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3 décembre 2009 4 03 /12 /décembre /2009 07:19
 

Émile Gaboriau (1832-1873) fut un des précurseurs de la Littérature policière.L’affaire LerougeetMonsieur Lecoqétablirent quelques-unes des bases du roman d’énigme. Gaboriau était conscient de l’aspect ludique du mystère:Le rôle du lecteur est de découvrir l’assassin. Le rôle de l’auteur est de dérouter le lecteur. Voilà toute ma science.Réédité en 2009 dans la collection Piccolo, chez Liana Levi,Le petit vieux des Batignollesest un roman court méritant d’être redécouvert.

Paris, 19e siècle. Étudiant en médecine, Godeuil a sympathisé avec le voisin qui l’intriguait tant, Monsieur Méchinet. Cet homme semblant mener une vie agitée s’avère être un policier. Ce jour-là, un crime ayant été découvert au 39 rue Lécluse, le duo se précipite sur les lieux. C’est un vieux monsieur aisé, ancien coiffeur, que l’on a poignardé dans son appartement. Traçant le début d’un nom avec son sang, la victime a désigné son assassin. Il s’agit de Monistrol, neveu et héritier du vieux monsieur. D’ailleurs, la concierge l’a vu arriver vers neuf heures et repartir à minuit. Pourtant, Godeuil remarque que la victime a écrit ces signes de la main gauche, ce qui parait improbable. En outre, l’étudiant diagnostique une mort immédiate du poignardé.

Pendant ce temps, Monistrol a été arrêté à son domicile. Tout de suite, il a admis son crime. Sa séduisante épouse Clara a eu beau protester de l’innocence de son mari, on a mis le suspect en cellule à la Préfecture. Godeuil offre au policier Méchinet un bon indice, un bouchon oublié qui servit à protéger la lame du poignard. La concierge témoigne que le vieux monsieur, bien que fort aimable, se refusait à avancer la moindre somme d’argent au couple Monistrol. Elle confirme avoir vu passer la silhouette du neveu, ainsi que son fidèle chien, le soir du meurtre. Méchinet et Godeuil se rendent ensuite au Quai des Orfèvres, où le suspect affirme toujours être coupable. Des aveux incertains, car il ignore visiblement tout des faits réels. À moins qu’il ne joue la comédie ?

Caroline Méchinet, l’épouse du policier, expose à son mari et à leur jeune voisin son opinion sur l’affaire. Pour elle, si Monistrol est bien le coupable, la belle Clara serait l’instigatrice du crime. Manquant d’expérience mais pas de réflexion, l’étudiant Godeuil reste convaincu de l’innocence du suspect. Il accompagne le policier dans le quartier où les Monistrol tiennent une modeste boutique. Rusant avec les commerçants du voisinage, M.Méchinet constate que Monistrol est estimé de tous. L’opinion sur sa femme Clara est plus mitigée, mais sans rumeur négative à son encontre. Mme Monistrol les reçoit quelque peu théâtralement dans sa boutique. Il se confirme que son mari n’a pas d’alibi pour la soirée du meurtre, tandis qu’elle possède plusieurs témoins. Godeuil se demande si le désespoir de la jeune femme est vraiment sincère. Le policier Méchinet doit se montrer subtil pour découvrir la piste déterminante…

Écrit vers 1870, ce court roman apparaît aujourd’hui comme l’archétype du récit d’enquête. On peut y détecter beaucoup d’éléments dont se serviront plus tard d’autres romanciers, de Sherlock Holmes (le narrateur préfigure Watson) à Georges Simenon (personnages issus de la population-type, bourgeois ou petites gens). On a même un policier qui s’oppose à la version acceptée par sa hiérarchie, ce qui rappelle bon nombre de romans plus récents, parfois noirs. On devine que Gaboriau veut éviter certains effets trop faciles, courants dans le roman populaire d’alors. Nous avons ici l’ambiance parisienne de l’époque et une intrigue fort habile, avec toutes les hypothèses nous venant à l’esprit. Lire “Le petit vieux des Batignolles”, ce n’est pas seulement compléter sa culture-polar, c’est surtout une vrai plaisir.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 07:21
 

Il était temps que Virginia Valmain, belle détective de 32 ans basée dans la région de Dunkerque, nous raconte ses exploits. C’est chose faite, dansLes disparus de l’A16(Ravet-Anceau, Polars en Nord), que Virginia Valmain cosigne avec le romancier Maxime Gillio. On y fait la connaissance de cette fougueuse enquêtrice, souvent impliquée dans des affaires agitées.

D’abord, il est nécessaire de présenter brièvement ses remarquables associés. Sa tante Mère-Grand est une corpulente lesbienne, spécialiste (entres autres) en informatique et en réparties vachardes. Quant à Lao-Tseu, comme son nom ne l’indique pas, c’est un géant Malien au QI faiblard mais aux muscles puissants. Deux énergumènes manquant un peu de distinction, mais plutôt efficaces. Afin de glaner quelques infos, Virginia fait aussi appel à David, beau gosse surnommé “Curly” pour des raisons intimes. En outre, la détective est proche du policier Adam Bathany, qui aimerait bien reconquérir son ancienne amante Virginia. Voilà pour la photo de groupe des protagonistes.

La jeune femme est engagée par l’épouse anglaise d’un des disparus de l’affaire Saint-Folquin. C’est dans ce village en bordure de l’A16 qu’ont disparu depuis six mois quatre hommes et une femme: Évelyne Maes, femme au foyer d’Angers; Raymond Tournier, cuisinier à Limoges; Brian Slatter, chauffeur routier anglais; Dirk Rummenigge, footballeur pro allemand; et Jos Vandewaele, citoyen belge. On ne voit guère de point commun entre eux. Peut-être que les fréquents changements de clubs du footeux allemand peuvent fournir une piste. Mais rien ne confirme réellement qu’il soit le pivot de l’affaire. À Saint-Folquin, l’ambiance est dantesque quand y débarquent en camping-car Virginia et ses amis. C’est particulièrement vrai à l’auberge des Dupuis, où ils font la connaissance de Silke. Cette journaliste allemande enquête (natürlich) sur le cas de son compatriote.

Florine Zoonekind, la maire du village, dont le visage s’orne de pustules et autres rebutants boutons, admet que ces disparitions ont dopé le commerce local. Mais elle ne sait rien de plus. La présence de la détective semble déranger, car le camping-car de Mère-Grand est vandalisé. Un détour par Angers lui fait découvrir la famille de nazes d’Évelyne Maes, père et enfants aussi écœurants de bêtise crasse. Chez la pieuse épouse du disparu belge, Virginia constate qu’il n’y est pas regretté. Sa cliente, la femme de l’Anglais, n’étant pas plus agréable, la détective en conclut que la plupart des disparus étaient mal mariés. Quand Lao-Tseu est agressé avec violence à Saint-Folquin, c’est encore un avertissement menaçant. Que l’arme, une clé à molette, provienne de chez le ferrailleur du village, beau-frère de Mme le maire, ne prouve sans doute rien.

Quand l’aubergiste Dupuis est assassiné, Virginia n’oublie pas que l’épouse du défunt le cocufie avec un discret amant, peut-être depuis plusieurs mois. David “Curly” serait bien avisé de s’interroger sur la belle journaliste Silke, devenue si câline avec lui. Quand réapparaît Évelyne Maes, celle-ci affirme avoir été séquestrée par des extra-terrestres, témoignage incertain mais fort précis. Après deux autres meurtres, Virginia va devoir démêler les nœuds de cette énigme, sachant qu’elle a probablement plusieurs adversaires distincts…

La pétulante héroïne (le qualificatif lui correspond idéalement) installe une complicité amusée avec le lecteur, un peu à la manière d’un San-Antonio. Outre ses pittoresques associés, auxquels une dose de vulgarité ne fait pas peur, Virginia est confrontée à une galerie de personnages hauts en couleur. (Formule sobre, qui évite de souligner qu’ils sont carrément déjantés, grotesques, etc.) Nous sommes ici dans une comédie à suspense, revendiquée comme telle. Néanmoins, exploiter une veine comique ne suffit pas pour captiver. Miss Virginia n’oublie pas de nous rappeler que nous sommes dans un polar vrai de vrai, où la gaudriole doit laisser une large place à l’intrigue. C’est pourquoi elle nous présente une véritable affaire criminelle, avec ses mystères et une cascade de péripéties, sans oublier une pléiade de suspects et moult rebondissements.

Parmi les éléments souriants, on notera le passage (en guest-star) de Didier Daeninckx, ou cet extrait musical, dans lequel Silke veut retenir David :« — David, ne me quitte pas ! Moi ich t’offrirai des Perlen de pluie venues de Länder wo il ne pleut pas. On a vu souvent rejaillir le Feuer von un ancien volcan qu’on croyait zu vieux. Ich te promets le Salz au grüsse von mein bouche. Laisse-moi une dernière chance ! Ach, tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras…

 

Paroles ! Paroles ! Paroles !

Nein, ne m’abandonne pas ! Comme quand meine Mutter sortait der Abend et qu’elle me laissait allein mit mein désespoir. Ich bin malade ! Ich te donne alle meine différences ! Alles ces défauts qui sont autant de Chancen ! »

Une aventure dynamique et débridée, une enquête énergique. C’est tellement réjouissant que l’on en redemande !

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1 décembre 2009 2 01 /12 /décembre /2009 07:24
 

Parmi lesNouveaux mystères de Paris, de Léo Malet, évoquons un des titres quelque peu oublié de la série, "Pas de bavards à La Muette" (1956).

L’affaire qui amène le détective Nestor Burma dans le quartier parisien de Passy-La Muette est assurément “un truc sans bavure”. Les bijoux de Mme Ailot ont été dérobés par son ancien chauffeur, Yves Bénech. Il s’agira tout simplement de retrouver l’employé indélicat et les bijoux volés. Au besoin, Nestor Burma peut verser une petite somme au type pour qu’il se montre compréhensif. Aucun pépin à craindre, semble-t-il. Burma s’installe dans le même hôtel qu’Yves Bénech, visite sa chambre, le cherche auprès d’un gros homme chauve (qui mène une insolite vengeance). S’ensuit une discussion nocturne avec l’ancien chauffeur devenu voleur, qui va réfléchir à son offre. Peu après, Bénech est assassiné.

Encore un cas simple, que ce meurtre. Bénech a été supprimé par Suzanne, la nièce de Mme Ailot. Un brin dérangée du cerveau, la jeune femme (elle a vingt ans) était droguée au moment des faits. Tout ce qu’elle risque, c’est l’asile. Triste, à cet âge, bien sûr. D’ailleurs, le commissaire Florimond Faroux n’aime pas la tournure de cette affaire.
Tant qu’on n’a pas retrouvé les bijoux, Burma estime que sa mission n’est pas terminée. Il reste dans le même hôtel, où il reçoit la visite musclée d’un certain Lozère. Des truands seraient donc mêlés à cette histoire déjà embrouillée ? Pour y voir plus clair, le détective appelle à la rescousse sa secrétaire Hélène et son adjoint Zavatter. L’attitude de M.Ailot envers sa femme et leur fils mérite qu’on s’interroge, autant que sur la discutable authenticité des bijoux disparus. Le meurtre d’un joaillier Juif permettrait-il d’expliquer certains faits ?

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 07:18
 

Le public français avait découvert le commissaire Van In, héros créé par Pieter Aspe, dansLe carré de la vengeance(2007). Cette série publiée chez Albin Michel connaît un beau succès, puisque voici déjà la cinquième aventure du policier brugeois,Le collectionneur d’armes(2009).

Patrick Claes est un trader réalisant de spectaculaires opérations financières. Son épouse Judith le croit mort quand elle le découvre peu après une agression. Le voleur a emporté sa précieuse collection d’armes à feu. Face au commissaire Pieter Van In, assisté de son adjoint Guido Versavel, la sensuelle Judith dit tout ignorer des faits. De retour dans sa luxueuse propriété après hospitalisation, Claes est interrogé par le duo de policiers. Sa version les laisse sceptiques, quand il affirme ne pas avoir vu l’agresseur. Le puissant Claes n’est pas de ceux qu’on bouscule pour obtenir la vérité. Hannelore Martens, la compagne de Van In, étant la juge d’instruction chargée du dossier, on n’enterrera pas l’affaire. Si Stefaan Wille vit dans une aisance certaine, ce n’est pas grâce à son métier de barman. Ce traficoteur accepte d’acquérir la collection d’armes volées, qu’il espère revendre à bon prix, peut-être à Claes lui-même. Il n’en aura pas le temps, car on le retrouve assassiné peu après. Chez lui, aucune trace des armes dérobées, sauf la liste de celles-ci. On finit par les découvrir dans sa voiture, mais il manque un ­“coffret de duel” avec ses deux pistolets. La police ignore que l’objet disparu contient aussi une disquette informatique compromettante.

Hannelore et Van In émettent quelques hypothèses sur le lien entre meurtre et vol, que tous deux estiment trop simplistes. Le couple passe la soirée au “Privilège”, le club libertin où Wille était vaguement barman. Faisant pression sur le personnel, ils obtiennent le nom d’une relation de Stefaan Wille, le romancier Victor Anderson (de son vrai nom Olaf Asselberghs). Degruyter, un repris de justice à peine sorti de prison, est anonymement dénoncé comme étant l’assassin de Wille. Même s’il connaissait la victime, il nie l’avoir tuée. Pendant ce temps, Claes et son épouse se livrent à leur petit jeu favori : il enferme Judith dans leur cave-bunker. D’ordinaire, cette “punition” est suivie d’un “cadeau”. Mais le mafieux Serov, associé de Claes dans certaines opérations, exige qu’il se fasse oublier. Le majordome Cardoen, au service du Russe, s’occupera de Judith et de la propriété. D’ailleurs, quand Hannelore s’invite chez Claes, Cardoen se fait passer pour le maître des lieux. Doutant quand même, la juge surveille et piste le faux Claes, prenant quelques risques inconscients. Van In et Versavel contactent le romancier Olaf, devinant vite un lien entre Judith et lui. Olaf est bientôt assassiné à son tour. Ce second meurtre disculpe Degruyter…

Le terme “roman d’enquête” n’est probablement pas approprié dans le cas présent. D’abord, Van In s’intéresse davantage à sa compagne Hannelore et à leurs petits jumeaux, tout en éclusant sa ration de Duvel, tandis que Versavel observe, en ami fidèle du couple. Par la suite, les policiers sont loin d’imaginer quel imbroglio cache cette petite affaire de vol, suivi de plusieurs meurtres. Ils ne savent pas que des politiques (et le supérieur de Van In) sont impliqués dans une magouille financière de Claes. Ils ne connaissent pas la sculpturale Joyce qui, d’amant en amant, joue son propre jeu. Les rôles du mafieux Serov et de son sbire, ils ne les découvrent que tardivement. Quant aux curieuses expériences du couple Claes, ils n’en ont aucune idée. Malgré cette ignorance de tant de détails (et c’est là que réside le talent de l’auteur) l’histoire évolue à bon rythme, avec ses péripéties, une part de suspense (Hannelore a disparu) et un certain humour. C’est ainsi qu’on se laisse charmer par cette histoire brugeoise, certes tarabiscotée, mais finalement solide. L’univers du commissaire Van In nous offre un très bon moment de lecture.

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29 novembre 2009 7 29 /11 /novembre /2009 10:32
 

Si on cite toujours "J’irai cracher sur vos tombes" (1946), parmi les romans noirs de Boris Vian (publiés sous le pseudo de Vernon Sullivan), on devrait évoquer aussi le suivant, "Les morts ont tous la même peau" (1947). Ce roman est aussi dense, sombre et ironique que le premier.

Dan est videur dans un bar de New York depuis cinq ans. Ce métier lui convient. Il est marié à Sheila, avec laquelle il a un enfant. Il arrive à Dan de faire l’amour avec la première fille venue, une de ces prostituées fréquentant le bar. Il estime ne pas vraiment tromper son épouse. Depuis peu, Dan éprouve quelques états d’âme. Voilà cinq ans qu’il cogne sur les excités, quand ceux-ci se montrent trop agressifs. Il frappe des ivrognes Blancs. Bien que ça ne se remarque pas, lui-même est Noir. Plus exactement, Dan est un sang-mêlé qui a réussi à cacher ses origines, alors qu’ils ne devrait pas se trouver chez les Blancs. Ça lui a longtemps plu de corriger des Blancs, mais ça l’amuse maintenant moins. Il ne sait dire pourquoi. Peut-être que, trop bien intégré, il est devenu Blanc ?

Dan a un frère, Richard, qui est visiblement Noir. Un jour, en l’absence de Sheila, Richard se rend chez Dan afin de le faire chanter au sujet de ses origines noires. Il n’existe qu’une solution, supprimer le maître chanteur. D’autant que la menace a une influence sur la virilité de Dan. Il n’a pu faire l’amour à son épouse depuis. Il doit supprimer son frère, en se ménageant un alibi. D’ailleurs, qui se souciera de la mort d’un Noir ? Hélas, la maîtresse de Richard est témoin du meurtre. Elle dénonce Dan, qui doit prendre la fuite. La presse se déchaîne contre le criminel. Tandis que Sheila envisage le divorce, Dan se planque. Ses chances de s’en sortir sont infiniment minces...

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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 07:11
 

Action-Suspense a déjà évoqué les romans de Sylvain Jazdzewski (cliquez ici). Il vient de publier son nouveau titre “Macchab’ en eau douce”, dans la collection Riffle Noir. On aura bientôt l’occasion d’en parler ici. Sylvain Jazdzewski a répondu à une interview dans le fanzine DEVYLS-CROZIAN. Voici quelques extraits de cet entretien, où il démontre son non-conformisme.

Vos livres se déroulent dans des villes imaginaires. Pourquoi ?

S.J.: Je ne vois pas l’intérêt de situer l’action très exactement. La fiction, c’est aussi ça, ne pas lire un dépliant touristique… Je crée des personnages et une ville. La ville ne doit pas être décor/excuse… Je trouve plus satisfaisant de faire évoluer mes personnages dans des rues aux noms plus évocateurs que ceux qu’on peut trouver… J’aimerais une rue George Harrison, une rue Almodovar ou une nationale Miles Davis. Alors je préfère inventer des noms de rues qui me plaisent… Je ne pense pas écrire pour les personnes qui veulent retrouver leur rue ou leur quartier.

On a l’impression que le style est important, chez vous ?

S.J.: C’est sûr que je n’écris pas comme Proust ou d’Ormesson… Je préfère utiliser un langage qu’on dirait parlé, oral plutôt qu’un langage chiadé. Alors là oui, c’est clair, je me mets à dos le grammairien et le pseudo respectueux de la langue, le lecteur du Goncourt aussi bien que celui qui croit qu’il ne faut pas dire “des chevals”. Mais j’assume. La langue française est un polysystème en perpétuelle évolution.

Plutôt Céline que Mauriac ?

S.J.: Le problème avec Céline, c’est les gens qui disent : J’aime bien, mais… J’en ai rien à foutre qu’il ait été antisémite. Je n’ai pas lu et ne lirai jamais Bagatelle pour un massacre pas plus que je ne lirai Mein Kampf ou autres balivernes raciste, nazie, communiste, colonialiste, guerrière ou faisant appel à la haine. Simplement, chacun a ses opinions et on n’est pas obligé de les partager. Donc, oui Céline est un grand auteur, et je ne dirai jamais : J’aime bien, mais… L’autre problème, c’est qu’on lui est systématiquement comparé dès qu’on s’éloigne du style traditionnel. Faudrait un peu dire à ces gens-là que Bardamu était un passeur, une borne dans la littérature et pas un maître étalon. Depuis, d’autres comme Audiard ou San-Antonio ont fait entrer le langage dans une autre dimension. On retrouve le même problème avec Zola. Dès qu’on traite un sujet dit social, on est comparé à l’auteur de Germinal. C’est gonflant. Et ça dénote une culture scolaire par trop envahissante… Faut réveiller les gens saturés de normalité…

Pourtant vos personnages sont caractéristiques, représentatifs de la société française ?

S.J.: Plutôt tournés vers les marginaux, oui, mais pas que… Chez moi, les gens ne sont ni bons, ni mauvais, ils tentent d’exister comme tout le monde, se débattent dans la merde ambiante. Pas de cocktails à l’ombre des piscines, pas de serial killers qui dégomment à tout va ou de mafieux qui gèrent des quartiers malfamés. Par contre, des gens qui n’arrivent pas à payer leur loyer, des qui slaloment entre dégoût et tristesse, des qui n’arrivent pas à vivre la vie telle qu’elle devrait être, des qui sont écrasés par la morosité, ça oui…

Polar ou roman noir ?

S.J.: Je préfère parler de roman noir. Comme la vie de mes personnages. Polar oui, car on y trouve des éléments propres à une enquête. Mais pas roman policier, surtout pas… Il faut différencier le polar du côté de l’ordre, bien propret, avec rien qui dépasse, et celui qui fait tâche, qui sort des sentiers battus… Chez moi, le flic n’est pas un parangon de justice, il sait très bien que tout ça c’est magouille et compagnie. Comme dans la vie, on trouve plusieurs crimes commis et un parcours aléatoire entre le bien et le mal, ou plutôt l’ignorance et le savoir… Et puis, écrire sur un flic, ça ne me correspond pas. Pour moi, le flic c’est celui qui m’arrête parce que je n’ai pas d’assurance bagnole ou qui me dit de dégager. Je ne peux décemment pas écrire sur ce genre de personnage. Ou alors, il est hors norme, comme mon Ledru. J’écris plus pour ceux qui se font arrêter dans la rue que pour ceux qui veulent que les chaussettes à clous protègent leur petit capital…

Venu de la poésie, aviez-vous le besoin de changer d’univers ?

S.J.: Je voulais raconter des histoires, ce que je faisais déjà avec ma poésie. Donc, oui, créer un personnage récurrent et le voir évoluer, cette idée m’a été suggérée par mon éditeur. Dans La tectonique des ploucs et sa suite Les rentiers de la perdition, Ledru combat plus ses propres problèmes que le crime… Dans La guerre des mistons, ce soit trois gosses qui sont confrontés aux mêmes genres de problèmes… J’essaie de ne pas m’enfermer dans des clichés. Même si j’en utilise certains comme les mafieux russes ou la secte satanique. Et puis, il fallait éviter le trip classique: un crime et le flic qui résout le truc. Là, il évolue avec son collègue et Germaine, et préfère participer à une association qui tente d’aider les junkies. On n’est pas chez Navarro, quoi… Macchab’ en eau douce est le suivant. On y retrouve Ledru dans un schéma plus classique, à savoir un crime de départ qui reste une énigme tout au long du récit…

Quels sont vos auteurs préférés ?

S.J.: Pas facile de répondre à ça. Cendrars, Bloy, Du Bellay, Cioran, Calaferte, Marcel Aymé, pour les classiques comme on dit. Goodis, Ken Bruen, Siniac, Pouy, Philip K.Dick, Dantec, Kureishi, Charyn, Schopenhauer, liste non exhaustive… De toutes façons, j’ai plus été influencé par les critiques comme Patrick Eudeline ou Philippe Garnier, ou les traductions des textes de Paul Weller, Ray Davies ou Neil Young. C’est ça qui m’a incité à écrire…

© fanzine DEVYLS-CROZIAN.

Les romans de Sylvain Jazdzewski sont publiés par Le Riffle :
www.leriffle.com

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 07:27
 

Paul Doherty figure probablement en tête des plus célèbres auteurs de polars historiques. Les amateurs ont forcément lu un ou plusieurs épisodes de sa série Hugh Corbett, de celle consacrée à frère Athelstan, d’une autre consacrée à Kathryn Swinbrooke, ou de la série Amerotkê qui se déroule dans l’Égypte ancienne. Avec “Le calice des esprits (inédit), Paul Doherty inaugure chez 10-18 une nouvelle série, ayant pour héroïne Mathilde de Westminster. Il nous entraîne dans un voyage au 14e siècle, entre la France et l’Angleterre.

En 1307, rien ne prédestinait la jeune Mathilde de Ferrers à servir les intérêts de la reine Isabelle de France, dite la Louve... Recueillie à la mort de son père par son oncle Réginald, un templier érudit, elle apprend l’art des potions et devient une physicienne accomplie. Quand le roi Philippe de France décide d’anéantir l’ordre du Temple, Mathilde n’a d’autre choix que de se cacher au cœur même de la maison royale. Devenue la demoiselle de chambre de la princesse Isabelle, promise à Edouard II d’Angleterre, elle découvre la dangereuse vie politique de la Cour. Entre les pourparlers du mariage et l’exil vers Londres, les meurtres et les intrigues se succèdent. Mais rien n’échappe à l’œil vigilant de Mathilde, qui devra maintes fois faire appel à son savoir et sa sagacité pour permettre à la future reine d’accomplir son destin.

Ambiance avec ce petit extrait, peu après que Mathilde soit entrée au service d’Isabelle de France, comme Dame de chambre. La Cour royale est réunie pour un banquet, auquel elle assiste, remarquant un des participants:

“C’était Sir John Casales, un bel homme vigoureux, l’air d’un soldat-né, dur et maigre, l’œil aux aguets, la bouche ferme, les cheveux grisonnants coupés courts (…) Immobile, j’observais et me souvenais. Les Écossais avaient tranché la main droite de Sir John Casales à la bataille de Falkirk. Il avait rendu visite à mon oncle, mais c’était bien des années auparavant. Je priai en silence la Vierge Marie qu’il ne me reconnaisse pas. Le regard de Casales, perçant comme celui d’un renard, glissa vers moi puis se détourna. Nous nous étions rencontrés voilà bien longtemps, et je restais alors dans l’ombre de mon oncle. Je me consolai en pensant que pour un homme comme Casales, je n’étais rien de plus qu’une quelconque servante.”

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26 novembre 2009 4 26 /11 /novembre /2009 20:20
 

La blogosphère accueille un nouvel espace consacré à la Littérature policière, mais aussi au jazz. Selon nos informations, il serait l'œuvre d'un spécialiste reconnu, déjà présent sur plusieurs sites. Il semble vouloir proposer des chroniques sur le monde du polar et sur celui du jazz. Et il y présenterait également des interviews de romanciers. Un sérieux concurrent s’annonce pour les sites polardeux ! Le plus simple est d’aller vérifier sur


http://mysterejazz.over-blog.com

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