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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 07:12
 

Voilà un Omnibus qui, s’il ne relève pas strictement du polar, plaira à tous les amateurs de comédies riches en péripéties et en suspense.Cancres Ltd & Cieregroupe quatre romans de Tom Sharpe : “Porterhouse”, “Panique à Porterhouse”, “Le cru de la comtesse”, “Fumiers et compagnie”. Les amateurs d’histoires satiriques et de scènes explosives vont adorer. Ce petit résumé de “Porterhouse” ne peut donner qu’un modeste aperçu de la fantaisie du récit.

SHARPE-Omnibus2010Porterhouse est le nom d’un des plus dignes collèges de Cambridge. Si d’autres établissements évoluent, personne ne souhaite changer quoi que ce soit dans les traditions sclérosées de Porterhouse. Pourtant, elles sont bien désuètes et rétrogrades. Le nouveau Maître qui vient diriger le collège pourrait bousculer les règles. Homme politique raté, dominé par son épouse – une harpie extrémiste, il prétend avoir des idées progressistes. Pour Marmiton, le vieux chef-portier de Porterhouse, ce nouveau Maître est un révolutionnaire. Il ne peut que nuire au collège, auquel Marmiton a consacré toute sa vie. Le Doyen, le Lecteur, et tous les responsables de l’établissement pensent de même. Ils feront tout pour s’opposer au Maître. Ils sollicitent même un Général, ancien élève de Porterhouse, qui fera bien peu pour les aider.

À la suite d’un sérieux accident, le Maître trouve une occasion en or de rénover le collège. C’est aussi le moment de tenter des réformes. Avec le soutien relatif d’un des responsables, il propose d’appliquer au plus tôt des idées neuves. Ses adversaires possèdent un atout favorable. Un ancien élève, qui ne garde pas un trop bon souvenir de Porterhouse, est animateur de télévision. Son thème, c’est la défense des vieilles valeurs anglaises. Voilà l’homme qu’il leur faut pour mener une campagne de dénigrement contre le Maître. Quant à Marmiton, il ne comprend pas ce qui lui arrive. On l’éjecte après tant d’années, alors même qu’il allait offrir se maigres économies pour rénover le bâtiment détruit. Il est sous le choc, ne réalisant pas non plus que le directeur de sa banque lui annonce une bonne nouvelle…
Tom Sharpe croque ici des personnages caricaturaux à souhaits au cœur de situations désopilantes, utilisant une tonalité grinçante ou satirique. Conservateurs ou progressistes, tous sont visés. Un humour omniprésent, que l’on retrouve dans “Panique à Porterhouse”, écrit vingt ans plus tard.

Empruntons à Marc Madouraud la présentation des deux autres titres de cet Omnibus : “Le cru de la comtesse met en scène deux justiciers improvisés, un élève débile et son professeur, qui se rendent en France pour sauver – du moins le croient-ils - une comtesse en péril, semant le chaos dans un château-hôtel qui abrite une délégation de politiciens fascistes. Fumiers et Compagnie raconte l’expédition d’un ex-yuppie, crétin et défoncé à l’extrait de crapaud, qui détruit sur son passage la vie d’un commissaire ripoux, d’une bande de retraités acariâtres, d’un inspecteur borné et de quelques policiers trop zélés.” (dans le “Dictionnaire des Littératures Policières”, de Claude Mesplède).

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2 mars 2010 2 02 /03 /mars /2010 07:37
 

Gianrico Carofiglio fut publié chez Rivages. C'est aujourd'hui dans la collection Seuil Policiers que paraitLes raisons du doute(2010). Un roman diablement savoureux, qui ne se résume pas à son intrigue criminelle.

À Bari, Guido Guerrieri est un avocat quadragénaire à la compétence reconnue. Il est contacté par Fabio Paolicelli, condamné pour trafic de drogue. Au temps de leur adolescence, ce cogneur fasciste était surnommé Fabio Ray-Ban. Guido se souvient d’avoir été agressé par ce type et sa clique de fachos. En prison, Fabio donne sa version. CAROFIGLIO-2010Revenant de vacances au Monténégro avec son épouse et leur fille, sa voiture a été contrôlée. Quarante kilos de cocaïne quasi-pure y étaient cachés. Bien qu’il ait proclamé son innocence, il a été inculpé. On l’a incité à choisir un douteux avocat romain, Maître Macrì. Celui-ci fut incapable de limiter la condamnation de Fabio, et se comporta assez bizarrement. Ne pouvant oublier la violence d’antan de l’accusé, Guido hésite à accepter la défense de Fabio.

Ce n’est pas tant l’étude du dossier qui décide l’avocat. Il tombe immédiatement sous le charme de Natsu, l’épouse d’origine italo-japonaise de Fabio. Et il ressent une compassion impuissante pour la mignonne fillette du couple. Natsu n’a rien noté de suspect durant leurs vacances au Monténégro, ce qui n’aide guère Guido. Il contacte son ami policier Carmello Tancredi. Ce dernier confirme que la version de Fabio est plausible, que des cas similaires se sont déjà produits. Il va tenter de chercher d’éventuels indices. L’avocat demande à une de ses relations, juge antimafia à Rome, de s’informer sur l’énigmatique Maître Macrì. À l’issue d’une soirée mondaine, Guido se rapproche de la belle Natsu. Les investigations du policier Tancredi ne sont pas vaines : un suspect mafieux se trouvait sur le même bateau de retour du Monténégro que la famille de Fabio. Hélas, ni Fabio, ni son épouse ne reconnaissent cet homme en photo.

Discrètement, Guido et Natsu deviennent amants. L’avocat s’en veut de profiter de la situation, mais c’est un peu sa revanche sur l’ex-cogneur fasciste. Son ami juge antimafia, magistrat désabusé, lui révèle que Maître Macrì a un passé plutôt trouble. N’exerçant pas vraiment, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’il soit au service de la mafia. Utiliser le rôle de Macrì lors du procès initial pour obtenir la révision en appel, c’est théoriquement possible. Toutefois, s’agissant d’un avocat qui peut se retrancher derrière le secret professionnel, ça reste incertain. À l’audience, Guido rejette donc la transaction pénale pouvant alléger la peine de prison. Il sollicite une modification partielle de l’instruction. Les témoignages de Natsu et de Fabio n’ajoutent rien à la procédure. Guido compte utiliser les infos dénichées par le policier Tancredi pour déstabiliser Maître Macrì…

D’une belle fluidité, le récit alimente un bon suspense quant au dénouement du procès en appel. La stratégie judiciaire de ce Perry Mason italien n’est pas sans risque pour son client, et pour lui-même. Malgré tout, la tonalité de l’histoire s’avère plutôt souriante. L’avocat pratique une délicieuse autodérision : “Naturellement, je n’avais aucun autre engagement : j’avais livré cette réponse dans le seul dessein de me donner un genre. Que ce soit clair, je mène une vie mondaine tourbillonnante. Je n’ai rien du pauvre type qui passe ses soirées à lire des dossiers à son cabinet, à encaisser des coups de poings au gymnase, ou tout au plus à aller au cinéma en solitaire en s’efforçant de ne pas penser à sa fiancée qui l’a quitté.” S’il ne parvient pas à être mari et père, il réussit quand même à être l’amant de l’épouse de son client. Il faut aussi apprécier les portraits de personnages annexes, comme ce libraire insomniaque ouvrant sa boutique la nuit, ce juge qui cherchait la Justice et qui a rencontré la Loi, ou ce collègue avocat extériorisant ses fantasmes érotiques. La narration enjouée rend ce roman fort réjouissant.

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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 07:16

Après “Le temps du loup” (réédité chez 10-18 Domaine policier), Thomas Kanger nous propose une nouvelle enquête de son héroïne, dans “Les disparus de Monte Angelo” (collection Sang d’encre, Presses de la Cité). Un roman très réussi, qui mérite assurément un Coup de cœur.

Lasse de son métier, la commissaire de police Elena Wiik décide de prendre des vacances impromptues. Elle quitte Västerås, en Suède, et roule jusqu’au sud de l’Italie. Le village de Monte Angelo est idéal pour assouvir son besoin de repos complet. Sur une plage déserte des environs, Elena croise un homme prénommé Alex. Ils deviennent amants, et vivent une relation passionnée durant un mois. Quand Alex est découvert poignardé, Elena subit un terrible choc. Interrogée par le compréhensif capitaine Morelli, elle admet ne rien savoir de précis sur Alex. KANGER-2010-1Rentrée en Suède, Elena est hospitalisée pour une grave dépression. Le soutien de ses parents et de ses amies lui sont utiles. Mais c’est le fait d’être enceinte de sa relation avec Alex qui lui permet de surmonter ses tourments.

Après la naissance de sa fille Mina, Elena reprend contact avec Morelli. Depuis un an, on n’a toujours pas déterminé l’identité de son amant. L’enquêteur italien lui adresse les maigres éléments dont il dispose. Pour que le père de sa fille ne reste pas un anonyme, Elena doit en savoir plus. C’est en fouillant dans le passé universitaire d’Alex, passionné d’astrophysique, qu’elle apprend les origines croates de celui-ci. Elle se rend à Šibenik, à la recherche des traces d’Alexander Kupalo, engageant à ses frais une jeune interprète. On lui dit que cette famille a disparu durant la guerre, une douzaine d’années plus tôt. Selon un couple âgé, les Kupalo s’étaient installés à Knin, ville à majorité Serbe à l’époque. Elena et l’interprètent s’y rendent. L’archiviste de la mairie s’absente après leur passage, et la police locale se montre courtoise mais réticente.

M.Simic, collègue des parents Kupalo, confirme leurs décès à cause de la guerre. Elena repère un vieux paysan semblant savoir quelque chose. Ce Bogdan Zir est bientôt retrouvé mort. La police retient la version d’un suicide, bien que ce soit improbable. Elena retourne plus tard à Andeoska Gora, le village de Bogdan Zir. Celui-ci occupait une propriété ayant appartenu à la famille Dodola, décimée durant la guerre. Même si Elena se refuse à y croire, il semble prouvé qu’Alex a été impliqué dans le meurtre de toute la famille Dodola.

De retour en Suède, elle est contactée par un juge de La Haye, chargé des crimes en ex-Yougoslavie. Ses informations pourraient disculper Alex. Par contre, les deux fils de Bogdan Zir sont directement suspectés. L’un a été tué, l’autre se trouvait récemment en Allemagne, à Brême. Elena va devoir faire une nouvelle fois le voyage jusqu’à Šibenik et Knin, pour éclaircir l’affaire. Elle sait ne pouvoir faire confiance à personne. Elle s’interroge en particulier sur l’étrange Lupis Jurak. En approchant de la vérité, Elena se met en grand danger…

Cette deuxième enquête d’Elena Wiik est absolument passionnante. D’abord, l’auteur joue avec aisance sur la durée, l’affaire s’étalant sur deux ans, et détaille l’évolution de la vie de son héroïne. La voici mère de famille, menant des investigations mi-privées, mi-policières. Cette période assez longue rend plus crédibles les voyages de la jeune femme, en Italie puis en Croatie, que s’ils étaient trop rapprochés. Le thème principal du roman, c’est le souvenir de faits historiques encore proches. La sécession des Serbes de la Krajina, qui entraîna la guerre civile et ethnique en ex-Yougoslavie, est restée mal comprise du reste du monde. Comme dans toutes les guerres, de réelles atrocités furent commises. Malgré la paix revenue, on imagine que de nombreuses plaies sont encore ouvertes dans les mémoires. Thomas Kanger évite le manichéisme accusateur, montrant avec justesse un pays à la stabilité encore fragile. Contexte insolite dans lequel Elena Wiik réussit, malgré tout, à avancer dans ses recherches. Un suspense sombre, d’une belle intensité.

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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 07:23

On ne prétendra pas que Télérama découvre que le polar est un genre "grand public". Ce magazine a consacré un certain nombre de chroniques à cette catégorie de livres. TELERAMA-POLARNéanmoins, c’est la réalité des chiffres qui légitime l’intérêt actuel de Télérama pour ces romans. Dans son n°3137, titrant "Sang neuf pour le polar", un article de Michel Abescat et Christine Ferniot ("Le crime paye enfin") nous offre des pistes pour mieux comprendre.

Lire un polar n’est plus un crime. Il fut un temps, en effet, où le policier était méprisé, associé à la "culture populaire", c’est-à-dire vulgaire et incompétente […] Depuis le début des années 1990, la situation a changé. Les aficionados, qui n’avaient pas attendu pour défendre la dimension littéraire du genre, ont pu sortir de leur ghetto […] Les gens "cultivés" ne se sentent plus obligés de garder leurs distances. analyse Michel Abescat. Universitaires et éditeurs sont ici sollicités pour définir quelques clés de l’indéniable succès du polar. Lectorat décomplexé, tradition du roman criminel, rejet de l’intellectualisme à l’obscurité cultivée, tels sont les éléments évoqués. Le succès du roman policier s’expliquerait ainsi par sa prise en charge de ce qui est aujourd’hui souvent déserté par le roman généraliste, français en particulier : des histoires qui vous embarquent, une façon de comprendre le monde contemporain, une évasion dans le réel.TELERAMA-POLAR1 "Le roman noir colle à notre société en pleine décadence", estime Patrick Raynal. "Le noir interroge la violence, c’est une littérature de l’extrême où les pulsions sont libérées" ajoute Francis Geffard, éditeur chez Albin Michel. François Guérif (Rivages) définit le noir comme "un roman qui met en scène une transgression". Interviennent aussi Arnaud Hofmarcher (Sonatine, Le Cherche Midi), ou Oliver Gallmeister. Ce dernier faisait preuve d’une part d’ambiguïté vis-à-vis du polar, notons-le. D’ailleurs, on ne lit pas le mot écrivain dans cet article, on ne cite que des auteurs.

Avec ce numéro (qui n’est pas un énième Spécial Polar), Télérama lance la série "Perles noires", huit romans issus du catalogue Rivages. On peut déjà supposer qu’ils deviendront collectors, notamment grâce à leurs illustrations de couvertures signées Myles Hyman. Choix avisé pour le premier titre proposé : Les morsures de l’aube, de Tonino Benacquista. Suivront La bête contre les murs, d’Edward Bunker; J’étais Dora Suarez, de Robin Cook; Merci pour le chocolat, de Charlotte Armstrong; Les six jours du condor,TELERAMA-POLAR2 de James Grady; Rouge est ma couleur, de Marc Villard; Scarface, d’Armitage Trail; Nightfall, de David Goodis.

Romans classiques ou contemporains, cette série aborde différentes facettes du genre. Bonne façon de s’offrir de solides bases en matière de culture polar, c’est vrai. Toutefois, on pouvait espérer la parité entre auteurs étrangers et français, le catalogue Rivages n’en manque pas : Jean-Paul Nozière, Pierre Siniac, Claude Amoz, Jean-Hugues Oppel, Pascal Dessaint, Pierre Pelot, etc. Faut-il y voir l’habituel ostracisme contre la production française ? On nous répondra que non, qu’il fallait de l’emblématique, de l’incontournable, mais on connaît la réalité. Le polar français est mal soutenu par les médias culturels, qui ne s’occupe guère des talents d’aujourd’hui, préférant consacrer uniquement les valeurs sûres. On s’interroge sur leur capacité à découvrir des auteurs de qualité, selon les critères du public. Ce qui n’empêche pas de saluer cette initiative, soyons clairs. Juste de signaler que la culture labellisée inclut peu les polars français, que les murs du ghetto ne sont pas tous tombés.

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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 07:12
 

Depuis janvier 2010, "Le bal des débris" de Thierry Jonquet est réédité dans la collection Points, ce qui nous donne l'occasion de reparler d’un des romans les plus savoureux de ce défunt écrivain. Jonquet se sert du contexte hospitalier dans lequel il vécut quand il était ergothérapeute. Si la caricature est aussi chargée que réussie, l’auteur souligne par instants la détresse de ces lieux. Avant tout, c’est un festival de rebondissements que nous offre l’auteur dans ce roman à l'intrigue délicieusement entraînante.

JONQUET-LeBalDesDébrisLe métier de Frédéric consiste à pousser des chariots dans un hôpital pour vieux, entre le service de rééducation et celui d’ergothérapie. Entre sa compagne Jeanine, ardente syndicaliste, et son boulot auprès des patients déclinants, Frédéric mène une vie tranquille. Venu se faire soigner ici, Alphonse Lepointre n’est pas un client aussi diminué que les autres. Plombier zingueur depuis la Libération, le bonhomme de 65 ans fut précédemment truand. “La belle époque du Milieu, il a connu ça. Les tractions avant, les chapeaux mous… Son faible, c’était les coffres-forts. Puis la guerre est venue, et ça a mal tourné avec ses associés qui sont devenus des habitués de la rue Lauriston…” Lepointre voudrait trouver le moyen de s’enrichir, sur un dernier coup. L’idée séduit Frédéric.

Ils sont servis par la chance, en s’apercevant que la chambre 9 du Bâtiment Nord est gardée par des vigiles. Mme veuve d’Artilan, la septuagénaire occupant cette chambre, ne serait-elle qu’une vieille cinglée paranoïaque ? Même en surveillant avec des jumelles, le duo ne remarque rien d’anormal. Un jour de grève, Frédéric a l’opportunité d’approcher Mme d’Artilan. Il constate qu’elle possède (et conserve dans sa chambre) une mallette de précieux bijoux, raison de la présence des vigiles. Armand, dit l’Archiviste, est un ami de Lepointre. Bien documenté, il confirme au duo que Marthe d’Artilan ayant claqué la fortune hérité de son mari, il lui reste ces fameux bijoux. Pour les revendre, Lepointre connaît un ami diamantaire d’Anvers, qui ne peut rien lui refuser. Lepointre et Frédéric mettent sur pied un plan de bataille méthodique. Un bal masqué et costumé est prévu le 12 décembre, organisé par la psy du service et le vieil animateur Max. Au soir du jour J, tous s’amusent dans le gymnase de l’hôpital. “La tendresse tombait sur tout ce petit monde, enveloppant les corps souffrants de sa grande aile protectrice. Hospice and love…” Le duo endosse des robes de bure, et c’est parti. Mais rien ne se passera comme prévu…

Puisque nous sommes dans la collection Points, c’est l’occasion d’évoquer deux autres romans , de Jean-Bernard Pouy, qui y sont réédités.
"Train perdu wagon mort" : Un train de nuit se dirige vers Hailwan, capitale de la Zoldavie. POUY-train perduFrançois, prof de géopolitique, se rend dans ce pays de l’Est pour y donner une conférence. Il est aussi chargé de transmettre un contrat commercial. A 4 h10 du matin, le train ralentit et s’arrête en pleine campagne. Les 18 passagers s’aperçoivent que leur wagon de queue a été décroché. Les voilà seuls sur cette immense plaine de Malbürg, au milieu des champs de fulmènes. Vladenpass, la prochaine gare, se trouve à 30 ou 40 kilomètres. François sympathise avec Violette, une jolie rousse, et avec Albert. Celui-ci s’impose vite comme le chef de ces Robinsons, auxquels nul ne porte secours.

Après le survol d’avions de chasse, cinq passagers décident de partir à pied jusqu’à Vladenpass. François préfère attendre sur place. On s’organise, on se rationne. La nuit arrive. Une lueur au loin les fait espérer, mais s’éteint. Cardiaque, un des voyageurs décède. Des chevaux fous passent au galop, inquiétant présage. Deux éclaireurs reviennent avec un gros tracteur. On va pouvoir tirer le wagon. Mais à environ un kilomètre de la gare, c’est la panne sèche. En visitant la bourgade fantôme, ils sentent le danger de plus en plus proche. Alors que deux Zoldaviens du wagon partent en voiture, le village subit un bombardement aérien. L’hypothèse d’une guerre-surprise en Zoldavie devient probable. Ayant récupéré du carburant et un second tracteur, les rescapés continuent en direction de la capitale. Mais la voie est coupée un peu plus loin. Grâce aux deux tracteurs, ils peuvent rejoindre la grande route menant à Woldanié. Il s’agit d’une ville moyenne, où ils pensent enfin trouver de l’aide.
"La récup" : Antoine est serrurier à Paris, spécialisé dans les clés et mécanismes anciens. Dans le passé, il a eu des ennuis avec la Justice, mais sest rangé. Il espère même des travaux de restauration pour les Musées nationaux. POUY-récupPour ça, il lui faut une machine coûteuse. Quand un ami fourgue lui propose une mission lucrative et illégale, Antoine accepte. Encadré par des malfrats Russes, il force sans trop de mal une serrure ancienne dans un château. Plusieurs œuvres dart sont emportées par les Russes, qui ne lui paient pas les 10 000 Euros prévus. Antoine est frappé, puis overdosé par ses commanditaires. Résultat : deux jours dhospitalisation dans le coma, et la mémoire avec plus de trous quun terrain de golf. Près de Roscoff, où il est en convalescence chez son ami Germain, Antoine visionne le film Blank Point. Cest un peu son histoire. Même sil doit jouer à David contre Goliath, il décide dêtre aussi fort que Lee Marvin, le héros du film. Récupérer le fric promis, tel est son seul but.

Retour à Paris. Consultant l’Inventaire général, il va situer le château où il a opéré, non pas près d’Étampes mais en Seine-et-Marne. Tandis que le fourgue ayant servi d’intermédiaire est abattu, Antoine retrouve son ami Mustapha, dit Focol. Délinquant devenu détective privé, il lui fournit un pistolet et des infos. Le château appartient au nommé De Randol. C’est le PDG de la SAGOM, société visée actuellement par l’OPA d’un groupe financier russe. Focol loue une planque à Antoine, qui n’est pas sûr que le patron de son ami soit vraiment fiable. Se renseignant sur le château, Antoine apprend que l’ancien propriétaire, Zerkosky, y gardait des œuvres d’art très rares. Ça n’explique pas l’embrouille, mais c’est une piste. Quant au rôle du sous-ministre Lapasset dans l’OPA contre SAGOM, ça mériterait aussi d’être éclairci. L’atelier d’Antoine est incendié, par les Russes qui le traquent. Quant un tireur le prend pour cible, Antoine l’abat avant de disparaître un mois en Corse où il espère se faire oublier. Les magouilles de Lapasset et De Randol, il s’en moque. Il veut son fric…
"Le bal des débris" a déjà été évoqué lors du décès de Thierry Jonquet, en août 2009 (cliquez ici)
"Train perdu wagon mort" figurait (avec moins de détails) dans cet article consacré aux romans de Jean-Bernard Pouy (cliquez ici)

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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 07:18
 

Publié en ce début 2010 chez Pascal Galodé Éditeurs,Petit papa Noëlde François Cérésa est un savoureux roman que l’on pourrait qualifier de comédie policière, ou plus justement deconte à suspense. Voici d’abord un aperçu de l’intrigue et protagonistes.

Jacques Villeneuve est un quinquagénaire cultivé et aisé. Longtemps célibataire, il vit depuis deux ans avec Ondine, de vingt ans sa cadette. Le couple s’est installé à Joinville-le-Pont, dans un immeuble de l’avenue des Familles. Jacques admet que l’harmonie ne règne pas vraiment entre sa compagne et lui. Elle use et abuse de leur compte joint, alimenté par l’argent de Jacques. Côté sexuel, les relations sont plutôt virtuelles. Il avale de l’huile d’olive, en guise d’antidote à la mollesse de son existence. Jacques est ami avec Cédric, son voisin prof quadra, admirateur de Baudelaire, aux idéaux parfois contradictoires. Il s’entend bien aussi avec Gérard, le retraité typographe, mais s’interroge sur ce curieux praticien qu’est le Dr Schlick. CéRéSA-2010Le vieux couple Benabid s’occupe de leur petite-fille, Nébia. La gamine considère Jacques comme le Prince Charmant. Reste la dernière voisine, Ludivine, qui vit avec son fils Greg, attardé mental. Enjôleuse à la culture approximative, la jeune femme est une reine de la fellation. Jacques doit être prudent dans ses rapports avec elle, car Ondine est une jalouse.

Après qu’un technicien soit passé pour étudier l’installation du câble à la cave, Jacques repère une pierre mal scellée. Il découvre la cachette d’un trésor en pièces d’or. Ludivine ne sachant se taire, tous les copropriétaires sont avertis. Selon une première estimation d’Ondine, il y en aurait pour 400.000 Euros. Même divisé en dix sacs, joli pactole en perspective. Une première alerte se produit lorsqu’ils se réunissent pour un repas, causant un fatal AVC chez Aurore, leur voisine “artiste”. Que le magot sème la zizanie entre eux, c’est normal, mais Jacques se demande quel voisin est l’auteur du malveillant incident. Peu après, on retrouve un cadavre découpé dans le camion du poissonnier, au marché. Or, on est sans nouvelles de l’ancien typo Gérard. Bien qu’il n’enviât pas le trésor, sa disparition est inquiétante. Le policier Boisset mène une vague enquête.

Les voisins s’impatientent. Surtout, ils se posent des questions quand deux sacs d’or sont volés. On place le magot dans le coffre-fort de Ludivine. Jacques se sent impuissant face aux humeurs d’Ondine, et peu passionné par les relations de Cédric avec une amante dominatrice. Heureusement, la petite Nébia le comble de tendresse. L’hécatombe continue parmi les voisins. Des appartements se libérant, l’agent immobilier Cancon (un cuistre à l’accent du Lot-et-Garonne) a des projets, approuvés par Ondine. Jacques aimerait bien connaître la nature des relations entre sa compagne et Ludivine, rivales ou amies ? Le décès “accidentel” du Dr Schlick ne chagrine pas Jacques, mais il est guetté par la schizophrénie. Quant à Cédric, il n’aurait pas dû s’occuper d’abattre les pigeons envahissants. Et Ludivine devrait se méfier des frelons…

Le lecteur pense aux “Dix petits nègres”, d’Agatha Christie ? C’est bien l’intrigue à laquelle se réfère cette histoire, nous confirme l’auteur. Mais la tonalité est toute autre. Le héros désabusé fait de multiples allusions aux grands classiques du cinéma, et nous confie ses souriantes réflexions. Ne nous fions pas à la misogynie apparente, contredite ici : “J’ai alors songé aux femmes, aux interrogations qu’elles suscitaient et qu’elles ne cesseraient jamais de susciter. Sans elles, nous ne sommes rien. Les femmes possèdent un avantage sur nous : elles planifient leur vie. On a beau invoquer Juliette, miss Blandish, madame de Merteuil, les putains de Klimt et de Lautrec, on se plante. Les femmes sont organisées. Pendant que les hommes gesticulent, elles vont à l’essentiel. À nous le superflu, à elles les certitudes. Ce que nous sommes ? Des bébés qui agonisent.” Bien sûr, il s’agit d’un polar avec meurtres et suspense, mais c’est avant tout un roman fort bien écrit, servi par une belle originalité.

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24 février 2010 3 24 /02 /février /2010 07:12
 

Excellent suspense psychologique de Jonathan Stone,La froide véritévient d’être réédité au Livre de Poche. Entre mystères, faux-semblants, personnages insolites, et traque de l’assassin, un roman aussi captivant que maîtrisé.

Canaanville, petite ville rurale de l’état de New York, en novembre. Julian Palmer, la nouvelle stagiaire de la police locale, impressionne autant par son physique parfait que grâce à son CV. Si elle a choisi ce poste, c’est que le chef Winston Edwards possède une réputation d’enquêteur hors pair. Ce colosse de cent vingt kilos allie rudesse et subtilité. Une certaine complicité naît rapidement entre Julian et lui. 10-STONE-lpocheAlors qu’il est proche de la retraite, une dernière affaire risque de ne jamais être élucidée. Une jeune femme, Sarah Langley, a été sauvagement assassinée d’une quarantaine de coups de couteau. “Pas une statistique. Une fille réelle.” C’est dans cet esprit qu’il traite l’affaire, mais Edwards craint qu’il s’agisse du Crime parfait.

Un médium nommé Wayne Hill propose à la police de les aider. Edwards ne veut écarter aucune opportunité de trouver la vérité, restant sceptique. Certes, il voit des images plausibles. Mais on sait qu’Hill a suivi un traitement psychiatrique, après que des tests sur ses pouvoirs se soient avérés peu concluants. Julian s’installe chez Winston et Estelle Edwards, aussi corpulente que son mari policier. La jeune femme s’aperçoit que le médium est un usurpateur. Ce n’est pas le vrai Hill, mais un certain Green, patient du même psy. L’homme affirme avoir été témoin du meurtre de Sarah, et accuse Edwards du meurtre. Menteur pathologique, Green est emprisonné. Il persiste dans sa version, ce qui trouble Julian.

En supposant qu’Edwards ait été l’amant de Sarah, il est possible qu’il protège aujourd’hui celle qui tua par jalousie sa jeune rivale : Estelle Edwards. L’hypothèse apparaît crédible à Julian. Quand l’arme du crime est enfin retrouvée, un indice peut désigner Green. Julian n’exclut pas une manipulation de la part d’Edwards. Une autre piste mérite d’être exploitée : le Dr Tibor, psy de Green, d’Hill et… de Sarah. Peut-être fut-il l’amant de la victime, qui n’était pas si angélique. Tibor a pu se servir d’Hill comme exécutant. Avant qu’Edwards et Julian ne le contactent, Tibor est assassiné par Hill. Le duo traque Hill sur les routes neigeuses de la région, qu’Edwards connaît bien…

Au jeu du chat et de la souris, on ne sait qui aura le dessus. Le gros matou futé, qui conserve toujours quelques atouts décisifs. Ou la jeune et jolie souris, bien entraînée mais manquant d’expérience. Il a ses secrets, elle garde certains traumatismes. Sa vanité pousse Edwards à résoudre l’ultime cas de sa carrière. En proie au doute, Julian utilise ses méninges et son instinct. Sinueux duel, où tout nouvel élément remet en cause les certitudes de la veille. C’est au cœur du Snow Belt, ces neiges si symboliques pour l’enquêtrice, que se dénoue ce suspense habile.

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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 07:14
 

Travail soigné et Robe de marié, ces deux romans de Pierre Lemaitre ont séduit tous les amateurs de suspense. En ce début 2010, il nous a concocté un scénario aussi dense que les précédents : Cadres noirs (Calmann-Lévy).

Voilà quatre ans qu’Alain Delambre est au chômage. À 57 ans, cet ancien cadre a conservé son volontarisme, mais doit se contenter de petits jobs. Sa tendre épouse Nicole est son meilleur soutien. Adultes, leurs filles Mathilde et Lucie mènent leurs propres vies. Quand Delambre est retenu pour des tests organisés par BLC Consulting, il n’a pas l’intention de laisser passer cette chance. Il se prépare, étudiant le langage actuel des entreprises. Le jour venu, sur les onze sélectionnés, Delambre est évidemment le plus âgé. Il n’a rien à perdre, car un incident vient de lui faire perdre son dernier job. LEMAITRE-2010Ça semble un miracle qu’il soit retenu parmi les quatre qualifiés. Le consultant Bertrand Lacoste le reçoit. Il lui précise la mission des postulants. Il s’agit d’une simulation de prise d’otages, qui permettra d’évaluer en même temps la réaction des cadres concernés. Choquée, Nicole désapprouve ces méthodes, mais Delambre est décidé à tout.

Pour affiner une stratégie, il doit d’abord déterminer quelle est la société qui recrute, cliente de BLC. Grâce à une petite enquête, il devine que c’est le groupe pétrolier Exxyal. Ensuite, il n’a pas de mal à cibler les cadres qui seront soumis à la fausse prise d’otages. Pour obtenir des renseignements plus précis sur eux, Delambre va s’adresser à une agence de détectives privés. Ça coûte cher, aussi manœuvre-t-il sa fille Mathilde pour qu’elle lui prête la somme. Voulant être préparé à la situation, Delambre paie encore les services du nommé Kaminski. Cet ancien du RAID, viré pour défaillances, connaît tous les mécanismes d’une prise d’otages. Mathilde est furieuse d’avoir été bernée. Delambre ment à Nicole, prétendant que cet argent est un pot-de-vin qui lui garantit d’obtenir le poste. Pas convaincue, son épouse s’éloigne de lui. Durant la période précédant la simulation, Delambre opère un fichage complet du groupe pétrolier.

Baroudeur au passé trouble, Fontana organise l’opération pour BLC Consulting et Exxyal. Loin du jeu de rôle classique, il a scénarisé la prise d’otage dans chaque détail. Quand Delambre arrive, Fontana le sent particulièrement tendu. Pourtant, il y a moins de concurrence que prévu. L’action démarre, les cadres d’Exxyal ignorant le jeu cruel auquel ils sont confrontés. Pourtant, dès que le premier otage est interrogé par les supposés ravisseurs, les règles du jeu vont changer de façon spectaculaire. Fontana se croit capable de faire face, de s’opposer à l’escalade de la tension. S’il pense comprendre la psychologie de l’adversaire, il se trompe à plus d’un titre. Avec deux blessés légers et un otage ayant fui, la situation atteint un pont de non-retour. La suite des évènements n’est pas du tout favorable à Delambre. À moins qu’il ait encore des cartes en main…

Cette excellente intrigue s’inscrit dans la réalité socio-économique ultra-libérale, montrant les dérives perverses d’un système cynique : “Les candidats à un poste sélectionnent les candidats à un autre poste : je me dis que décidément le système entrepreneurial est drôlement au point. Il n’a même plus besoin d’exercer l’autorité, les salariés s’en chargent eux-mêmes. Ici le coup est assez puissant : avant même d’être embauchés, nous pourrons quasiment licencier les cadres en place les moins performants. Les entrants créent les sortants. Le capitalisme vient d’inventer le mouvement perpétuel.” Des méthodes extrêmes qui en rappellent d’autres, bien réelles et dévastatrices. Delambre garde “l’esprit cadres”, espérant appartenir à nouveau à ce milieu. Il ne rejette pas le principe, mais par-dessus tout il veut sa revanche. Il commence par duper sa famille, avant d’aller bien plus loin. À une longue mise en place du contexte, succèdent les parties mouvementées du récit. La tension se fait plus vive, le jeu devenant dangereux. Par ses précédents romans, on a pu constater que Pierre Lemaitre est un expert en scénarios à suspenses, fertiles en faux-semblants et en rebondissements. Avec “Cadres noirs”, il prouve encore une fois sa parfaite maîtrise d’une histoire fort excitante.
Cliquez ici pour lire ma chronique sur "Robe de marié" de Pierre Lemaitre.

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