Californie, 1959. Âgé de vingt-sept ans, Johnny Aloha est natif d’Hawaï, territoire américain depuis le 14 juin 1900, qui sera sans tarder le 50e État à adhérer à l’union. Fils d’une vahiné et d’un militaire resté anonyme, Johnny a connu une enfance difficile, mais il se montra débrouillard dès sa prime adolescence. Voilà quelques années qu’il s’est installé à Los Angeles comme détective privé. Il n’a pas tardé à prouver son efficacité à résoudre avec succès les affaires qu’on lui confiait. Encore récemment, il a débarrassé le Chinatown de San Francisco d’un truand aussi dangereux qu’envahissant. Il est temps pour Johnny Aloha de s’accorder un peu de vacances dans son île d’origine.
C’est alors qu’il est contacté avec insistance par Gwen Cordovan, qui aura vingt-et-un ans d’ici quelques jours, et héritera de la fortune de son défunt père. Elle offre 5000 dollars à Johnny pour retrouver sa mère, Hope Starr. En effet, le détective a naguère connu cette femme à Hawaï. Hope Starr était une fêtarde, alcoolique et nymphomane. En quelques années, elle s’est mariée sept fois, elle a beaucoup voyagé avec ses époux, continuant les mêmes frasques. Des escapades qui coûtent cher, entre jeu d’argent, nuits arrosées et fête avec des hommes de rencontre. Marié avec Hope depuis deux ans, le très british colonel John Hare s’est lassé de ces turpitudes et envisage de divorcer.
Curieux de découvrir ce que cache cette disparition d’Hope Starr, c’est par le club de Joe Connors que Johnny débute son enquête. Elle a entubé le patron de l’établissement à hauteur de 10000 $. Le détective suit la trace des hôtels où Hope et son compagnon du moment se sont affichés, extravertis au point d’être virés de certains de ces hôtels. C’est avec le jeune lieutenant Stan Michaels que Hope a passé ces derniers jours. Johnny trouve bien vite la famille de cet homme. Le père, le frère, la sœur et leurs sbires cognent le détective – il lui en faudrait plus pour renoncer, affirmant que Stan Michaels et Hope Starr sont fiancés, qu’ils vont se marier d’ici très peu de temps. Bigamie ? Intéressant.
Gwen, qui n’est pas insensible au charme avéré du Haïtien, accompagne Johnny à Big Bear, la station touristique de montagne où doit être célébré ledit mariage. En effet, le couple ne s’y cache guère – la cérémonie étant pour bientôt, ce que vérifie le détective. Alors qu’il se présente dans leur chambre, Johnny constate que Stan Michaels vient d’être abattu – la silhouette de la tireuse semblant être celle de Hope Starr. Le détective est lui-même la cible de la femme qui s’enfuit, mais n’est pas blessé – il ne manque pas de réflexes. Ayant averti Gwen de l’acte criminel de sa mère frisant l’hystérie, Johnny alerte rapidement la police locale, en la personne du compétent policier Anderson.
Il n’est pas anormal qu’Anderson suspecte dans un premier temps Johnny Aloha, tant l’ensemble de l’affaire apparaît incroyable. Mais le policier a vite la confirmation du sérieux professionnel du détective. Et puis, certains détails sont étonnants : par exemple, on ne retrouve aucune empreinte de Hope Starr dans la chambre du crime où sa victime et elle s’en sont pourtant donné à cœur-joie dans les heures précédentes. Tandis que, rentré à Los Angeles, Johnny est une fois de plus menacé par un Chinois costaud, le détective commence à cerner les mystères de la disparition d’Hope et du meurtre. C’est la nommée Hilda Brunner qui détient les clés de cette affaire…
Avec ce roman (titré en VO “Johnny Aloha” ou “Death in Bed”), Day Keene (1904-1969) donnait une nouvelle démonstration de son talent de romancier. Mettre en scène un détective privé californien n’aurait rien eu de vraiment novateur, le polar de l’époque en regorge. Mais c’est un personnage singulier qu’il présente, s’inscrivant dans l’Histoire des États-Unis – l’actualité d’alors soulignant l’entrée d’Hawaï parmi les étoiles du drapeau américain. Kioni – rebaptisé Johnny – Aloha n’a rien du détective loser, ni marginal, avec un parcours volontaire faisant de lui un citoyen digne de sa nationalité. Ce n’est pas la grosse somme proposée qui l’incite à renoncer à ses vacances, mais le fait qu’il ait connu la disparue – déjà exubérante – bien des années plus tôt.
Enquête classique ? Certes, mais fort énigmatique et qui ne manque ni de péripéties, ni d’ambiance. Il est vrai que cette Hope Starr a mené depuis une vingtaine d’années une vie des plus agitées, collectionnant les riches maris et les titres de noblesse. On suit avec un grand plaisir les investigations de l’intrépide détective – qui sera secoué dans la bonne tradition, racontées avec une belle fluidité. Encore un très bon titre de Day Keene.
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