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6 juillet 2017 4 06 /07 /juillet /2017 04:55

Dans le Sancerrois, au temps du roi Henri III. En ce froid hiver 1584, il n’est pas rare que les loups sillonnant ces campagnes du haut-Berry s’attaquent aux humains de passage. En cas de morts violentes, c’est souvent à eux que l’on attribue les agressions mortelles. Ou alors, quand arrive à Sancerre un étranger tel que Fondari, venu du duché de Savoie, on ne tarde pas à lui attribuer tous les méfaits. Car ce n’est guère plus qu’un vagabond, ce saltimbanque accompagné d’un animal monstrueux. Fondari est montreur d’ours, souvent bien accueilli chez les seigneurs locaux appréciant les divertissements. Mais ici, ce sont les hommes d’armes du bailli Danlabre qui vont bientôt s’occuper de Fondari. C’est ainsi que son ours s’échappe et s’enfuit, disparaissant pour se cacher dans les forêts voisines.

Tandis que le montreur d’ours risque de croupir dans quelque geôle sur ordre du bailli, le jeune comte Joachim intervient et se fait expliquer la situation. C’est en voulant retrouver la petite Lison, fille de la lingère Jeanne, qui s’est perdue par peur des loups menaçants, que Fondari est tombé dans les mains de ce diable de bailli. Si Joachim est compréhensif et bienveillant, il n’en va pas de même pour son père, le comte Fulbert de Bueil, maître de la région. Ce vieux guerrier entend encore protéger sa ville comme il l’a toujours fait, assisté de son fidèle piquier Lacramont. Et, puisqu’il le faut, tous deux iront traquer l’ours dans les collines environnantes, quel que soit le danger. Son fils unique Joachim est beaucoup trop tendre, et sans doute inapte à maîtriser une pareille affaire, estime le comte Fulbert.

Si Fondari ne peut plus se réfugier dans l’auberge où il comptait loger, il trouve asile chez le curé Jacquelin. À cause des querelles religieuses encore vives, le prêtre catholique n’est pas en odeur de sainteté auprès des notables de Sancerre. Le comte Fulbert ne le reçoit jamais mais garde une certaine neutralité dû à un épisode passé. Le bailli Danlabre affiche davantage son hostilité contre le curé et sa bonne Marthe. D’ailleurs, il fait surveiller toute la ville par ses hommes, afin d’arrêter Fondari. En particulier, la maison du prêtre. Pour en sortir, le montreur d’ours doit ruser. Il parvient à tromper la vigilance des guetteurs, s’en allant chercher vainement son animal aux alentours.

Le meurtre de Gilles Pastou, un rimeur fréquentant plus que de raison les tavernes, serait passé presque inaperçu, s’il n’avait été aussi un des bons informateurs du bailli Danlabre. Puis ce fut Rémi, le fils du coutelier Mahé, que l’on assassina. Rémi était un des "mignons" tant apprécié par le même bailli. L’ours en cavale pourrait être le tueur. S’il bénéficie de la protection relative du jeune comte Joachim, Fondari n’est pas à l’abri des accusations…

Thierry Berlanda : L’Orme aux loups (Éd.de Borée, 2017) – Inédit –

— Que voulez-vous qu’un montreur d’ours venu de si loin ait eu à reprocher, au point de les tuer aussi sauvagement, à deux hommes qu’il ne connaissait pas ?
— Sa bête…
— Balivernes ! Sa bête se terre dans la forêt de l’Orme aux loup, plus effrayée sans doute par nous que nous par elle, et n’aurait pu en tout cas montrer assez de discernement pour attaquer précisément deux membres de votre police plutôt que cette enfant de Jeanne, la lingère, ou quelque autre habitant de la ville. Non, le criminel n’est ni l’étranger ni son ours, mais bien un homme d’ici, et peut-être bien un de vos familiers qui souhaite vous atteindre vous-même, monsieur le bailli, et y réussit d’autant mieux que vous ne songez pas à lui donner la chasse…

Certes, la ville de Sancerre possède une longue histoire, dont un des aspects est évoqué dans ce roman. Mais, pour pouvoir parler de "polar historique", le contexte est insuffisant, aussi bien décrit soit-il. Encore faut-il que ce soit l’intrigue à suspense qui prime. Ce qu’a parfaitement compris Thierry Berlanda, des morts suspectes constituant le moteur du récit. En ce temps-là, quand on ne guerroyait pas entre seigneuries ou pour des prétextes religieux, des bandits de grands chemins trucidaient fréquemment les voyageurs. Ou alors des bêtes sauvages et monstrueuses s’invitaient au plus près des villes et villages, afin d’occire cruellement quelques habitants, souvent femmes ou enfants.

Enquêtes et justice étaient en ces lointains siècles des notions assez vagues. Il suffisait de désigner arbitrairement un coupable, parmi les plus soupçonnables, et voilà tout. Rares étaient probablement les affaires correctement résolues. Par exemple, on a retenu le cas de Martin Guerre, possible usurpation d’identité mal prouvée. Ici, on voit le bailli Danlabre sembler mener une enquête plutôt approximative, mais peut-être est-il plus attentif qu’il ne paraît. Le rôle du jeune comte Joachim n’est pas anodin, car on imagine aisément que sans son intervention – et celle du curé Jacquelin – le sort du suspect Fondari eût été vite scellé. Grâce à une tonalité fluide, parfois même enjouée, Thierry Berlanda nous entraîne dans un fort agréable voyage dans le temps, avec quelques sombres crimes et un assassin à identifier.

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4 juillet 2017 2 04 /07 /juillet /2017 04:55

Le jour de son anniversaire, voilà une farandole de tracassins pour le commissaire Salvo Montalbano. Ça commence chez lui, à Marinella, entre un poulpe menaçant et un coup de ‘tiliphone’ orageux avec sa fiancée Livia. Ça continue en route vers Vigàta, quand il se fait agresser par un jeune conducteur nerveux. Ce Strangio, il est le fils d’un politicard de la région. Alors, forcément, il y a un avocat qui vient le défendre presto. À peine arrivé au commissariat que Montalbano doit s’occuper d’un cambriolage dans un supermarché. On y a volé la recette de la veille, mais d’effraction sur les locaux, il n’y en a pas du tout.

Le directeur semble franchement inquiet. Il est vrai que ce supermarché, il appartient à une famille mafieuse, les Cuffaro. Vraiment anxieux, le directeur devait l’être, car il se suicide le soir-même. Bonne occasion pour certains médias proches du pouvoir d’accabler Montalbano et les policiers. Quand même officieusement, le docteur Pasquano, le légiste, il pense que le directeur a été étranglé avant d’être pendu, et que c’est donc un meurtre. Le Questeur, chef de la police, est contrarié par la tournure de cette affaire. Il peut imaginer le poids de la mafia. La disparition du gardien de nuit de la banque à côté du supermarché confirme, sans doute, que le cambriolage ne s’est pas déroulé comme on le leur a dit.

Calmé depuis leur altercation, le jeune Strangio contacte Montalbano. À son retour de Rome, il vient de découvrir sa fiancée assassinée chez eux. L’assassin s’est acharné sur cette séduisante étudiante. Il ne l’a pas violée, mais il lui a asséné quarante-sept coups de couteau. L’irascible docteur Pasquano apprend à Montalbano que la victime était enceinte de deux mois. Il apparaît qu’elle recevait un amant, lorsque son fiancé Strangio était en déplacement. Quant à l’alibi du jeune homme, il est assez relatif. Le compétent policier Fazio note des approximations dans les horaires. Mais il y a sûrement une explication.

Si l’agent de police Catarella est la maladresse incarnée, il se débrouille correctement en informatique. Malgré tout, il y a une embrouille entre les deux ordinateurs du directeur du supermarché. Par contre, Catarella saura peut-être décrypter son enregistreur numérique. Le ‘catafero’ du vigile de nuit de la banque, on le retrouve abattu façon mafia. L’affaire est de plus en plus sensible, c’est pourquoi Môssieur le Questeur fait preuve d’une courtoisie exceptionnelle envers Montalbano. “Cet homme était prêt à tout pour sauver ses fesses”, ‘se pinsa’ le commissaire, se méfiant de son attitude.

De son côté, le procureur en est plus que sûr : c’est le jeune Strangio qui a assassiné sa fiancée. Montalbano est perplexe quant au scénario du crime, lui. Le témoignage de la meilleure amie de la victime va offrir des indices capitaux au commissaire…

Andrea Camilleri : Une voix dans l’ombre (Fleuve Éd., 2017)

Au lieu de retourner à son bureau, il préféra rester dehors à se fumer une cigarette. Le geste de Strangio ne l’avait nullement perturbé. Il avait très bien compris qu’il ne s’agissait pas d’une impulsion soudaine, dictée par la douleur, le désespoir ou le remords, ou allez savoir quel autre motif.
Non, ça avait été un geste exécuté de sang-froid, ‘pinsé’ et calculé au millimètre. À ce moment-là, Strangio n’avait pas perdu la tête, même s’il voulait apparaître dans cet état. Il avait à l’évidence l’intention d’obtenir un certain effet. Lequel ?
C’était le geste typique du coupable qui veut paraître innocent. C’était comme mettre sa signature sur un assassinat. Il soutiendrait avoir voulu se jeter sous la voiture par désespoir d’avoir perdu sa fiancée. Néanmoins, il décida d’arrêter d’y réfléchir, pour ne pas se faire d’idées préconçues.

Salvo Montalbano a-t-il pour tous les lecteurs le visage du comédien Luca Zingaretti, qui l’a incarné dans les adaptations télévisées ? À dire vrai, chacun se forge une image de ce commissaire sicilien. S’il se montre quelquefois grognon, c’est qu’il supporte mal l’idée de vieillir. Ses houleux échanges téléphoniques avec son éternelle fiancée, ça le maintient en forme, certainement. Les humeurs du légiste joueur de poker Pasquano, ça le ferait plutôt rire. Et les bévues patronymiques de ce brave Catarella, tout autant ! Quoi qu’il en soit, l’âge ne fera pas renoncer Montalbano à ses plaisirs de gastronome. La cuisine de son employée Adelina ou la trattoria chez Enzo, c’est un bon moyen de marquer une pause au milieu d’enquêtes énigmatiques, même lorsque plane l’ombre de la mafia.

C’est un bonheur renouvelé que de suivre Salvo Montalbano à Vigatà, entouré de son adjoint Mimì Augello, de l’enquêteur chevronné Fazio qui a “déjà fait” d’avance ce que va lui demander son supérieur, de l’irrésistible Catarella, et de tout ce petit monde. L’intrigue énigmatique est de forme classique, mais c’est évidemment la tonalité du récit qui ravit les lecteurs. Comment ne pas se sentir proches de ces personnages ? Et puis, on retient ce langage sicilien si particulier, qui nous charme toujours. Avec “Une voix dans l’ombre”, le maestro Camilleri fait mouche une fois encore.

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 04:55

San-Antonio et son fils adoptif Toinet, douze ans, ont prévu de prendre l’avion pour l’Italie. Mais leur destination sera finalement l’Autriche. Non point que leur vol ait été détourné vers le pays natal de Mozart et de Romy Schneider. C’est parce que M.Félix, vieil ami de San-A, lui a adressé un appel au secours. Sa vie de virtuose du sexe, avec son phallus de quarante-huit centimètres, occasionna bien des aventures à M.Félix. C’est d’ailleurs grâce à son pénis particulier qu’il a été invité par un universitaire du Maine, aux États-Unis. Et qu’il a mené sa petite enquête sur une étrange épidémie de variole, ses investigations le menant à Atlanta, en Géorgie. Où, ayant retrouvé des fioles contenant le virus, M.Félix en a avisé la police. À partir de là, il s’est senti en danger, et a pris le premier avion pour l’Europe. Et voilà comment il se cache chez une amie bossue à Vienne.

M.Félix pense être encore traqué, et ce n’est pas de la paranoïa. Quand on approche du "Top Secret" américain, il faut s’attendre à avoir la CIA aux fesses. San-Antonio organise une exfiltration en douceur et en ruse pour son ami. Sauf que ça se complique, lorsque le petit Toinet et M.Félix disparaissent avant le transfert. Accompagné de la jolie viennoise Heidi, San-A inspecte les abords de la Grande Roue, au Luna Park du Prater. Pas de traces de Toinet. Contretemps qui n’empêchera certes pas San-Antonio de faire des galipettes sexuelles avec la séduisante Heidi. Alors intervient Conrad, le petit-ami de la donzelle. Si le couple a voulu faire du chantage, San-A retourne la situation. Après tout, Conrad est un gugusse qui peut éventuellement l’aider.

San-Antonio pense avoir trouvé un stratagème pour identifier ses adversaires. Il va utiliser une "doublure" et observer ce qu’il advient. Le remplaçant est malmené par la bande en question, c’était quasi certain. Quand la polizei locale se mêle de l’affaire, ça n’arrange rien du tout. Au contraire, ça dézingue encore davantage. San-Antonio prend la fuite, avec une prisonnière ennemie blessée. Pas sûr qu’elle tienne longtemps le choc, celle-là. San-A a appelé à la rescousse l’inénarrable Bérurier, flottant toujours entre beuverie et obsession du sexe, et Jérémie Blanc, son jeune ami Noir. C’est plus sur ce dernier qu’il doit compter, surtout lorsqu’il s’agit de secouer le comparse des ravisseurs de M.Félix et de Toinet. Pour causer, il va causer, le bonhomme. Et en plus, les trois Français prennent sa compagne en otage. C’est une pompiste qui se fera un plaisir de pomper Bérurier.

Les adversaires, ce sont des espionnes bulgares, ou polonaises. Enfin, tout ça sent un coup tordu des services secrets russes communistes. Y a intérêt à occire quelques-unes de ces nénettes armées. Pour sauver Toinet et M.Félix, pas indispensable d’agir en finesse, surtout quand on est avec le gros de la troupe, à savoir Bérurier. Cette histoire de guerre des virus entre Russkofs et Ricains, elle pourrait bien se conclure à Atlanta, Géorgie…

San-Antonio : Baisse la pression, tu me les gonfles (Pocket, 2017)

La vie viennoise est là, simple et tranquille. Je me dirige vers une station de taxis et demande à l’un d’eux de me conduire à la gare. Une fois à destination, je découvre une agence de location de bagnoles et y loue une Audi 200 break, noire, qui me fait songer à un corbillard que j’ai beaucoup aimé.
Il y a encore, dans la vieille Europe, des pays qui ne vivent pas mais qui fonctionnent bien et j’ai l’impression que l’Autriche est de ceux-là. Pas besoin d’avoir son bac à choléra, comme dit Béru, pour comprendre qu’ici les pendules sont à l’heure, les commerçants honnêtes et les routes regoudronnées chaque année. M’est avis que si l’archiduc Roro s’est praliné la coiffe, c’est parce qu’il se faisait tartir comme un pou sur une tronche de chauve. J’aurais tellement de mal à m’acclimater dans une nation pareille que je préférerais aller apprendre aux Pygmées à jouer au Scrabble.

Que les lecteurs n’ayant jamais entendu parler de San-Antonio lèvent le doigt… Ah si, il y en a quand même un petit nombre. Ce héros imaginé par Frédéric Dard à la toute fin des années 1940 a été un des plus gros succès d’édition du 20e siècle. C’est dû en partie à la désinvolture et à la séduction de ce policier atypique. Au fil de ses 175 aventures (plus quelques hors-série), San-Antonio nous entraîne dans de virevoltantes péripéties pleines d’humour… et de jolies femmes, toujours prêtes à succomber à son charme incontesté. Il est entouré de personnages annexes qui, pour la plupart, n’engendrent pas la mélancolie. "L’hénaurme" inspecteur Bérurier et sa grassouillette épouse Berthe ; Achille dit le Vieux, patron de la police ; le flic souvent à côté de ses pompes César Pinaud ; Félicie, la "brave femme de mère" de San-A… et toute une série de personnes hautes-en-couleur.

Cet épisode des aventures de San-Antonio date de 1988, une quarantaine d’années après sa création. C’est dire que son univers s’est étoffé au long des décennies. On retrouve le petit Toinet, adopté par le policier et sa mère alors qu’il était bébé, âgé de douze ans et déjà fort intéressé par la sexualité. Jérémie Blanc, lui, n’est entré dans le cercle des amis de San-Antonio que depuis 1986. D’origine africaine, c’est un jeune homme brillant, grand et athlétique, aussi vif dans l’action que peut l’être son mentor. Les épisodes sans Bérurier ne manquent pas de rebondissements, mais il y ajoute cette fantaisie, ce brin de folie, que l’on adore. On le constate ici, une fois encore. Faut-il le rappeler, San-Antonio, c’est aussi (ou d’abord) ce langage inventif introduisant une complicité avec le lecteur. Agréable de relire les tribulations de San-Antonio ? Oh oui, on ne s’en lasse jamais.

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1 juillet 2017 6 01 /07 /juillet /2017 04:55

À New York, au cœur des années 1960. Âgé de trente-deux ans, le lieutenant Kerrigan est un policier efficace, quoiqu’un peu trop vif dans certains cas. Suite à l’interpellation d’un conducteur ivre, Frank Kerrigan risque quelques ennuis. Car ce fils d’avocat, soutenu par le témoignage de sa fiancée, est puissant. C’est ainsi que Kerrigan est rétrogradé simple sergent, muté dans les rues peu reluisantes de Staten Island. C’est à peine mieux quand il est affecté au Service Spécial. Il y est assisté par Jane Boardman, jeune stagiaire pas du tout aguerrie. Leur mission consiste à piéger les satyres pervers, Jane servant d’appât. Leurs résultats sont très bons. Peut-être est-ce pour ça qu’on les associe à l’affaire Reddy.

Les frères Reddy sont des caïds de la pègre, en attente de leur procès. Des témoins ayant pu les incriminer ont été éliminés. Le troisième, un certain D.Brown, fut leur comptable. Il ignorait les malversations de ses clients. Depuis neuf mois, de nombreux inspecteurs ont essayé de le retrouver, vainement. Ils n’ont pas ménagé leurs efforts, mais son ancienne adresse est caduque, et les traces administratives et bancaires n’ont rien donné. Il y a peu de chances que Kerrigan et Jane en découvrent plus. Malgré tout, ils se rendent dans l’immeuble où vécut ce Brown, dont personne ne se souvient. Ils retrouvent le précédent gardien des lieux, qui se montre coopératif. Selon lui, Brown était un veuf vivant là avec une fillette de moins de dix ans. La gamine était souffreteuse, timorée, solitaire.

Kerrigan et Jane obtiennent bien une autre adresse, mais ce n’est que le garde-meubles que Brown chargea de son déménagement. Deux sbires des frères Reddy ont, d’ailleurs, suivi la même piste que le duo, quelques temps plus tôt. Chercher un père et sa fille peut s’avérer plus aisé pour Kerrigan et Jane. Même s’il existe plusieurs écoles dans ce quartier new-yorkais, c’est une voie à explorer. Il se confirme que la fillette maladive se nomme Mary Brown, mais les enseignants ne savent ce qu’elle est devenue, plusieurs années s’étant écoulées. De retour au dernier domicile connu, le duo rencontre un voisin. Celui-ci avait réussi à apprivoiser la petite Mary, qui lui fit des confidences. Utiles indices.

Kerrigan et Jane commencent à mieux cerner l’univers familial des Brown. L’épouse étant décédée, il n’est pas idiot de s’adresser aux pompes funèbres, pouvant avoir des archives. La petite Mary étant en mauvaise santé, il faudrait retrouver le médecin traitant, ou ses fiches de patients. Ce n’est pas du côté des Stein, les parents Juifs pratiquants de Mme Brown, qu’ils auront de l’aide. Via les écoles du secteur, Jane pense avoir repéré Brown et Mary. Manquant d’expérience, sa trouvaille n’aboutit qu’à une impasse. Toutefois, il reste au duo d’autres possibilités, en exploitant tout ce qu’ils trouvent autour de la petite Mary. C’est urgent, car le procès des Relly approche…

Joseph Harrington : Dernier domicile connu (Série Noire, 1966)

— Un acte de décès, répondit Kerrigan, c’est une vraie mine de renseignements. Ça vous apprend une foule de chose. Par exemple, le nom et l’adresse du médecin qui a soigné le défunt au cours de sa dernière maladie. Si c’est un médecin de famille, il soigne peut-être encore Brown ou la petite Mary ? À New York, les gens déménagent pour un oui ou pour un non, mais ils aiment bien garder le même médecin. Celui-là connaîtrait peut-être l’adresse actuelle de Brown, et du même coup leur apporterait la solution de tous les problèmes. Autre chose : les entreprises de pompes funèbres ont des registres sur lesquels les gens venus présenter leurs condoléances inscrivent leurs noms. Ça, ça peut être précieux ! Personne ne sait rien de Brown, ni de sa famille, ni de ses origines. Il se peut qu’un frère, une sœur, un oncle ou une tante ait inscrit son nom et son adresse. Et qui saura sans doute où habitent aujourd’hui D.Brown et Mary…

L’Américain Joseph Harrington (1903-1980) fut l’auteur d’une trilogie ayant pour héros le policier Frank Kerrigan, publiée dans la Série Noire : Dernier domicile connu (1966), Le voile noir (1967), La dernière sonnette (1970). Si le premier titre est resté dans les mémoires, c’est parce que “Dernier domicile connu” a été transposé au cinéma par José Giovanni, en 1970. Lino Ventura et Marlène Jobert incarnent les principaux personnages, versions françaises de Kerrigan et de Jane. Un duo qui fonctionne bien, et un rôle sur mesure pour Lino Ventura, entre rudesse et sensibilité. Très beau succès public.

Le roman de Joseph Harrington relève de la "procédure policière" absolument classique, et de qualité supérieure. La première subtilité consiste à nous présenter les mésaventures initiales du policier Kerrigan, lieutenant rétrogradé injustement. Le deuxième élément est que sa nouvelle partenaire est une jeune femme. Au milieu des années 1960, même aux États-Unis, on trouvait sûrement peu d’enquêtrices dans la police. Troisième point de cette intrigue : au départ, le mystère est total au sujet du nommé Brown, patronyme d’une grande banalité. En découvrir davantage que leurs collègues ayant planché sur la question durant de longs mois, creusant toutes les pistes, c’est carrément improbable.

D’autant que l’action se passe à New York, mégalopole en mutation permanente. On y déménage souvent, peu d’infos à attendre du voisinage ni des gardiens d’immeubles ; les noms des rues ont pu changer, des témoins éventuels sont décédés entre-temps. Kerrigan et Jane ont toutefois un avantage : “C’est ça qu’il y a d’épatant dans cette mission… On a affaire à des gens bien. Ça nous change !” dit la jeune policière. S’il existe une notion de banditisme dans l’histoire, le duo n’est pas directement confronté à la pègre. L’obstination et le sens du détail, ainsi qu’une certaine complémentarité, leur permettra d’aller au bout de leurs investigations. Un excellent suspense à redécouvrir, ça ne fait aucun doute.

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30 juin 2017 5 30 /06 /juin /2017 04:55

Mike Logan, sa compagne Jessica Hurley et leurs deux enfants, ont quitté San Francisco pour revenir à River Falls, dans les Rocheuses. Logan a bien vite été réélu shérif, poste où il s’illustra par de fortes enquêtes quelques années plus tôt. Il peut compter sur une solide équipe, dont la lieutenante Lindsay Wyatt. Dotée d’un sacré flair, rationnelle autant que rassurante, elle est sans doute la meilleure enquêtrice de River Falls. Le cadavre nu d’une jeune fille de quinze ans, Scarlett Whelan, vient d’être découvert en pleine nature. La mise en scène est horrifique autour du corps, et des symboles relatif au tarot figurent tout près. Le père réclame avec excitation que l’assassin soit retrouvé et traité sans pitié. L’autopsie montrera que le tueur a enduit le corps d’un répulsif, pour que les bêtes ne l’abîment pas.

Stephen Callahan est, lui aussi, de retour à River Falls, treize ans après en être parti. Ce reporter de guerre s’installe dans le manoir de sa sœur et de la famille de celle-ci. Durant ce séjour d’une durée illimitée, Callahan va collaborer au journal local. Pour la rubrique culturelle, il est assistée de Marion, stagiaire de dix-huit ans, nièce du patron du journal. Le meurtre de Scarlett ne les concerne pas, à première vue. Ils doivent écrire un article sur le Big Circus, le cirque d’Esméralda qui s’est posé depuis peu à River Falls. Le premier contact avec les artistes du Big Circus est plutôt hostile. Comme s’ils avaient des choses à cacher. Mais pour Callahan lui-même, n’y a-t-il pas un épisode de son passé qu’il préfère passer sous silence ? Marion et le reporter s’intéressent bientôt à la mort de Scarlett.

Mike Logan et Lindsay Wyatt ont une piste sérieuse : Sam, le petit ami Noir de la victime. Il loge dans un ghetto de marginaux, et s’enfuit à leur arrivée. Pourchassant le suspect, le duo de policiers frôle la noyade. Hélas, le jeune Sam perd la vie. Alors que Jessica Hurley et leurs enfants rentrent par surprise à River Falls, Logan tient une autre possible piste. Un des artistes du Big Circus, un clown, possède un passé de pédophile. Malgré la descente de police au cirque, les charges sont minces. “Après un SDF, un saltimbanque, ironisa Esméralda. Clive n’a rien à vous dire. Si vous voulez lui parler, il faudra revenir avec un chef d’accusation”.

Entre-temps, Stephen Callahan a renoué avec la policière Lindsay Wyatt. Adolescents, ils partagèrent trois années de passion juvénile. Des retrouvailles intimes sont imaginables, mais le contexte s’y prête-t-il ? Scarlett Whelan n’a pas été l’unique victime du tueur. Ce dernier cherche peut-être à provoquer le shérif, voire à se venger de lui. À moins que les prémices de l’affaire ne remontent bien plus loin, motivées par une folie criminelle…

Alexis Aubenque : Retour à River Falls (Milady Thriller, 2017) – Inédit –

Sous le choc, Stephen se laissa entraîner par Mingus. Il n’avait jamais cru aux divagations des voyants. Pourtant, il avait rencontré des chamans dans l’Himalaya. Il avait même fumé avec eux, vu tant d’images incroyables, mais il savait que tout n’était qu’hallucinations. Sous l’effet des drogues, le cerveau transcendait la réalité, et se donnait l’illusion d’entrer dans de nouvelles dimensions.
Mais, cette fois, c’était différent. Il n’était sous l’emprise d’aucune substance psychoactive et il avait nettement ressenti un frisson lui traverser le corps quand la voyante s’était révulsée. Lui qui n’avait jamais été un mystique s’en trouvait perturbé. Avait-elle vu quel homme il était vraiment ? Était-elle réellement capable de prédire l’avenir, son avenir ?

À partir de 2008, Alexis Aubenque publia une trilogie de polars se déroulant à River Falls. Le deuxième opus, “Un automne à River Falls, a été récompensé par le Prix Polar 2009 au salon Polar&Co de Cognac. Depuis, cet auteur a une dizaine d’autres polars à son actif. Le shérif Mike Logan apparaît dans une autre trilogie, "Nuits noires à Seattle". Le voici de “Retour à River Falls”, pour un nouveau titre inédit. Ce roman est publié en format poche, ce qui convient parfaitement. Car ce genre d’intrigues correspond à la belle tradition de la littérature populaire, avec ses suspenses qui furent longtemps publiés en poche. La Série Noire, le Fleuve Noir et bien d’autres collections mythiques en attestent. Des romanciers tels Alexis Aubenque, plutôt productifs et inventifs, s’inscrivent dans cette lignée-là.

Les deux points forts sont évidents. River Falls forme un petit univers, avec ses décors et ses personnages, que l’auteur maîtrise très logiquement depuis la première série. À l’aise, il donne libre cours aux péripéties de cette enquête agitée, et même parfois nerveuse. Le second élément, c’est le climat empreint de mystère. Avec des suspects tous azimuts, et des secrets bien dissimulés. Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à suivre les pas du shérif, d’un côté, et du reporter, de l’autre. Enquête et action sont au rendez-vous !

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28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 04:55

Novembre 1971. Edgar Fillot est directeur de la PJ, au Quai des Orfèvres. D’ici peu, il va goûter à une retraite méritée après une longue carrière dans la police. Avec son épouse Mathilde, ils iront s’installer dans les Landes. Pour l’heure, Fillot a pour assistant Harald Dumarais, sympathique colosse et authentique limier, âgé de trente ans. Il a de quoi être surpris par la lettre anonyme qu’il vient de recevoir, car elle concerne une des premières enquêtes auxquelles il participa. Le 16 mai 1937, dimanche de Pentecôte, une femme de vingt-neuf ans fut poignardée dans le wagon de 1ère classe du métro, où elle se trouvait seule passagère. Il était 18h37. Aucun témoin ne vit l’assassin. D’origine espagnole, cette Dolores Rinconada était une jeune veuve, une coquette ouvrière qui fréquentait volontiers les bals populaires parisiens.

Bien qu’il y ait depuis longtemps prescription, Edgar Fillot a conservé un dossier personnel sur cette affaire qui n’a jamais été résolue. Dolores Rinconada fut un temps employée par une agence de détective. On la soupçonna d’accointances avec des services d’espionnage. On imagina qu’elle ait pu être exécutée par la Cagoule, l’extrême droite fascisante. C’était un crime de sang-froid, pas l’œuvre d’un fou, Fillot en est certain. La chronologie minutée des faits est établie, mais le coupable – sans doute présent aux alentours – ne fut jamais inquiété. Ce que confirme la lettre anonyme. Elle émane d’un ancien étudiant en médecine qui fut le soupirant de la belle Dolores. Harald Dumarais et son supérieur prennent très au sérieux ce courrier. D’autant que le correspondant inconnu ajoute un détail, seulement connu des policiers et du meurtrier.

Même si le procureur Chambérand est un vieil ami de Fillot, il ne peut autoriser l’ouverture d’une nouvelle enquête. Il vaut mieux qu’il ignore leurs investigations officieuses. À la Fac de Médecine, les recherches dans les archives risquent fort de rester infructueuses pour Harald. Pourtant, grâce à sa ténacité, le policier déniche l’identité d’un doctorant de 1942. Les indices semblent correspondre. Alors qu’arrive la retraite landaise pour Fillot et la patiente Mathilde, alors que ce grand diable romantique d’Harald a probablement trouvé l’amour avec sa Jeanne-Jane en cours d’enquête, est-il encore temps de pourchasser l’assassin de Dolores ? Trente-cinq ans plus tard, tant de choses se sont passées depuis le meurtre du soir de la saint-Honoré 1937…

David Morales Serrano : 18h37 (Éd.De Borée, 2017)

— … Liotard a bien essayé de la faire parler, mais il n’y avait que des râles qui sortaient de sa bouche. Pauvre fille… Ah, voilà le croquis de la scène de crime et voilà un schéma du déroulement supposé des faits. C’étaient des brouillons.
Dumarais a pris les documents que je lui tendais et s’est mis à les examiner consciencieusement, professionnellement. J’avais l’impression de lui donner en pâture une faille de ma carrière ce qui, en tant que supérieur hiérarchique, me dérangeait un peu, mais en tant qu’enquêteur cela me ravissait car j’étais persuadé qu’il allait m’aider à le refermer. Au bout de quelques minutes, il a annoncé :
— Joli travail ! Vous étiez doué en dessin…

Ce roman s’inspire d’un dossier criminel bien connu : l’affaire Lætitia Toureaux. À quelques détails près, puisqu’il ne s’agit pas d’une reconstitution de l’enquête. Par exemple, si la vraie victime était d’origine italienne, Dolores Rinconada est native d’Espagne. Le directeur de la PJ Edgar Fillot est un clone de Max Fernet, le véritable directeur, qui mit un terme à ce dossier dans les années 1960. La lettre reçue ici par les policiers doit beaucoup à la confession écrite en novembre 1962 par un médecin de Perpignan, qui s’accusait d’être l’assassin de Lætitia Toureaux.

Resté énigmatique, le "crime du métro" suscita quantité d’hypothèses, car la victime apparut bien moins sage que son statut d’ouvrière le laissait supposer. Espionne, ou plutôt agent infiltrée pour dénoncer les anti-fascistes ? La version est plausible. Quant au rôle de la Cagoule, on ne peut nier que l’extrême droite exécutait souvent d’éventuels ennemis. La jeune femme n’ayant pas la réputation d’être chaste, un motif plus intime est possible. Quoi qu’il en soit, c’est un cas de "crime parfait" qui figure dans les annales. Dans cette fiction, David Morales Serrano introduit donc des différences, conservant la même base.

La belle intelligence de ce roman, c’est d’éviter de nous présenter un récit linéaire, façon "rapport de police". Fluidité et souplesse sont au rendez-vous. Non seulement le narrateur Edgar Fillot laisse, dans certains chapitres, la parole à son adjoint Harald, mais sont aussi restituées les ambiances du début des années 1970 et de 1937. Policiers et meurtriers ne sont, finalement, que des êtres humains.

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26 juin 2017 1 26 /06 /juin /2017 04:55

Il affiche une certaine nonchalance. Ses vêtements sont un peu passés de mode. Il circule dans le vieux Combi de ses parents. Il cultive le souvenir de sa jeune compagne disparue. Il ne dit jamais non aux occasions alcoolisées. Ce grand rouquin qu’est Léo Tanguy exerce l’activité de cyber-journaliste, publiant ses articles sur son site internet. Généralement, il sillonne la Bretagne, sa terre d’origine, ses racines. Cette fois, c’est dans les Cévennes, du côté de Saint-Hippolyte-du-Fort, qu’il va traîner ses guêtres. Le Vidourle est un fleuve qui se jette dans la Méditerranée, pas dans l’Atlantique, c’est dire le dépaysement pour Léo. Il est invité aux noces de son amie Maïa, une belle Antillaise, avec le musclé Sébastien.

Ça se passe dans un mas rénové en gîte qui est la propriété de Paolo, oncle de Sébastien. Cet Italien a vécu une jeunesse militante, agitée, d’activiste ayant dû s’exiler. S’installer dans la montagne cévenole, bon moyen de tourner la page, de se faire oublier en vivant une vie plus tranquille. Encore que, depuis quelques temps, ce territoire intéresse des industriels voulant exploiter le gaz de schiste. Sachant les conséquences dramatiques sur l’environnement, un comité local s’y oppose, dont Paolo fait partie. La menace est réelle car Paul Debors, héritier d’un notable d’ici, est prêt à vendre ses terrains. Il lui arrive de provoquer la population organisant des meetings contre les projets liés au gaz de schiste.

Les noces de Maïa et Sébastien réunissent un grand nombre de leurs amis. Un "mariage" tout en symboles, une belle façon de faire une vraie fête. Léo ne croise pas si souvent des jeunes femmes aussi excitantes que la sculpturale Angelina, fille de Paolo. Il tombe illico sous son charme, mais n’est pas assuré que puissent exister des affinités entre un Breton pur beurre et une ravissante Italienne décomplexée. Au lendemain de la fiesta, Paolo est embarqué par les gendarmes. On l’accuse d’avoir agressé Paul Debors, qui passe bientôt de vie à trépas. Le boulanger Julien explique la situation à Léo. Il y a eu une altercation entre Paolo et Debors lors du dernier meeting, en effet. Mais l’Italien n’a tué personne.

Léo mène sa petite enquête au village. Il pose des questions à la brune Marielle, qui tient un bistrot d’habitués. Il interroge Gégé, militant devenu beaucoup plus modéré avec l’âge, quelque peu en froid vis-à-vis de son fougueux ami Paolo. Gégé laisse entendre qu’il y aurait une autre piste, Paul Debors ne maquant pas d’ennemis. En réalité, Paolo possède un véritable alibi, mais la personne concernée ne tient nullement à s’exposer. Dans les Cévennes comme ailleurs, les rancœurs peuvent être tenaces : même trente ans après, on ne peut exclure qu’il s’agisse d’une vengeance…

Sylvie Rouch : De l’eau dans l’gaz – Léo Tanguy (Éd.La Gidouille, 2017)

— Les seules personnes qui ont besoin d’une preuve de son innocence, ce sont ceux qui sont venus ici ce matin, qui l’ont emmené sans sommation et qui vont pas le lâcher de sitôt !
— On peut voir les choses autrement, intervient Léo pour clore ce différend stérile entre les deux femmes. Maintenant qu’on a la certitude que Paolo est innocent, trouvons qui d’autre aurait pu s’en prendre à Debors. Vous n’en avez aucune idée ? demande-t-il à Jeanne.
— Malheureusement non. Des gens qui n’aimaient pas beaucoup le fils Debors pas plus qu’ils n’aimaient son père avant lui, j’en connais beaucoup. C’était pas quelqu’un de charismatique et personne le portait vraiment dans son cœur… Mais de là à le suivre jusqu’à son domicile et à le tabasser à mort… non, je ne vois pas.

Sylvie Rouch fait partie des auteurs qui, voilà bientôt dix ans, imaginèrent le personnage de Léo Tanguy. Elle publia en 2008 le deuxième titre de la série, "L’immobilier flambe, le SDF brûle". Par ailleurs, elle a écrit plusieurs romans noirs dont "Meuf mimosas" (1998, un épisode du Poulpe), "Corps mort" (2006, Prix ‘Polar dans la ville’ du festival de Saint-Quentin-en-Yvelines), "Décembre blanc" (2010), ainsi que des nouvelles et des livres pour la jeunesse. Elle signe aujourd’hui une nouvelle enquête de Léo Tanguy, journaliste atypique, fouineur et décalé, curieux des dysfonctionnements de la société et des crimes que cela entraîne parfois. Léo n’est pas un justicier cherchant à tout prix le coupable, c’est plus sûrement un témoin de notre époque, pas si sereine.

Le gaz de schiste ! Au nom de l’indépendance énergétique, ce serait l’avenir. Des écolos-médiatiques seraient même favorables à des "expérimentations" ciblées, en France. L’air contaminé par les déchets, la pollution des sols, la santé publique, des sites remarquables détériorés par ces exploitations, les exemples catastrophiques dans d’autres pays ? Pas grave… Vive le progrès, qui détruit tout pour devenir très vite rentable. La perplexité des populations risquant d’être touchées par ces projets peut se comprendre. Les lobbies de l’énergie et de l’industrie ont aussi leurs arguments. Tel est le contexte de cette intrigue, s’inscrivant dans l’esprit du roman noir, qui va ainsi plus loin qu’un simple polar d’enquête. Si l’ambiance est tendue, ça n’interdit pas quelques francs sourires.

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24 juin 2017 6 24 /06 /juin /2017 04:55

Avec son collègue et mari, le sergent Jim Chee, l’agente Bernadette Manuelito est membre de la police navajo, dont la juridiction s’étend sur la réserve indienne, située en Arizona pour l’essentiel. Le couple habite à Shiprock. Ils se montrent respectueux des traditions et de la culture navajo. Lors d’une récente affaire, le lieutenant retraité Joe Leaphorn – que tous deux admirent – a été grièvement blessé. Sa compagne Louisa reste auprès de lui le temps de sa convalescence. Bernie et Jim Chee s’accordent quelques jours de vacances du côté de Monument Valley. C’est dans ces décors que John Ford tourna les extérieurs de ses mythiques westerns. Paul, un frère de clan de Jim Chee, qui compte y organiser des visites touristiques, a invité pour quelques jours le couple amoureux du désert.

Malgré le charme du site, Bernie est bientôt inquiète. Sa jeune sœur Darleen a encore une fois laissée seule leur mère Mama, diminuée physiquement. Bien que chargée de veiller sur elle, Sœur Cadette est partie s’enivrer, avant d’être placée en dégrisement. Bernie est de retour chez Mama, s’occupant de tout. Elle reste en contact avec son supérieur Largo, au sujet d’une arrestation intervenue juste avant ses congés. Le comportement d’un conducteur nommé Miller était fortement suspect. Il a tenté une forme de corruption, et il y avait des boîtes de terre avec un fusil dans le coffre de son véhicule. En panne, la caméra de sécurité n’a pas filmé l’arrestation. Selon Largo, rien d’illégal n’est retenu contre Miller. Rentrant chez Mama, Darleen semble prête à devenir plus raisonnable.

Jim Chee a été engagé pour compléter l’encadrement policier d’un tournage de film, près de Monument Valley. Sa première mission consiste à retrouver Melissa, une jeune femme de l’équipe, supposément perdue dans le désert. Fascinée par le paysage, elle faisait des photos. C’est avec elle que Jim Chee découvre une curieuse sépulture récente. Après avoir réglé un incident causé par deux adolescentes, intruses autour du tournage, Jim Chee va enquêter sur cette tombe "anormale". Il est accompagnée de Rosella Tsinnie, une policière navajo expérimentée et rugueuse, l’équivalent de Joe Leaphorn qui l’a formée.

Pour elle, il peut s’agir d’un coup de pub, vu que le film en tournage est une histoire de zombies. Mais le producteur nie la chose. Par ailleurs, on a trouvé des traces de sang dans une chambre d’auberge des environs, ainsi qu’un singulier bijou perdu. Bernadette fait la connaissance de l’élégant David Oster. Ce technicien de San Francisco est expert en énergie solaire, qui pourrait devenir une richesse du désert. L’agent du FBI Jerry Cordova arrive à la rescousse, concernant l’affaire de l’automobiliste Miller. Mais, avec ou sans son chien Buddy, ce conducteur n’est sans doute pas l’homme le plus dangereux de la région. L’opinion de Joe Leaphorn ne serait pas inutile à Bernie comme à Jim Chee, avant un final qui risque d’être explosif…

Anne Hillerman : Le Rocher avec des ailes (Éd.Rivages, 2017)

D’ordinaire, elle dormait toute la nuit sans interruption, continuait de sommeiller en dépit du vacarme des orages estivaux, des soucis qu’elle rencontrait dans son travail, des complications qu’elle vivait avec sa mère, sa sœur ou Chee. Mais cette fois, elle ne parvenait pas à fermer l’œil, s’agitait. Elle tenta de se concentrer sur sa respiration et sur les techniques de maîtrises du stress qu’on lui avait enseignées pendant sa formation au métier de policière. Mais au lieu de s’assoupir, son esprit revenait sur les événements récents et les faisaient tourner en rond dans sa tête comme autant de stimulations mal venues.
Le Lieutenant, son mentor, qui se remettait de sa blessure par balle au cerveau. La prochaine fois qu’elle le verrait, elle lui parlerait de l’étrange nervosité de l’homme aux boîtes remplies de terre. Leaphorn s’intéressait à ce qui sortait de l’ordinaire. Elle revit la façon dont il lui avait souri, pour la première fois après l’agression, quand elle l’avait vu la semaine passée. Ce souvenir lui apporta la paix.

Joe Leaphorn et Jim Chee, de la police tribale navajo, sont des personnages que créa Tony Hillerman (1925-2008) pour une série de suspenses ethnologiques, dix-huit aventures dont douze ensemble. Sa fille Anne Hillerman (née en 1949) a décidé de poursuivre ces enquêtes avec les deux héros. Mais c’est l’agente Bernadette Manuelito qui est vraiment au centre de “La fille de la Femme-Araignée” et de “Le Rocher avec des ailes”, les premiers titres qu’elle a concoctés. Dans ce nouvel épisode, l’ex-policier Leaphorn reste très affaibli, ne s’exprimant que par écran interposé. Chacun de son bord, Jim Chee et sa compagne Bernie mènent l’enquête sur des cas apparemment sans lien, dans des lieux différents. Il n’est pas exclu que leurs investigations puissent se rapprocher.

L’intrigue énigmatique est bien présente, ne manquant pas de péripéties. Les tracas familiaux de Bernadette "humanisent" cette héroïne, qui n’est pas que policière. Mais c’est aussi – ou en priorité – du territoire navajo et de sa culture dont il est question dans cette histoire. “Le Rocher avec des ailes” désigne un site typique, où furent tourné des westerns de qualité, ce qui offre une opportunité touristique au peuple navajo. Dans l’esprit des suspenses de son père, Anne Hillerman nous présente des descriptions et des éléments de cet univers que les Amérindiens entendent préserver. Excellent roman.

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