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30 juillet 2016 6 30 /07 /juillet /2016 04:55

Simon est un ancien flic, au visage marqué et aux cheveux prématurément blancs. Il a été viré de la police à cause d’une embrouille, piégé pour le meurtre de Cora qu’il n’avait pas tuée. Derrière ce complot, il y avait de l’argent sale et de la politique. Ceux qui perdirent les élections de 1981 possédaient encore un certain pouvoir. Depuis, Simon a décidé de travailler pour son propre compte. C’est ainsi qu’un commanditaire lui promet une forte somme afin qu’il retrouve Victor Emmanuel Cerutti. Ce comptable doté d’une mémoire infaillible était employé par la société Morin, laquelle masquait des activités politiques peu démocratiques. Sentant qu’il deviendrait bientôt un témoin gênant à supprimer, Cerutti a disparu volontairement depuis quelques temps.

C’est sous le surnom de "Verlaine" que Simon connaît de longue date le comptable. Ils ont été ensemble dans l’armée, naguère. L’ex-flic accepte la mission, car il veut retrouver lui aussi Verlaine, pour des raisons personnelles. Avec son complice Tony l’Arméno, Simon a prévu le braquage d’un camion-laboratoire participant au trafic de drogue. Ils ont besoin de Verlaine dans leur équipe car ça nécessitera une opération commando. Après un pique-nique avec Tony, afin d’évaluer la situation, Simon part dans le Sud pour obtenir des infos sur la famille de Verlaine. Il dégote une piste : Cerutti-Verlaine a une demie-sœur, Myriam Stein. Celle-ci se trouverait actuellement à Dijon. La ville où Simon fut policier, où débutèrent ses ennuis à cause de la corruption locale.

À Dijon, Simon est attendu, deux flics ripoux cherchant à lui mettre la pression. Il pouvait compter sur la fidélité de son copain Pierrot. Mais ce dernier vient d’être mis hors-circuit par les sbires de Tonton, mi-notable mi-caïd. C’est chez Tonton que Simon va récupérer Myriam, qui n’est pas vraiment intime avec ce type. “Une brave fille un peu pute qui a fait les quatre cent coups, une paumée comme on en ramasse à la pelle à tous les coins de discothèque, une conne un peu dérangée avec quand même un cœur gros comme ça, que les coups de pieds au cul et le reste sont pas arrivés à pourrir.” Tous les deux trouvent refuge chez "Tokyo", une amie lesbienne de Myriam. Pour autant, Simon n’est pas sûr qu’ils soient à l’abri. La suite ne tarde pas à le lui prouver, et c’est Tokyo qui en fait les frais. Il serait prudent de vite quitter la ville, mais ne sont-ils pas déjà poursuivis ?

Simon et Myriam font un détour par la planque où s’est caché Verlaine. Il a laissé des indices, des preuves. Le couple tombe sur le commissaire Guyenne, dit Le Viet. C’est un cador de l’OCRB (Office Central de Répression du Banditisme, section des Stupéfiants), un des meilleurs policiers de France, celui-là. Pourtant, ses méthodes peuvent s’avérer discutables, aussi. Simon et Myriam vont continuer leur périple jusqu’à Lyon. Où ils ont rendez-vous avec Tony, pour finaliser l’opération commando programmée. Toutefois, pour être efficaces, il leur faut se procurer du matériel militaire et renforcer leur équipe…

Hugues Pagan : Je suis un soir d’été (Fleuve Noir, 1983)

En vérité, contrairement à beaucoup d’amateurs de romans noirs l’ayant porté au pinacle, je n’ai jamais aimé les livres d’Hugues Pagan. On me répondra que si tous les romans de cet auteur ont été réédités ou publiés aux éditions Rivages, c’est signe de qualité. On aura sans doute raison, en partie. Il y a bien une tonalité propre aux histoires d’Hugues Pagan, une noirceur fatale qui englue des personnages amers ou paumés. Ambiances dénuées de véritable espoir, armes à feu toujours à portée de main, cadavres martyrisés ou victimes abattues froidement, c’est du viril qui ne rigole pas, du costaud qui riposte.

Mon impression négative serait donc totalement subjective ? Non, il est facile d’écrire du "plus noir que noir" quand on ne respecte pas les règles de la narration. “Je suis un soir d’été” en apporte l’illustration. Hugues Pagan reste dans le flou concernant cet ex-policier, ne concédant que des bribes de portrait. Un "pur et dur" ou même "loup solitaire", croit-on comprendre. Sauf qu’il n’est pas si isolé que ça. Il faut bien que soit dressé le profil de son ami Verlaine, sinon on ne pigerait carrément rien, mais le portrait de son copain Pierrot ne nous dit presque rien sur lui. Quant à la jeune Myriam, son image est aussi parcellaire : une fille sans repères, manquant de caractère, mais sa psychologie n’apparaît guère.

On nous suggère encore – mais sans précision – le braquage d’un camion préparé par l’ex-flic Simon et son complice Tony. Très vague. Les adversaires du héros sont moitié des policiers ripoux, moitié des flics de choc, sans que ce soit clarifié non plus… La règle d’or du polar, c’est d’être le plus complet possible dans les éléments offerts aux lecteurs. Une base évidente, méprisée par Hugues Pagan. Quant au "parler populaire" ou argotique, ça frise le ridicule. Bien sûr, s’agissant là de son troisième titre publié (en 1983), on pourrait plaider qu’il n’a pas encore la maturité d’écriture. Qu’avec “Dernière station avant l’autoroute” (Prix Mystère 1998), il fut plus convaincant – c’est exact. Le présent roman n’est ni bon, ni mauvais, mais relativise les éloges exagérés sur Hugues Pagan.

 

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29 juillet 2016 5 29 /07 /juillet /2016 04:55

À Milan, Mario est un voleur à la tire âgé de trente ans, un pickpocket récidiviste qui sort tout juste de la prison de San Vittore. Obtenir enfin un travail stable, alors que ça fait quinze ans que la société l’oblige à vivre de petits larcins ? Trop tard ! Mario retrouve bien vite Giovanna, sa complice pour le vol à la tire. Il faut rapidement se procurer de l’argent. Mario doit également clarifier la situation auprès de Caterina Ronaldi. Assistante sociale d’une vingtaine d’années, elle est éperdument amoureuse de Mario. Ce que la mère de Caterina ne voit pas d’un bon œil. Néanmoins, le couple s’offre un petit voyage jusqu’à Orvieto, célèbre pour sa cathédrale Le Dôme et ses musées. Un long trajet depuis Milan, mais Caterina en rêvait depuis fort longtemps.

S’étant brièvement absenté, Mario découvre la jeune femme égorgée dans leur voiture, qui appartient à Giovanna, place du Dôme. Il est repéré par un trio d’étudiants barbus, dont Josué Brignone, leader anarcho-gauchiste. Les carabiniers sont alertés, mais Mario prend bientôt la fuite en voiture, avec le cadavre de Caterina. Son périple en train le mène de Civitavecchia à Milan, où il rejoint Giovanna. Celle-ci sait où se réfugier : au village de Passignano, près de Pérouse. Là-bas, ils sont accueillis par le grand Carlo et Rosa, couple de septuagénaires vivant dans leur ferme. Ceux-ci ne doutent pas de la version de Mario, quand il clame son innocence. Il faut prendre quelques précautions : cacher leur voiture, être prêts à disparaître momentanément quand les carabiniers passent à la ferme.

Toutes les forces de polices traquent effectivement Mario. Le portrait qu’a dessiné Josué Brignogne est, hélas, très ressemblant. L’étudiant anar n’aime guère les flics, néanmoins il s’implique avec ses amis pour rattraper Mario. Seule la mère de Caterina répond, dans un article de journal, qu’il n’est certainement pas coupable. Voleur, oui, mais pas tueur. Mario doit se disculper par ses propres moyens. Changeant d’aspect, il repasse à Milan afin que la mère de Caterina lui cite les proches de la victime. Il obtient dix-huit noms, encore que ce ne soit pas facile de les contacter dans sa situation. Giovanna s’inquiétant pour Mario, elle est revenue à Milan de son côté. Elle ne tarde pas à avoir des ennuis avec les policiers de la Questure, mais la jeune femme leur tient tête bravement.

Bien que surveillée par la police, Giovanna va ruser pour leur échapper. Mario n’en a pas fini avec le leader anar Josué Brignogne et ses amis barbus, dont le gros Berto qui cogne volontiers. Parmi eux, la belle Raffaella, dont l’oncle est un vieil avocat influent. La tension a déclenché chez Mario une crise de paludisme, qu’il faut soigner. Après quoi, il adopte un look étudiant façon John Lennon, afin d’enquêter sur les proches de Caterina. Quant à Giovanna, ses soucis avec la police ne sont pas terminés. Puisque le crime s’est produit à Orvieto, c’est dans cette ville que Mario espère enfin dénicher des indices…

Giorgio Scerbanenco : Du sang sur le parvis (Ed.Plon, 1972)

Né en 1911, Giorgio Scerbanenco est décédé en 1969. C’est en 1971 que fut publié “Ladro contro assassino (Du sang sur le parvis), traduit en 1972 chez Plon, puis réédité dans la collection Grands Détectives chez 10-18, en 1984. Il ne s’agit pas d’un des quatre romans noirs ayant pour héros Duca Lamberti, qui valurent la célébrité à l’auteur. Pourtant, c’est aussi une histoire très réussie. Parce qu’elle exploite un thème solide de la littérature policière : l’innocent qui doit démontrer seul qu’il n’est pas un assassin. Pour ce faire, il va voyager entre plusieurs villes italiennes : Milan, Arrezo, Orvieto et un village de la région de Pérouse. Des tribulations mouvementées, comme il se doit.

Scerbanenco n’avait pas son pareil pour décrire les personnages. Y compris ceux ne jouant qu’un rôle annexe, tels d’anciennes connaissances de la victime, ou un conducteur qui est suspecté par Mario. De même, quelques réactions de la mère de Caterina suffisent à nous faire comprendre sa tolérance derrière son apparente réprobation. Le portrait de Josué, le leader anar (comparé au Cohn-Bendit d’alors), témoigne de l’époque propice à la rébellion sociale. D’autres protagonistes sont également bien mis en valeur. C’est le couple Mario-Giovanna qui est au cœur de l’affaire. Vivotant de petits vols, n’étant même pas amants, ils se complètent, et gagnent immédiatement notre sympathie.

Un très bon polar de Giorgio Scerbanenco, à redécouvrir.

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28 juillet 2016 4 28 /07 /juillet /2016 04:55

Fin des années 60, Patrick et Renata sont un couple d’étudiants d’environ vingt-cinq ans. Cet été-là, dans la 403 bariolée du jeune homme, ils se rendent à Florence, ville d’origine de Renata. Alors qu’ils font une pause en Provence, quelqu’un est abattu dans sa voiture, non loin d’eux. Patrick ne tarde pas à s’emparer du portefeuille de la victime, contenant une belle somme en billets, et de sa mallette. Le couple n’a pas l’intention de prévenir la police. D’autant moins qu’il y a quantité de sachets de cocaïne dans la mallette, ce qui représente beaucoup d’argent. Renata pense trouver preneur à Florence. Sur place, c’est au club "Le voyage", avec sa faune hippie, qu’elle recherche son amie Gennie Volapo.

Le couple rencontre Paolo, un rebelle aux cheveux longs, qui est proche de ladite Gennie. En compagnie de la blonde Erika et d’Olaf, autres "invités" hippies, Renata et Patrick vont camper dans l’appartement de Gennie, baptisé "La roulotte". Entre-temps, le couple a prudemment planqué la mallette. Quand Renata est abordée par deux émissaires du trafic de drogue, alors qu’elle fait des emplettes, il y a matière à s’inquiéter. Face au danger, Gennie et Paolo estiment qu’il est préférable que tous les six restent enfermés, à l’abri dans l’appartement. Ces partisans du "Faites l’amour, pas la guerre" n’ont rien contre cette idée. Néanmoins, Renata finit par quitter l’endroit sous un faux prétexte.

Le commissaire parisien Jérôme Thiébaut s’est rendu à la morgue de Marseille, après le meurtre du conducteur dont Patrick et Renata ont été témoins. Même si délinquance et crime changent à Marseille, selon son collègue le commissaire Valade, cette exécution est attribuable au "milieu" traditionnel, celui qui dirige le trafic de drogue. Dans la calanque de la Redonne, Thiébaut part à la pêche… aux renseignements. Adèle, ex-maquerelle, et son compagnon Pascal, ancien truand corse, ne peuvent assurément pas dire tout ce qu’ils savent. Malgré tout, le commissaire parisien n’a pas de mal à traduire "l’historiette" que lui raconte Pascal, comportant des indications fort utiles.

C’est ainsi que, sous l’égide d’Interpol, Jérôme Thiébaut a rejoint à Florence son confrère italien, le commissaire Aldo Ortelli. Son équipe de lutte contre les trafiquants ne tient pas à collaborer avec la Questura de Florence. Le but est de remonter l’ensemble de la filière. L’appartement de Gennie est sous surveillance. Quand Renata en sort, peut-être afin d’aller voir la police, ça provoque immédiatement l’interpellation de Patrick et de Gennie. Renata et Patrick négocient leur collaboration avec les deux commissaires, en échange d’une éventuelle prime. La première tentative de contact avec le chef du trafic se termine de façon explosive. Le couple est certain que c’est en mettant la pression sur le barman du club "Le voyage" que, sous le contrôle des policiers, ils approcheront l’adversaire…

Claude Joste : La came de l’été (Fleuve Noir, 1968)

De 1965 à 1987, Claude Joste fut un des plus productifs auteurs des éditions Fleuve Noir. Il débuta avec des romans de guerre dans la collection Feu, écrivit dès 1971 de nombreux romans d’espionnage, et publia une grosse soixantaine de titres dans la collection Spécial-Police. Son enquêteur récurrent est le commissaire Jérôme Tiébaut, fumeur de pipe tel Maigret. Bien qu’en poste à Paris, il voyage en France au gré des affaires traitées, parfois même à l’étranger. Selon les cas, il a pour adjoints plus ou moins attitrés des inspecteurs. Des histoires où l’on joue sur les ambiances, soit au sein d’un groupe de personnes, soit dans des lieux bien décrits (ici, une calanque marseillaise et la ville de Florence).

Avec “La came de l'été”, Claude Joste présente un honnête roman policier. Le thème du trafic de drogue n’a rien d’original, c’est vrai. Ce qui est plus intéressant, c’est l’évocation des jeunes de la génération "peace and love" de l’époque (on est en 1968). Le besoin de liberté, y compris sexuelle, qui habitait cette jeunesse peut apparaître tel un témoignage pour les lecteurs actuels. L’auteur ne caricature pas tant que ça leurs comportements ou leurs aspirations. L’intrigue n’est donc pas dénuée d’aspects sociologiques.

Autre point à noter, l’évolution de la délinquance à Marseille : “Avant, il y avait le mitan et les caves. Barrière infranchissable. On était l’un ou l’autre. Maintenant, il y a les amateurs, les voyous mi-pédés mi-gonzesses. On casse un peu, on bricole. Ça vous vole une voiture, vous corrige des bourgeois au sortir d’un bal et ça se poivre au chanvre [indien, marijuana]… C’est comme pour les filles. Tenez, avant il y avait les professionnelles. Maintenant je peux vous présenter des petites vendeuses mignonnes comme tout qui font du supplément en sortant du boulot ou entre midi et deux…”

Un scénario riche en péripéties, une narration limpide, pour un polar qui se lit encore avec un plaisir certain.

D'autres polars sur le thème de l'été :

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26 juillet 2016 2 26 /07 /juillet /2016 04:55

Les faits commencent début septembre à Stockholm, en Suède. Âgée de trente-quatre ans, Leona Lindberg est policière à la Criminelle. Elle est mariée à Peter, le couple ayant deux jeunes enfants, Beatrice et Benjamin. Ce dernier est atteint de la maladie de Crohn, ce qui nécessitera un jour une coûteuse intervention. Peter s’avère un peu trop optimiste sur l’avenir de leur couple, prévoyant un troisième enfant et l’achat d’une maison, alors que Leona prend de la distance envers lui. Elle est en poste dans le service de Claes Zetterlund, un supérieur capricieux face auquel elle garde une certaine prudence. Vis-à-vis de ses collègues, Leona fait preuve d’un esprit indépendant, avec courtoisie mais sans plus, sauf si elle a besoin d’infos. Par contre, elle s’entend très bien avec Nina Wallin, la procureure très pointue sur les dossiers qu’elle traite.

Olivia est une enfant de sept ans vivant avec son père. Rarement gentil, souvent agressif, il la manipule en lui confiant de curieuses missions. La première consiste à se présenter nue et ensanglantée dans une banque de Stockholm, qu’elle vient braquer. Un message enregistré oblige les témoins à lui remettre une grosse somme, puis la fillette disparaît. Ni indices, ni odeurs pour aiguiller la police. Leona Lindberg s’est arrangée pour que l’affaire lui soit confiée. Le cas de cette gamine peut lui rappeler sa propre enfance douloureuse, avec un père rigide, directif, privilégiant ses frères. Sans doute Leona avait-elle déjà un comportement trop libre pour la norme. L’enquêtrice interroge une vieille dame ayant approché la fillette, visionne la vidéosurveillance, prépare un sujet pour une émission de télé visant à retrouver d’autres témoins. Une implication qui déséquilibre encore son couple.

Le journaliste Christer Skoog est obsédé par un scandale étouffé par le gouvernement suédois, car concernant trois éminents politiciens qui ont été blanchis. La prostituée Dina, témoin-clé, semble désormais réticente à répondre aux questions du journaliste. Celui-ci use d’un stratagème pour contacter Leona Lindberg. Pour la contraindre à lui procurer des éléments nouveaux sur le scandale politique, Christer Skoog possède un argument très compromettant pour la policière. Tandis qu’il continue à la harceler, elle déniche de vagues infos sur le sujet qui intéresse le reporter. Entre-temps, avec sa complice qu’Olivia appelle "la Dame", Ronni a obligé sa fille à braquer un bureau de change Forex. Elle n’est pas nue cette fois, mais toujours ensanglantée. Ayant oublié, Ronni a dû se procurer du sang à la dernière minute, ce qui mécontente la tête pensante de ces braquages.

L’affaire est plus que jamais prioritaire. Claes Zetterlund impose de renforts à Leona, deux jeunes recrues de la police, bien qu’elle eût préféré fonctionner avec l’équipe habituelle. Puisque Leona avait prévu un petit séjour à Malte avec son amie Larissa, rien n’est changé dans son programme. Ce qui lui permet de s’adonner "en live" à sa passion pour le poker. Au retour, se servant d’un double témoignage, Leona dispose d’un éventuel suspect. Avec l’approbation de son amie procureure, elle suit cette piste plus qu’incertaine…

Jenny Rogneby : Leona–Les dés sont jetés (Presses de la Cité, 2016)

Bien qu’une policière soit au centre de cette intrigue, il serait erroné de l’aborder comme un "roman d’enquête". Car la vie de Leona ne se résume pas à son activité dans la brigade criminelle. Entre autres, sont évoqués ses soucis familiaux, sa relation avec ses enfants et son mari : on peut comprendre qu’elle ait envie d’autre chose. Quant à ses souvenirs, ils participent au portrait de Leona, qui n’a jamais accepté d’entrer dans le moule. L’auteure nous fait découvrir divers aspects de la personnalité (ô combien complexe !) de son héroïne, ses défauts ou ses secrets, ainsi que ses projets. Une femme de caractère !

Si nous suivons quelques scènes avec la petite Olivia, l’essentiel de l’histoire nous est racontée par Leona. “Le fait que je me trouve en pleine réunion avec un médium, à huit heures du matin, ne rendait pas les choses plus faciles à accepter. Je ne savais pas comment nous étions censés concilier les faits et la fumisterie pour arriver à un résultat utilisable. Il me fallait me montrer aimable avec lui tout en le maintenant à l’écart de l’enquête...” Narration fluide apportant son lot de péripéties, et psychologie teintée d’amoralité, offrent à ce roman une très sympathique originalité.

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25 juillet 2016 1 25 /07 /juillet /2016 04:55

En 1935, Robert Syberten espère devenir metteur en scène pour le cinéma hollywoodien. Venu de l’Arkansas, il ne connaît personne dans ces sphères. Par hasard, Robert rencontre Gloria Bettie, originaire du Texas. Voilà un an que cette figurante tente sa chance, mais “elle était trop blonde et trop petite, et avait l’air trop âgée. Bien habillée, elle aurait pu attrayante ; mais même alors, je n’aurais pas dit qu’elle était jolie” pense Robert. Gloria a tendance à être cafardeuse, suicidaire. Ils s’inscrivent en couple à un "marathon de danse" où les gagnants recevront un prix de mille dollars. Ça se passe sur la jetée-promenade de Santa Monica, dans une grande bâtisse sur pilotis, qui était autrefois un dancing populaire. On y a aménagé une piste de deux cent pieds de long sur trente de large, avec des loges autour pour le public et une estrade pour assurer l’animation.

Gloria et Robert forment le couple n°22, parmi les amateurs et les professionnels qui sont venus concourir. C’est leur capacité d’endurance qui départagera les candidats en couples. En particulier quand les organisateurs auront l’idée de "derbys", courses où ils tournent en rond sur la piste. Les derniers seront à chaque fois éliminés. C’est parti pour des centaines d’heures de danse, en continu, même s’ils marchent en cadence plutôt que de danser. On a prévu des courts moments de repos, et un personnel médical en cas de soins à donner. Il se produit des frictions entre Gloria et un autre couple, la partenaire étant enceinte et n’ayant pas sa place ici. On verra également l’arrestation d’un des concurrents, repris de justice meurtrier, et la disqualification d’une jeune participante mineure. Ces incidents sont autant de bonne publicité pour le "marathon de danse".

Robert et Gloria ont une admiratrice sexagénaire dans le public : Madame Layden. Elle les encourage quotidiennement. Elle parvient même à leur trouver un sponsor, une marque de bière, pour un petit coup de pouce. Madame Layden aura son heure de gloire, lorsque l’animateur la présentera au public. Au fil des heures, des jours, la fatigue s’accumule. Robert a parfois des crampes, Gloria fait des malaises. Les autres vont-ils mieux ? À bout de nerfs, l’un d’eux sort un couteau et menace les organisateurs. Un peu plus de spectacle avec une cérémonie de mariage dans le cadre du "marathon" ? Gloria s’y refuse, bien que ce soit doté d’une prime. Des dames représentant une ligue de moralité interviennent, en exigeant l’arrêt de cet évènement. Gloria n’hésite pas à leur jeter à la face l’hypocrisie de leur action. L’affaire est médiatisée, encore de la publicité pour ce "marathon de danse".

Pourtant, l’épisode va se terminer tragiquement. D’abord, parce que des coups de feu sont échangés au bar de la salle de spectacle, causant une victime. Surtout, parce que Robert va se retrouver devant le tribunal, pour un procès où il risque la condamnation à mort. En a-t-il pris son parti ? Peut-être que Gloria avait raison, qu’il ne pouvait y avoir de meilleur dénouement. Qui peut comprendre le geste de Robert ?…

Horace Mac Coy : On achève bien les chevaux (1935 – Folio)

Publié en 1935, “On achève bien les chevaux” est le premier roman d’Horace Mac Coy (1897-1955). Ce livre a connu un regain de notoriété à partir de 1969, ayant été adapté au cinéma par Sydney Pollack, avec Jane Fonda, Susannah York, Michael Sarrazin, Bonnie Bedelia. Bien que se déroulant à l’époque de la Grande Dépression des années 1930 aux États-Unis, il s’agit d’une histoire intemporelle. Ne voit-on pas l’équivalent télévisuel de nos jours, avec des jeunes gens et de jolies filles, artistes cherchant à se distinguer dans des castings et autres programmes de télé-réalité ? Du spectacle, et l’espoir de gagner le pactole (Mille dollars 1935 équivaudraient à plus de quinze mille dollars actuels). On peut encore citer les équipes d’animation des talk-shows, interchangeables, souvent dénués de talent ou de compétence. Notoriété et fric, la motivation ne change guère.

La puissance de ce roman d’Horace Mac Coy ne vient pas de son suspense, puisque le sort de Robert nous est connu. Le premier atout, c’est l’ambiance de ce "marathon" : “L’arbitre donna un coup de sifflet et tous les spectateurs surexcités se levèrent comme un seul homme. Les clients d’un marathon de danse n’ont pas besoin d’être préparés aux émotions fortes. Dès qu’il arrive n’importe quoi, ils s’échauffent d’un seul coup. Sous ce rapport, un marathon de danse ressemble à une course de taureau.” À l’intérieur du microcosme des danseurs, s’il y a de la tension, ce n’est pas la rivalité qui domine, mais le sentiment qu’ils ne doivent "rien lâcher". Tenir, malgré la douleur ou les incidents. Rester en lice, peu importe si le show est médiocre, si tout cela est ridiculement tapageur.

L’autre atout principal, c’est évidemment le couple n°22, Gloria et Robert. Dépressive, elle a déjà compris qu’Hollywood ne lui ouvrirait jamais ses portes, qu’elle aurait mieux fait de réussir sa tentative de suicide au Texas. Robert, lui, se contenterait de réaliser un court-métrage s’ils gagnaient. Pour prouver qu’il a une âme de cinéaste ? Il essaie de calmer sa compagne dans ses moments d’énervement. Des passages savoureux, tel celui où Gloria réplique face aux dames de la ligue de moralité : “Toutes vos ligues de vertu, de morale et tous vos foutus clubs féminins… pleins de vieilles fouineuses et de punaises de sacristie qui n’ont pas rigolé depuis vingt ans et qui piquent une jaunisse quand elles voient que les autres se paient un peu de bon temps… Pourquoi les vieilles peaux comme vous ne s’arrangent-elles pas pour se soulager de temps en temps ?”

Des losers, des oubliés de la réussite, des perdants ? Sans doute, oui. Mais les portraits nuancés montrent qu’il sont des êtres humains, pas moins respectables que la moyenne. Un grand roman noir.

Horace Mac Coy : On achève bien les chevaux (1935 – Folio)

Lire aussi ma chronique sur "J'aurais dû rester chez nous" d'Horace Mac Coy :

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23 juillet 2016 6 23 /07 /juillet /2016 04:55

Août 1980, la chaleur pèse sur Vizentine, village de deux mille habitants dans les Vosges. La famille Leheurt est d’ici depuis toujours. Maria, la mère, vivait dans leur maison, avec Maurice, surnommé Mo, son fils de cinquante-quatre ans. Le cerveau de Mo ne fonctionne plus depuis quatre décennies, du jour où une grenade a explosé, le blessant à la tête. Son frère Stéphane, qu’on appelle Fane, était présent : il perdit quatre doigts d’une main. Fane est aujourd’hui âgé de quarante-sept ans. Il habite à Saint-Miehl, ne revenant à Vizentine que de temps à autres. Fane est maintenant en couple avec la très belle Lilas, vingt-deux ans. Elle était la compagne de leur voisin, Claude Shawenhick, mais cet alcoolo brutal la battait. Alors que Fane, même s’il boit aussi beaucoup et s’emporte parfois, est bien plus gentil. Surtout, s’afficher avec une fille jeune et si séduisante, ça flatte Fane.

Maria est décédée dans un accident de la route, à cause d’un camion. Quand Lilas et Fane débarquent en 2CV au village ce vendredi-là, on ne les a même pas prévenus que c’était aujourd’hui, les obsèques. Il va devoir se charger de Mo, qui n’a qu’une hantise : ne pas aller à l’hôpital. Fatigué, Fane doit réfléchir à la suite. Même si son frère qui a des "cases emmêlées" l’agace, il ne l’enverra pas à l’hôpital, non. Ils resteront ici, dans la maison de leur famille, tous les trois : Fane, Mo et Lilas. Et puis Fane écrira des romans policiers. Il en a lu des tas, c’est pas compliqué d’écrire un polar. Puisqu’il sera tranquille, il va pouvoir se consacrer à l’écriture. D’ailleurs, il ne tardera pas à acheter une machine, rien qu’à lui. Tant pis s’il "rame" pour s’en servir, au début. Mo s’occupera de la maison, Lilas lui montrera comment faire, et Fane picolera sa bière en écrivant des polars.

De part et d’autre de la maison des Leheurt, il y a les deux bâtiments du garage Voke. Olivier Voke et son cadet André sont de la même génération que Fane, des quadras. Pour agrandir leur garage, ils veulent racheter la maison de Maria. Désormais, c’est jouable, car André Voke en est certain : Fane avec sa pute et son frère taré, ils ne lui feront pas bien longtemps barrage. Minable séducteur, André essaie d’approcher Lilas, mais Mo veille et la jeune femme n’est pas stupide. Elle a réussi a gagner la confiance de Mo : quand il est triste, Lilas se montre rassurante. Et déterminée envers et contre tous : “La vérité, c’est que je vais me marier avec Fane, et que ça embêtera tous ceux qui le prennent pour un bon à rien. Mais il est intelligent. Il a la maison et la tranquillité. Il va écrire des livres, et moi je serai mariée avec lui, et on gardera Mo dans la maison.”

Fane est allé déménager les maigres affaires qui étaient restées à Saint-Miehl. Il a la mauvaise idée de ramener Claude Shawenhick avec lui, pour montrer sa maison à l’ex de Lilas. Ça boit encore beaucoup, en cette occasion. Même si Lilas garde ses distances avec Shawenhick, cet imbécile insistera fatalement. Et Fane s’énervera, tout aussi logiquement. Du côté Voke, ça ne s’arrange pas non plus pour Fane. Peut-être a-t-il une idée, si cruelle soit-elle, pour contrer les Voke…

Pierre Pelot : L’été en pente douce (Fleuve Noir, 1981)

Difficile, et même impossible, de dissocier ce roman de l’excellent film de Gérard Krawczyk (1986), qui en est l’adaptation. Jean-Pierre Bacri est exactement Fane, Jacques Villeret incarne parfaitement Mo, Guy Marchand est un André Voke idéal, et Jean Bouise aussi en jouant son frère Olive, Jean-Paul Lilienfeld convainc dans le rôle du lourdaud Shawenhick. Et surtout, on ne peut oublier la magnifique prestation de la regrettée Pauline Lafont. Elle “est” totalement Lilas, compréhensive avec Mo, patiente avec Fane, rugueuse face aux hommes qui ne voient que son corps. Oui, c’est Lilas qui est au cœur de l’affaire, radieuse et consciente de la fragilité de la situation. Pauline Lafont le démontra avec talent. Le film fut tourné dans la région toulousaine, mais dans le livre, Pierre Pelot s’inspire pour Vizentine de sa commune : Saint-Maurice-sur-Moselle.

Pour la petite histoire, Pierre Pelot raconta dans le magazine Fiction (n° 317, avril 1981) que ce roman faillit ne jamais être correctement publié. Le manuscrit fut refusé par tous les grands éditeurs français : “Résultat, ce bouquin termine sa carrière avant de la commencer – j'en suis certain – aux éditions Kesselring qui sont en train de sombrer... qui, en tout cas, remuent une merde noire. Fermons la parenthèse, sur le néant total des articles de presse concernant à ce jour et à ma connaissance ce roman – sauf un rot délicat d'un mongolien quelconque dans une revue chatoyante que je ne citerai pas : donc, comme je le disais, le néant.” (source Ecrivosges.com). C’est sa publication dans la collection Engrenage du Fleuve Noir qui va lancer ce roman. Il est réédité par cet éditeur à la sortie du film, puis paraît chez J’ai Lu, avant de figurer au catalogue Folio policier.

L’adaptation cinéma fut très proche du scénario du roman, sauf pour les scènes finales. Il n’est pas indispensable de souligner le savoir-faire de Pierre Pelot : il donne une tonalité, une force à cette histoire simple. À travers les portraits de ses personnages, mais autant en évoquant la méchanceté autour d’eux. Y compris celle des enfants, qui se moquent de Mo. Fane ne veut pas d’enfant, Lilas en voudrait naturellement. C’est aussi un des thèmes abordés. Le climat de bêtise, de jalousie, attisé par les garagistes voisins, contribue au malaise. Un roman noir de premier ordre, à redécouvrir, à relire.

Bienvenue dans la commune de Pierre Pelot.

Bienvenue dans la commune de Pierre Pelot.

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22 juillet 2016 5 22 /07 /juillet /2016 04:55

À Vannes, dans le Morbihan. L’agence de l’UBO, Union des Banques de l’Ouest, est dirigée par Charles Lebas. Âgé de trente ans, Francis Gosciniak est marié à Carine, une femme sans véritable charme, avec laquelle il mène une vie routinière. À la banque, jeune cadre arriviste, Francis ne doute guère de séduire un jour son assistante Nadia Charier. Il émane d’elle une sensualité troublante. Le poste d’un collègue futur retraité sera prochainement à pourvoir : Francis compte bien l’obtenir. Prétentieux, pressé et orgueilleux, il pense tenir un atout capital, le dossier Cayez. Les comptes de Nathalie Cayez ne sont pas aussi clairs que Charles Lebas veut le faire croire. Francis imagine des détournements de belles sommes, au détriment de personnes âgées.

D’après ce qu’on en sait, Nathalie Cayez est mariée avec Bruno Cayez, homme d’affaire de quinze ans son aîné. Sans doute le mari, complaisant par intérêt, se considère-t-il comme son pygmalion, manœuvrant en coulisse afin de masquer l’escroquerie. Il est, de longue date, ami avec le procureur Gilles Santier, une relation qui peut s’avérer fort utile. Francis suppose que le couple et Charles Lebas sont complices, et ne manque pas de suggérer à son directeur qu’il “sait des choses”. Ce soir-là, après avoir joué au dragueur avec Nadia Charier, pas pressé de rentrer auprès de son épouse, Francis Gosciniak s’alcoolise quelque peu dans un bar vannetais. En sortant, il déambule avant d’être heurté mortellement par un véhicule qui prend la fuite. On retrouvera la voiture carbonisée, pas le chauffard.

L’hypothèse qu’il ne s’agisse pas d’un banal accident de la circulation ne peut être exclue. Le policier Gaël Kerzhéro, de la Brigade Criminelle, mène l’enquête. “Costume dépareillé, col de chemise ouvert et cravate relâchée, cheveux rares et décoiffés”, un peu bedonnant, ce flic apparaît en décalage avec le milieu sélect et ouaté des banques. Après les obsèques de Francis, il interroge son successeur Jérémie Gaist. Celui-ci est franc quant aux défauts du défunt. Le policier rend aussi visite à Nadia Charier, peintre amateur inspirée par le pays bigouden et la pointe du Raz. L’assistante de Francis Gosciniak émet une prudente opinion sur lui. Kerzhéro s’invite également chez la veuve, Carine. Il remarque qu’elle vient de rendre au directeur Charles Lebas le double du dossier Cayez.

Cette curieuse affaire rend perplexe le policier Kerzhéro. Dans cette bourgeoise préfecture paisible, une ville où les crimes sont rares, difficile de penser qu’un tueur avec une voiture volée ait guetté sa cible, dans le but d’éliminer le témoin gênant d’une escroquerie. Carine Gosciniak et Jérémie Gaist lui ont apporté des éléments à considérer, néanmoins. Scénario délirant dont Francis a été le pivot, peut-être ?…

Hervé Huguen : Au bout du compte (Sixto Éditions, coll.Le Cercle)

Si Vannes n’est pas la ville la plus connue de Bretagne, il semble qu’Hervé Huguen en soit assez familier, car il campe le décor avec une justesse certaine. Pour évoquer une histoire autour du monde bancaire, l’ambiance du chef-lieu du Morbihan convient plutôt bien. Les faits (une éventuelle escroquerie) et les comportements (non dénués d’hypocrisie) sont parfaitement crédible, probablement ici plus qu’ailleurs. Bien entendu, ça reste une fiction. Chacun sait que le milieu financier est sain, jamais entaché du moindre scandale. Que les banques s’occupent de notre argent dans notre unique intérêt. Bien sûr, la “cavalerie” et autres détournements sont de simples vues de l’esprit, comme diraient Charles Ponzi et Bernard Madoff. Non, rien à craindre pour nos économies et nos placements, promis-juré.

Il s’agit d’un très bon roman à suspense, digne de la meilleure tradition. On peut émettre de très légères réserves sur les intermèdes pas indispensables figurant entre les chapitres. Ces courts passages s’expliquent, si l’on veut, mais cette figure de style n’ajoute rien à l’intrigue. Pour le reste, c’est un polar très bien pensé, captivant à souhaits. L’enquête policière n’est, au final, pas le moteur principal du récit, on le constatera. Le récit alterne les protagonistes, donc les points de vue. Si on a lu Louis C.Thomas ou Boileau-Narcejac, on retrouve un climat un peu similaire. À découvrir !

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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 04:55

Le policier Francis Favenin, trente-six ans, passe ses vacances avec son épouse Christine, trente-deux ans, dans le Val de Loire, du côté de Saumur. Si Favenin est attentif à la santé de sa femme, sujette à une insuffisance cardiaque, c’est un homme masquant l’amertume de son caractère. Ça remonte peut-être à quelques années, depuis que son collègue et seul ami Barnero a été abattu en opération. Francis Favenin s’interroge sur leur voisine de vacances, Hélène Dassa. Par hasard, elle est venue en aide à Christine alors qu’elle faisait un grave malaise. Reconnaissante, son épouse s’est arrangée pour qu’Hélène séjourne en Val de Loire auprès d’eux. Cette jeune femme affirme écrire un roman, faisant même des repérages à Nantes. En réalité, elle reste en contact avec Raymond Aulnay, ami d’allure maladive, qui la tient informée des projets de Dan Rovel, actuellement emprisonné.

Voilà plusieurs années, un caïd surnommé le Mandarin dirigeait un club de jeu, se faisant passer pour un honnête d’affaires. À cause de lui, la corruption régnait dans cette ville, touchant même certains policiers. Ce qui hérissait le flic Barnero, qui songeait à quitter le métier. Beau-Sourire et Lupo, les sbires du Mandarin, furent chargés de supprimer le frère d’Hélène Dassa, et de saccager la boîte de nuit de celui-ci, qui refusait le racket du caïd. À cette occasion, Dan Rovel – ami de Dassa – vint trop tard en aide à Hélène. Violentée, il la fit soigner, en se promettant de se venger du Mandarin. Avec son comparse Viletti, Rovel planifia la mort du caïd, tout en se ménageant un alibi grâce à Raymond Aulnay. C’est au club du Mandarin que Dan Rovel et Viletti l’exécutèrent. Beau-Sourire et Lupo ne purent s’interposer à temps. Hélas, un autre homme arrivé à ce moment-là fut tué.

Pour Favenin, dès le début, l’affaire s’annonce véreuse : le commissaire n’envisage pas d’inculper Beau-Sourire et Lupo. Favenin fait pression sur son supérieur afin d’être chargé de cette enquête. Au club du défunt Mandarin, les deux sbires se croient sans doute protégés par le commissaire corrompu. Ils ont tort : Favenin se montre sans pitié. Lupo a compris qu’il ferait mieux d’aller se réfugier chez son cousin garagiste, à Saumur. Il donne le nom de Dan Rovel, rapidement être arrêté par la brigade antigang et torturé. Lorsque Favenin est en présence du suspect, alors en piteux état, il essaie de l’obliger à avouer le nom du tueur. Le policier est conscient que Rovel n’est pas coupable. Mais, puisqu’il refuse de collaborer, Favenin va l’enfoncer. C’est ainsi que, jouant au prisonnier-modèle, Rovel est incarcéré depuis quatre ans, et pour de très longues années encore.

Puisque les circonstances ont fait qu’Hélène Dassa s’est rapprochée du couple Favenin, Dan Rovel envisage de s’évader. Le chétif Raymond Aulnay est prêt à lui apporter toute son aide. Néanmoins, Hélène se pose des questions. Si Dan s’évade et se venge de Francis Favenin, il deviendra toute sa vie un fugitif. Et puis, ça risque de nuire fortement à la santé de Christine, envers laquelle Hélène éprouve de la sympathie…

Pierre Vial Lesou : Un condé–La mort d’un condé (Fleuve Noir, 1970)

Publié sous le titre initial “La mort d’un condé”, ce polar a connu un certain succès grâce à son adaptation cinématographique. En 1970, aussitôt après la publication du livre, Yves Boisset l’adapta sous le titre “Un condé” (autre qualificatif pour "flic"). Michel Bouquet incarnait le policier Favenin, plus cynique et froid encore que le personnage d’origine. Michel Constantin jouait le rôle de Viletti, Françoise Fabian celui d’Hélène. Avec aussi Bernard Fresson, Pierre Massimi, Rufus, Gianni Garko, Théo Sarapo, Henri Garcin, Anne Carrère (future romancière sous le nom d’Anne de Leseleuc). Le portrait négatif du policier incita le ministre de l’intérieur de l’époque, Raymond Marcellin, a faire censurer ce film. Il n’y parvint pas, mais offrit ainsi une certaine publicité à “Un condé”. Théo Sarapo, dernier protégé d’Édith Piaf, décéda dans un accident de la route peu avant la sortie du film.

Pierre Vial Lesou fait preuve d’une belle virtuosité en alternant les scènes du présent et du passé, afin d’éclairer l’ensemble de l’affaire. Il s’agit bel et bien d’un roman criminel très sombre. Quelques pincées d’humour (avec le maton de la prison où se trouve Rovel, avec un adjudant-chef de gendarmerie en dilettante chez les Favenin, ou dans la description du maladif Raymond), mais c’est plutôt l’ironie mordante qui domine. La part de psychologie est apportée par le personnage d’Hélène. Tonalité noire, mais si Favenin est au centre de l’intrigue, l’auteur fait en sorte que ce flic ne soit pas omniprésent dans le récit. Issus du banditisme ou de la police, tous les protagonistes ont une fonction réelle dans l’histoire. Un polar captivant, à découvrir ou à relire.

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