Depuis janvier 2010, "Le bal des débris" de Thierry Jonquet est réédité dans la collection Points, ce qui nous donne l'occasion de reparler d’un des romans les plus
savoureux de ce défunt écrivain. Jonquet se sert du contexte hospitalier dans lequel il vécut quand il était ergothérapeute. Si la caricature est aussi chargée que réussie, l’auteur souligne par
instants la détresse de ces lieux. Avant tout, c’est un festival de rebondissements que nous offre l’auteur dans ce roman à l'intrigue délicieusement entraînante.
Le
métier de Frédéric consiste à pousser des chariots dans un hôpital pour vieux, entre le service de rééducation et celui d’ergothérapie. Entre sa compagne Jeanine, ardente syndicaliste, et son
boulot auprès des patients déclinants, Frédéric mène une vie tranquille. Venu se faire soigner ici, Alphonse Lepointre n’est pas un client aussi diminué que les autres. Plombier zingueur depuis
la Libération, le bonhomme de 65 ans fut précédemment truand. “La belle époque du Milieu, il a connu ça. Les tractions avant, les chapeaux mous… Son faible, c’était les coffres-forts. Puis la
guerre est venue, et ça a mal tourné avec ses associés qui sont devenus des habitués de la rue Lauriston…” Lepointre voudrait trouver le moyen de s’enrichir, sur un dernier coup. L’idée séduit
Frédéric.
Ils sont servis par la chance, en s’apercevant que la chambre 9 du Bâtiment Nord est gardée par des vigiles. Mme veuve d’Artilan, la septuagénaire occupant cette
chambre, ne serait-elle qu’une vieille cinglée paranoïaque ? Même en surveillant avec des jumelles, le duo ne remarque rien d’anormal. Un jour de grève, Frédéric a l’opportunité d’approcher Mme
d’Artilan. Il constate qu’elle possède (et conserve dans sa chambre) une mallette de précieux bijoux, raison de la présence des vigiles. Armand, dit l’Archiviste, est un ami de Lepointre. Bien
documenté, il confirme au duo que Marthe d’Artilan ayant claqué la fortune hérité de son mari, il lui reste ces fameux bijoux. Pour les revendre, Lepointre connaît un ami diamantaire d’Anvers,
qui ne peut rien lui refuser. Lepointre et Frédéric mettent sur pied un plan de bataille méthodique. Un bal masqué et costumé est prévu le 12 décembre, organisé par la psy du service et le vieil
animateur Max. Au soir du jour J, tous s’amusent dans le gymnase de l’hôpital. “La tendresse tombait sur tout ce petit monde, enveloppant les corps souffrants de sa grande aile protectrice.
Hospice and love…” Le duo endosse des robes de bure, et c’est parti. Mais rien ne se passera comme prévu…
Puisque nous sommes dans la collection Points, c’est l’occasion d’évoquer deux autres romans , de Jean-Bernard Pouy, qui y sont réédités.
"Train perdu wagon mort" : Un train de nuit se dirige vers Hailwan, capitale de la Zoldavie.
François, prof de géopolitique, se rend dans ce pays de
l’Est pour y donner une conférence. Il est aussi chargé de transmettre un contrat commercial. A 4 h10 du matin, le train ralentit et s’arrête en pleine campagne. Les 18 passagers s’aperçoivent
que leur wagon de queue a été décroché. Les voilà seuls sur cette immense plaine de Malbürg, au milieu des champs de fulmènes. Vladenpass, la prochaine gare, se trouve à 30 ou 40 kilomètres.
François sympathise avec Violette, une jolie rousse, et avec Albert. Celui-ci s’impose vite comme le chef de ces Robinsons, auxquels nul ne porte secours.
Après le survol d’avions de chasse, cinq passagers décident de partir à pied jusqu’à Vladenpass. François préfère attendre sur place. On s’organise, on se rationne.
La nuit arrive. Une lueur au loin les fait espérer, mais s’éteint. Cardiaque, un des voyageurs décède. Des chevaux fous passent au galop, inquiétant présage. Deux éclaireurs reviennent avec un
gros tracteur. On va pouvoir tirer le wagon. Mais à environ un kilomètre de la gare, c’est la panne sèche. En visitant la bourgade fantôme, ils sentent le danger de plus en plus proche. Alors que
deux Zoldaviens du wagon partent en voiture, le village subit un bombardement aérien. L’hypothèse d’une guerre-surprise en Zoldavie devient probable. Ayant récupéré du carburant et un second
tracteur, les rescapés continuent en direction de la capitale. Mais la voie est coupée un peu plus loin. Grâce aux deux tracteurs, ils peuvent rejoindre la grande route menant à Woldanié. Il
s’agit d’une ville moyenne, où ils pensent enfin trouver de l’aide.
"La récup’" : Antoine est serrurier à Paris, spécialisé dans les clés et mécanismes
anciens. Dans le passé, il a eu des ennuis avec la Justice, mais s’est rangé. Il espère même des travaux de restauration pour les Musées nationaux.
Pour ça, il lui faut une machine coûteuse. Quand un ami fourgue lui propose
une mission lucrative et illégale, Antoine accepte. Encadré par des malfrats Russes, il force sans trop de mal une serrure ancienne dans un château. Plusieurs œuvres d’art sont emportées par les Russes, qui ne lui paient pas les 10 000 Euros prévus. Antoine est frappé, puis overdosé par ses commanditaires. Résultat : deux jours d’hospitalisation dans le coma, et la mémoire avec plus de trous qu’un terrain de golf. Près de Roscoff, où il est en convalescence chez son ami Germain, Antoine
visionne le film Blank Point. C’est un peu son histoire. Même s’il doit jouer à
David contre Goliath, il décide d’être aussi fort que Lee Marvin, le héros du film. Récupérer le fric promis, tel est son seul but.
Retour à Paris. Consultant l’Inventaire général, il va situer le château où il a opéré, non pas près d’Étampes mais en Seine-et-Marne. Tandis que le fourgue ayant
servi d’intermédiaire est abattu, Antoine retrouve son ami Mustapha, dit Focol. Délinquant devenu détective privé, il lui fournit un pistolet et des infos. Le château appartient au nommé De
Randol. C’est le PDG de la SAGOM, société visée actuellement par l’OPA d’un groupe financier russe. Focol loue une planque à Antoine, qui n’est pas sûr que le patron de son ami soit vraiment
fiable. Se renseignant sur le château, Antoine apprend que l’ancien propriétaire, Zerkosky, y gardait des œuvres d’art très rares. Ça n’explique pas l’embrouille, mais c’est une piste. Quant au
rôle du sous-ministre Lapasset dans l’OPA contre SAGOM, ça mériterait aussi d’être éclairci. L’atelier d’Antoine est incendié, par les Russes qui le traquent. Quant un tireur le prend pour cible,
Antoine l’abat avant de disparaître un mois en Corse où il espère se faire oublier. Les magouilles de Lapasset et De Randol, il s’en moque. Il veut son fric…
"Le bal des débris" a déjà été évoqué lors du décès de Thierry Jonquet, en août 2009 (cliquez
ici)
"Train perdu wagon mort" figurait (avec moins de détails) dans cet article consacré aux romans
de Jean-Bernard Pouy (cliquez ici)