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22 novembre 2018 4 22 /11 /novembre /2018 05:55

Californie, 1959. Âgé de vingt-sept ans, Johnny Aloha est natif d’Hawaï, territoire américain depuis le 14 juin 1900, qui sera sans tarder le 50e État à adhérer à l’union. Fils d’une vahiné et d’un militaire resté anonyme, Johnny a connu une enfance difficile, mais il se montra débrouillard dès sa prime adolescence. Voilà quelques années qu’il s’est installé à Los Angeles comme détective privé. Il n’a pas tardé à prouver son efficacité à résoudre avec succès les affaires qu’on lui confiait. Encore récemment, il a débarrassé le Chinatown de San Francisco d’un truand aussi dangereux qu’envahissant. Il est temps pour Johnny Aloha de s’accorder un peu de vacances dans son île d’origine.

C’est alors qu’il est contacté avec insistance par Gwen Cordovan, qui aura vingt-et-un ans d’ici quelques jours, et héritera de la fortune de son défunt père. Elle offre 5000 dollars à Johnny pour retrouver sa mère, Hope Starr. En effet, le détective a naguère connu cette femme à Hawaï. Hope Starr était une fêtarde, alcoolique et nymphomane. En quelques années, elle s’est mariée sept fois, elle a beaucoup voyagé avec ses époux, continuant les mêmes frasques. Des escapades qui coûtent cher, entre jeu d’argent, nuits arrosées et fête avec des hommes de rencontre. Marié avec Hope depuis deux ans, le très british colonel John Hare s’est lassé de ces turpitudes et envisage de divorcer.

Curieux de découvrir ce que cache cette disparition d’Hope Starr, c’est par le club de Joe Connors que Johnny débute son enquête. Elle a entubé le patron de l’établissement à hauteur de 10000 $. Le détective suit la trace des hôtels où Hope et son compagnon du moment se sont affichés, extravertis au point d’être virés de certains de ces hôtels. C’est avec le jeune lieutenant Stan Michaels que Hope a passé ces derniers jours. Johnny trouve bien vite la famille de cet homme. Le père, le frère, la sœur et leurs sbires cognent le détective – il lui en faudrait plus pour renoncer, affirmant que Stan Michaels et Hope Starr sont fiancés, qu’ils vont se marier d’ici très peu de temps. Bigamie ? Intéressant.

Gwen, qui n’est pas insensible au charme avéré du Haïtien, accompagne Johnny à Big Bear, la station touristique de montagne où doit être célébré ledit mariage. En effet, le couple ne s’y cache guère – la cérémonie étant pour bientôt, ce que vérifie le détective. Alors qu’il se présente dans leur chambre, Johnny constate que Stan Michaels vient d’être abattu – la silhouette de la tireuse semblant être celle de Hope Starr. Le détective est lui-même la cible de la femme qui s’enfuit, mais n’est pas blessé – il ne manque pas de réflexes. Ayant averti Gwen de l’acte criminel de sa mère frisant l’hystérie, Johnny alerte rapidement la police locale, en la personne du compétent policier Anderson.

Il n’est pas anormal qu’Anderson suspecte dans un premier temps Johnny Aloha, tant l’ensemble de l’affaire apparaît incroyable. Mais le policier a vite la confirmation du sérieux professionnel du détective. Et puis, certains détails sont étonnants : par exemple, on ne retrouve aucune empreinte de Hope Starr dans la chambre du crime où sa victime et elle s’en sont pourtant donné à cœur-joie dans les heures précédentes. Tandis que, rentré à Los Angeles, Johnny est une fois de plus menacé par un Chinois costaud, le détective commence à cerner les mystères de la disparition d’Hope et du meurtre. C’est la nommée Hilda Brunner qui détient les clés de cette affaire…

Day Keene : Vice sans fin (Série Noire, 1959)

Avec ce roman (titré en VO “Johnny Aloha ou Death in Bed”), Day Keene (1904-1969) donnait une nouvelle démonstration de son talent de romancier. Mettre en scène un détective privé californien n’aurait rien eu de vraiment novateur, le polar de l’époque en regorge. Mais c’est un personnage singulier qu’il présente, s’inscrivant dans l’Histoire des États-Unis – l’actualité d’alors soulignant l’entrée d’Hawaï parmi les étoiles du drapeau américain. Kioni – rebaptisé Johnny – Aloha n’a rien du détective loser, ni marginal, avec un parcours volontaire faisant de lui un citoyen digne de sa nationalité. Ce n’est pas la grosse somme proposée qui l’incite à renoncer à ses vacances, mais le fait qu’il ait connu la disparue – déjà exubérante – bien des années plus tôt.

Enquête classique ? Certes, mais fort énigmatique et qui ne manque ni de péripéties, ni d’ambiance. Il est vrai que cette Hope Starr a mené depuis une vingtaine d’années une vie des plus agitées, collectionnant les riches maris et les titres de noblesse. On suit avec un grand plaisir les investigations de l’intrépide détective – qui sera secoué dans la bonne tradition, racontées avec une belle fluidité. Encore un très bon titre de Day Keene.

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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 05:55

Autrefois nommé le Honduras britannique, le Belize est un petit état situé sur la Mer des Caraïbes, entre le Guatemala et le Mexique. En ces années 1980, ce pays tropical est devenu indépendant, tout en appartenant toujours au Commonwealth. Entre plaines côtières plates marécageuses, larges espaces forestiers, et basses montagnes du sud, le Belize est un pays qui ne peut guère compter sur un développement économique, ni même agricole. Le long des côtes se trouve une barrière de corail formant des cayes, meilleur atout touristique qui ne demande encore qu’à être exploité. Quant aux routes, elles restent mal praticables dans ce décor de jungle. Multiraciale et métissée, la population bélizienne vit modestement, dans une poignée de grandes villes et dans des villages isolés.

C’est un État attirant pour certains aventuriers américains, espérant y faire fortune. De hauts responsables locaux leur font miroiter les possibilités de leur pays, vendant des terres bien au-delà de leur valeur. C’est le cas d’Innocent St.Michael, qui est à la fois directeur adjoint du service de l’Attribution des terres au sein du gouvernement, et agent immobilier. “Ses cheveux étaient africains, sa peau café au lait était maya, son courage irlandais et la fourberie de son esprit totalement espagnole.” Homme de belle prestance, Innocent St.Michael savait convaincre avec une belle roublardise, et ne déplaisait pas aux femmes. C’est lui qui a fourgué des terrains inexploitables à Kirby Galway, Américain âgé de trente-et-un ans, qui investit tout son avoir financier dans l’opération. Ce dernier pensait y créer un ranch "à la Texane".

Kirby Galway est pilote d’avion, possédant son propre appareil. Formé par l’armée américaine, il était trop indépendant pour rester militaire ou même être employé par une compagnie commerciale. C’est ainsi qu’il s’est lancé dans le trafic de marijuana, via le Belize vers les États-Unis. Ayant investi, Kirby a bientôt réalisé son erreur. Néanmoins, il a sympathisé avec des habitants de villages proches de ses terres, telle la famille Cruz ou Tommy et Luz, prêts à toutes les complicités. Le Belize est au cœur de la civilisation maya, bien qu’il ne reste quasiment aucune trace des vestiges de ce peuple d’autrefois. Pourquoi ne pas en fabriquer ? Kirby invite un duo, Witcher et Feldspan, qui sera capable de vendre tout objet supposément maya en Amérique du Nord. Il les conditionne suffisamment afin qu’ils ne se posent pas longtemps la question de l’authenticité de ces trouvailles.

Mais la culture maya intéresse également le riche collectionneur Whitman Lemuel, que Kirby a contacté à New York. Là, il faudra se montrer plus astucieux pour le duper, même s’il est en mesure de verser des sommes très importantes. Encore que ce soit plutôt un passionné qu’un vrai spécialiste. Par contre, la jeune archéologue Valerie Greene est très experte sur la culture maya. Elle risque de faire capoter les projets de Kirby, si elle reste dans ses pattes. Que, dès son arrivée au Belize, elle se soit laissée séduire par ce diable d’Innocent St.Michael pourrait encore compliquer la situation…

Donald Westlake : Tous les Mayas sont bons (Éd.Rivages, 2018)

Donald Westlake (1933-2008) fut une figure majeure du roman noir américain, autant pour ses intrigues dures (signées Richard Stark) que pour les aventures plus souriantes de son héros John Dortmunter. Dix ans après son décès, les Éditions Rivages nous présentent ce “Tous les Mayas sont bons”, exemplaire de l’imagination effervescente du productif Donald Westlake. Il serait vain d’essayer de résumer le feu d’artifice constituant la trame de cette histoire. On y croise des personnages d’une drôlerie dévastatrice, impliqués dans des tribulations tous azimuts. Qu’un problème semble en voie d’être réglé, en voici un autre qui surgit ! L’action galope sans temps mort, chaque protagoniste se pensant assez malin pour tirer un beau profit – d’un pays qui, pourtant, ne recèle probablement aucun trésor. Qu’il est délicieux de se laisser entraîner par les multiples rebondissements concoctés avec une sacrée ironie par le regretté Donald Westlake ! Avec ses romans de veine humoristique, on passe toujours un excellent moment.

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 05:55

En 1946, John Weather est de retour dans la ville du Middle West dont il est originaire. Âgé de vingt-deux ans, il l’a quittée depuis quelques années. Il a bourlingué pendant un certain temps, avant de partir faire la guerre. Il apprend dès son arrivée que son père, J.D.Weather, a été abattu dans la rue voilà deux ans. L’enquête menée par le policier Hanson, un des rares flics intègres de la ville, est restée sans conclusion.

J.D.Weather était le plus puissant des personnages régnant ici. Séparé puis veuf de la mère de John, il s’était remarié à une jeune femme venue de Chicago. C’est elle qui est l’unique héritière des biens et des affaires commerciales du défunt. Le jeune John ne vient pas réclamer des comptes financiers, mais il a besoin de comprendre les raisons de ce meurtre. Il s’aperçoit que son père fut la cause du pourrissement complet de la ville. Toutes les perversions, jeux et prostitution, sont ici couvertes par la police corrompue.

C’est le vieux brocanteur Kaufman qui ouvre les yeux de John sur les réalités locales. Âgé de soixante-quinze ans, il possède une forte fibre sociale. Toutefois, il est bien seul pour corriger tout ce qui a vérolé l’endroit depuis que J.D.Weather y a imposé ses principes. Après la mort du père de John, l’ancien magistrat Freeman Allister a été élu maire, avec un programme prétendant nettoyer les vices de leur ville. Mais il ne paraît pas assez armé pour que les choses se poursuivent en toute impunité. Quant à l’identité de l’assassin de J.D.Weather, elle n’intéresse déjà plus personne.

John sait qui a fourni l’arme du crime, un nommé Joey Sault, caïd de moindre envergure, mais pas un tueur. Afin de s’imprégner de l’ambiance, John fréquente les établissements nocturnes. Il va y faire la connaissance de toute la pègre du coin. Elle est au service Kerch, l’actuel redoutable patron de toutes les activités aux limites de la légalité.

Avec des hommes de main tel Garland, prêts à exécuter des gêneurs comme John, aucune chance de trouver une faille dans la solidarité entre ceux qui gagnent gros à tous les niveaux autour de la seconde épouse de J.D.Weater. La petite-fille du brocanteur Kaufman, Carla, appartient au cercle gravitant autour de Kerch. John comprend que cette prostituée ne l’aidera guère à mettre au jour la vérité sur le meurtre.

Tandis que le maire Allister semble toujours démuni, bien que John ait des preuves contre Kerch et ses sbires, pourra-t-on compter le moment venu sur Hanson et les rares policiers honnêtes restant ici pour faire cesser la criminalité ?…

Kenneth Millar : À feu et à sang (Série Noire,1949)

— Pourquoi cette ville a-t-elle vingt ans de retard ? gronda-t-il. Pourquoi les ouvriers et les ouvrières travaillent-ils encore dans les fabriques de caoutchouc pour quinze ou vingt dollars par semaine ? Dès qu’ils essaient de protester, les flics s’emparent de leurs meneurs, les passent à tabac et les conduisent aux postes de la ville. Pourquoi y trouve-t-on des machines à sous, des salles de billard et des bordels, au lieu des stades et des colonies de vacances qui, seuls, pourraient enrayer la délinquance parmi les jeunes ? Pourquoi y trouve-t-on les pires taudis du pays, alors que Sanford encaisse de gros loyers ? Pourquoi les choses demeurent-elles ainsi ? Parce que trop de gens sont intéressés à ce qu’elles demeurent ainsi. J’ai cru que tout allait changer il y a deux ans, lorsque Allister a été nommé…

C’est sous le pseudonyme de Ross Macdonald que Kenneth Millar (1915-1983) connut sa plus grande notoriété, et figure au panthéon du roman noir. Il créa le personnage du détective privé Lew Archer qui s’inscrit dans la droite ligne du roman noir héritier de Dashiell Hammett et de Raymond Chandler. “Marchant sur les pas de son modèle, Philip Marlowe, Lew Archer est le héros de pas moins de dix-huit romans. Officiellement détective privé, sa façon de procéder relève davantage du psy clandestin à l’instar de ce qui se fait dans beaucoup de romans à énigme, que du passage à tabac façon Sam Spade. Il explore les recoins de l’âme où se dissimulent les vilains petits secrets des suspects dans une Californie des années 1950-1960, étouffante dans tous les sens du terme” écrivent Marie-Caroline Aubert et Natalie Beunat dans “Le polar pour les Nuls” (First Ed., 2018). Enquêtes classiques dotées d’un regard sociétal et d’un climat personnel. 

Si Lew Archer est un héros d’anthologie dans le roman noir, il ne faudrait pas minimiser la valeur des autres romans de Kenneth Millar – quel que soit le nom utilisé. On le voit dans “À feu et à sang”. C’est une histoire située dans son époque, l’immédiat après-guerre aux États-Unis. Certaines villes sont totalement sous l’emprise de systèmes mafieux, qui ne profitent qu’à quelques-uns, sans le moindre respect des lois ni de la population. Un monde véreux qui augure mal de ces années qui devraient être bénéfiques à tous. À travers les propos du brocanteur marxiste Kaufman, l’auteur ne cache pas ses opinions. Avant tout, il s’agit bien d’un solide polar riche en énigmes et en péripéties. Un roman qui, autant que les Lew Archer et autres titres de Ross Macdonald, mérite de ne pas sombrer dans l’oubli.

Kenneth Millar : À feu et à sang (Série Noire,1949)

En 1986, ce roman (“Blue City”) fut adapté au cinéma, avec Judd Nelson, Ally Sheedy, David Caruso, Paul Winfield, Scott Wilson. Ce film de Michelle Manning semble être resté inédit en France. Il est vrai que cette production et ses comédiens figuraient parmi les pires de l’année aux Razzie Awards 1987. Il ne suffit pas de s’inspirer d’un bon polar pour en faire un film de qualité acceptable !

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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 05:55

Les passionnés de la BD du 21e siècle aiment généralement les albums au graphisme élaboré, primant souvent sur des scénarios tenant quelques lignes directrices. Ces bande-dessinées et autres romans graphiques sont parfois séduisants, c’est vrai. Mais la BD, c’est aussi toute une histoire. Grâce aux nouvelles rééditions de la collection Les Pieds Nickelés, présentées par Hachette, les nostalgiques seront comblés, autant que les passionnés de la littérature populaire – dont fait évidemment partie la BD. Disponibles en points de vente, les premiers numéros ne sont pas trop coûteux, une bonne façon de découvrir ou de redécouvrir ces désopilants personnages d’autrefois.

Nés en 1908, les Pieds Nickelés furent créés par Louis Forton, puis repris par Pellos après la guerre. Il s’agit d’un trio de combinards, de véritables filous, qui témoignent de leur époque. Croquignol – le grand au long nez, Filochard – le pickpocket borgne, et Ribouldingue – le bon vivant, forment une bande d’escrocs attachants. Les Pieds Nickelés sont publiés pour la première fois en 1908 dans la revue l’Épatant. À l’époque, Croquignol, Filochard et Ribouldingue bousculent le paysage de la bande dessinée française plus habitué à Bécassine qu’à ces trois personnages non conformistes.

Les Pieds Nickelés, la collection (Éd.Hachette, 2018)

À la mort de Forton en 1934, les Pieds Nickelés sont repris par d’autres dessinateurs mais il faudra attendre 1948 et l’arrivée de René Pellos aux commandes de la série pour que celle-ci renoue avec le succès. Pellos, père adoptif du trio, animera la série pendant près de 100 albums jusqu’en 1988. Plus dynamiques et modernes, ses albums s’éloignent du style de Forton pour faire des Pieds Nickelés des personnages dans l’air du temps. Sous son crayon, Croquignol, Filochard et Ribouldingue deviennent des personnages cultes de la BD française. Escrocs attachants et rois du système D, les Pieds Nickelés vivent de perpétuelles aventures plutôt rocambolesques, parcourant la France et le monde avec pour objectif de gagner un maximum d’argent en faisant le minimum d’effort. Des Jeux Olympiques à la Prohibition, en passant par la Première Guerre Mondiale, ce trio politiquement incorrect participe à tous les évènements marquants de l’Histoire.

À l’époque de Forton, le dessin est franchement basique, dans ses cases, avec un texte racontant les tribulations de ses héros placé en-dessous. Pour retenir l’attention des lecteurs, les planches seront vite en grande partie colorisées. Surtout, on va assister à la naissance (certes encore maladroite) des phylactères, des bulles. Dans chaque tome de cette collection, un cahier additionnel présente divers aspects des coulisses de la série. Dans ces dossiers exclusifs, des informations sur la création des personnages, des détails sur les auteurs et les dessinateurs sans oublier une rubrique consacrée au langage utilisé par les trois compères : huit pages sur le petit monde des Pieds Nickelés. Ces débrouillards sont diablement sympathiques.

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14 novembre 2018 3 14 /11 /novembre /2018 05:55

Une bourgade américaine du côté de nulle part. Deux lycéennes, Dayna et Perry, aux caractères assez différents, mais animées d’une forme confuse de rébellion. Surnommée Baby Girl, Dayna cultive un look décalé, marginal, provocateur. Elle habite avec son frère Charles dans “un quartier plein de maisons grises et marron, et de gens polis sur le seuil…” Baby Girl préfère l’endroit où loge Perry, parsemé de caravanes et de mobil-homes. Habitations précaires et modestes, mais “plus facile d’y être une fille au crâne à moitié rasé qu’en avait rien à foutre, juste un spécimen de plus parmi les différentes espèces qui peuplaient le terrain.” Perry vit là avec sa mère Myra, vaguement serveuse dans un restaurant routier du coin, et le deuxième mari de celle-ci, Jim Tipton – gardien de prison dans les environs. Myra s’alcoolise à la bière plus souvent qu’à son tour.  

La nuit, Baby Girl et Perry s’offrent souvent en cachette des virées en voitures volées. La technique pour dérober des véhicules, c’est avec son frère Charles que Baby Girl l’a apprise. Suite à un accident, ce dernier ne dispose plus de toutes ses capacités mentales et physiques. Ces sorties nocturnes ne riment pas à grand-chose, et ne les mènent pas bien loin de leurs quartiers. Sentiment fort relatif d’une liberté, qui pourrait finir par leur causer des soucis avec la police – jusqu’à la garde à vue. Perry apprécie quand elles font des pauses au bistrot Denny's, où un garçon de sa classe occupe un emploi subalterne. Toutefois, ce Travis semble à peine remarquer Perry. Elle doit se contenter de fantasmer sur lui durant les cours. Ce sera sûrement à elle de prendre l’initiative le moment venu.  

Jamey vit avec sa mère dans le parc de mobil-homes, pas très loin de chez Perry. Voilà quelques temps qu’il est entré en contact via les réseaux sociaux avec Baby Girl et Perry. L’anonymat d’Internet permet une approche prudente, qui laisse supposer que ce Jamey est soit timide, soit plutôt laid. C’est généralement lui qui relance les deux lycéennes. Il les observe, aussi : “Depuis sa planque, Jamey regarda la voiture déboîter. Perry se léchait les doigts et sa copines secouait la tête au rythmes lourds des beats qui cognaient jusqu’à ses sinus, puis tout s’évanouit en même temps que la voiture s’éloignait.” Jim Tipton garde un œil protecteur sur sa belle-fille Perry, ainsi que sur Dayna, mais sans garantie de leur éviter de faire des bêtises. Par ailleurs, ce n’est pas son job à la prison qui lui apportera la moindre satisfaction, tant l’ambiance y est glauque. Une rencontre entre les lycéennes et Jamey comporte de gros risques de mal finir…

Lindsay Hunter : Mauvaises graines (Série Noire, 2018)

Le plan, c’était que Perry détourne l’attention de l’employé à la caisse. En espérant que ce soit un homme, pour qu’elle n’ait pas trop à se fatiguer pour le retenir. Juste promener sa chevelure dans le coin, croiser les bras pour que son tee-shirt moule sa poitrine, et demander l’heure.
Elles étaient entrées séparément, Baby Girl une trentaine de secondes après Perry. Une fois à l’intérieur, Perry vit qu’une vieille tenait la caisse, un nuage de cheveux teints en rose, une bouche si attaquée de rides qu’on aurait dit qu’elle avait eu les lèvres suturées et que ça n’avait jamais cicatrisé.

C’est un roman noir au sens premier du mot que nous présente Lindsay Hunter. De ces intrigues qui vont fatalement mal tourner. Reste à savoir pour qui, à quelle vitesse et dans quelles circonstances. Ces deux adolescentes paumées, qui s’ennuient ferme et se croient rebelles, sont le déclencheur de l’affaire. Des mauvaises graines de délinquantes irrécupérables, vraiment ? Elles n’ont ni éducation, ni avenir, c’est un fait. Elles ne se posent pas de questions sur leur futur, d’ailleurs. Mais si Baby Girl apparaît plus agressive, voire enragée, Perry est une jeune fille qui devrait avoir un parcours de vie simple – sans éclat, évidemment. L’auteure ne dresse pas un portrait sociologique de ses personnages, qui prétendrait décrire une Amérique actuelle, de sa jeunesse. C’est en montrant les faits par petites touches qu’elle installe une ambiance particulière, d’un réalisme sombre. Une curiosité, à laquelle on adhère en prenant le rythme de la tonalité narrative.

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12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 05:55

Dans mon "Top 20" des meilleurs titres 2017 figurait ce “Monteperdido” d’Agustín Martínez, une intrigue située dans des paysages isolés, des bourgades rurales mal desservies. Décor classique pour une histoire policière, il est vrai. La réelle habileté d’Agustín Martínez consiste à ne pas se contenter d’une "liste de suspects", ni d’enquêteurs stéréotypés. Ici, à proximité des Monts Maudits, dans le magnifique paysage de la haute montagne pyrénéenne, les habitants forment une communauté avec ses codes, y compris par un patois spécifique : “Coupés du reste du monde, ils avaient fini par parler une langue comprise d’eux seuls, et ils avaient grandi à l’ombre de légendes que peu de gens connaissaient encore”.

On imagine aisément cette vallée, ces splendides décors naturels. On comprend que ces endroits restent en partie sauvages, d’autant plus isolés par la neige hivernale. Tout cela alimentant un climat où, malgré une certaine solidarité locale, se mêlent malédictions et rivalités. La vieille Caridad, qui pourrait passer pour la sorcière de Monteperdido avec sa démarche chancelante et son allure peut-être inquiétante, initie quelque peu la jeune policière Sara Campos à cet état d’esprit qui anime les gens du village, dont beaucoup sont des chasseurs. Se fondre parmi eux serait illusoire, mais – après un début désastreux – l’enquêtrice est épaulée par Víctor, le garde civil. C’est sur ce duo que va reposer l’enquête.

Une double disparition de mineures, une affaire non-élucidée, le sujet criminel possède un impact plus fort dans ces conditions. Car les proches des kidnappées sont aussi victimes de la situation : ils ont chacun une réaction personnelle, résignée ou virulente, soulagée ou anxieuse. Pour ne prendre qu’un exemple, Álvaro, le père d’Ana, peut-il espérer un "retour à la normale" quand sa fille est sauvée ? Agustín Martínez explore avec subtilité le ressenti de tous, famille et villageois, dans un récit fluide et convaincant. L’ambiance ne tarde pas à captiver. Toutefois, si le paysage bucolique est empreint de poésie, les faits sont nettement plus sombres, malsains et même mortels.

Piqûre de rappel pour ce roman noir d’ambiance désormais disponible en format poche chez Babel Noir. À ne pas manquer.

Agustín Martínez : Monteperdido (Babel Noir 2018)

Le village de Monteperdido se trouve sur le versant espagnol des Pyrénées, pas très loin du Cirque de Gavarnie ou du Pic d’Aneto. Dans la province d’Huesca, il est situé au cœur de la vallée entre Barbastro et Posets, au bord de la rivière Èsera. À l’ouest comme à l’est, la bourgade est dominée par deux parcs naturels montagneux et forestiers. Une région rude et isolée en hiver, touristique aux beaux jours. Cinq ans plus tôt, deux fillettes âgées de onze ans y ont été enlevées, Lucía et Ana. L’affaire bénéficia d’un large écho, on forma un comité – en grande partie basé sur une puissante association locale, la Confrérie. On ne retrouva jamais les gamines, malgré les efforts des habitants et de la garde civile.

Joaquín, le père de Lucía, reste très mobilisé malgré le temps passé, laissant son frère se charger de sa petite entreprise de transport. Son épouse Montserrat est toujours désemparée depuis. Quim, le frère de Lucía, essaie de mener sa propre vie dans ce contexte chargé. Il peut compter sur la bienveillance amoureuse de Ximenia, surnommée la Colombienne, la fille du singulier vétérinaire Nicolás, qui fut l’amie des disparues. Pour Raquel, à peine quarante ans, la mère d’Ana, cet enlèvement a eu pour conséquence la fin de son couple. En effet, son mari Álvaro fut sérieusement soupçonné d’être le ravisseur. Contre son gré, le père d’Ana s’est quelque peu éloigné de Monteperdido. Mais il n’est pas indifférent au sort de sa fille disparue, et éprouve toujours des sentiments pour Raquel.

Suite à un accident de voiture, Ana est retrouvée vivante et hospitalisée. Simón Herrera, le conducteur, est mort quand son véhicule est tombé dans un ravin. Dépanneur de son métier, il fut par le passé suspecté de pédophilie. Simplette d’esprit, son épouse Pilar ne croit pas que Simón ait mal agi. Mais ce couple est vu tels des marginaux, et la vindicte populaire risque d’amener Pilar à un geste fatal. Une nouvelle enquête est entamée, par trois personnes. Le quadragénaire Víctor Gamero est le chef de la garde civile locale. C’est un authentique natif de Monteperdido. Les deux autres policiers viennent de l’extérieur. Santiago Baín a environ soixante ans. La sous-inspectrice Sara Campos est une jeune femme compétente, mais cherchant encore son équilibre personnel…

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 05:55

Issue de l’aristocratie, Vespasia Cumming-Gould a connu une vie trépidante. Elle est aujourd’hui mariée à Lord Narraway. Il dirigea naguère la Spécial Branch de la police anglaise, et siège désormais à la Chambre des Lords. On le consulte encore pour des dossiers sensibles. Mais, en ce mois de décembre 1900, le couple est en vacances. Lord Narraway a offert à sa femme un voyage en Palestine. Ce territoire est ponctuellement l’objet de tensions, étant revendiqué autant par les Musulmans, les Juifs et les Chrétiens. Plus que la religion, c’est la découverte de ces sites historiques qui intéresse Vespasia. Elle est plus sûrement attachée aux images symboliques – relatives aux Rois Mages et à la naissance du Christ – que dans une forte piété. 

À son hôtel de Jaffa, le couple sympathise avec un vieux monsieur, grand voyageur ayant apprécié les multiples destinations qu’il a explorées. L’homme reste anonyme. Dès le lendemain, il est retrouvé égorgé dans sa chambre d’hôtel. Il a eu le temps de transmettre à Narraway un mystérieux document. Il s’agit d’un “morceau de parchemin d’une extrême finesse et aux bords irréguliers.” Dans un message, il donne mission au couple d’apporter ce parchemin avant la veille de Noël à Jérusalem. La Maison du Pain, dans la Via Dolorosa, telle est l’adresse où ils doivent se rendre. Le couple ne sachant son nom, ils nomment le défunt Balthazar – car il leur fait pense à un des Rois Mages ayant suivi l’Etoile – selon les écrits religieux.

Le couple a compris que le danger plane autour d’eux, ce qui est confirmé quand leur fiacre est attaqué, en chemin vers la gare. La menace porte un nom : Le Guetteur, mais n’est encore qu’une ombre. Dans le train pour Jérusalem, Vespasia et Lord Narraway font la connaissance d’un mystérieux personnage, se faisant appeler Benedict. Il possède le deuxième tiers du parchemin, mais ne sait pas forcément qui détient la dernière partie du document. Il reste aussi nébuleux que le fut “Balthazar” sur les motivations profondes de son périple en Terre Sainte. Durant le trajet en train, ponctué de retard, le trio est à nouveau agressé mais réussit à se défaire des sbires en question. Vespasia s’interroge sur la nécessité de poursuivre, de trouver cette Maison du Pain quand ils seront à Jérusalem…  

Anne Perry : Un Noël à Jérusalem (Éd.10-18, 2018) – Inédit –

Faisait-il ce voyage pour elle, ou également pour lui ? Depuis le meurtre de Balthazar, il voulait tenir sa promesse. Mais avant cela ? Avait-ce été un cadeau, parce que c’était une idée charmante et pleine de fantaisie ? Ou bien y allait-il aussi pour lui ?
Vespasia avait fréquenté l’église de temps à autre tout au long de sa vie. Ce n’est pas qu’elle ne croyait pas en une religion, mais ce n’est pas la même chose que d’avoir la foi. C'était plus par précaution, au cas où ce serait vrai. La véritable foi exigeait de changer, d’être fidèle et elle avait un coût. Tôt ou tard, elle réclamerait de consentir à tel ou tel sacrifice, lequel pourrait être très lourd.

Chaque année, Anne Perry propose à ses lecteurs fidèles un "conte de Noël" inédit, dans un contexte historique – l’univers du 19e siècle qu’elle utilise dans ses romans. Ces histoires annuelles sont un moyen de décrire le monde d’alors, au-delà des frontières britanniques. Évidemment, évoquer Noël et situer une intrigue en Palestine et à Jérusalem ne peut pas être absolument neutre. Néanmoins, ce n’est pas la situation géopolitique qui prime ici, même si elle est présente en filigrane, mais plutôt la spiritualité et les symboles que les Chrétiens (et autres religions) attachent à ces territoires. Les héros évoluent dans une ambiance d’incertitude, de mystère, de bon aloi. Un voyage de Noël pas aussi calme que prévu pour Vespasia et son mari !

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8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 05:55

Authentique reporter, Léo Tanguy sillonne la Bretagne à l’affût d’infos rarement dévoilées, afin d’alimenter son blog à l’intention de ses fidèles abonnés. Cyber-journaliste épris de son indépendance, Léo est un marginal de l’information, très attaché à sa région. Depuis quelques temps, il s’intéresse à l’Ennemi public n°1 de la Bretagne, Jakez Salaun. À la tête d’une petite bande, ce dernier se proclame nouveau héros de “La Bretagne aux Bretons”. Mais Léo avait vite compris que c’était un prétexte pour se comporter en brigands, pour rançonner des gens fortunés. Une manière de s’attirer la sympathie des nostalgiques de la région à cinq départements, de ceux qui rêvent encore d’indépendance. Toutefois, ce sont bien la violence et l’appât du gain qui guident Jakez Salaun et sa troupe.

Léo Tanguy a été enlevé par ces rebelles autoproclamés. S’il est retenu en otage, c’est parce que Salaun a besoin de son blog : Léo est institué contre son gré biographe officiel du bandit. Le gang multiplie braquages et cambriolages, du côté de Dinard et dans les Côtes d’Armor, s’attaquant même en mer à un yacht d’Américain. Leur base de repli, une ferme isolée, paraît sûre pour le moment, mais l’Ennemi public n°1 de la Bretagne saura bouger dès qu’il sentira le danger. Les autorités ne sont pas inactives pour traquer Salaun et ses amis, utilisant des drones, surveillant les communications téléphoniques, tentant de situer cette bande qui les narguent. Le brigand peut compter sur la fiabilité de ses hommes. C’est peut-être un peu moins sûr concernant Éléonore, sa compagne, dont le rôle reste trouble.

Ne cautionnant pas leurs exactions, Léo Tanguy est conscient qu’il risque fort de passer pour complice des bandits, alors qu’il n’a "plus la main" sur son blog. Il réussit à prendre la fuite, façon spéléologue à travers un bunker oublié. Bien qu’ex-otage, il passe pour une sorte de “VIP glauque” quand il est face aux gendarmes. Si Le commandant Marcuse, de la BRB de Rennes, poursuit sa mission de traque du groupe Salaun, Léo se trouve face à un militaire qui n’émarge probablement pas dans la hiérarchie gendarmesque classique. Même si l’enquête sur l’Ennemi public portait ses fruits, sans doute Salaun réussirait-il à rebondir… pour un temps. Léo Tanguy comptait ralentir ses activités du côté de chez ses parents, mais il est bientôt relancé par son amie la policière Mary Lester. L’affaire Salaun en masque une autre, en effet, avec des barbouzeries bien noires…  

Jean-Pierre Simon : Un  corniaud chez les pandores (Éd.La Gidouille, 2018) — Léo Tanguy

Le truand médiatisé est devenu un illuminé dangereux et inconséquent. Par contre, les mesures de représailles qu’il promet si l’acte n’est pas signé sous quarante-huit heures sont fort éloignées des enjeux d’une opérette. Il enverra chaque jour, par paquet poste, un petit morceau de son otage aux policiers. Commode pour établir une carte des différents envois, permettant de restreindre le cercle des recherches. Mais le captif aurait beaucoup à y perdre : les oreilles, les phalanges et, stade sans doute ultime, les parties génitales. Salaun assure que les mutilations seront conduites par un chirurgien compétent. Il en existe un dans son équipe de sinistres branquignols.

C’est Jean-Pierre Simon qui prend le relais pour nous raconter cette vingt-quatrième aventure du reporter Léo Tanguy. Depuis dix ans, les auteurs se succèdent pour donner vie – chacun à sa manière – à ce personnage d’enquêteur hors norme. À la façon de Gabriel Lecouvreur, dit Le Poulpe – initié par Jean-Bernard Pouy, les investigations de Léo explorent la Bretagne et la France actuelles – avec leurs facettes sombres, mais pas sans un certain humour. Chaque nouvel auteur apporte sa propre tonalité, sa thématique.

Avec “Un corniaud chez les pandores”, on s’inscrit dans la longue tradition du roman populaire, avec sa cascade de péripéties explosives. Rocambolesque, et pourquoi pas ? Si Léo ne maîtrise pas vraiment les événements, il est entraîné dans des tribulations pleines de rebondissements. On est bien dans l’esprit des romans-feuilletons de jadis (Paul Féval, Émile Gaboriau, Ponson du Terrail…). Néanmoins, l’action se déroule à notre époque, avec ses techniques et ses enjeux. Quant au régionalisme breton, l’auteur nous montre qu’il faut rester prudent sur les motivations de quelques-uns de ceux qui s’afficheraient plus Bretons que les autres.

Encore un roman très excitant dans cette série diversifiée.

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