André est âgé de douze ans en 1978. Il habite dans le canton de Genève, en Suisse. Il est le fils de Jeanne, trente-quatre ans, et de Carlo Pastrella, Sicilien d'origine. Celui-ci n'a pas encore obtenu un permis de séjour définitif, mais doit se contenter d'un permis renouvelé chaque année. Chez les Pastrella, on garde une relation forte avec la famille, en Sicile. Ils déménagent toutes les fois où le père trouve un nouvel emploi. Ce qui ne simplifie ni la scolarité d'André, élève de niveau correct, ni ses relations avec les autres gamins. Est-ce que ça le perturbe ? Pas forcément davantage que les torgnoles dont son père n'est pas avare. L'école, la classe d'Olga Schanz, est juste un mal nécessaire. Imaginatif, André Pastrella se fabrique des imitations en bois d'armes à feu, et sait jouer seul.
Avec Akizumi Miyu, un des élèves, est né un étrange accord entre un Rital et un Japonais. Il est vrai que la mère de son ami est une personne singulière, qui va le faire frissonner. Le seul plaisir collectif d'André, c'est le football. Son père parie sur les matchs italiens. Pour la Coupe du Monde en Argentine, la Squadra Azzura a ses chances. Au pied des HLM où ils vivent, l'équipe de Carlo et de son fils est offensive, mais pas vraiment gagnante. Le problème actuel d'André, ce ne sont ni les tensions internes à sa famille, ni d'éventuels incidents avec Mme Schanz. C'est une bande de cinq ados violents qui ont pris pour cible le petit Rital qu'il est. Ils l'ont déjà roué de coups, mais André sent que la menace devient de plus en plus sérieuse. Avoir peur d'eux, est-ce réellement de la lâcheté ?
Arrive le temps des vacances estivales, ce qui offre à André un répit concernant le Chef et sa bande. Long voyage routier depuis la Suisse jusqu'au ferry qui, de Calabre, permet de rallier la Sicile. Là-bas, se trouve le village où habite toute la famille de Carlo. C'est surtout leur séjour dans une maison des Pastrella du bord de mer qui donne à André un sentiment de liberté. Redevenir un “chasseur-cueilleur” dans la tradition ancestrale ? Selon le vieil Armando : “C'est ça être un homme, créer sa journée, inventer sa vie, et tu recommences tous les matins jusqu'à ta mort. Ne l'oublie pas, c'est la seule manière de garder tes couilles, figliolo, crois-moi.” Ce séjour en Sicile fera très légèrement progresser la sexualité d'André, sujet qui trotte fatalement dans la tête d'un garçon de son âge.
Au retour, il entame sa dernière année en école primaire, avec un nouvel enseignant peut-être plus attentif que Mme Schanz. Tandis que ses parents frôlent le divorce, il se fait un nouveau copain, Étienne. Il est un peu meilleur en tout qu'André, mais sans aucun mépris, donc ils s'accordent bien. Le duo d'amis devient trio avec la belle Schéhérazade, originaire de Tunisie. Si André ne se cherche pas d'autres copains en classe, leurs mères à tous les trois n'ont pas la moindre chance de s'entendre. Hélas, le Chef et sa bande vont reprendre les hostilités, encore plus violentes qu'avant les vacances. Il faudra bien qu'André trouve un moyen de se venger…
Joseph Incardona a été récompensé en 2015 par le Grand Prix de Littérature Policière, et par le Grand prix du roman noir à Beaune en 2011. Toutefois, ce n'est pas un roman doté d'une stricte intrigue policière qu'il nous présente avec ce nouveau titre. André Pastrella est quelque peu l'alter-ego fictionnel de l'auteur. Il revient ici sur l'enfance du personnage. Donc, sur une époque de sa propre vie, vers l'âge de douze ans. Fils d'une Suissesse et d'un Sicilien, André peut se sentir déraciné, voire apatride. Qu'on soit enfant d'Italien ou pas, c'est une période de la vie où la virilité d'un jeune garçon doit s'exprimer par des faits concrets. Sexuels, un peu. Pugilistiques, surtout. Quand vos ancêtres sont Siciliens, la vengeance fait obligatoirement partie de votre code génétique.
L'action se situe en 1978, lointain temps si différent d'aujourd'hui. Ni meilleur, ni pire, ce n'est pas tant la question. Les problèmes paraissaient peut-être moins insurmontables ; le divorce n'étant pas inéluctable, par exemple. Pour ce môme, le moment est venu de commencer à s'affirmer, de “grandir”. Sans abuser de la nostalgie, c'est avec souplesse et naturel que l'auteur retrace le passage qui conduit, au final, vers l'âge adulte. Que l'on ne s'y trompe pas : cette fluidité narrative doit tout au talent de l'écrivain. Joseph Incardona est un perfectionniste, accordant de l'importance à chaque scène et à chaque sentiment, pour que ses romans expriment le “vivant”. Encore une très belle réussite de cet excellent auteur !
CONSULTEZ ICI TOUTES MES CHRONIQUES SUR LES ROMANS DE JOSEPH INCARDONA.
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