Quadragénaire, le capitaine Gérard Bastide est le chef d’un groupe de la PJ parisienne. Rue de l’Échiquier, un meurtre a été commis. La victime est Frédéric Lagarde, soixante-huit ans, ancien grand patron du 36, retraité depuis quelques années. Le mot "Trahison" a été inscrit près du cadavre. On situe facilement l’heure du crime puisque peu avant, ce matin-là, il est passé à la boulangerie avant de revenir à son domicile. Bien que l’équipe de Gérard Bastide soit immédiatement mobilisée, force est de constater que le criminel n’a pas laissé de traces. L’épouse de M.Lagarde ne lui connaissait pas d’ennemis, d’autant qu’il n’était plus en poste depuis longtemps. D’ailleurs, en tant que directeur, il ne traitait pas directement les dossiers. Donc difficile d’imaginer la vengeance d’un condamné.
Quand le juge Yann Kerguelec est mortellement agressé dans un parking, Bastide pense que ce peut être l’œuvre du même tueur. Néanmoins, aucun lien apparent entre les deux crimes, si ce n’est que le même genre de couteau a été utilisé. Selon sa greffière, le juge Kerguelec ne s’occupait pas d’affaires sensibles. Pour ne rien négliger, les policiers arrêtent une bande de proxénètes roumains, ainsi qu’un médiocre voleur togolais – trop repérable pour être l’assassin, impliqués dans les deux derniers procès en cours du juge. Bastide se doute bien que ces voies-là sont sans issue. La troisième victime est Aldo Mazan, gardien de la paix retraité. Sur le lieu du meurtre, outre le roman "Maigret a peur" de Simenon, certains indices peuvent évoquer d’éventuels rites sataniques.
Un flic de base tel que Mazan n’avait assurément aucun rapport avec un chef de la police comme Frédéric Lagarde. Ni l’un ni l’autre ne furent en relation avec le juge Kerguelec. L’équipe de Bastide situe bientôt un suspect. Ce bibliothécaire féru de polars, ce qui était aussi la passion d’Aldo Mazan, entraîne les enquêteurs dans les catacombes. L’homme, qui a suivi l’affaire du triple crime, a son hypothèse. Un point commun quelque peu relatif, car M.Lagarde ou le juge ne s’intéressaient que peu aux récents polars ayant été récompensés par des prix littéraires. Malgré tout, Bastide ne veut écarter aucune possibilité. Capucine Lafargue, de l’Identité Judiciaire, a déniché un ADN surprenant. Très improbable, puisqu’il correspond à celui d’un détenu qui s’est suicidé en prison voilà peu de temps.
Lorsqu’il reçoit un cercueil miniature, Gérard Bastide n’a pas tort d’y voir une menace et d’éprouver des craintes. Pour le moins, l’assassin paraît ainsi le défier. Le policier retourne rue de l’Échiquier. Peut-être que certains éléments y ont été trop vite occultés. Tandis que le tueur potentiel quitte la France pour le Québec, l’enquête progresse quand même…
Tous se regardaient maintenant, unis dans un mutisme qui en disait long sur la situation. Et comme eux, les mots, les techniques et les hypothèses paraissaient groggy à force de heurter le mur de l’impasse. Un sport, un cheval, un avion, ça a un but, ça sait où aller. Mais là, le brouillard était épais, la visibilité nulle et les orientations limitées. Désabusés, surtout pas ! Décontenancés, un peu ! Un point positif, le rapport du légiste. Et encore, on en avait vu d’autres qui s’étaient trompés. Mais admettons. Deux assassinats, une arme, et rien, pas de lien. Ils le savaient tous : les bases du crime étaient l’argent, le sexe, la jalousie, l’arrivisme parfois. Mais là pas de vol, pas de maîtresses connues, un retraité et un magistrat sans prestige manifeste. Là le terrain était sec, peu propice aux odeurs pour les chiens d’arrêts qu’ils étaient. Si un trop-plein de pistes éparpille, la disette ankylose. Et là, pas le choix. Une professionnelle du joufflu et son client d’un côté, un Mesrine de supérette de l’autre, faute de mieux, c’est là-dessus qu’il leur fallait gratter.
Comme dans son roman “Beau temps pour les couleuvres” (Éd.du caïman, 2014), Patrick Caujolle nous raconte une enquête policière dans “Le prix de la mort”. Logique, puisque ce fut longtemps le métier de cet auteur. Si les investigations de la police permettent parfois de cibler rapidement un suspect principal, dans l’entourage de la victime ou parmi des individus fichés, d’autres cas sont bien plus énigmatiques. L’aspect scientifique est un bon atout, mais croiser des témoignages ou se souvenir d’affaires comparables, vérifier dans les archives et comparer des états-civils, ça fait partie de l’activité des enquêteurs. Ceux-ci agissent en équipe, ce que souligne Patrick Caujolle, même si c’est Gérard Bastide qui dirige les opérations. Le boulot de flic est clairement au cœur de cette histoire.
Il s’agit d’une fiction ponctuée de faits se rapprochant de la réalité, côté délinquants en particulier. On notera de franches allusions à l’univers du polar, ainsi qu’au mythe du 36 Quai des Orfèvres. Une intrigue se nourrit de péripéties variées, de questions ne trouvant pas d’évidentes réponses, de pistes même incertaines à explorer, avec l’ombre d’un assassin obéissant à ses propres motivations. Autant de situations fort bien exploitées par Patrick Caujolle, dans ce roman policier très sympathique.
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