Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 06:30

Voilà un bon petit roman d’enquête, sans prétention mais pas sans qualités. Dans "Auray Ô désespoir" de Sylvie Vadis, ni meurtres en série, ni suspense glauque, juste une intrigue bien pensée dans la tradition du genre. C’est la vie de la victime qu’il faut explorer pour identifier l’assassin. Ambiance et personnages étant crédibles, l’affaire s’avère vite intéressante. L’auteur esquisse de jolis faux-semblants. Sans oublier une part d’humour avec, entre autres, d’improbables patronymes. Un roman plutôt agréable.
Vadis_AurayDivorcée, Marie-Jeanne Paémé est médecin dans la région de Plancoët Côtes d’Armor. Elle est agressée lors d’un rendez-vous avec son amant Brian, dans la forêt de la Hunaudaye. Visiteur médical habitant Auray (Morbihan) Brian a été assassiné avant l’arrivée de Marie-Jeanne. Les gendarmes locaux ne la croient pas coupable. Ils admettent une mise en scène destinée à l’incriminer. Plus fragile qu’elle ne le montre, Marie-Jeanne a besoin du soutien moral de sa nièce Sophie. Après d’étranges appels téléphoniques, elle reçoit un courrier anonyme expédié d’Auray. Ce sont de photos de Brian et d’elle, prises en cachette.
Les gendarmes mènent activement l’enquête. Le témoignage de la jeune femme qui déjeuna avec Brian, peu avant le meurtre, les éclaire sur ce séducteur. Marie-Jeanne a un ami à Auray, Bertrand, élu municipal. Avec Sophie et lui, elle se renseigne sur son défunt amant. Au club de basket qu’il dirigeait, la secrétaire est hostile. Cette Carine se dit la fiancée de Brian. Un coup d’œil aux archives de la mairie prouve qu’elle ment. Elle était seulement très attirée par lui. Ce n’est pas elle qui, chaque mardi soir, rejoignait Brian à son domicile. Quand Marie-Jeanne et Sophie y font une visite clandestine, la maison de Brian a été saccagée. Les gendarmes de Plancoët poursuivent leur enquête à Auray. Ils possèdent déjà des indices. Ils interrogent Carine, qui leur fournit des alibis. Bertrand connaissait trop peu Brian pour les aider. Grâce à l’ordinateur de Brian, ils recherchent "Lilas", l’amante du mardi soir.

Partager cet article
Repost0
12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 06:07

 

Direction le Brésil, pour le nouveau suspense de Luiz Alfredo Garcia-Roza publié chez Actes Noirs,L’étrange cas du Dr Nesse. On ne sait pas vraiment où se situe le Bien ou le Mal, dans cette affaire à laquelle commissaire Espinosa est confronté.

Psychiatre à Rio de Janeiro, le docteur Nesse donne des consultations à l’hôpital de l’université. Dès le premier entretien, il s’interroge sur ce nouveau patient qui se nomme Isidoro Cruz, mais se fait appeler Jonas. Nesse définit vite ce jeune homme de 22 ans comme psychotique. Il le voit souvent s’asseoir longuement dans la cour, sur le banc de pierre à l’ombre du grand manguier. Cette présence, le médecin la trouve dérangeante, peut-être inquiétante. Jonas ne tarde pas à approcher la famille du docteur, en particulier sa fille de 17 ans, Letícia. Celle-ci pratiquant le vélo, Jonas s’en procure une bicyclette, afin de provoquer une nouvelle rencontre avec Letícia. L’adolescente s’avoue attirée par cet homme, dont son père prétend qu’il est malade mental. Jonas continue à rôder dans la cour de l’hôpital, GARCIA-ROZA-2010mais ne se présente pas à certaines consultations.

Censée passer deux jours chez des copines, Letícia disparaît. Le kidnapping ne fait pas de doute pour Nesse, qui vérifie la (fausse) adresse donnée par Jonas. Il imagine que celui-ci a simulé son état pour préparer l’enlèvement. Le médecin contacte la police, qui pense à une fugue amoureuse de la jeune fille. Difficile de lancer une enquête officielle, aussi Nesse s’adresse-t-il au commissaire Espinosa, qui est actuellement en vacances. Le policier n’a pas vraiment de solution. Après deux jours durant lesquels le couple Jonas-Letícia a squatté une maison servant d’église, l’adolescente est de retour. Pour le Dr Nesse, la menace perverse que représente Jonas ne peut durer. Bien que le jeune homme soit arrivé serein à sa consultation, le médecin s’arrange pour le faire interner. Voulant rester près de son ami, Letícia trouve le moyen d’être placée aussi en psychiatrie.

Plusieurs mois ont passé. Jonas a disparu, on le suppose décédé. Letícia reste posthume de Jonas est transmise à la police. Il y accuse le médecin d’avoir causé sa mort. Le commissaire Espinosa charge son jeune et honnête collègue Welber d’éclaircir l’affaire. La déposition du Dr Nesse semble sans ambiguïté. Il sera bien compliqué de savoir ce qu’est devenu le corps de Jonas, s’il est bien mort. Roberta, la fille cadette du psychiatre, disparaît à son tour. Alertée par le Dr Nesse, la police se rend chez son épouse. Celle-ci parait plutôt “en attente” que profondément angoissée. Pour l’inspecteur Welber, la sensation qu’il s’agit d’une famille fantomatique le perturbe un peu. Le médecin est placé sous une discrète surveillance policière. Espinosa se demande qui harcèle l’autre, le Dr Nesse ou son patient Jonas, qui aurait contacté de nouveau le psychiatre…

Le commissaire Espinosa se définit lui-même ainsi : “Je ne suis pas un guerrier, mais un flic; je ne suis pas un héros, mais un fonctionnaire public; je ne suis pas non plus un philosophe, je n’en ai que le nom.” Certes, avec ses collègues, il mène des investigations policières. Pourtant, il ne s’agit pas d’une enquête au déroulement balisé. Le thème de la folie est ici abordé, dans une déclinaison de l’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Le sujet s’avère toujours troublant, nul ne pouvant prétendre être totalement équilibré, pas même un psychiatre. On ne nous cache pas, au début, que Jonas joue effectivement avec le médecin. Mais les évènements qui vont suivre n’en sont pas moins mystérieux. D’ailleurs, c’est l’existence même de Jonas que la police doit déterminer.

L’histoire comporte un large côté sombre, énigmatique, mais l’auteur sait aussi nous faire sourire. La bibliothèque du commissaire (p.99), “œuvre singulière d’ingénierie domestique qui occupait toute l’étendue du mur du salon…”, amusera tous les lecteurs passionnés. Ou encore, après avoir interrogé la secrétaire du médecin : “Elle n’est pas impressionnée par la présence de policiers, dit Welber. — Elle a l’habitude de parler à des fous.” En outre, évoquer les décors de Copacabana ou Ipanema, ça parle à notre imaginaire. Brésil pas si idéal, malgré tout, puisqu’on souligne qu’une partie de la police est corrompue. On le constate, un roman riche en éléments. Et surtout, diablement maîtrisé.

Partager cet article
Repost0
11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 05:51

 

Pour une fois, je serai sans doute le dernier à découvrir le catalogue d’un “jeune éditeur indépendant”, unanimement décrit comme étant de grande qualité. L’initiative éditoriale et les choix littéraires d’Oliver Gallmeister sont présentés de manière élogieuse dans les médias. Gallmeister-E.Abbey"Cinq ans plus tard, les éditions Gallmeister se déclinent en quarante et un titres et quatre collections. Des récits, des nouvelles, de la littérature contestataire née de la contre-culture américaine des années 1960 et 1970 ; mais aussi des romans noirs dont l'intrigue entraîne le lecteur en pleine nature. En témoigne le succès, en 2010, de Sukkwan Island, de David Vann. Le séjour angoissant d'un père et d'un fils dans une île perdue de l'Alaska s'est vendu à ce jour à plus de 58000 exemplaires." (Ouest-France 15 mai 2010, Jérôme Gazeau)

L’un de ses principaux arguments de vente, c’est l’étiquette “roman noir” qui attire beaucoup de lecteurs. Gallmeister se définit comme un amoureux de ce genre littéraire. "Je ne m'intéresse pas au roman policier, mais au roman noir. J'idolâtre Ellroy, Crumley, James Lee Burke, Robert Bloch... En fait, le roman noir chez moi n'est pas mon activité principale. Je pense que Craig Johnson est un immense auteur, et que Le Camp des Morts est une merveille (…) Mes polars doivent être en accord avec le reste de mon catalogue. Je cherche une cohérence." (BibliObs 6 Juillet 2010, François Forestier) Après avoir cité des incontournables du roman noir, Gallmeister nuance quand même largement son idolâtrie supposée.

D’ailleurs, sa culture n’est pas prioritairement polardeuse, comme il l’admet ici : "Je me suis toujours intéressé à la littérature américaine et à des auteurs comme Hemingway ou Jim Harrison. Très vite, j'ai commencé à lire en anglais et j'ai découvert une littérature qui n'était pas du tout exploitée en France et un courant, le "nature writing" (Le Télégramme 15 octobre 2008). Pas la moindre référence au roman noir d’essence polar dans ce propos. Gallmeister-David-VannOn relève même une certaine distance de sa part envers la littérature polar dans l’articleLe crime paie enfin(de Michel Abescat & Christine Ferniot). "Quand j'ai publié Le Gang de la clef à molette, d'Edward Abbey, je l'ai édité sous couverture polar, mais il n'en était pas un », confesse Oliver Gallmeister qui ajoute dans un clin d'œil : «James Crumley n'écrit pas non plus de polars au sens strict du terme.» Dans le même article, à la questionQu'est-ce donc qu'un polar, au bout du compte ?voici sa non-réponse : "C'est un débat très théorique", se défile Oliver Gallmeister.» (Télérama 6 mars 2010)

La lecture de l’interview donnée par Oliver Gallmeister à Corinne Naidet dans le n°104 de la revue 813 ne dissipe pas l’impression incertaine. Certes, il veut se démarquer d’autres éditeurs de romans noirs, connaît son métier et les auteurs qu’il choisit, mais semble bien peu impliqué dans la défense active de ce genre. Au passage, il admet une part de marketing dans cet argumentaire.

Telles sont les raisons qui rendent sceptiques concernant cet éditeur, non dénué d’ambiguïté. Qu’il ait créé une collection noire et utilise volontiers le label vendeur du “roman noir”, pourquoi pas ? Si c’est la littérature "nature writing" qui seule l’intéresse, qu’il ne mélange pas trop les genres. Ce fut le cas pour Sukkwan Island de David Vann (Prix des lecteurs de l’Express 2010) présenté dans la collection "nature writing". Il est possible qu’il puisse se lire, au sens large, comme un roman noir. Toutefois, ce livre étant devenu un best-seller primé, on ne parle plus du tout de polar mais de “grande littérature”. Peut-être s’agit-il effectivement d’un chef d’œuvre, là n’est pas la question.

Gallmeister-JOHNSONAprès s’être servi de l’image du polar, de la popularisation d’auteurs sous cette étiquette, Gallmeister semble s’adresser à un public plus élitiste, sélectionné. Ça, c’est de la pure stratégie commerciale. On s’interroge sur l’honnêteté de la démarche. De même, bien que publiant ou rééditant des romans noirs, ses nouvelles collections de poche (Totem) et grand format (Americana) s’affichent littéraires. Décidément, ne mélangeons pas la production supérieure avec ces médiocres du polar, serait-on tenté de déduire. Il convient d’ajouter que le soutien de quelques médias intellos germanopratins l’a bien aidé à s’imposer. Du moment qu’un éditeur ne publie que “de l’américain”, c’est obligatoirement excellent selon leurs critères quelque peu bornés. Quant au "nature writing", c’est si dépaysant pour ces citadins que la cambrousse exaspère lorsqu’on parle de la campagne française. Le décor sauvage de l’Amérique, c’est autre chose !

Oliver Gallmeister ne parait pas vraiment partager l’esprit des lecteurs de romans noirs, ou plus généralement de polars. Cette “famille” de passionnés n’est visiblement pas la sienne. C’est son droit, on ne le lui reprochera pas. Il ne s’agit ni d’un procès d’intention, ni de crucifier Gallmeister, de l’accabler. Car créer une maison d’édition qui fonctionne reste louable, et l’on est très heureux de son succès. On se montre juste un peu méfiant quand il s’associe à un genre qui n’est pas son principal centre d’intérêt, loin s’en faut. Enfin, de très bons romans, noirs et polars, il n’y a pas que Gallmeister qui en publie.

Partager cet article
Repost0
10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 06:24

 

Alexandre Clément nous présente son nouveau titre "Le roman de Tony" (Editions Papier Libre, poche 11 €).

« Toute personne qui penserait s’y reconnaître, serait dans l’erreur. Quelques lieux qui existent réellement et quelques affaires criminelles qui ont assuré la renommée de Marseille en son temps servent de décor. Mais on sait que depuis des décennies, la République a bien travaillé, que la Mafia n’existe pas en France et que les hommes politiques, la police et la justice ne sont pas corrompus.»

ALEXANDRE CLEMENTTel est l’avertissement de l’auteur, Alexandre Clément. Les Marseillais et ceux qui connaissent bien la ville sauront lire entre les lignes. Pour ceux à qui la capitale phocéenne et ses personnages pittoresques sont étrangers, "Le roman de Tony" ne pourra que combler leur curiosité. Avec grand plaisir. L’histoire d'un grand bandit marseillais sur plusieurs décennies ne manque pas de piquant ni d’émotions fortes. Dans ce roman vivement mené, l’auteur nous fait vivre l'ascension et la chute d'un caïd qui a compté pour beaucoup dans l’histoire du grand banditisme Français. Mais derrière cette triste et bruyante saga, écrite dans un style parfaitement réaliste, c'est le contexte social et historique de la ville qui est mis en avant.

Alexandre Clément a obtenu le Prix du Polar Marseillais en 2007 pour son roman "Sournois" paru chez L’écailler du Sud. Il est également l’auteur de "Frédéric Dard, San-Antonio et la littérature d’épouvante" (publié par Les polarophiles tranquilles en 2009). Voici les premières lignes de son nouveau roman…

« Même si je n’étais jamais passé auparavant devant un tribunal, je savais que ce serait comme ça. Que c’était la règle du jeu : le procureur demanderait le maximum et l’avocat essaierait de réduire la peine dans une discussion de marchands de tapis. Le soleil m’arrivait en pleine figure, du côté gauche, ça me faisait cligner de l’oeil et je commençais à avoir un peu chaud dans le costume sombre que j’avais enfilé pour la circonstance, histoire d’avoir l’air d’un jeune homme de bonne famille. C’était un jour ordinaire: la société rendait sa justice. La salle était bondée, le tribunal correctionnel était toujours encombré. Des mecs et des putasses qui attendaient leur tour pour avoir leur compte, comme à la sécurité sociale ou à l’ANPE, bien rangés sur leur petits bancs de bois sombre et lustré par des années de délinquances.

J’entendais vaguement, à travers le brouhaha, le procureur qui faisait des effets de manche en racontant que je n’avais aucune excuse dans ma conduite. C’était un petit gros, avec une calvitie qui lui mangeait la moitié du crâne et des lunettes à monture métallique qu’il faisait glisser sur le bout de son nez. Il avait joint ses mains boudinées sur le devant de sa poitrine, seuls les bouts de ses doigts se touchaient, comme j’imaginais un prélat en train de dire la messe.

— Il ne faut pas se laisser abuser par la jeunesse du prévenu et son visage d’ange, disait-il avec sa voix mielleuse. Il vient d’un bon milieu, monsieur le président, son père est fonctionnaire, sa mère travaille dans une cantine scolaire, son frère réussi en tant qu’expert comptable. Ce sont des gens modestes, mais sans problème, qui se sont toujours débrouillés pour essayer d’offrir le meilleur à leurs fils. Ils ont fait tous les sacrifices pour leurs enfants. Et d’ailleurs, Antoine Vercellone n’avait pas de si mauvais résultats scolaires que ça. Il aurait pu choisir une autre voie, s’il avait eu un peu plus de discipline et de fermeté de caractère. Mais, non, il a fait le pari d’une autre destinée. Ce n’est pas une victime de la société, mais la société qui est victime de ses agissements déviants…

Oui, il avait raison, je n’étais pas une victime, encore que ça dépend comment on voit les choses. Parce que moi, je trouve qu’on est tous des victimes, victimes de notre connerie congénitale, victimes des trou-du-culs qui nous entourent, PLAQUE1victimes des circonstances et du hasard des rencontres. Souvent je me suis posé cette question, est-ce que j’aurais pu devenir autre chose que ce que je suis devenu ? Bah, à quoi bon disserter, on ne devient que ce qu’on est. Ce n’est même pas la fatalité, c’est comme ça…»

Consultez le site www.editions-nuits-blanches.com

Partager cet article
Repost0
9 juillet 2010 5 09 /07 /juillet /2010 06:14

 

C’est un suspense souriant extrêmement sympathique que nous propose Francis Essique avecL’héritage du sénateur de l’Oise(Polars en Nord, 2010). Un scénario d’autant plus convaincant qu’il apparaît trèsvisuel.

Sénateur de l’Oise âgé de 72 ans, Roland Chégnieux apprend qu’il n’en a plus que pour quelques semaines à vivre. Les traitements, les spécialistes, il n’en veut pas. Si la maladie le fatigue, son esprit retors reste vif. “Cette perspective de duper une dernière fois son monde servit d’énergie au corps atteint et déjà meurtri. Désormais, il allait vivre sur cette seule volonté : réussir son départ. Un grand bluff. Comme ceux qui lui avaient permis sa terrible ascension sociale (…) ESSIQUE-2010Rester le plus fort et, après lui, tout détruire.” Côté politique, Chégnieux laisse entendre au conseiller général Delange qu’il pourrait le désigner comme son successeur. Ce qui est un pur mensonge. Le sexagénaire Maurice Guinchard, vieil allié de Chégnieux, vise la présidence de la Région. Mais le sénateur affirme que la décision dépend du Parti, à Paris. Delange comploterait contre Guinchard, et les dirigeants voudraient imposer un certain Jean-Claude Dharlay.

Côté vie privée, Chégnieux modifie son testament chez le notaire. Il s’invente un fils non reconnu, qui bénéficiera d’une forte somme planquée au Luxembourg. Il s’agit d’un nommé Jean-Claude Dharlay, habitant en Alsace. C’est un peu par hasard qu’Hubert Lorat est témoin officiel du codicille notarié. Ce jeune parisien, fils de bonne famille, est un combinard oisif et désargenté. Hubert s’interroge sur cette affaire douteuse. Il ne tarde pas à trouver le bénéficiaire du testament, qui existe réellement. Ce Dharlay est un marginal vivant pauvrement près d’une bourgade alsacienne. Hubert contacte un clochard qui se fait appeler Le Prophète et règne sur une petite bande de compères. Celui-ci n’accorde pas une grande confiance à ce blanc-bec d’Hubert. Pourtant, il accepte la transformation qui le fera passer pour Jean-Claude Dharlay. Bientôt, Le Prophète obtient des papiers d’identité à ce nom. Toutefois, il est toujours méfiant, menant son propre jeu.

Un duo de mafieux colombiens débarque à Paris, à la recherche d’Hubert. Celui-ci a contracté une sorte de dette envers leur Organisation. Entre-temps, un nouveau détour par l’Alsace a permis à Hubert d’écarter définitivement le vrai Dharlay. Chez les politiques, Delange est violemment agressé par un groupe de “gros bras”, gorilles du Parti au service de Guinchard. Ce dernier n’arrive pas à situer Dharlay, le supposé candidat imposé par la direction du Parti. Quand le sénateur Chégnieux décède, on voit beaucoup de monde à ses obsèques. Y compris les deux Colombiens, qu’Hubert a été obligé d’associer à son projet; et les hommes de mains de Guinchard, venus repérer Dharlay. Sous cette identité, Le Prophète a rendez-vous chez le notaire. “L’héritier du sénateur” risque bien vite d’avoir à ses trousses quelques personnes malveillantes…

Quand un vieux roublard politique expert en manipulations organise un feu d’artifice posthume, quand un jeune magouilleur tente un coup incertain car mal maîtrisé par ce blanc-bec, quand un clodo cultivé essaie d’être assez malin pour ne pas se faire doubler, ça nous donne un chassé-croisé d’arnaques véritablement divertissant. Si on ajoute un duo de Colombiens qu’on appelle Recto et Verso, une jeune vendeuse victime collatérale de l’affaire, un retraité de la DDASS qui a déniché le fameux Dharlay, un gendarme alsacien qui se pose des questions, plus quantité de péripéties mouvementées, tout ça confirme qu’il s’agit bien d’une comédie policière très réussie.

Partager cet article
Repost0
8 juillet 2010 4 08 /07 /juillet /2010 06:08

Angelina est une reporter indépendante de 33 ans, attachée à son Pays Basque natal et à son fils Jordi. Par la presse, elle apprend le suicide d’un jeune agriculteur, Alain Kervoal. Celui-ci est le frère de Gaël, qui fut un amour de jeunesse d’Angelina. Elle se rend en Bretagne, autant pour revoir Gaël Kervoal que pour enquêter.

SEGALOTTIS’il est vrai que la situation financière d’Alain était précaire, elle s’interroge sur son suicide. Gabriel, ami journaliste d’Angelina, n’est pas assez consensuel pour son employeur. Mais, bien informé sur la vie dans le Trégor, il va épauler sa collègue. Il lui présente "Serpico", policier local qui ne se fie pas toujours aux apparences.

Un attentat cause la mort de Beltran, directeur de la Coop d’Armor. Bien qu’il soit l’œuvre d’un mercenaire, c’est Gaël qui est arrêté sur les lieux. Les indices glanés par Serpico sont favorables à Gaël Kervoal, qui refuse toute explication. Angelina comprend qu’il était moins intéressé par la ferme que son frère, lequel croyait dans l’avenir du bio. Quand l’auteur de l’attentat tente de cambrioler le bureau d’Alain, Angelina l’en empêche. Elle trouve un document dont elle ne parle pas immédiatement à la police. Bien que Mme Kervoal se justifie sur leur souhait de vendre la ferme, le regard d’Angelina sur Gaël change. Son comportement a pu entraîner la mort de son frère.

Lorsque le mercenaire est arrêté, Gaël Kervoal est libéré. Serpico prouve qu’il s’agit d’un pro. Reste à savoir qui le commanditait. Les puissants amis du défunt Beltran ne sont pas précisément honnêtes. Si le projet de port en eaux profondes sur le Jaudy est légal, leur opération immobilière utilise des méthodes nettement moins régulières. Ils convoitaient les terres d’Alain Kervoal, dont le suicide reste incertain. Angelina s'avoue déçue par l'attitude de Gaël. Démontrer la culpabilité des responsables et obtenir des aveux s'avère mission quasiment impossible. Même pour un flic non conformiste et une journaliste motivée...

On sent que Bruno Ségalotti possède un plaisir d'écriture et une certaine expérience. Magouilleurs sans scrupules, agriculture entre production bio et intensive : si le sujet ne prétend pas être neuf, il est parfaitement traité. Même si l’essentiel se déroule dans le Trégor, l’auteur réussit à élargir le décor. Il maîtrise son intrigue, installant une vraie ambiance. Chaque personnage étant décrit dans sa complexité, les héros sont convaincants. Cette histoire crédible ne manque ni de suspense, ni d’action. Ce qui en fait un roman fort agréable, et même plutôt passionnant.

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 06:13

 

La quatrième aventure inédite de Clémence de Rosmadec, l’héroïne créée par Yves Josso, est intituléeL’assassin des cathédrales(10-18 Grands détectives). Remontons le temps pour nous retrouver voilà cent vingt ans dans le sud du Finistère.

À Quimper en août 1890, la cathédrale Saint-Corentin est la cible de voleurs dérobant les plus précieux trésors des édifices religieux. La sacristaine qui tente de s’interposer est violemment agressée. On ne la retrouve qu’au matin suivant, dans un état grave. Cette vieille demoiselle et son frère Julien, chanoine à Saint-Corentin, font partie de la famille de Rosmadec. Ces notables habitent un manoir du côté de Pont-Aven. Elle-même peintre professionnel, leur fille Clémence (23 ans) est très proche de Paul Gauguin et des amis qui l’entourent. En tant que détective amateur, Clémence a déjà quelques succès à son actif. JOSSO-2010Tandis que sa tante Eugénie est encore dans le coma, la famille de Rosmadec charge Clémence de retrouver les auteurs de l’agression et la trace des joyaux volés.

Ne cachant pas son anticléricalisme, le policier chargé de l’affaire soupçonne des prêtres d’avoir commis ce vol. À Saint-Corentin, Clémence comprend vite que le coupable s’est laissé enfermer la veille au soir. Un complice ayant dérobé la charrette d’un voisin, ils ont filé vers la gare de Quimper. Effectivement, le butin est déjà à Paris. Les hommes de main l’ont livré au trafiquant Marcel Mercator, dit MM. Sur les conseils avisés du Professeur, celui-ci organise la razzia dans les églises de Bretagne et de la capitale. Mercator envoie ses sbires partout, avant que les autorités religieuses ne réagissent. À Nizon, petite commune près de Pont-Aven, un jeune abbé est assassiné lors du pillage de la chapelle. C’est sans doute la même bande qui s’est attaquée simultanément à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. Marié à une sévère institutrice, le juge Pommart suspecte autant des romanichels que Paul Gauguin et ses amis artistes.

Du côté de Rouen, sir Henry Chippenham est un collectionneur d’œuvres d’art assez extravagant. Lui aussi est conseillé par un expert, et dispose d’une bande de malfrats. Les Vierges noires l’intéressent tout particulièrement. Chippenham entre en concurrence avec Mercator et ses hommes, chargeant sa bande de multiplier les pillages. Alors que sa tante la sacristaine se remet peu à peu du choc, Clémence poursuit sa villégiature au manoir familial. Gilles, son amant parisien, l’a rejointe. On apprend que les voleurs visent maintenant les vitraux d’églises. Plus surprenant encore, le juge Pommart est arrêté pour vol d’objets religieux. On en a découvert dans sa cave, après une dénonciation anonyme. À Paris, l’église Saint-Étienne-du-Mont est la cible des pilleurs, qui dont deux victimes. Clémence et Gilles retrouvent bientôt leurs amis parisiens Bouboule, Bébert et Antoine, poursuivant l’enquête à partir des Puces de Saint-Ouen…

Jeune femme de bonne famille, Clémence de Rosmadec possède des talents d’enquêtrice, mais n’a rien d’une justicière : “…Clémence, bien à contrecœur, sentit que son devoir était de démasquer les assassins. Elle n’avait pas pour eux ce que l’on appelle de la haine, et ne souhaitait pas davantage les voir punis. Elle éprouvait juste l’absolue nécessité de les démasquer pour que cessent leurs crimes.” D’ailleurs, si elle suit de près cette série de vols, elle n’interrompt pas son séjour estival dans la demeure familiale avec ses amis. Clémence côtoie les peintres qui se sont rassemblés autour de Gauguin, chez Marie Henry, au Pouldu. Dans ce contexte, l’histoire se passe d’ailleurs quelques semaines après le suicide de Van Gogh.

Quant aux pillages d’édifices religieux, non sécurisés à cette époque, le sujet apparaît aussi véridique qu’intemporel. Si les prêtres étaient bien plus nombreux que de nos jours, leur capacité à affronter des malfrats restait probablement faible, en effet. Nuançons quand même la rapidité de l’information transmise par les journaux qui, en réalité, était alors bien lente. Ce roman décrit autant la Bretagne d’autrefois, ses décors et ses trésors religieux, qu’il évoque l’ambiance du Paris populaire de jadis. Riche en péripéties et en documentation, ce suspense se lit très agréablement.

Partager cet article
Repost0
6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 06:18

 

Parmi les romans mettant en scène l’éternel Sherlock Holmes, voici une des plus singulières aventures du héros créé par Conan Doyle,La vendetta de Sherlock Holmesd’Ugo Pandolfi (Albiana, 2010).

À la fin du 19e siècle, Ugo Pandolfi est un ingénieur géologue corse réputé. Il fut un proche du défunt Guy de Maupassant, dont il vénère la mémoire. En cet automne 1893, Pandolfi a rendez-vous à Montpellier avec un nommé Sigerson, un Scandinave ayant besoin d’un guide pour visiter la Corse. L’homme dévoile bientôt son identité : c’est le fameux Sherlock Holmes, disparu depuis quelques mois. Il invite Pandolfi à une réunion secrète, regroupant les membres d’un comité qui vise l’élimination du Professeur Moriarty. Tous ces prestigieux experts européens savent que l’ennemi personnel de Holmes ne cesse d’étendre ses activités illégales. Certes, en Corse où le criminel s’est réfugié, le commissaire Le Villard a mis en place un réseau de surveillance autour de Moriarty. Encore faut-il l’approcher, être sûr de ne pas le rater. C’est une mission dangereuse, que seul Holmes peut accomplir. Pandolfi accepte immédiatement de l’assister.

Arrivés à Ajaccio, le duo peut essentiellement compter sur deux personnes. Ors’Anto, l’agent local de Le Villard, est un homme de confiance, efficace et discret.PANDOLFI-2010 Le jeune policier irlandais O’Near dirige l’opération sur l’île. Les rapports qu’il a reçu du mystérieux Reouven l’ont beaucoup aidé, mais cet agent ne donne plus signe de vie. On sait que Moriarty aurait un complice asiatique, un Annamite, dont le rôle reste encore obscur. En outre, les notaires de l’île sont actuellement très actifs, achetant de nombreuses propriétés pour la mafia de Moriarty. Celui-ci réside dans deux endroits, selon les jours, soit à Sartène, soit à Cardo près de Bastia. Toutefois, il se déplacerait bien vite sur les chemins peu commodes entre ces lieux. Comme l’a toujours pensé Sherlock Holmes, il existe certainement deux Moriarty. Pandolfi et le détective se rendent près de Sartène, dans un poste d’observation d’où l’on peut surveiller la maison de Moriarty.

Le duo voit effectivement l’Annamite aller et venir. Leur cible se montre peu, sortant brièvement de chez lui. Ayant cherché le meilleur moyen d’approcher, s’abritant derrière un dolmen à la réputation maléfique, Holmes finit par utiliser son fusil spécial contre Moriarty. Ainsi qu’il le craignait, ce n’est qu’une doublure du criminel. Toujours davantage animé par l’esprit de vengeance, guidé par cette haine qu’il éprouve depuis vingt et un ans contre Moriarty, Holmes entraîne Pandolfi à Bastia. C’est depuis une grotte que l’on épie la propriété de Cardo où se trouve l’adversaire. Même s’il parvenait à supprimer Moriarty, il resterait quelques questions mal expliquées. Telle cette hécatombe parmi les brebis à travers toute l’île. Pour Pandolfi et Holmes, c’est évidemment à Londres que se terminera leur aventure. L’ingénieur y découvrira même d’incroyables révélations sur le héros Corse par excellence, Pascal Paoli…

Voilà un “polar historique” particulièrement bien documenté. Ce roman fourmille d’une multitude de détails, qu’un simple résumé ne saurait restituer. Soulignons d’abord un bel hommage à Guy de Maupassant, grand amoureux de la Corse. Celui-ci n’aimait guère les ingénieurs et les politiciens : “Nos hommes politiques se querellent plus qu’ils ne délibèrent. Quant aux ingénieurs, le mépris qu’avait pour eux Maupassant n’avait pas de limite (…) [Il] était revenu à Ajaccio en affirmant que ces gens étaient plus dangereux que le choléra. Ce mal, disait-il, ne détruit que les hommes, tandis que les ingénieurs détruisent la nature elle-même, après l’avoir rendue grotesque.” Holmes n’est pas moins cinglant envers les politiciens : “Le seul mot de politique (…) semble être devenu le synonyme de mauvaise foi, d’arbitraire, de perfidie, de ruse et de délation.”

Holmes ne mène pas ici une enquête de celles que nous les ont décrites ses hagiographes, le Dr Watson et Conan Doyle. Quand on vient pour se venger, pour la vendetta, le raisonnement passe forcément au second plan. C’est un périple à travers la Corse qu’il va vivre, ce qui est l’occasion de décrire maintes beautés de cette île, d’en rappeler plusieurs éléments historiques. Parmi les moments intéressants, notons la réunion des initiateurs de la criminologie moderne (Bertillon, Lacassagne, Lombroso…). Clin d’œil aux admirateurs du détective, le personnage énigmatique de Reouven, du nom du meilleur continuateur de l’œuvre de Conan Doyle, l’écrivain René Reouven. Précisons, toujours dans l’esprit holmésien, que Ugo Pandolfi est ici sous le charme de la fille du Dr Bell, dont Conan Doyle s’inspira largement. Ce voyage nous permettant d’accompagner Sherlock Holmes en Corse est un vrai plaisir, et une belle manière de découvrir certains aspects de l’île.

Cliquez sur le site de l'éditeur www.albiana.fr

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/