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21 août 2016 7 21 /08 /août /2016 06:55
Festival America 2016 du 8 au 11 septembre à Vincennes

Du 8 au 11 septembre 2016, les lecteurs pourront rencontrer l’élite des auteurs américains au Festival America, à Vincennes :

Alysia Abbott, Megan Abbott, Derf Blackderf, Ann Beattie, Christopher Bollen, Cynthia Bond, Dan Chaon, Thomas H.Cook, Tom Cooper, John d’Agatha, Abha Dawesar, James Ellroy, Patrick Flanery, Karen Joy Fowler, Pete Fromm, Forest Gander, David Grant, Garth Risk Hallberg, Brian Hart, Peter Heller, Smith Henderson, Laird Hunt, Marlon James, Bret Anthony Johnston, David Joy, Eddie Joyce, Laura Kasischke, Megan Kruse, Rachel Kushner, Ben Lerner, Iain Levinson, Sam Lipsyte, Atticus Lish, Ken Liu, Greil Marcus, James McBride, Colum McCann, Alice McDermott, Anna North, Dan O’Brien, Stewart O’Nan, Sergio de la Pava, Marisha Pessl, David James Poissant, Kevin Powers, Molly Prentiss, Virginia Reeves, Gyasi Ross, Jane Smiley, Emily StJohn Mandel, John Jeremiah Sullivan, Glenn Taylor, Héctor Tobar, Vu Tran, David Treuer, Willy Vlautin, Milton O.Walsh, Andria Williams, Don Winslow, Meg Wolitzer.

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20 août 2016 6 20 /08 /août /2016 04:55

La cambrousse états-unienne est encore peuplée par des loquedus qui imaginent être des cadors. Dans ce comté du Kentucky autour de la Gasping River, il y a quelques spécimens de cette espèce. Bien que vieillissant et malade, Loat Duncan fait toujours figure de chef occulte du secteur. Entouré d’une demie-douzaine de dobermans, une arme constamment à portée de main, circulant en Cadillac, assisté de son bras droit Presto Geary, il affiche un cynisme froid très inquiétant. On n’exclut pas que le superstitieux Loat ait été un meurtrier, par le passé. Son fils Paul s’est récemment évadé de la prison d’Eddyville, avec complicités. Loat dit ne rien savoir de tout cela, mais le shérif Elvis Dunne ne le croit pas.

Loat Duncan est l’associé de Daryl, qui tient le bar à putes de la contrée. Manchot suite à un accident datant d’environ vingt ans, ce Daryl est un teigneux qui traficote certainement sur tout ce qui a un peu de valeur. Quand débarque au bar un chauffeur routier habillé en costard, d’allure plutôt roublarde, Daryl comprend bien que ce gus-là navigue autant que lui en eaux troubles. Dans le coin, se trouve un troisième larron qui fut jadis copain avec Loat et Daryl, Clem Sheetmire. Son job, c’est de s’occuper du petit ferry qui permet de traverser la Gasping River. Pas beaucoup de rentabilité, mais un boulot honnête. Clem a rompu avec les deux autres depuis qu’il a épousé Derna, aujourd’hui quadragénaire.

Le couple Sheetmire a un fils âgé de dix-neuf ans, Beam. Physiquement, il ne ressemble guère aux autres membres de la famille, avec lesquels Clem et Derna ont peu de liens. Beam est atteint de narcolepsie, des pertes de consciences incontrôlées. C’est souvent lui qui se charge du ferry de la Gasping River le soir. Cette fois-là, c’est un inconnu à l’aspect miteux qui traverse en début de nuit. Il asticote Beam au sujet de sa mère Derna, avant de s’approcher de la boîte contenant le fric de la recette du ferry. Beam va l’assommer mortellement. Il alerte son père, qui n’a pas l’intention de prévenir la police. Clem donne un peu d’argent à Beam, et lui conseille de disparaître immédiatement.

Le corps d’un noyé est rapidement retrouvé dans la rivière. Le shérif comprend qu’il a été frappé. Il ne reste pas longtemps inconnu : c’est Paul Duncan, le fils de Loat. Pour l’heure, l’absence de Beam peut passer pour une fugue en ville. Sauf que Derna a bientôt fait le rapprochement, d’autant que la victime ne lui est pas inconnue. Quant à Loat, il ne doute guère de la culpabilité de Beam. Même s’il ne l’exprime pas directement, car il est face à un dilemme. Le routier en costard qui a pris Beam en auto-stop ne va pas loin : jusqu’au bar de Daryl. Il compte y claquer l’argent qu’il a dérobé au jeune homme. Beam serait bien avisé d’éviter cet endroit. Heureusement, un vieillard le tire de ce mauvais pas.

Ce vieux cueilleur de ginseng, c’est Pete Daugherty. Parce qu’il est un peu sorcier, Loat se méfie de ce bonhomme-là. Beam et Pete se mettent à l’abri dans un cimetière, avant d’être rejoints par Ella Daugherty, la fille du vieux. De leur côté, Loat et Derna règlent quelques comptes, la mère interdisant à son ancien amant de faire du mal à son fils ; tandis que le shérif Elvis recherche Beam dans les environs, surtout au bar de Daryl. Il y a fort à parier que Pete et Ella se soient embringués dans une affaire risquant de mal finir. Car elle a réveillé la rivalité entre Daryl, Loat et Clem, ainsi que le passé de Derna…

Alex Taylor : Le verger de marbre (Éd.Gallmeister, 2016)

Tout le monde connaît Loat Duncan. Mais on fait pas rappliquer l’enfoiré chaque fois qu’il y a du grabuge au bar de Daryl. Si tu as des ennuis avec Loat, tu t’es attaqué à trop gros pour toi. (Pete ramassa a broche en métal et attisa les braises pour les faire repartir). T’es en terre hostile, et c’est plein d’hommes hostiles. Il y a des gens par ici qui voient même pas le merdier qu’est juste sous leur nez. Ils s’assoient le soir sous leur porche à écouter les engoulevents, et ils se disent que tout est paisible. Et puis, il y a l’autre catégorie. Celle à laquelle les squatteurs de porches aiment pas penser. Ceux-là, c’est ceux qui se lèvent et marchent avec les ombres toute leur vie, jusqu’à devenir eux-mêmes les ombres. Et qui sait, peut-être que c’est eux, les engoulevents qui chantent dans la nature pendant que les pantouflards se balancent sur leur porche. Peut-être que c’est ça qu’ils sont. Les oiseaux et les chiens qui gémissent et hurlent la nuit.

La ruralité américaine dans toute sa splendeur ! Entre une profonde rivière et des chemins poussiéreux, tel est le décor de ce roman. Avec son bar-bordel mal famé, et ses maisons à l’ancienne dotées d’un porche pour accueillir, bien ou mal, les visiteurs. Avec son shérif pas si âgé, sûrement pas en mesure de maîtriser la situation. Car l’imbroglio résulte d’une "faute collective", la mère de Beam le reconnaît : “Ce que j’en sais, c’est que t’es pas le seul responsable de tout ça. Je sais que tout ce qui arrive maintenant fait partie du prix à payer pour notre mode de vie. À nous tous.”

On est ici dans un petit comté, aux frontières vite atteintes. Mais où l’on peut tourner en rond, comme le fait le jeune Beam. Il ne va jamais quitter les parages, n’étant pas fait pour vivre ailleurs, lui non plus. Les fantômes qui hantent ces lieux sont davantage dans les têtes que dans les cimetières, à vrai dire. Quels que soient les secrets des uns, ou les rumeurs visant les autres, on est trop proches pour se dénoncer mutuellement. Quitte à se faire justice, avec violence, si l’occasion s’en présente. Plus de population pourrie que de personnes sages, telles le vieux Pete et sa fille.

Sans doute faut-il souligner le joli style narratif de l’auteur, plaçant quelques images bucoliques pour éclaircir la noirceur du récit. Sans oublier les délicieux dialogues, qui font mouche. On peut également y voir un aspect biblique, Abel et Caïn n’étant pas loin de ce supposé paradis terrestre. Un roman noir à l’ambiance rustique très agréable à lire, c’est évident.

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18 août 2016 4 18 /08 /août /2016 04:55

Ce policier quinquagénaire aime le jazz et le blues. Il vénère Billie Holiday. Après avoir été militaire, il est entré dans la police il y a plus de dix-huit ans. En ce milieu de la décennie 1990, ça fait déjà dix ans qu’il a intégré la brigade de nuit de la 12e DPJ. Il en est le chef, mal vu de sa hiérarchie, modérément apprécié par ses collègues. Opinions dont il se fiche royalement. Il fonctionne aux amphétamines et aux clopes. Son traumatisme inavoué est issu d’une catastrophe ferroviaire à la Gare de Lyon, quelques années plus tôt. La nuit ne le rassure pas, ne l’empêche pas de cogiter. Cette voie de garage dans sa carrière, c’est lui qui l’a choisie. Alors qu’avec ses amis haut-placés dans les sphères du pouvoir, il aurait pu obtenir des fonctions plus valorisantes. Mais plus grand-chose ne l’intéresse.

Le job de ce Divisionnaire, ce sont des meurtres mal explicables : “Joséphine, technicienne de surface, était morte – exécutée à domicile. 357 Magnum. Elle avait eu droit à une mort qui n’était pas à sa taille – son exécution faisait au moins trois ou quatre pointures de trop.” Ou un incendie accidentel dans un squat, causant dix victimes parmi des marginaux. Ou encore le suicide d’une femme, son instinct lui dictant qu’il s’agit probablement d’un crime entre gouines. Il peut lui arriver de participer à une action commando, pour loger un type qui a grièvement blessé un collègue policier. Ce n’est pas lui qui va buter le coupable, il sera à son tour légèrement blessé. Tout ça n’arrange pas son cas, sachant qu’il se refuse aussi à assister aux réunions d’état-major. Il risque d’être bientôt muté ou placardisé.

Il y a de mornes nuits qui font penser au “Désert des Tartares”, propices à gamberger. Et des affaires telles que le suicide du sénateur Mallet. Les enquêtes parlementaires dont cet élu s’occupait étaient "sensibles", autrement-dit concernaient des groupes d’investisseurs influents. Il s’est enfermé cette nuit-là dans sa chambre d’un hôtel de luxe, et s’est gavé de puissants médocs. Pas de doute sur l’acte suicidaire. On pense que le sénateur a laissé une disquette informatique contenant ses dossiers d’enquête. Le Divisionnaire affirme qu’il n’a rien trouvé : sa version ne variera jamais d’un iota. Même quand interviennent son ex-ami Jacques Lhotes, et le conseiller officieux "Miral". Ou quand le député Rouvières promet un gros paquet de fric à quiconque lui rendra anonymement ladite disquette.

Âgée d’environ trente ans, Alexandra Brandt ressemble à une actrice oubliée des années 1950, Jean Hagen. Son défunt père fut un homme important dans le microcosme politique international. Alex était la compagne du sénateur Mallet. Son tout premier contact avec le Divisionnaire est tendu, mais c’est le prélude à une intimité ambiguë. D’une part, parce qu’Alex est, compte tenu de son milieu proche du pouvoir, sous surveillance de certains services de renseignements. D’autre part, même si le flic et elle s’offrent des parenthèses au calme, y compris dans la propriété campagnarde du père d’Alex, l’un et l’autre retiennent une violence qui a besoin de s’exprimer, de sortir façon pugilat. Mis sur la touche dans un commissariat de quartier, où il s’accorde quand même avec son collègue Monseigneur, le flic n’en a pas fini avec l’affaire du sénateur, le jeune juge d’instruction Verdoux y veille…

Hugues Pagan : Dernière station avant l’autoroute (Ed.Rivages/Noir, 2016)

Elle a ricané : — De nos jours, la plupart des lopes qu’on rencontre passent la moitié de la nuit à essayer de vous baiser, et l’autre moitié à tâcher de s’excuser de l’avoir fait plutôt mal. (Elle a ri doucement, et soufflé de la fumée dans ma direction, tout en remarquant:) Pour moi, je n’ai rien contre les soudards – à part qu’il m’est rarement donné d’en rencontrer.
Dans une autre partie de mon autre vie, j’avais servi comme officier dans une unité parachutiste. Ce que j’y avais fait ne m’avait jamais transporté d’enthousiasme. Je ne me considérais ni comme un soudard, ni comme un reître, seulement comme un guignol au bout du rouleau, un type entre deux âges, encore vaguement présentable, mais qui avait trop longtemps abusé de l’alcool, des choses et de lui-même. Je l’ai prévenue :
— N’enjolivez pas. Rien qu’un baltringue. Je ne dis pas que je n’ai pas eu ma chance, comme tout le monde. Je ne dis même pas que j’ai été beaucoup plus malmené que bien d’autres. C’est seulement que la donne était pourrie dès le départ. Pas vraiment des mauvaises cartes, seulement des têtes qui n’allaient pas ensemble. Dans une autre histoire, peut-être, je ne dis pas. Dans celle-ci…

Excellente initiative que de rééditer, pour les trente ans de Rivages/Noir, ce roman qui fut récompensé par le Prix Mystère en 1998. On peut ne pas être un admirateur ébloui par les livres d’Hugues Pagan, tout en reconnaissant que “Dernière station avant l’autoroute” est un roman noir de qualité supérieure. Si elle est aussi sombre et dénuée d’espoir que dans ses autres titres, cette intrigue apparaît parfaitement crédible. Par ailleurs, l’auteur s’est inspiré en partie de son expérience dans la police : ici, le portrait de ce flic désabusé repose sur un "vécu" véridique. Comme son (anti-)héros, Pagan fut instructeur à l’école de police de Cannes-Écluses, et fit partie d’un groupe DPJ de nuit.

Éprouva-t-il les mêmes affres nocturnes que son personnage ? Peut-être pas, mais il les exprime magnifiquement. Afin de partager ce quotidien singulier, déstabilisant, nécessitant d’avoir la tête sur les épaules. Ce n’est pas vraiment le cas du Divisionnaire. Un flic "en bout de course", mal dans son corps et troublé dans son cerveau, d’une virilité cynique qui ressemble à une échappatoire, provocateur envers la hiérarchie. Son honnêteté teintée de hargne prend une tournure personnelle, difficilement traduisible par l’entourage policier. C’est dans un Paris pluvieux glissant vers le froid glacial que nous suivons ses tribulations, le plus souvent sinistres et malsaines dans cette atmosphère de nuit, sur fond de blues.

Ne nous trompons pas de lecture : le dossier sur la mort du sénateur est un fil conducteur, pas une stricte enquête balisée. Positives ou négatives, les rencontres du flic sont riches de portraits, de caractères. D’amour improbable, sans doute aussi. Les “baltringues” ont peut-être droit à une ultime chance, qui sait ? Un roman noir qui séduit également par son écriture, empreinte d’autant de vivacité que de finesse.

 

- Disponible dès le 18 août 2016 -

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17 août 2016 3 17 /08 /août /2016 04:55

Au Brésil, Antônio Francisco Bonfim Lopes naît le 24 mai 1976, dans la favela de Rocinha, une des plus populeuse de Rio-de-Janeiro. Antônio est le fils de Dona Irene, employée de maison, et de Gerardo Lopes, barman. Il a un demi-frère, Carlos, premier fils d’Irene. À cette époque, entre un afflux de gens venus de régions pauvres du pays et une économie mal en point, les favelas sont de plus en plus touchées par les trafics de drogue. Les gangs sont issus de mouvements guérilleros, tel le Commando rouge. Dênis de Rocinha est le premier caïd à s’intituler "parrain" et à instituer une organisation basée sur le narcotrafic. Il est soutenu par des représentants des quartiers, élus. Malgré le climat violent et la drogue qui circule, une certaine stabilité règne dans la favela de Rocinha, qui grossit.

Antônio est âgé de douze ans au décès naturel de son père Gerardo, qu’il vénérait. Garçon intelligent, il ne va pas se mêler des affaires crapuleuses liées aux trafics, mais obtenir un bon emploi et se marier avec Vanessa quelques années plus tard. Hélas, âgée d’environ neuf fois, leur fille Eduarda est victime d’une maladie rare, histiocytose langerhansienne. Le traitement s'avérera efficace, mais horriblement coûteux. Âgé de vingt-quatre ans, Antônio est contraint d’abandonner son travail. Dans le même temps, l’incompétence du nouveau président brésilien provoque une catastrophe économique dans le pays. À Rocinha, le taux de mortalité violente est en forte hausse. Soixante pour cent de la consommation de cocaïne de Rio passe par cette favela. Dênis étant hors jeu, c’est le "parrain" Lulu qui dirige les activités mafieuses. Il est nettement mieux organisé que son prédécesseur.

Un tournant s’opère dans la vie d’Antônio, qu’il faudra maintenant appeler Nem. Lulu lui a accordé un prêt, et l’a fait entrer dans son gang, avec un rôle modeste. Face à la police corrompue et aux milices paramilitaires crées dans les années 1990, les trois factions de trafiquants sont néanmoins prospères. Avec un taux de plus de soixante-dix homicides pour cent mille habitants, Rio reste une des villes les plus criminelles du monde. C’est en partie dû à la guerre opposant les gangs rivaux. Le "parrain" Lulu va y remédier en partie, grâce à une bonne gestion de Rocinha. Fermeté, générosité, bizness rentable, charisme, autant de qualités qui font qu’on le respecte. Antônio-Nem fait bientôt la preuve qu’il est un des meilleurs lieutenants du "parrain" Lulu, gérant avec fluidité ses responsabilités.

Côté personnel, c’est un peu plus compliqué pour Nem. Vanessa est de nouveau enceinte, mais sa nouvelle "fiancée" Simone, aussi. Les deux femmes n’entendent pas que Nem se défile. Le truand Dudu, ex-caïd de Rocinha, et sa bande disputent sa suprématie à Lulu. En avril 2004, à Pâques, ils causent de sérieux troubles dans la favela, sous l’œil du BOPE, le service d’action commando de la police. Malgré les conseils de Nem, Lulu est assassiné. Une période d’instabilité va logiquement s’ensuivre : trop fêtard, le "parrain" Bem-te-vi n’a qu’un rôle provisoire dans la succession. C’est Nem qui, avec l’aide de son ami d’enfance Joca, devient le nouveau chef. Il reste dans la ligne voulue par Lulu, limitant même le port d’armes dans les rues afin de faire baisser la mortalité violente.

Exit Joca, trop impétueux. Nem s’allie avec Bibi-la-dangereuse, bénéficiant ainsi de l’aide du truand Saulo. Mais diriger sans faille l’organisation est un vraie casse-tête pour Nem. “Une entreprise stressante et complexe, certes, mais qui tourne du feu de Dieu.” En 2008, il va se remarier avec la belle Danúbia, vingt-et-un ans, et apparaître tel un notable de Rocinha. Tandis que la politique du président brésilien Lula porte ses fruits, Nem est cible d’une enquête menée par un trio de policiers : Barbara Lomba, Reinaldo Leal et Alexandre Estelita ne le lâcheront plus, même si son arrestation doit être désordonnée. Réaliste et fatigué par une vie trop dense, Nem entame un processus de reddition…

Misha Glenny : Nem de Rocinha (Globe Éd., 2016) – Coup de cœur –

“Depuis l’arrestation de Dênis de Rocinha en 1987, plusieurs parrains se sont succédé pour diriger le secteur au nom du Commando rouge. Leur espérance de vie moyenne, une fois au sommet, était de dix mois environ, leur carrière étant abrégée soit par une arrestation, soit la plupart du temps par un assassinat. Au cours de cette période, Rocinha a souvent été répartie entre deux ou trois chefs, tous désignés par Dênis depuis sa cellule.
Ce dernier divisait pour mieux régner, ce qui provoquait de sérieuses frictions entre les dirigeants du haut et ceux du bas, leur autorité découlant directement du stock d’armes constitué grâce aux bénéfices du trafic de drogue. C’étaient en général de jeunes hommes entre dix-sept et vingt-huit ans. Si certains se montraient raisonnables, d’autres étaient de quasi-psychopathes avec un goût très marqué pour la violence. Lorsque Dênis donne sa bénédiction à Lulu en 1998, l’ambiance s’améliore donc grandement.”

Ce livre ne raconte pas seulement l’histoire d’Antônio, dit Nem de Rocinha. Ce reportage nous décrit la société brésilienne, la vie à Rio de Janeiro, en particulier depuis la décennie 1980, à travers un quartier singulier. Quelle image avons-nous de ces favelas ? Violentes mais pittoresques, populaires et gangrenées par les trafics ? C’est bien trop parcellaire pour en comprendre le fonctionnement. Car le système socio-économique qui s’impose ici n’a pas d’équivalent exact dans les pays occidentaux. Il serait trop basique d’affirmer que c’est l’argent de la drogue qui fait vivre ces faubourgs de Rio. Vrai, mais l’organisation des favelas est largement plus complexe. Les habitants miséreux ne pouvant pas compter sur les autorités, il s’est créé une autonomie financière de quartiers.

Économie parallèle et mafieuse ? Oui. Toutefois, le système doit autant à l’attachement des Cariocas à leur favela : même employés dans les secteurs chics de Rio, ils y gardent un lien fort. Souvent, ils y habitent toujours, bien que hantés par la peur, la mort étant omniprésente à Rocinha ou dans les favelas autour. S’il est concret, avec les rivalités entre gangs que ça suppose, et un rapide turn-over des caïds locaux, le concept de Mafia est facteur d’équilibre. Certains "parrains", tel Lulu, sont avant tout des "juges de paix", durs avec les malfaisants, bienveillants envers la population. Il suffit de corrompre des policiers mal payés pour s’assurer qu’ils laisseront tranquille les gangs. C’est ainsi que la notion de "sécurité" prend un tout autre sens, bien plus meurtrier, dans les favelas.

À l’opposé de tant de sujets sur le Brésil, le reporter Misha Glenny ne se contente pas d’un regard superficiel sur l’évolution récente de ce pays. Avec lucidité, il transcrit l’atmosphère dans laquelle vit le peuple brésilien. Il souligne cette capacité d’adaptation : le principe mafieux apparaît le "moins mauvais" pour surmonter la pauvreté, on l’adopte. Pour des gens intelligents comme Antônio, ça peut devenir un moyen – risqué – de grimper dans l’échelle sociale. Une ascension rapide ne permettant guère de rester au sommet, on s’en doute, car les rouages du système mafieux sont viciés. Il arrive même que des forces de police fassent correctement leur métier, puis que la justice écarte du jeu les "parrains" en les plaçant dans des prisons hautement sécurisées.

Voilà un livre vivant, édifiant, puissant, fascinant, retraçant la vérité tumultueuse d’une favela, explorant au-delà d’un reportage ordinaire des réalités brésiliennes humaines, tourmentées et brutales. Remarquable !

 

- "Nem de Rocinha" est disponible dès le 18 août 2016 -

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16 août 2016 2 16 /08 /août /2016 04:55

Ridgedale est une ville située à une quarantaine de kilomètres au nord de New York, qui a connu un essor récent amenant de nouveaux habitants. Parmi eux, Molly Sanderson, son mari Justin, et leur fillette de cinq ans, Ella. Professeur de Lettres depuis quelques mois à l’université de Ridgedale, Justin est issue d’une famille aisée et équilibrée. Molly a connu une enfance bien plus difficile : une mère froide et aigrie décédée tôt, un père qui les avait abandonnées. Il y a deux ans, Molly traversa une autre épreuve : son bébé mort-né. Elle fut suivie par un psy. À Ridgedale, elle est salariée du journal local, un poste tranquille qui lui permet de s’occuper d’Ella, en maternelle dans la classe de l’instit Rhea.

Molly est amie avec Stella, dont le jeune fils est à l’école avec Ella. Extravertie, Stella peut agacer certains, parfois. Elle est également la mère d’un jeune homme, Aidan, dont la désinvolture rappelle le caractère de Stella. Si Barbara Carlson est aussi mère d’un enfant de cinq ans, Cole, et d’une ado de dix-sept ans, Hannah, elle est totalement à l’opposé de Stella. Épouse du commissaire de police de Ridgedale, Barbara s’affiche mère de famille exemplaire. Avec ses principes rigides, elle porte un regard négatif sur les autres parents d’élèves. C’est pourquoi, quand l’instit Rhea l’alerte sur l’agressivité du petit Cole, Barbara refuse d’y croire. Pourtant, ses crises frôlant l’hystérie sont bien réelles, elle le verra.

Âgée de seize ans, Sandy Mendelson habite avec sa mère Jenna un appartement crasseux, dont elles ont du mal à payer le loyer. Elles sont toutes deux serveuses au Blondie’s. Mais la volage Jenny reste autant volcanique qu’à l’époque de sa jeunesse, dès qu’il s’agit d’avoir des amants. Grâce à Rhea qui l’a convaincue, Sandy prend des cours de soutien scolaire afin de tenter un diplôme. C’est Hannah, excellente élève, digne fille de Barbara, qui se charge de l’aider pour ces cours. Sandy entretient une vague relation avec Aidan. Ni lui, ni Hannah, ne peuvent vraiment réaliser dans quelle mouise elle se trouve. Pour l’heure, Sandy recherche sa mère qui a disparu. Elle ne l’a pas habituée à la laisser sans nouvelle.

Son collègue journaliste Richard étant indisponible, c’est Molly qui doit couvrir une affaire criminelle. Dans les bois d’Essex Bridge, aux abords de l’université, on a retrouvé le corps d’un nourrisson de sexe féminin, difficile à identifier. Le commissaire Steve Carlson est coopératif avec Molly, tant qu’elle ne dévoile pas trop vite les faits. Les délits et les crimes sont rares à Ridgedale, Molly le constate en consultant les archives. Agent de sécurité du campus, pro mais pas hostile, Deckler lui apprend que des affaires peuvent être traitées – et jugées – en interne à l’université. Molly en aura plus tard confirmation par le directeur de la sécurité, et par Thomas Price, “doyen des étudiants”, confrère de son mari Justin.

Par Stella, Molly est informée du cas de Rose, ex-étudiante ayant interrompu son parcours pour accoucher récemment. Ayant reçu anonymement une boîte de documents, Molly va s’apercevoir qu’au moins six cas similaires se sont produits ces dernières années. Quand Stella s’adresse à la police pour la disparition de sa mère Jenna, elle tombe sur Steve Carlson. Jusqu’à présent, le commissaire n’avance guère dans l’affaire du cadavre du bébé. Près d’Essex Bridge, Molly contacte un témoin peu fiable, qui a cru voir un fantôme de femme rôdant par là. Malgré la perte de son propre bébé pouvant gêner son sentiment sur les faits, Molly ira jusqu’au bout de son enquête…

Kimberly McCreight : Là où elle repose (Cherche Midi Éd., 2016)

En tant que journaliste qui venait de tomber sur une piste, je savais que ce qu’il y avait de plus naturel à faire, c’était "creuser". Pour autant, j’étais face à un cas de conscience. Il était facile de dire que je voulais découvrir ce qui était arrivé à ce bébé, déterrer la vérité. Mais si cette vérité impliquait la mère du bébé ? Et s’il s’agissait de l’une de ces femmes terrifiées et désespérées que je connaissais par cœur ? Sans compter qu’il me semblait injuste de pointer Rose du doigt, alors que je n’étais même pas sûre qu’elle soit officiellement soupçonnée par la police. C’était un des avantages de la rubrique culture et société : aucun dilemme moral.
Toutefois, poser quelques questions sur elle au campus n’était pas franchement comparable à l’accuser d’infanticide dans les gros titres. La police était probablement déjà au courant de sa situation, et bientôt bien d’autres le seraient aussi, y compris la presse. Je pouvais au moins tâter le terrain, voir ce que je pouvais découvrir, et m’engager à ne publier les infos glanées, quelles qu’elles soient, que le moment venu, s’il venait, avec une grande prudence.

Avec ce deuxième roman après “Amelia”, Kimberly McCreight présente une solide intrigue à suspense. L’intérêt principal de cette histoire consiste à décrire un "groupe social" dans une ville américaine ordinaire : des parents et leurs proches, entre classe maternelle et université. Leur psychologie, finement nuancée, montre des comportements très divers. Tout en cherchant à comprendre, la journaliste Molly fait preuve de compassion, ce qui n’est assurément pas le cas de Barbara, avec son strict conformisme étouffant. L’épouse du policier n’admet pas qu’il existe plusieurs façons d’être mère, que les réactions excitées de Stella ne sont pas si condamnables. Et que, telle Rhea, il n’est pas indispensable d’avoir des enfants pour s’occuper au mieux de les éduquer. On notera un point commun entre Molly et la jeune Sandy : leurs mères impossibles à gérer.

Voilà donc un groupe "d’honnêtes gens", mais sont-ils irréprochables ? Sans doute pas. On en prend par exemple conscience quand on voit que l’université fait régner sa justice en cas d’incidents, afin d’en atténuer l’impact sur les étudiants, généralement "de bonnes familles". L’auteur évoque aussi un fait de société qui, aux États-Unis comme dans tous les pays occidentaux, est mal évalué par la Justice, l’infanticide : “Rares sont les zones de droit pénal à être aussi floues que celle du néonaticide. La détermination de la gravité du crime est bien souvent laissée entièrement à la discrétion du procureur.” L’émotionnel doit-il supplanter la monstruosité de l’acte ? C’est à travers les relations entre protagonistes que se dessinent progressivement les vérités de cette affaire. Excellent thriller.

- Ce roman est disponible dès le 18 août 2016 -

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14 août 2016 7 14 /08 /août /2016 04:55

Le jeune James Watson est né aux États-Unis. Quand ses parents ont divorcé, il est parti vivre avec sa mère à Londres, une ville qu’il apprécie beaucoup. Pourtant, James est de retour dans le Connecticut, non loin d’où habite son père avec sa nouvelle famille. Si on l’a inscrit au pensionnat de Sherringford, c’est grâce à une bourse d’études basée sur son talent de rugbyman. James ne se fait guère d’amis ici. Même avec Thomas Bradford (Tom) qui partage sa chambrée, ils ne lient pas complètement. James aspire à devenir écrivain, comme son aïeul le docteur John Watson, le biographe de Sherlock Holmes.

L’étudiante Charlotte Holmes appartient à la prestigieuse famille anglaise des descendants de Sherlock Holmes. Son frère aîné Milo est déjà, à vingt-quatre ans, un des hommes les plus puissants de Grande-Bretagne. À l’instar de sa famille, Charlotte commença tôt à résoudre des affaires criminelles. C’est une scientifique, qui dispose de son propre labo à Sherringford, où elle est interne depuis un an. Elle a hérité du goût de son aïeul Sherlock pour la drogue, mais elle a réussi à s’en sevrer. Elle pratique aussi le violon, d’une façon plus harmonieuse que le détective d’antan. Charlotte est encore championne au poker, car l’argent alloué par sa famille britannique est insuffisant pour elle.

James Watson connaît de nom Charlotte depuis longtemps. Mais la mère du jeune homme l’a souvent mis en garde contre les Holmes. Si elle n’est Watson que par son ex-mari, le père de James exprimerait la même méfiance, de manière plus enjouée sans doute. Mais la relation entre fils et père reste tendue, conflictuelle. Quand il retrouve Charlotte sur le campus de Sherringford, James s’avère maladroit pour exprimer son admiration envers la jeune fille. Il est vrai que Charlotte est une authentique Holmes, exprimant un caractère directif. Il est improbable que le duo Holmes-Watson se reforme avec Charlotte et James.

Quand l’étudiant sportif Lee Dobson, un dragueur lourdaud, est assassiné, James Watson est suspecté par l’inspecteur Ben Shepard. Car Dobson et Watson avaient eu un violente altercation la veille, au sujet de Charlotte. Celle-ci est aussi soupçonnée par le policier. On a utilisé de l’arsenic pour ce meurtre, dont la mise en scène s’inspire d’une des aventures de Sherlock Holmes. Par obligation, James renoue en cette occasion avec son père. Les deux jeunes réalisant qu’ils sont observés par un inconnu, ils le pourchassent sans succès. Ce peut être aussi bien le dealer de drogue local qu’un agent au service de Milo Holmes.

Lorsque l’étudiante Elizabeth Hartwell est agressée, c’est en imitant une autre enquête du détective Holmes. Dans les souterrains de l’école, James et Charlotte découvrent bientôt une pièce secrète, un repaire où le tueur a réuni des fausses preuves accablant leur duo. Ils se disculpent grâce à la complicité de leur amie Lena, la petite copine de Tom. James et Charlotte négocient avec le policier Ben Shepard, afin de les laisser enquêter de leur côté.

Faut-il suspecter les descendants du Professeur Moriarty, dont le dernier – August – est un génie des mathématiques ? James découvre dans sa chambre tout un dispositif, caméra et micros, servant à l’espionner. Quant au labo de Charlotte, il va partir en fumée. Le danger les entoure, et même la santé de James est en péril…

Brittany Cavallaro : Les aventures de Charlotte Holmes (PKJ - Pocket jeunesse, 2016)

“J’étais un impulsif qui vivait dans l’instant, sans penser à l’après. Sauf qu’avec Holmes, je ne pensais qu’à l’après. Les trajets silencieux en voiture à l’aube, les discussions passionnées, les incursions dans des chambres fermées pour voler des preuves et les rapporter dans notre labo. Tout cela, je le voulais. Je voulais que nous soyons compliqués ensemble, que notre vie soit difficile, fascinante, flamboyante. Le sexe était une complication banale. Alors que rien en Charlotte Holmes n’était banal.
Même la façon dont elle remplissait sa robe.
Non. Il ne fallait pas que je laisse mes pensées prendre ce chemin. Le passé nous avait appris que nous étions trop inconsistants pour supporter ce genre d’épreuve. Le matin même, elle m’avait chassé de son labo en me menaçant de son violon. Le lendemain soir, nous allions peut-être partager la même cellule.”

Précisons d’emblée que, s’il s’agit d’un roman destiné en priorité aux ados, bon nombre de lecteurs adultes y prendront plaisir. En particulier ceux qui connaissent l’univers des textes de Conan Doyle, bien sûr. En effet, l’auteure utilise allusions et références aux enquêtes d’Holmes, telles “Le ruban moucheté”, “Le détective agonisant”, “L'escarboucle bleue”. La brave Mme Hudson apparaît sous les traits de Mme Dunham, le labo de Charlotte Holmes se situe "salle 442", et son grand frère Milo rappelle fortement Mycroft. L’ombre des Moriarty ne peut que planer sur cette affaire criminelle. Comme son aïeul, James Watson est quelque peu en état d’infériorité par rapport à la dynamique Charlotte. Par contre, c’est une admiration amoureuse qui anime dans ce cas le jeune homme.

Nous ne retournons pas environ cent vingt-cinq ans dans le passé. C’est dans une histoire actuelle que nous entraîne cette intrigue. Avec des dialogues d’aujourd’hui, et certaines situations bien moins chastes qu’autrefois. Réseaux Internet et téléphones portables sont utilisés, même si la chimie chère à Sherlock et les ouvrages scientifiques restent de mise avec sa descendante. Sans oublier, bien entendu, la capacité déductive toujours étonnante dont font preuve nos jeunes détectives. Ils forment tous deux une fine équipe, c’est vrai. Ça va chauffer pour les malfaisants qui tentaient de les faire accuser. Un suspense franchement sympathique !

 

- Ce roman est disponible dès le 18 août 2016 -

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13 août 2016 6 13 /08 /août /2016 09:00
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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 04:55

Sur la Côte d’Azur, du côté de Cannes et Nice. Fils d’un défunt cambrioleur, Bruno Lortail est plus un escroc qu’un braqueur. Complice du hold-up de la grande Poste de Marseille, arrêté par le commissaire Guillaume Jévard, il écopa seulement de six mois de prison. Âgé de trente-cinq ans, il vient d’en sortir et va récupérer le butin planqué dans une usine désaffectée. Mais le bâtiment a été détruit entre-temps. Jévard est là, aussi, car il entend bien protéger Bruno, dont il a besoin. Quand deux truands à la solde du nommé Nesmaz sont peu après chargés de buter Bruno, le policier les fait abattre. Jévard et Bruno se rendent ensemble chez Félicia Santeuil, vingt-huit ans. Partageuse, elle est la maîtresse du flic, depuis que son amant Bruno a été mis en prison. Ça ne dérange pas Jévard de la partager.

Le policier ne leur cache pas que sa cible, c’est Nesmaz. Aujourd’hui, ce caïd se donne des allures d’homme d’affaire respectable. Mais il débuta à Oran, où il tenait un hôtel de passe et fit partie de l’OAS. Après l’indépendance de l’Algérie, il développa un réseau de bordels en France et en Allemagne. La législation française étant de plus en plus stricte avec les maisons closes, Nesmaz abandonne cette activité au profit de placements fructueux, ou qui permettent de blanchir l’argent sale. Selon Jévard, c’est Nesmaz qui a le butin qu’avait planqué Bruno. Avec ça, il a financé la récente campagne du politicien Caceldi, qui n’a pas été élu. Le but final du policier, c’est que Bruno s’empare du contenu du coffre-fort de Nesmaz. Car il y cache des documents précieux, des dossiers sur certaines personnes.

Nesmaz et son épouse quadragénaire Odette habitent dans une propriété sécurisée, un vrai "château"… avec son petit musée privée. C’est là que va se jouer le premier acte, ce qui est destiné à mettre la pression sur Nesmaz. Bruno parvient à voler les quatre toiles de maîtres, dont un Rembrandt et un Soutine. En guise de rançon, Jévard – masquant sa voix – réclame une très forte somme à Nesmaz. Bien que le dispositif de police soit prêt, Nesmaz ne peut empêcher que Jévard touche la rançon. Jusqu’à là hors du coup, car il est censé avoir passé quelques jours en mer sur son voilier, Jévard est appelé à la rescousse sur cette enquête. Bruno et Félicia se sont ménagés un alibi, un week-end en amoureux. Pourtant, Jévard le mettra bientôt en garde-à-vue, afin que Bruno soit un temps à l’abri.

L’expert de l’assurance est formel : les tableaux de Nesmaz sont des faux. Nesmaz pense que le galeriste Califf, qui les lui a vendus, l’a sciemment arnaqué. Celui qui authentifia les toiles étant décédé, difficile de prouver la culpabilité de Califf. Néanmoins, ce n’est pas un hasard s’il vient de s’expatrier en Suisse. Le policier Jévard s’y rend pour rencontrer Califf, et pour mettre en banque la rançon. C’est maintenant que commence vraiment le plan de Jévard, une machination impliquant Califf (ou son sosie) afin que Nesmaz soit contraint d’ouvrir son coffre-fort, en présence du politicien Caceldi. S’il réussit, Jévard acceptera les félicitations ministérielles. Avec un joli pactole en réserve pour ses vieux jours…

Raf Vallet : Sa Majesté le Flic (Série Noire, 1976)

En tant qu’auteur de polars, Jean Laborde (1918-2007) connut une sympathique notoriété dans les années 1960, sous le pseudo de Jean Delion, puis adopta le nom de Raf Vallet en signant ses huit romans des deux décennies suivantes. C’est en grande partie grâce aux adaptations au cinéma de plusieurs de ses titres qu’on retient l’œuvre de Raf Vallet. “Adieu poulet” (1975, avec Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux) et “Mort d'un pourri” (1977, avec Alain Delon, Stéphane Audran) furent d’immense succès.

“Sa Majesté le Flic” fut transposé à la télévision en 1984, avec Bernard Fresson, Philippe Nicaud, Michel Beaune, Gérard Darier). On peut emprunter à Claude Mesplède une bonne définition des romans noirs de Raf Vallet : “L’ironie, présente dans chacun de ces récits, a un goût amer car les "héros" de Laborde sont souvent aussi amoraux que ceux qu’ils prétendent combattre.” (Dictionnaire des Littératures Policières, Éd.Joseph K).

Dans “Sa Majesté le Flic”, le commissaire Jévart (anagramme du policier Javert, dans “Les misérables”) affiche un délicieux cynisme. Plutôt désabusé par un métier où on trouve plus facile d’arrêter les petits malfaiteurs de banlieue que de s’attaquer aux gros requins, il va essayer d’être le plus malin. Il vise un homme d’affaire douteux, un politicien véreux, et même le poste de son supérieur Salat. Certes, on ne doute guère qu’il arrive à ses fins, mais tout est dans la manière. Il ne reste plus au lecteur qu’à suivre l’intrigue, telle que l’auteur l’a organisée. Ce qui nous réserve d’excellents moments ! Un très bon polar noir.

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