En Californie, non loin de San Francisco. Clay Edison, trente-quatre ans, est coroner à Berkeley, célèbre pour son université, dans le comté d’Alameda. Célibataire, c’est un ancien sportif. Il est chargé d’enquêter sur la mort de Walter Rennert, soixante-quinze ans, ex-professeur de psychologie à Berkeley, décédé de causes naturelles après être tombé dans l'escalier de son domicile. Telle n’est pas la version de Tatiana Rennert-Delavigne, la fille trentenaire du défunt. Elle prétend qu’on a "poussé" son père. Pourtant, quand Clay Edison examine les traitements médicaux de Rennert, dont l’un fut curieusement prescrit par un urologue, il en conclut que le mélange avec la forte consommation d’alcool du père de Tatania a pu entraîner un malaise fatal. Un dossier que d’autres classeraient rapidement.
Clay, aussi pro soit-il, n’est pas insensible au charme de Tatiana. La jeune femme a un autre argument : le décès parfaitement similaire – il y a quelques années – de Nicholas Linstad, étudiant diplômé de Rennert. Le professeur et son assistant avaient dirigé une étude qui s’est terminée par un meurtre. L’étudiant Julian Triplett, un des sujets choisis pour une étude sur l'impact de l'exposition à des images violentes sur l'apprentissage et le contrôle des impulsions, poignarda mortellement Donna Zhao, une autre étudiante de Berkeley. En 1993, l’affaire causa un scandale qui obligea Rennert à démissionner et à cesser d’explorer le thème qui lui tenait à cœur. Au procès de Julian Triplett, le professeur en psychologie Alex Delaware enfonça les théories de Rennert. Ce dernier a d’ailleurs récemment recontacté son collègue Delaware.
Tout en restant (de plus en plus) proche de Tatiana, qui déménage la maison de son père, Clay se documente sur l’affaire remontant à vingt-cinq ans. Il se refuse toujours à trop vite boucler le rapport sur la chute de Walter Rennert. Mineur à l’époque des faits, Julian Triplett a été libéré de prison environ dix ans plus tôt. Affaiblie, sa mère ne cache pas son hostilité à Clay. Elle affirme ne plus avoir la moindre nouvelle de lui depuis qu’il est sorti de prison. Le policier qui interrogea Triplett à l’époque le trouva globalement délirant, d’une instabilité agressive. Clay apprend de la part de ce flic que Triplett fut dénoncé, livrant l'identité de celui qui donna son nom. Le témoignage de Kara Drummond, la sœur de Triplett, apporterait un alibi à son frère. Personne n’en a tenu compte, vu leur lien de parenté, et on peut logiquement s’interroger sur la validité de cette version.
Quand la maison de Rennert est "visitée" en l’absence de Tatiana, Clay et elle peuvent se dire que quelqu’un rôde encore, et que ça justifie leurs doutes sur la mort naturelle du professeur. L’opinion du Pr. de psychologie Paul Sandek, dont Clay est l’ami ainsi que de sa fille, pourra peut-être orienter la réflexion du jeune coroner. Homicide ou mort naturelle, la question reste encore posée…
— C’est la vérité, insistai-je. Quand je parle avec une personne endeuillée, elle se fiche de savoir à combien d’autres personnes j’ai parlé avant elle, ce jour-là ou n’importe lequel. Et elle a bien raison. Pour elle, c’est la première fois. Elle mérite la même attention et le même respect que toutes les précédentes.
Tatiana faisait rouler son verre vide entre ses paumes comme si elle voulait fabriquer un boudin en pâte à modeler.
— Je sais que vous ne me croyez pas, pour mon père, déclara-t-elle.
Je m’apprêtais à la démentir, mais elle m’interrompit.
— Ça ne fait rien. Moi non plus, je ne me croirais pas. Mais si ce que vous venez de dire est vrai, regardez-moi dans les yeux une minute.
S’agissant d’une histoire où les auteurs père et fils nous invitent à suivre leur héros dans sa profession autant que dans sa vie privée, Jonathan et Jesse Kellerman n’ont aucune intention de révolutionner le genre. L’affaire ne se prêterait pas à des scènes percutantes, à des rebondissements spectaculaires, d’ailleurs. Sans précipitation mais avec obstination, explorant soigneusement détails et hypothèses, Clay Edison mène l’enquête sur un dossier enterré, qui ne fut pas sans conséquences pour les protagonistes d’alors. En parallèle, est évoqué le quotidien du bureau du coroner avec ses collègues, et l’évolution de la relation entre Clay et Tatiana Rennert-Delavigne. Des investigations "tranquilles" ? Certes, mais ça n’interdit pas , en filigrane, un suspense sans tension majeure – mais avec de nombreuses questions à démêler pour approcher de la vérité – celle d’hier et d’aujourd’hui.
Jonathan et Jesse Kellerman ne sont pas par hasard des best-sellers. Auteurs chevronnés, ils maîtrisent la tonalité du récit, et les arcanes de l’intrigue. Avec ce "cold case", nul doute qu’ils séduiront une fois de plus leurs lecteurs.