Roger Faller fut un des bons auteurs de la collection Spécial-Police du Fleuve Noir. Il se montra souvent fort convaincant dans cet exercice consistant à peaufiner portraits et ambiances. En particulier à partir de la seconde moitié des années 1970, quand il cessa d'écrire aussi des romans d'espionnage. Les suspenses de cet auteur ne manquent pas de qualité.
Commençons par un de ses premiers titres, sous le pseudonyme de Roger Henri-Nova "Mise en
Seine" (1960, coll. Un Mystère) : Spécialiste du roman d’aventure, apprécié des lecteurs, l’écrivain Franck Sarda se voit refuser son nouveau manuscrit par son éditeur habituel. Dans ce roman, il
évoque la riche et puissante famille Felder… Patron de la Copélux qu’il créa avant la seconde guerre mondiale, Guillaume Felder est un homme infirme, physiquement disgracié. Ce qui ne l’empêche
pas de mener ses affaires depuis son bureau. Même pendant la guerre, alors qu’on le supposait en fuite. Il fut dénoncé, mais en réchappa. Sa jeune épouse Marcelle Felder, qui fut sa secrétaire,
serait-elle prête à tout (même à le supprimer) pour s’emparer de la Copélux ? Avant tout, elle préserve un certain secret. Adjoint de Felder, Diot ne mérite pas le terme de "homme de confiance".
Le jeune Sandrini, futur époux de l’héritière Betty Felder, ne parait pas être le bienvenu dans la famille. Les rôles de Tardy, chauffeur de Sandrini, et de l’ex-policier Duvineau, proche de
Felder, ne semblent guère clairs dans ce petit cercle où chacun mène son propre jeu…
Voici un survol de dix-sept titres de Roger Faller, entré dans la collection Spécial-Police en 1963.
"Intérêts composés" (1966) : Écrivain sans envergure, Robert Thirion est engagé pour écrire des sketches publicitaires destinés à la radio. Afin de s’y consacrer, il prend quelques jours de vacances à Echternach, au Luxembourg. Sa femme Monique l’accompagne, plutôt comme secrétaire que comme épouse. Curieux couple, d’ailleurs, qui ne se comporte pas tels mari et femme. Monique a bien l’intention de se reposer, laissant à Françoise Girard le rôle de secrétaire. Une jeune femme asthmatique qui cache quelques secrets. Un aller-retour à Paris permet à Thirion de s’interroger sur la situation. Qui cherche à lui nuire, et pour quelle raison ?…
"Le pavé de l’ours" (1968) : Voici trois ans que Marie-Josée a quitté son mari Lucien, plus
âgé qu’elle, pour vivre avec Gérard, vendeur de voitures peu courageux et toujours endetté. Face à de gros besoins d’argent, le couple envisage d’en emprunter à Lucien. Ancien employé de banque,
celui-ci semble assez aisé. Marie-Josée se dit qu’elle ferait mieux de reprendre la vie commune avec son mari, bien plus riche encore qu’elle ne l’imaginait. Mais pourra-t-elle lui faire accepter
sa fille Martine, qui est l’enfant de Gérard ? Après un voyage en amoureux avec Marie-Josée, Lucien décide d’acheter une voiture à Gérard. Un moyen de lui faire gagner un peu d’argent. Hélas, un
accident se produit. Lucien trouve la mort, son meilleur ami est blessé. Voilà Marie-Josée placée dans une situation fort complexe…
"Le mauvais bain" (1970) : Pourquoi Lucien Berton a-t-il épousé Christine ? Parce qu’elle était séduisante et semblait inaccessible. Parce que ce jeune homme désœuvré voulait changer de vie. Il s’éloigna un peu de sa mère, Viviane. Lucien ne chercha jamais à sympathiser avec le père de Christine, Rouillaud, un alcoolique fort en gueule. À côté du centre hippique de son beau-père, Lucien créa un bar boite de nuit, qui prospéra vite, mais dégrada ses relations avec son épouse. Des clients perturbateurs, d’autres venant discrètement avec leur petite amie, pas toujours aisé à gérer. Lucien n’apprécie guère l’amant de sa mère, Gérard, qui profite trop de la situation. Deux décès dans la même nuit, c’est beaucoup pour un seul homme. Certes, Christine semble s’être suicidée, mais la vérité n’est sans doute pas si claire. Quant à la mort du maître chanteur Bouscarel, ce n’est pas une grosse perte. Pourtant, maintes complications s’annoncent pour Lucien…
"Pourquoi
Nathalie ?" (1972) : Détective débutant, André Pierson mène une enquête à Londres, à la demande de l’antiquaire Francine Valant. Catherine, la fille de sa cliente, se trouve dans le coma suite à
un grave accident. On s’explique mal ce qu’elle faisait en pleine nuit dans un quartier voué à la démolition. À la pension où habitait Catherine, vivent plusieurs françaises employées dans les
commerces de la société Coronair. La jeune Nicole donne un témoignage négatif sur Catherine, évoquant également la meilleure amie de celle-ci, Nathalie, eurasienne d’à peine dix-huit ans. De
caractères opposés, les deux jeunes filles s’entendaient pourtant très bien. Le détective cherche à joindre Nathalie à Paris, mais tombe sur sa sœur Swany. Peut-être Catherine avait-elle
découvert de dangereux trafics ? En tour cas, Pierson tente de comprendre le rôle de plusieurs personnes proches de Nathalie et de Catherine…
"Éternelle reconnaissance" (1973) : Charles Nicolleau est retrouvé mort dans son
bureau. La police est appelée car, même si le décès semble naturel, il porte des marques suspectes. Éminent avocat, Nicolleau est surtout un politicien estimé. Il a agi en faveur des personnes
âgées et des gens dans le besoin. Les R.G. souhaitent une enquête précise. Plus habitué aux affaires criminelles
qu’à celles réclamant du doigté, le commissaire Mathivet fera de son mieux pour éclaircir cette histoire. Bien plus jeune que son défunt époux, Anne-Marie Nicolleau est assez futée pour préserver
ses intérêts. Elle confie une précieuse mallette à son amant, François Malige, collaborateur de Nicolleau. D’un caractère prétentieux, ce dernier ne sait comment ouvrir ladite mallette le plus
discrètement possible. Il est aussi question ici d’une reconnaissance de dette au parcours fort compliqué…
"Le vent du boulet" (1975) : À Paris, un vol de bijoux précieux a été commis après une
séance photo chez le célèbre photographe Sydney Benz. L’agression a eu lieu dans l’escalier de l’immeuble. Faustel, employé de la compagnie d’assurance, est hospitalisé après avoir subi des
mauvais coups. La police enquête. Jean-Claude Chanudet, un des responsables des assurances, engage son père Victor afin de retrouver les bijoux. Ancien flic ayant eu des ennuis un an plus tôt, ce
détective occasionnel porte un regard désabusé sur le monde. Les suspects ne manquent certes pas, en particulier autour du
photographe. Avec la mort de Faustel, la suite s’annonce plus complexe. Le commissaire Lemoine, de la PJ, et Victor Chanudet cherchent chacun de son côté. Essaiera-t-on de contrer le détective en
le mettant dans le même pétrin qu’il y a un an ?…
"Le ciel m’est témoin" (1976) : Marc est pigiste pour les journaux et la radio. Chez
des amis, il fait la connaissance de Gilda Comolli. Il propose à cette excellente chanteuse de l'aider dans ce métier, où il a des relations. La maison de disque Sonic est bientôt intéressée. On
leur attribue une efficace relations-publiques, Viviane, avec laquelle Marc devient intime. L'important est que le nommé Hugon, un musicien qui tenta d'imposer Gilda par le passé, ne s'en mêle
pas. Chez Sonic, on craint que ce combinard ne se manifeste à nouveau. La chanteuse supporterait-elle mal la célébrité ? Elle tente plusieurs fois de se suicider. Contrairement à l'inspecteur
Vauquelin, Marc et Viviane pensent que c'est Hugon qui pousse Gilda à se supprimer. Ne serait-elle pas un peu dérangée ? A moins
qu'elle ait quelque chose à cacher ?
"Le bon droit" (1977) : Henri habite Paris. Il est marié à Francine, une femme jalouse. Il hérite d'un vague cousin de sa mère, vivant à Meung-sur-Loire. Les Picolet sont les autres héritiers. Ils ne veulent pas de la maison du défunt, son seul bien, qu'Henri songe à racheter. Le début d'une vie plus saine, avec Francine ? Il paraît que le vieux cousin collectionnait les pièces d'or. Les Picolet se seraient-ils partagé ce trésor en cachette ? Henri contacte une avocat, Simone Peletier. Celle-ci est ambitieuse. Elle incite le juge d'instruction à procéder à une perquisition, qui ne donne rien. Pourtant, elle n'a sans doute pas tort de suspecter les Picolet. Pendant ce temps, rien ne va plus entre Henri et Francine. Puisque Francine connaît et apprécie Simone, pourquoi choisir une autre avocate ? …
"Le ringard" (1977) : Alain Tual est un comédien dont la carrière a décliné ces
dernières années. Grâce à son ami Christian Gillot, il est employé dans une agence de relations publiques. Situation peu satisfaisante, mais qui lui permet de vivre, de sauver les apparences.
Personne n’apprécie véritablement sa patronne, Maguy Gillot. Son fils Christian n’a aucune raison de l’aimer. Marie-France, petite amie de Christian, pas davantage. Pierson, le vrai directeur de l’agence,
pas plus. Jeune dame de compagnie de Maguy, Nicole ne voit dans cet emploi que le moyen de vivre sans souci avec son fiancé Michel. Quant à Alain Tual, s’il est l’amant occasionnel de sa
patronne, il n’est pas amoureux de cette femme froide de quarante-cinq ans. Le passé de Maguy aux Etats-Unis ? Rien d’autre qu’un secret de Polichinelle. Muté de Lyon à Paris suite à une sale
affaire, le policier Médéric enquête sur le meurtre de Maguy. Il ne parait pas hostile, mais Alain Tual reste sur ses gardes. Même sans être fautif, on n’a pas forcément la conscience tranquille.
Puisque cette mort arrange plusieurs personnes, pourquoi chercher trop loin ? (La forme narrative de ce roman à deux voix est très réussie).
"La berlure" (1978) : Louis Guillon est employé comme détective privé, à l'agence
Filatis. Adrien Brochard, client de la Résidence Malakoff, a disparu en laissant quelques dettes. Cet endroit est un place où il passait une semaine par mois depuis un an. Retrouver la trace
d'Adrien n'est pas compliqué. Ce paisible retraité, veuf depuis l'année précédente, habite à Sartrouville. Il vient de mourir d'une crise cardiaque. Il ne parlait à personne de ses escapades
mensuelles. Surtout pas à sa nièce Annie. Comment, avec sa maigre retraite, Adrien pouvait-il s'offrir cette semaine de luxe chaque mois ? Et les beaux cadeaux à Hélène, conseillère conjugale ?
Celle-ci en sait bien plus qu'elle n'en dit. Quand le juge Alvarèze met son nez de fouineur dans ce dossier, il interroge tout le monde. Il espère que la mort d'Adrien est un meurtre. Le
détective comprend plus vite que lui…
"La bonne parole" (1978) : Frédéric Leroussy est le responsable de La bonne
parole, un bulletin moraliste auquel il a donné un grand essor en vingt ans. Cette petite publication héritée de son beau-père est aujourd'hui très rentable. Dans les médias, il défend ses
thèses rétrogrades avec la plus grande conviction. Il donne aussi des conférences. C'est en se rendant à l'une d'elles qu'il a un accident de voiture. Problème ennuyeux, car sa maîtresse qui
l'accompagnait a été légèrement blessée. La clinique a prévenu le mari de cette dernière, une crapule. Il sait que Leroussy tient à son honorabilité, et envisage de le faire chanter. Il prend
rendez-vous avec lui. L'adjoint de Leroussy, Emile, tue involontaire le mari escroc. L'affaire passerait presque inaperçue si l'épouse et la nouvelle
amie du défunt ne s'inquiétaient de sa disparition. L'inspecteur Andréotti mène l'enquête…
"Le linge sale" (1980) : Qui est donc ce M.Legall, installé depuis quelques mois dans un petit village proche de Munster ? Un veuf retraité pas causant, menant une vie au ralenti. Cet homme peu expansif garde-t-il un douloureux secret, ou est-il simplement taciturne ? Détective, Louis Fillol est engagé par un client anonyme afin de connaître l'origine des revenus de M.Legall. Le jeune homme que Fillol a envoyé chez le retraité est tué. Légitime défense, estime-t-on. Le détective a heureusement récupéré des relevés bancaires. Même si son client lui demande de ne plus s'occuper de rien, Fillol veut en savoir plus. M.Legall vient justement d'être sauvagement assassiné chez lui. Quel rapport existait-il entre lui et un curieux accident de voiture s'étant produit l'année précédente ? A qui appartenait la puissante automobile noire ? Pourquoi la pédale d'accélération était-elle modifiée ?…
"Le droit
de suite" (1980) : Léon Belpaume, 50 ans, tient à Paris une boutique d'antiquités et brocante. Sa vendeuse s'occupe de ce commerce battant de l'aile, car Léon est un dilettante que ça n'intéresse
guère. Par hasard, il fait la connaissance de Marie-Hélène, une quadragénaire employée chez un notaire. Pas vraiment un coup de foudre. D'autant que Marie-Hélène disparaît pendant quelques
semaines. Entre temps, elle s'est brièvement mariée, mais son époux est décédé lors du voyage de noces. Léon et elle vont donc bientôt se marier. Ça déplait à son employée, car Marie-Hélène
affirme être compétente en matière d'antiquités, et saurait la remplacer. Léon a de bonnes raisons (de santé, entre autres) de se poser des questions dur la famille de sa femme, les Hudin. On
meurt beaucoup dans leur entourage, ils héritent souvent. Pas si facile de sortir de leurs griffes…
"Le champ libre" (1981) : Andrée sort de prison. Une courte peine qu'elle n'a pas méritée, qui risque de gâcher sa vie. Cette femme de 40 ans ne veut plus vivre avec son hypocrite mari Fernand, responsable de ces deux mois de prison. Derrière les barreaux, Andrée a sympathisé avec Claudine, une dynamique femme de 30 ans. Cette débrouillarde accepte volontiers d'héberger Andrée. Elle l'aide à récupérer ses affaires et un peu d'argent, en rudoyant Fernand. Elles rêvaient de la Côte d'Azur. Elles répondent à une annonce. C'est Andrée qui est choisie par M.Teroni, qui recherche une gouvernante. Elle va plutôt jouer un rôle de figurante auprès de lui. Claudine les rejoint, choisie par M.Teroni pour devenir sa nouvelle cuisinière. Mais il ne la garde pas. Croyant qu'Andrée est responsable de son éviction, Claudine va se venger. M.Teroni, lui, souhaite éviter les embrouilles…
"La vie de palaces" (1982) : A Lyon, Mylène est mariée à Bertrand, garagiste. Un mariage
sans amour, pour fuite le climat familial. Hostile à toute forme bourgeoise, Mylène rêve d'une vie bohème. Un certain Patrick lui propose de la loger. Il devient son amant. Bientôt, elle apprend
qu'il est le fils de notables lyonnais. Mylène attend un enfant de Patrick. Ravi, il lui propose le mariage. Par principe, elle refuse. Quand Patrick et ses parents sont victimes d'un accident de
la route, l'héritier légal ne semble pas pressé d'entrer en possession de la fortune. Ce sexagénaire est calculateur : si Mylène revendique l'argent au nom de la fille de Patrick, il se fera
nommer curateur, position qui lui convient parfaitement. Malgré les conseils, Mylène refuse obstinément.
"Le goût du pain" (1982) : A Andlau, bourgade alsacienne, Germaine Bayer est connue et
respectée de tous. Une veuve de guerre méritante. Elle a élevé seule sa fille Suzanne, aujourd'hui avocate, après le décès de son mari. Tout le monde ne mesure pas à quel point Mme Bayer aime
l'argent. Elle possède un restaurant, une boutique de souvenirs, et commerce avec les sœurs du monastère voisin. Ce sont
surtout Louis, le jeune maître d'hôtel, et Marie, la vieille cuisinière, qui font tourner le restaurant. Ils voudraient bien posséder leur propre établissement, mais Mme Bayer règne sur Andlau.
Ils hésitent à l'affronter. Martine, serveuse remplaçante de 25 ans, ne plait guère à Mme Bayer. La jeune femme s'aperçoit vite que sa patronne cache des secrets. Si elle parvient à les
découvrir, elle pourra exercer un petit chantage afin que Marie ait son restaurant., qu'ils exploiteront avec Louis…
"L'or en branches" (1984) : Meudon, banlieue résidentielle de Paris. La famille de Pierre-Henri (24 ans) vit dans une propriété quelque peu délabrée, ne méritant plus le qualificatif de château. Philippe-Auguste, le père, est médecin. Judith, la mère est fille de notaire et très pieuse. Virginie, la fille, a quitté la maison pour vivre avec un philosophe pas tellement brillant. Jean-Eudes, l'aîné, est un simplet caractériel. L'accident de voiture mortel de leur père devrait les souder, mais ce n'est pas le cas. La mère, déjà bernée dans d'autres cas, entend défendre ses droits. Virginie a aussi besoin d'argent. Chacun pense que leur père a caché des lingots d'or quelque part, vieille tradition familiale. Pierre-Henri découvre que son père menait une double vie. Les a-t-il spoliés pour autant ? Jean-Eudes simule-t-il ses limites mentales ? Quand Judith passe par la fenêtre, faut-il admettre la thèse de l'accident ?…
Lire le portrait de Roger Faller sur Mystère Jazz (cliquez ici)