc ils s'accordent bien. Le duo d'amis devient trio avec la belle Schéhérazade, originaire de Tunisie. Si André ne se cherche pas d'autres copains en classe, leurs mères à tous les trois n'ont pas la moindre chance de s'entendre. Hélas, le Chef et sa bande vont reprendre les hostilités, encore plus violentes qu'avant les vacances. Il faudra bien qu'André trouve un moyen de se venger…

Joseph Incardona : Permis C (Éd.BSN Press – coll.Fictio, 2016)

Joseph Incardona a été récompensé en 2015 par le Grand Prix de Littérature Policière, et par le Grand prix du roman noir à Beaune en 2011. Toutefois, ce n'est pas un roman doté d'une stricte intrigue policière qu'il nous présente avec ce nouveau titre. André Pastrella est quelque peu l'alter-ego fictionnel de l'auteur. Il revient ici sur l'enfance du personnage. Donc, sur une époque de sa propre vie, vers l'âge de douze ans. Fils d'une Suissesse et d'un Sicilien, André peut se sentir déraciné, voire apatride. Qu'on soit enfant d'Italien ou pas, c'est une période de la vie où la virilité d'un jeune garçon doit s'exprimer par des faits concrets. Sexuels, un peu. Pugilistiques, surtout. Quand vos ancêtres sont Siciliens, la vengeance fait obligatoirement partie de votre code génétique.

L'action se situe en 1978, lointain temps si différent d'aujourd'hui. Ni meilleur, ni pire, ce n'est pas tant la question. Les problèmes paraissaient peut-être moins insurmontables ; le divorce n'étant pas inéluctable, par exemple. Pour ce môme, le moment est venu de commencer à s'affirmer, de “grandir”. Sans abuser de la nostalgie, c'est avec souplesse et naturel que l'auteur retrace le passage qui conduit, au final, vers l'âge adulte. Que l'on ne s'y trompe pas : cette fluidité narrative doit tout au talent de l'écrivain. Joseph Incardona est un perfectionniste, accordant de l'importance à chaque scène et à chaque sentiment, pour que ses romans expriment le “vivant”. Encore une très belle réussite de cet excellent auteur !

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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 04:20
Maurice G.Dantec est mort à 57 ans

Né le 13 juin 1959 à Grenoble, l'écrivain Maurice G.Dantec est décédé à Montréal, où il s'était installé en 1998, le 25 juin 2016. On retiendra en particulier les premiers titres de son œuvre, publiés chez Gallimard : "La sirène rouge" (1993 – Trophée 813 du meilleur roman francophone 1994), "Les racines du mal" (1995 – Grand Prix de l'Imaginaire 1996, Prix Rosny aîné 1996), "Babylon babies" (1999). Il fut par la suite publié aux éditions Albin Michel et aux éditions Inculte. Personnage controversé suite à des positions extrémistes, Maurice G.Dantec fut parfois qualifié "d'ingérable" dans le milieu de l'édition.

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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 04:55

Grand rouquin débonnaire, Léo Tanguy est un journaliste indépendant. Il alimente son site Internet en enquêtant à travers les quatre départements de Bretagne et la Loire-Atlantique. En ce mois de juin, Léo est de passage en Normandie, direction l'Irlande via Cherbourg. Mais, aux confins de la Manche et du Calvados, le Combi bariolé façon hippies de ses parents avec lequel Léo a coutume de se déplacer est victime d'un accident. Quelques séquelles physiques sans gravité pour lui, petits dégâts à réparer pour le Combi. Une poignée de personnes sont intervenues : des "reconstitueurs", avec costumes et véhicules d'époque, préparant les festivités en souvenir du Débarquement. Outre Sébastien et Jean-François, Léo n'est pas sans remarquer la belle infirmière Marie-France, en tenue authentique.

Le garagiste d'Isigny-sur-Mer est formel : c'est une balle qui a crevé un pneu du Combi, provoquant l'accident. Très occupé à réviser les véhicules historiques, il ne peut donner la priorité à Léo. Retardant la suite de son voyage, le journaliste s'installe à l'Hôtel de France avant de s'intéresser aux "reconstitueurs". Il s'agit d'une association de passionnés, qui ne se contentent pas de se travestir en figurants soldats, de brandir des armes neutralisées, ou d'entretenir des engins d'autrefois. Ils transmettent leur réel savoir au public. Frédéric, président de l'association, est aussi maire et dirige l'intercommunalité. On prête à cet ancien mercenaire, cachant mal ses opinions réacs, de plus hautes ambitions politiques. Il a rapidement inspiré de l'antipathie à Léo, qui n'aime guère les chefs aussi directifs.

Elle est bien attirante, l'infirmière d'opérette Marie-France, réellement aide-soignante dans le civil. Mais elle est la compagne d'Alain, chanteur qui connut une brève heure de gloire nationale avec un seul tube. Il reste une célébrité locale, se produisant en spectacle lors des fêtes dédiées au D-Day. Pour l'Isigny Swing Festival, il va faire le show. Léo passe une soirée sympa avec le couple. Il apprend que Marie-France fut, un temps, intime avec le maire-président Frédéric. En tenue de chef de la Résistance, ce dernier est omniprésent, en ville comme au camp des "reconstitueurs" qui se visite en journée. Tout ça est très bon pour le commerce local, d'Isigny-sur-Mer à Grandcamp-Maisy, et pas inutile pour les ambitions politicardes de Frédéric.

Jean-François, un des figurants de l'association, est mortellement blessé par balle du côté de Colombières, à quelques kilomètres. Le temps que Léo et ses amis actuels donnent l'alerte, le cadavre a disparu. Pour Frédéric, pas question de lancer une enquête, c'est "sa" fête qui prime. Remplaçant le défunt Jean-François, Léo se joint aux participants du défilé qui attire les foules. Si les festivités du Débarquement doivent se terminer par le show d'Alain et un feu d'artifice, l'affaire risque de s'achever en règlement de comptes…

Jean-Noël Levavasseur : Balle tragique à Colombières : un mort (Éd. La Gidouille, 2016)

Le vingtième épisode des enquêtes de Léo Tanguy est l'œuvre de Jean-Noël Levavasseur, qui signa déjà un précédent titre de la série, “Irish confit” (2009). C'est dire qu'il connaît bien ce personnage, flegmatique cousin de Gabriel Lecouvreur dit Le Poulpe, célèbre héros créé par J.B.Pouy. Étant réellement journaliste régional, Jean-Noël Levavasseur possède un évident point commun avec Léo Tanguy. Surtout, Isigny-sur-Mer et sa région n'ont pas de secret pour lui. Car il a coécrit deux ouvrages de témoignages sur les bombardements du secteur, en juin 1944.

N'oublions pas que nous sommes là à deux pas d'Omaha Beach, une des grandes plages du Débarquement. Quand vous vous trouvez, à Vierville par exemple, en face de cette étendue de sable, comment ne pas avoir une pensée pour tous ceux qui y sont tombés ? Le Cimetière américain de Colleville-sur-Mer et le Cimetière allemand de La Cambe témoignent du carnage humain. De nos jours, sont organisées des reconstitutions qui permettent au public de "visualiser" le déploiement de forces d'alors. De transmettre aussi l'Histoire, beaucoup de participants étant des érudits. Si, tel Léo Tanguy, on se sent plutôt pacifiste, on peut jeter un regard mitigé sur ces manifestations militaristes, même si on ne peut nier qu'elles sont utiles au tourisme.

Soulignons que le titre de ce roman fait référence à la célèbre "une" de l'hebdo Hara-Kiri qui, dans son numéro du 16 novembre 1970, évoqua avec ironie le décès du Général de Gaulle. On suit avec plaisir Léo, notre brave Breton de Plouguer, égaré en terres bas-normandes, témoin de fêtes commémoratives et de faits criminels. Un très agréable suspense.

Jean-Noël Levavasseur et les quatre autres auteurs de la nouvelle série des enquêtes de Léo Tanguy donnent rendez-vous aux lecteurs le samedi 2 juillet à Saint-Brieuc.

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24 juin 2016 5 24 /06 /juin /2016 10:30
Le Golfe du Morbihan, le ciel, le soleil et la mer...
Le Golfe du Morbihan, le ciel, le soleil et la mer...
Le Golfe du Morbihan, le ciel, le soleil et la mer...

Quelques images prises ce 24 juin 2016 en matinée, à l'entrée du

Golfe du Morbihan (Bretagne).

C'est l'occasion de préciser qu'Action-Suspense reste actif tout l'été 

pour vous présenter les meilleurs polars du moment.  

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 07:30

Né le 16 janvier 1924 au Havre, Gilles-Maurice Dumoulin est décédé le 10 juin 2016. Dès l'après-guerre, il devint l'un des traducteurs les plus actifs de l'édition française. En particulier pour la collection Un Mystère, des Presses de la Cité. Il a continué ses traductions jusqu'à ces dernières années. En parallèle, il fut auteur de polars, de SF et de romans d'espionnage sous plusieurs pseudos : G.Morris, Géo Morris, Gilles Morris, G.M.Dumoulin, G.Morris Dumoulin, Vic St Val. Il fut récompensé en 1955 par le Grand Prix de Littérature Policière pour son roman "Assassin mon frère". Il fut aussi scénariste de cinéma, adaptant entre autres San-Antonio.

J'ai consacré plusieurs articles à cet écrivain, que l'on peut lire en cliquant sur les liens.

D'abord, une chronique sur quatre de ses premiers romans :

Les romans ayant pour héros le détective Peter Warren :

Les romans ayant pour héros l'espion Johnny Sanders :

Les romans de la série Vic St Val :

En 2013, Gilles-Maurice Dumoulin publia "Le bout de l'horreur" :

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 05:30

La collection "Les Enquêtes de Léo Tanguy" a été créée en 2008 et publiée jusqu’en 2011 par Coop Breizh qui a arrêté la publication après 15 titres. Plusieurs nouveaux textes étant prêts à être publiés, les éditions La Gidouille ont repris, sous le titre générique "Les nouvelles enquêtes de Léo Tanguy", la publication de ces aventures policières originales mêlant enquêtes, humour et mystère sur fond sociologique en lui donnant une dimension nationale, le directeur de la collection restant Gérard Alle.

Les cinq titres actuels de cette série :

Yvon Coquil : Dernier train pour Ouessant (n°16)

Michel Dréan : Et un, et deux, et… Groix zéro ! (n°17)

Hervé Sard : Larguez les anars (n°18)

Denis Flageul : Mal Mené (n°19)

Jean-Noël Levavasseur : Balle tragique à Colombières : un mort (n°20)

 

Ces cinq auteurs donnent rendez-vous aux lecteurs à Saint-Brieuc, au "Café du Dimanche" (115 boulevard Hoche) le samedi 2 juillet 2016 à partir de 18h. Entrée libre et gratuite. Une belle rencontre à ne pas manquer pour les lecteurs costarmoricains, qu'ils connaissent ou n'aient pas encore lu les aventures de Léo Tanguy.

Rendez-vous à Saint-Brieuc avec 5 auteurs de Léo Tanguy
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21 juin 2016 2 21 /06 /juin /2016 04:55

Dans l'Algérie actuelle, Kémal Fadil est commissaire de police à Oran. Il habite avec sa mère Léla, en fauteuil roulant depuis l'accident de voiture qui coûta la vie à son père. On vient de découvrir quatre cadavres dans le secteur de Bouisseville, sur la côte. Il s'agit de trois Africains noyés, des Noirs ne vivant pas ici, et du clochard Bakhti, qui fit des séjours en psychiatrie. Kémal Fadil s'arrange pour qu'on lui confie l'enquête, son confrère Mahfoud n'étant guère fiable. Il enquête avec son collègue Moss, compétent en plusieurs domaines, et avec le solide quinquagénaire Jo, ami de sa famille sur qui il peut compter. Les trois Africains sont sûrement des clandestins : outre les proches enclaves de Melilla et de Ceuta, en territoire marocain, les côtes espagnoles ne sont qu'à cent cinquante kilomètres.

La querelle de voisinage entre Algérie et Maroc pourrait compliquer les recherches, même si c'est probablement dans la zone littorale entre Oran et Aïn-El-Turck qu'il faut débusquer les organisateurs du trafic de migrants. La mer étant agitée, il n'y a aura pas de départ dans les jours suivants. Il faut agir au plus tôt, aussi pour ne pas exciter la population algérienne, hostile à ces clandestins d'Afrique passant par le Maghreb. Faouzi Ramdane est un journaliste installé à Marseille, pour avoir trop enquêté sur le régime par le passé. Il vient d'être victime d'un "accident" à Aïn-El-Turck. Version douteuse que ni son ami Jo, ni Kémal ne peuvent croire. On retrouve des enregistrements laissant penser qu'il s'occupait d'une affaire de trafic d'êtres humains, en lien avec la région marseillaise.

À Niamey, un mois plus tôt, le jeune Ali n'a plus de raison de rester au Niger. Comme son ami Timou l'a fait avant lui, il compte rejoindre l'Europe. L'apprentie infirmère Fatou a de bonnes raisons de quitter la maison de son oncle, elle aussi. Ils embarquent dans un taxi collectif avec deux couples et Johnny, un Nigérian. Le périple s'annonce chaotique pour ces "voyageurs". D'autant que, leur chauffeur ayant disparu après une panne, ils avancent vaille que vaille jusqu'à Agadez, en direction du nord du Niger. Grâce au couple tenant une pension où ils ont logé, Ali, Fatou et Johnny embarquent avec des Occidentaux en route vers le sud de l'Algérie. Passer la frontière n'est pas sans risque. Un camion les conduit ensuite à travers le désert, destination Béni Abbès, où ils sont hébergés dans une vieille mosquée. Mais la route est encore bien longue avant d'approcher de la Méditerranée.

Kémal suit une piste prometteuse : un hangar à bateaux du Cap Falcon, servant peut-être aux passeurs. Il s'y rend avec Jo et Léla. Le vieux gardien ne semble pas savoir grand-chose. Ce local verrouillé appartenant au colonel retraité Abdelhak, Kémal doit solliciter sa hiérarchie afin d'obtenir un mandat de perquisition. L'intervention de police sera musclée. Entre une villa squattée de Bouisseville et des activités suspectes à Gardanne, dans la région de Marseille, Kémal progresse bientôt à grands pas. Il n'est pas impossible qu'il tombe même amoureux…

Ahmed Tiab : Le désert ou la mer (Éd.L'Aube noire, 2016)

Après “Le Français de Roseville”, il s'agit du deuxième titre d'une série mettant en scène le policier algérien Kémal Fadil. Parler de roman d'enquête serait trop réducteur, car le rôle du héros ne se limite pas aux investigations. Il porte également un regard sur l'Algérie d'aujourd'hui, et sur l'histoire de ce pays. Les autorités gardent une distance envers leurs voisins du Maghreb. Les révoltes arabes des années 2010 n'ont pas touché le fonctionnement de l’État, peut-être parce que l'Algérie connut d'autres crises depuis la décolonisation, en particulier l'époque des islamistes du FIS. Population résignée à vivoter, si c'est la moins pire des solutions ? Peut-être. Avec son confrère marseillais, Kémal va aussi évoquer une actualité plus inquiétante. Mais, la base de cette intrigue, c'est le trafic d'être humains, l'exploitation des espoirs de migrants qui croient au miracle occidental.

Kémal ne juge pas “tous ces gens qu'aucune misère subie depuis le départ de leurs pays respectifs ne décourage dans la poursuite de leur rêve. C'est triste et admirable à la fois.” En parallèle de l'affaire policière, nous suivons le parcours de Fatou et ses amis depuis le Niger jusqu'en Algérie. C'est une véritable aventure, avec ses péripéties hasardeuses, qui attend les candidats à l'exil. “Les conditions de survie dans le désert imposent le paradoxe de se prémunir de la chaleur le jour, et de la rechercher activement la nuit.” La chaleur n'est pas le seul inconvénient du voyage à travers le désert. Se faire véhiculer par des chauffeurs de taxis ou de poids lourds, gagnant ainsi un petit supplément de salaire, ce n'est pas ça qui pose problème. Ce sont les passeurs vers l'Europe, ceux qui font payer très cher leurs services tout en méprisant ces clandestins, qui sont des criminels.

Double récit où, côté Algérien et chez les migrants, Ahmed Tiab nous fait toucher du doigt des réalités humaines. Il ne s'agit pas d'une approbation, mais du constat d'une situation : sans présent, ni avenir, des gens miséreux que nul ne "fait venir" tentent leur chance, et des trafiquants en profitent pour les exploiter. La part sociologique complète l'enquête de police, en devient le thème central. Un roman noir riche, qui explore de façon nuancée un sujet sensible de notre époque.

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20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 04:55

L'univers de Romain, ce sont les rues parisiennes. Pas exactement en flâneur appréciant le décor, car il est aujourd'hui SDF, à quarante-neuf ans. Romain a tenu une librairie rue de Charenton, avec Virginie, et repense parfois à cette période heureuse de sa vie. Il fait la manche, s'alimente dans des commerces où la bière est moins chère. S'il est basé dans le 4e arrondissement, c'est aux bains-douches publics du 5e qu'il s'efforce de rester propre. Grâce à la complicité de Sarafina, native du Liberia. Des putes venant des pays de l'Est, il en côtoie sur les trottoirs. Il n'a sympathisé qu'avec Yuliya, une Biélorusse tapinant depuis deux ans dans le secteur. Elle a perdu ses illusions, elle aussi, son proxénète Danik usant parfois de méthodes radicales. Il paraît très mécontent que la jeune femme fréquente des clodos tels que Romain.

Le capitaine Thiéré, du commissariat de police du 4e, a compris que Romain était un SDF moins déclassé que les autres. Pas question de jouer les indics pour autant, mais il n'est pas mauvais de garder de bonnes relations avec un flic. D'autant que Paul, clochard bègue du quartier, vient d'être abattu par des types dans une grosse bagnole. Pas vraiment de témoins : “Un SDF qui s'effondre… Il faut un moment pour que ça commence à émouvoir quelqu'un...” résume le policier Thiéré. Peu après, c'est un autre clodo prénommé Richard qui est retrouvé assassiné, cramé dans son caddie. Romain les connaissaient assez bien tous les deux. Il n'est pas suspecté, mais le flic aurait besoin d'infos. Le cadavre d'une troisième victime, encore un SDF, est repêché au bout du port de l'Arsenal, au niveau de l'écluse du Pont Morland.

Avant même cette série de meurtres, Romain pressentait le drame : “Il y a cette odeur aigre du danger, son imminence que la rue vous enseigne. Sans pouvoir en déterminer les causes et les effets, je sais qu'il rôde.” Ces crimes, il pense en discerner le motif, et ne se trompe probablement pas quant aux exécutants. Il sait à qui s'adresser pour en obtenir confirmation. Quand un Nigérien est agressé, Romain intervient contre les tueurs. Mais l'Africain apeuré, sans aucun statut légal, a rapidement fui les lieux. Il ne s'agit pas d'une simple altercation, d'un incident sans conséquence. Même si ce n'est pas de gaîté de cœur, Romain ayant été repéré par la vidéo-surveillance, il n'a pas d'autre choix que d'aider la police. Toutefois, il ferait mieux de ne pas revenir dans certains endroits. Pour les tueurs patibulaires, il risque de devenir une cible à son tour…

Jean-Luc Manet : Trottoirs (Éditions In-8, 2015)

Retour sur une novella publiée à l'automne 2015 dans la collection dirigée par Marc Villard aux Éditions In-8. Il s'agit là d'un texte d'une soixantaine de pages, une longue nouvelle de Jean-Luc Manet, qui en a publié beaucoup. C'est dans le Paris des laissés-pour-compte qu'il nous entraîne. En filigrane, on aperçoit "un accident de la vie" qui a obligé son héros à descendre l'échelle sociale. Pas de misérabilisme caricatural, néanmoins, car Romain est de ceux qui essaie de conserver une allure présentable. Et un cerveau actif, pas trop embrumé par l'alcool. Comme tant de ses congénères, il survit dans la rue, gardant malgré tout une dignité.

Le style narratif fluide et imagé est fort séduisant. En témoigne ce passage, où Romain vient d'être tabassé : “Je me relève encore un peu groggy. Je rassemble mes neurones, mes fringues aussi, disséminées sur le trottoir par l'ouragan. Mes côtes résonnent un peu. La répartition des douleurs a au moins le mérite de me faire oublier l'abcès qui me chatouille les molaires. Un rétroviseur me répond que je n'ai pas reçu de heurts trop flagrants.” Qualité d'écriture non négligeable, qui permet une tonalité enjouée : “On n'est loin des hymnes d'Hugues Auffray, n'empêche que dans un wagon de métro aussi, on tient bon la barre et tient bon le vent.” Le fond de l'intrigue offre une noirceur criminelle, bien sûr. Excellente histoire, dans un format court idéal pour ce genre de récit.

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