Le Montana se situe au nord des États-Unis, à la frontière avec le Canada. La ville où, vers 1980, habite Milo Milodragovitch se nomme Meriwether. Milo est un riche héritier… virtuel, car la succession ne sera débloquée que quand il aura cinquante-deux ans. En attendant, cet ancien soldat de la guerre de Corée a eu divers emplois, plutôt en dilettante. Il fut récemment détective privé, expérience agitée – avant d’être aujourd’hui agent de sécurité pour la société du colonel Haliburton. Ce militaire retraité se montre bienveillant envers son personnel, pratiquant une forme d’insertion sociale pour d’ex-soldats – y compris ceux du Vietnam. Il a plutôt confiance en Milo, fermant les yeux sur son goût pour les shots de schnaps à la menthe poivrée, censés calmer l’alcoolisme de son employé, et sur la coke que Milo consomme plus modérément que par le passé.
Sarah Weddington est une dame âgée vivant dans une des plus luxueuses demeures de Meriwether, avec sa petite-nièce Gail. Quand elle fait appel aux services de Milo, c’est tout un pan du passé du "privé" qui ressurgit. Quarante ans pus tôt, Mrs Weddington était une femme splendide, qui impressionna beaucoup Milo. Elle fut pendant un temps la maîtresse du père de Milo, habitué des liaisons extra-conjugales. La vie de Sarah fut très riche en péripéties, expliquant qu’elle soit désormais fortunée. Elle souhaite engager Milo, à un tarif bien supérieur à la moyenne, pour une drôle de mission – motivée par sa curiosité. Elle lui demande de découvrir l’identité d’un couple qui semble se donner des rendez-vous secrets, afin de connaître la nature de leurs rencontres. En marge de son job pour le colonel Haliburton évidemment, même si là encore ça dérange peu le patron de Milo.
S’il a trouvé le nom de la femme, Cassandra Bogardus, l’affaire débute mal pour Milo, une altercation avec un voisin acariâtre de celle-ci risquant de le faire repérer. Reprenant sa filature, il finit par prendre contact dans un bar avec Mme Bogardus. Sauf qu’il y a erreur sur la personne, c’est une certaine Carolyn Fitzgerald qu’il a suivie. Quand Milo tente de suivre la vraie Cassandra Bogardus lorsqu’elle prend l’avion pour Los Angeles, c’est un nouvel échec. Ayant identifié l’homme dudit couple, John P.Rideout, Milo se lance sur sa piste. Ce qui, après une filature chaotique, va le mener jusqu’à un motel d’Elk City, dans l’Idaho. Quand il découvre le cadavre de John P.Rideout, Milo court un double risque : être suspecté du meurtre, sans oublier les tueurs de cet homme – des pros du crime – qui sont à ses trousses. Il espère les semer du côté de Seattle.
Milo reste en contact téléphonique avec le colonel Haliburton, qui lui apprend que Sarah Weddington et la jeune Gail semblent avoir disparu. Milo s’en retourne à Meriwether, mais il réalise bien vite qu’il est préférable pour lui de "faire le mort". Il se réfugie à Stone City, dans la réserve indienne, où son enquête – si relative qu’elle soit – pourrait progresser…
Deuxième aventure de la tétralogie ayant pour héros Milo Milodragovitch, “La danse de l’ours” est probablement un des titres les plus réussis de James Crumley, affinant le portrait de son personnage central et l’entraînant dans une suite de péripéties fort hasardeuses. Toutefois, on ne doit pas se tromper de lecture. Les histoires de détectives privés (officiels ou non) sont remuantes : c’est le cas ici, mais la tonalité choisie ne mise pas sur le spectaculaire, sur un tempo effréné – ni strictement sur le fait de résoudre une affaire. Au-delà de l’intrigue à suspense, James Crumley inscrit le récit dans une époque donnée, décrivant une partie de l’Amérique des années 1970-80.
L’économie a tendance à stagner, les ex-soldats sont livrés à eux-mêmes trop souvent, et l’esprit rebelle de jeunes (et de moins jeunes) reste développé – la consommation de cocaïne en étant l’un des principaux symboles. Dans des contrées peu habitées comme le Montana et les États voisins, les flics ne paraissent jouer qu’un rôle facultatif – même si Jamison, le mari de l’ancienne épouse de Milo, est le chef local de la police. On l’aura compris, l’auteur utilise les ambiances, sans chercher à accélérer le rythme. S’il se trouve en mauvaise posture, Milo subit les évènements avec un certain flegme – et avec le soutien du colonel Haliburton. Voilà un roman noir, avec quelques aspects souriants, bénéficiant d’une véritable écriture.