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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 06:57

 

Il est à craindre que Stanley Péan soit largement méconnu en France. Pourtant, se procurer ses livres n’est pas bien difficile (*). Né à Port-au-Prince en 1966, il vit au Québec depuis sa prime enfance. Son premier roman, Le tumulte de mon sang, date de 1991 et fut récompensé par un Prix littéraire. Ce n’est donc pas une nouveauté, mais il est toujours disponible (réédité en 2007, aux éditions La courte échelle)…

Péan-1Lui, c’est un jeune poète originaire d’Haïti, élevé par sa grand-mère au Québec. Elle, sa compagne journaliste Madeline Duché dite Mady, est également native d’Haïti. Elle fut élevée par son oncle et parrain, le colonel Rodrigue Duché, dans une propriété de Nouvelle-Angleterre. Une enfance protégée, bourgeoise même, dans ce manoir dont elle fut la Princesse du château. À l’initiative de Mady, le couple va passer quelques jours en amoureux chez Rodrigue Duché. Quand ils arrivent, ils sont (mal) accueillis par des gardes armés Noirs, sous la direction d’un certain Wilson. Il semble qu’une panne technique explique cette sécurité renforcée. Reçu par l’oncle de Mady, le couple s’installe. Troublé par l’ambiance inquiétante du manoir, le jeune Haïtien cauchemarde dès la première nuit.

Le lendemain matin, il fait la connaissance de Ouidah, l’ex-nounou de Mady. Il remarque le regard perçant et méfiant de cette Haïtienne. Dès le premier réel contact avec le colonel Duché, le jeune intellectuel éprouve une nette aversion envers ce militaire. Certes, l’oncle fut plutôt un opposant à Papa Doc, mais on peut s’interroger sur l’aisance financière dont il jouit. Ce n’est sans doute pas le fruit d’une honnête activité. Rodrigue Duché reste imprécis sur les menaces dont il serait l’objet. Pour sa sécurité, il a besoin de ces mercenaires armés. Wilson, leur chef, se montre insultant envers le jeune invité. Mulâtre au teint noir pâle, il accepte mal les termes mal blanchis et Haïchiens. Il apparaît que le cynique Wilson est, en réalité, agressif envers tout interlocuteur.

Rodrigue Duché adopte finalement le compagnon de sa nièce et filleule. Il a lu et apprécié la poésie du jeune homme. Pourtant, ce dernier continue à se sentir mal dans ces lieux. Il est victime d’hallucinations et d’autres cauchemars. Assez habituelle, la légende du manoir maudit n’explique rien. La nounou Ouidah reste discrète sur les menaces évoquées par l’oncle. Néanmoins, le danger se précise bientôt. Puisqu’un chien ragé rôde dans la propriété, il serait prudent que le couple s’en aille. Mady s’y refuse obstinément. Ni son oncle, ni son compagnon ne parviennent à la décider. La suite va prendre une tournure dramatique…

 

L’auteur s’inspire de ses racines haïtiennes pour cette fiction à suspense. On y trouve des références marquées au vodou. Plus que religion ou sorcellerie, le vodou exprime l’âme traditionnelle haïtienne. Un glossaire nous permet de traduire certaines formules créoles d’Haïti, et nous présente quelques personnages ayant jalonné l’Histoire de ce pays. On devine le parallèle entre cette maison maléfique et les tragédies qu’a connu Haïti au fil du temps et des dictatures.

A-t-on jamais vu un pays si petit, si pauvre, avec autant d’écrivains, d’intellectuels et de penseurs de tout acabit par pied carré ?Là, vous avez tort, colonel. Le principal problème du pays, de toute l’Amérique latine à vrai dire, c’est le trop grand nombre de soldats ambitieux qui voudraient tous être Pinochet.Certes, comme le précise l’auteur, nous observons Haïtidepuis des balcons trop éloignéspour comprendre tous les enjeux menant à la pauvreté permanente de cet état. Toutefois, Haïti ne possède pas moins de richesses et de capacités humaines que tout pays. Il n’est pas absurde d’imaginer une volonté internationale de maintenir Haïti et quelques autres contrées dans la misère, afin de les présenter comme exemples d’incompétence et d’instabilité. Si elle est utile, l’aide caritative n’apporte guère de solution à long terme pour Haïti. Cette opinion personnelle nous éloigne du contenu de ce livre, pas de son contexte. Un roman de très belle qualité.

 

(*) Par exemple, dans cette librairie (cliquez) mais il existe d'autres points de ventes.   

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 07:11

 

Parmi les nouveaux titres de la collection Coups de Tête, voici Zones 5 de Michel Vézina. Rappelons que ces romans sont disponibles en France.

Au Québec, dans un futur proche. Indépendant depuis quelques décennies, le pays appuie son économie sur l’exportation d’eau, richesse désormais rare. Une filiale de la Lyonnaise des Eaux, la Boréale, s’est associée au pouvoir en place pour dominer économiquement le Québec. Un découpage permet aux nantis de se protéger dans les Zones 1, tandis que les populations sont reléguées selon leur niveau de pauvreté dans les Zones 2, 3 et 4. VEZINA-zones5Accès et déplacements sont contrôlés depuis La Grande Expropriation qui a vidé une partie du pays.

Des groupes marginaux espèrent échapper au système mis en œuvre. Ils se sont installés dans d’anciens villages de l’Est, laissés à l’abandon. C’est ainsi que Jappy, sa compagne Élise, Ender, et quelques amis squattent à Blanc-Sablon, sur le Golfe du Saint-Laurent. Selon Jappy, il s’agit de concrétiser des Zones Autonomes Temporaires, inspirées des TAZ du philosophe anarchiste Hakim Bey. Ses propositions sur l’insurrection permanente, au lieu de vaines révolutions, ont séduit Jappy. Ender et son disciple Diego, ainsi qu’Élise, sont plutôt partisans d’un activisme minant la société actuelle. Détourner les infos officielles via Internet est un jeu. Les réseaux entre villages squattés peuvent leur permettre d’aller beaucoup plus loin dans leur résistance.

Bien qu’occupé, surtout depuis que leur groupe grossit, Jappy s’ennuie. Élise à accouché de leur enfant, Kassad, un bébé très particulier. Cette naissance ne suffit pas à l’enthousiasmer. Quand la Compagnie Collective des squatteurs décide d’arraisonner un cargo de passage dans la baie, Jappy retrouve un certain entrain. Avant de saborder le navire vidé de sa cargaison, les pirates recueillent l’équipage et les clandestins maltraités venus du Kivu. Parmi ces Noirs, Jappy repère instinctivement la belle Shade, attirante par sa nature combative. Les actes de piraterie maritime se poursuivent bientôt. Opérations excitantes autant que fructueuses, sans doute. Pourtant, partisan de vivre secrètement loin de la société, Jappy mesure vite le danger de tant s’exposer. Sous l’influence d’Ender et de Diego, l’ensemble des squatteurs se laisse trop facilement entraîner.

Bien que Rimouski soit une ville hyper protégée, dédiée au tourisme et à la culture encadrée, Jappy parvient à s’y infiltrer un temps. Grâce à ses contacts sur place, ils peuvent organiser un petit bordel, c’est-à-dire quelques trafics illicites. L’attaque d’un navire pétrolier est une réussite, piraterie d’envergure qui fait réagir les autorités. Maintenant, les bateaux seront escortés sur le Saint-Laurent. Forts de leurs succès, les groupes marginaux s’éloignent des préceptes simples des ZAT. S’en prendre à un paquebot de croisière transportant de riches clients, Jappy est hostile à cette idée. Bien qu’il participe à l’assaut, la suite lui donne raison. Même dans l’adversité, il peut compter sur ses contacts. Tels Big Jo et Gloria, ses amis de Rimouski, ou les Innus ralliés à leur combat…

 

Sociologues ou statisticiens nous parlent d’une vision raisonnable de l’avenir. Politiques et économistes se contentent de gérer notre monde à court terme. Présenter une version alternative de la société de demain est le rôle qui incombe aux romanciers.

C’est-ce que nous propose Michel Vézina dans ce polar futuriste, de la série Élise. La précision narrative nous permet d’imaginer facilement l’univers qui est décrit, même si l’on n’est pas québécois. Il n’est jamais inutile de souligner la mainmise des groupes financiers sur les décisions politiques. Le rejet d’un système, qui n’est profitable qu’aux élites les plus aisées, amène diverses éventualités. Entre le mythe de Robin des Bois et les idées anarchistes d’Hakim Bey, entre devenir pirate pour subsister et mener une guérilla révolutionnaire contre l’État, les motivations sont divergentes. Sans doute est-ce là l’ambiguïté des utopies. Voilà ce qu’illustre l’auteur à travers cette histoire.

Outre le propos sociétal, c’est aussi un roman d’aventures, dont les libres héros vivent de multiples péripéties et sont confrontés à de réels périls. La marginalité exige parfois des actes délictueux ou criminels. Nuancée, la psychologie des personnages montre leur caractère humain dans une époque qui aura aseptisé tout sens de la liberté. Un scénario d’une originalité extrêmement séduisante.

Lire aussi la chronique que Paul Maugendre consacre à "Zones 5" chez Mystère Jazz.

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 11:02

 

S'il est un auteur auquel Action-Suspense a accordé des pages, c'est bien Nicolas Jaillet. En effet, dès le 23 mars 2008, un Coup de cœur fut décerné à "Sansalina". Puis, le 7 février 2010, une chronique a été consacrée à son roman "Intruse". Ensuite, le 21 mars Nicolas Jaillet répondait à un Portrait Chinois. Intitulé "Nous les maîtres du monde", son nouveau titre paraît en novembre 2010 aux éditions Après La Lune. Nous aurons l’occasion d’en reparler ici. Dans le même temps, "Sansalina" est enfin réédité, chez Folio Policier (le 18 novembre). Bonne occasion de découvrir cet auteur, pour qui ne le connaîtrait pas encore…

Folio-JAILLET-18-11Mexique, 1927. Un carnage incendiaire vise la bibliothèque de Cazcùn et sa jeune directrice, Dolores. Elle est sauvée par un nommé Guzman. Il est chargé autant de la protéger que de l’amener à Sansalina, leur ville natale. Il exécute les ordres de Don Zorfi, chef mafieux local, ami de jeunesse de Dolores.

Dès l’école, Pablo Zorfi s’affiche comme un caïd en devenir. Son instituteur, Don Jaime Vasquez ne s’y trompe pas. Avec les trois frères Martìn et Eduardo Mendes, ils forment bientôt une première bande, les Buenhombres. Pour payer ses dettes, Ramon Zorfi vend son fils Pablo à Don Fernando. Dans la ferme de celui-ci, le garçon supporte les sévices. Il finit par tuer Don Fernando, avant de fuir avec Guzman. De retour à Sansalina, il obtient l’aide de la prostituée Raquel, et de ses amies, pour s’emparer de l’hôtel Colòn. Les Buenhombres renaissent : les frères Martìn, Mendes, Guzman et Zorfi se débarrassent de Don Sisco, patron de l’hôtel et maître du quartier.

Pendant les dix années suivantes, Don Pablo Zorfi domine son univers. Il respecte à peu près le pacte des Buenhombres, le recours au meurtre étant rare. Sauf dans le cas de son père, Ramon Zorfi, auquel il ne pardonne pas de l’avoir vendu. Sinon, tous profitent de son système. Il fait même bâtir une nouvelle école. Il n’a jamais oublié Dolores, la seule qu’il ait aimé, sans doute pour son caractère volontaire…

Ces héros évoluent dans une atmosphère âpre, violente. Leur propre loi, leurs actes et leurs sentiments sont empreints de dureté. Survivre, défi permanent. « Le bilan était amer. Pablo était au bout de la course (…) Les Buenhombres avaient bâti un empire. Ils avaient accompli une œuvre immense. Mais ils avaient foiré quelque chose au passage. Pablo ignorait quand et comment, mais de toute évidence ils avaient loupé le coche et leur vie avait sombré dans le délire. » Soumis à un noir destin, ils n’en sont pas moins émouvants. À l’exemple de Sénèque, ils préfèrent la liberté du philosophe à la cruauté du tyran. Dans un décor original, un roman singulier.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 07:16

 

Les deux premières noires enquêtes du policier Jonathan Stride sont désormais disponibles chez Pocket. Créé par Brian Freeman, ce flic est un de ces héros auxquels on s’attache vite. Personnage humain, sans certitudes acquises, il tente d’approcher la vérité dans des affaires complexes. Des investigations vraiment palpitantes.

Dans le Minnesota, Duluth est le décor de la première enquête de Jonathan Stride, “Jamais je ne reviendrai” (Pocket). Pour la seconde fois en un an, la ville est agitée par la disparition d’une adolescente. Après la jeune Kerry, littéralement volatilisée, c’est au tour de Rachel de s’évanouir dans la nuit. Selon la rumeur, Rachel est une très précoce mangeuse d’hommes. Cette fois, l’inspecteur Jonathan Stride est décidé à faire toute la lumière. Ténébreux, FREEMAN-2obstiné, le voilà plus impliqué dans cette affaire qu’il ne le pensait. C’est au cœur d’une sale histoire de famille, de jalousie, de vengeance et de haine, qu’il doit chercher la vérité. De la neige du Minnesota au sable du désert de Las Vegas, le secret de Rachel ne se livre pas si facilement. Sans doute faudrait-il du temps. Et l’aide de Serena Dial, de la police métropolitaine de Las Vegas…

Le deuxième épisode, Las Vegas baby, est maintenant au catalogue Pocket. Jonathan Stride a quitté son poste à Duluth, pour devenir policier à Las Vegas. Il a ainsi rejoint Serena Dial. Son supérieur a attribué à Jonathan une singulière équipière, Amanda. Fils d’un producteur audiovisuel vivant au Canada, M.J.Lane a été abattu sur Flamingo Road. M.J. appréciait le luxe et le sexe. La starlette Karyn n’a jamais jalousé ses autres conquêtes - dont Tierney Dargon, 24 ans, épouse du colérique Moose Dargon, 80 ans, ancienne gloire de Vegas. M.J.Lane s’entendait mal avec son père Walker Lane, piste possible. Bizarrement, le tueur laisse volontairement des indices. Serena enquête sur la mort d’un enfant, tué par un chauffard qui s’est enfui. Un cas similaire s’est produit récemment à Reno, sans lien apparent. M.J. Lane s’intéressait à la future destruction du Shéhérazade, hôtel et casino fondé par Boni Fisso. Octogénaire, Boni a de nouveaux projets. En 1967, l’enquête sur la mort de la danseuse star du Shéhérazade, Amira Luz, resta mal éclaircie…

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 07:30

 

Chez Plon, la collection Noir Rétro réédite un des grands romans noirs de Pierre Lesou “Le doulos”. L’occasion de redécouvrir ce polar, et d’en savoir un peu plus sur l’auteur…

VIAL-LESOU-DoulosEn France, au milieu des années 1950. Maurice Faugel, dit Maur, est sorti de prison six mois plus tôt. Il a purgé une peine de cinq ans après un cambriolage raté, sans dénoncer ses complices. Pendant son séjour en taule, sa femme Arlette a été assassinée. Aujourd’hui, Maur traîne presque tous les jours à Bondy chez son complice Gilbert, en attendant de futures rentrées d’argent. Celui qui a supprimé Arlette, Maur est certain que c’est justement Gilbert. Ce soir-là, Maur le tue avec l’arme qu’il lui a emprunté. Puis il vole les bijoux et le magot de sa victime, avant d’enterrer son butin dans un terrain vague. Ensuite, il rentre chez Thérèse, qui l’abrite provisoirement.

Silien est le meilleur ami de Maur. Ce petit truand jamais condamné a mauvaise réputation dans la pègre. On le sait proche de l’inspecteur Salignari, avec lequel il a partagé quelques épreuves avant que leurs chemins divergent. Silien serait le principal indic du policier. Même s’il a pu aussi s’interroger, Maur refuse que l’on critique son ami. Silien apporte chez Thérèse du matériel pour le cambriolage que Maur doit commettre cette nuit-là avec son comparse Rémy, mais reste étranger à ce coup. Pourtant, à peine Maur est-il parti que Silien est de retour. Silien ne tarde pas à agresser Thérèse, l’obligeant à lui révéler où se passe le cambriolage. Alors que Maur et Rémy ont pénétré dans la propriété de Boulogne où est prévu le casse, ils sont bientôt cernés par la police. Rémy est mortellement blessé. Maur abat l’inspecteur Salignari, avant de fuir.

Tandis que Maur se planque chez son ami Jean-Jean, Silien est questionné par les collègues du défunt Salignari. Prétendant n’être informé de rien, il n’a pas l’intention de les aider, mais y sera peut-être contraint. Quant à la mort de Thérèse dans un étrange accident de voiture à Sucy-en-Brie, ni les flics, ni les truands n’ont d’explications claires. Connu de la police pour ses liens avec la victime, Maur est interpellé au sujet du meurtre de Gilbert à Bondy. Il affirme crânement n’y être pour rien. Le policier Clain n’a que faire de ses dénégations. Bien qu’il redoute ce retour en prison, Maur est à nouveau incarcéré. Silien va habilement manipuler Mado, la maîtresse d’un caïd, afin de disculper son ami…

 

Réédité aujourd’hui dans la collection Noir Rétro, ce roman publié dans la Série Noire en 1957 reste un des meilleurs classiques parmi les histoires de truands. Si on a vu le film de Jean-Pierre Melville (1962) avec Serge Reggiani (Maur) et Jean-Paul Belmondo (Silien), sans doute est-on obligé d’associer leur image à notre lecture. Ce qui ne gâche rien, au contraire. L’intrigue imaginée par Pierre Lesou est diablement bien pensée, plus complexe que beaucoup de scénarios ordinaires de l’époque. Il ne s’agit pas seulement d’une amitié virile entre deux malfaiteurs, l’un plus malchanceux que l’autre. Le monde de la pègre n’a ici rien d’héroïque, ni de brillant. Entre deux minables cambriolages, on s’entretue, on se trahit, on se venge. On est dans un pur roman noir : les personnages glissent sur la pente fatale de leur inéluctable destin. C’est avec grand plaisir qu’on redécouvre ce roman, qui témoigne également d’une époque.

 

Pierre Vial-Lesou est né à Paris le 4 février 1930. Au divorce de ses parents, dix-huit mois après sa naissance, il est confié à son père, alors agent de police. Sa sœur, son aînée de deux ans, est envoyée au Luxembourg chez ses grands-parents maternels. Il a quatre ans quand son père se remarie. Il est confié à une sorte d’orphelinat religieux, "authentique bagne pour enfants" dira-t-il. Il y reste huit longues années, tentant par deux fois de s’en évader. Malade, il est de retour chez son père en 1942. Trois ans plus tard, il devient apprenti typographe à l’imprimerie de France-Illustration, à Bobigny. En 1947, la mort de sa belle-mère lui offre l’occasion de renouer avec sa vraie mère et sa sœur. Son père décède à son tour, tandis que sa mère s’embarque pour l’Extrême-Orient. C’est sa sœur, coiffeuse, elle-même divorcée après cinq ans de mariage, qui va le prendre en charge en 1957. Elle n’hésite pas à procurer à son frère l’aide matérielle dont il a besoin, lorsqu’il se sent une vocation d’écrivain. Il a depuis longtemps abandonné le métier de typographe, survivant grâce à de menues besognes d’occasion.

VIAL-OnNeTue...C’est “Le doulos”, son premier titre, qui apporte une belle notoriété à Pierre Vial-Lesou. Plusieurs de ses romans publiés à la Série Noire sont adaptés au cinéma. Puis il change d’éditeur, intégrant la collection Spécial-Police du Fleuve Noir. Il y publie d’abord six romans, avant de quitter la France pour l’Amérique du Sud. Il y séjourne de 1964 à 1966, sans souci financier grâce aux droits cinématographiques versés par un producteur, Raoul Lévy. Quand il revient en Europe, il doit de nouveau compter sur sa sœur, le temps d’écrire plusieurs nouveaux romans. Ceux-ci seront publiés jusqu’en 1973 chez Fleuve Noir Spécial-Police, dont plusieurs sont adaptés au cinéma. Un dernier titre, “Viva Zapatouille”, parait en 1985. (Biographie inspirée d’une notice parue en 1972, in Les chefs d’œuvres de la littérature d’action, Cercle Européen du Livre).

Parmi les romans de Pierre Vial-Lesou, on pourrait se souvenir de : “On ne tue pas n’importe qui” (1962). Pour assassiner sa femme Simone et Denizal, l’amant de celle-ci, Bob Révian a imaginé un crime parfait. Il s’est assuré la complicité de sa maîtresse Maria, la femme de Denizal. Tout doit se passer à l’insu de Janie, la sœur de Simone, qui vit avec eux depuis qu’elle est séparée de son brutal mari. Bob est conscient que le crime parfait apparaît illusoire, aussi va-t-il vouloir démontrer le contraire. Tout va se dérouler sur une douzaine d’heures, une nuit mouvementée pour chacun des protagonistes. Bob n’étant pas un tueur plein de sang-froid, son plan initial va vite déraper. Un suspense riche en dérision, dont le héros est totalement dépassé par l’évolution des faits…

Son roman suivant, “La rogne” (1962) est probablement le plus méconnu. C’est pourtant un des très bons titres de cet auteur…

VIAL-LaRogneMarty est tout le contraire d’un chanceux. Pourtant, il peut compter sur sa compagne coiffeuse Louise et sur son grand ami Bob, qui vient de lui prêter une grosse somme. Après quelques années passées en prison, ce prêt peut lui apporter une nouvelle vie. Le chèque, il ne l’a pas encore encaissé. Tant mieux, car ce soir-là, son copain Bob lui en offre un plus gros encore à la place. Du moins, c’est ce qu’il prétendait. Car en réalité, Bob a décidé de supprimer Marty pour vivre avec Louise qui est sa maîtresse depuis longtemps. Cocu sur toute la ligne, Marty apprend aussi que c’est à cause de Bob qu’il a fait sept années de prison. Bien que désabusé, Marty défend sa peau. Quand il tue Bob, c’est de la légitime défense. Mais dans son cas… D’abord, faire disparaître le corps de Bob afin qu’il ne soit pas retrouvé trop vite. Ainsi, la question de l’alibi se posera moins. Ensuite il faudra revenir à la villa afin de récupérer dans le coffre-fort la reconnaissance de dettes que Marty a signé. Il ne sait trop s’il prendra aussi la grosse somme d’argent liquide… Filer cacher le cadavre, pour commencer.

Robert, un sergent qui sera bientôt porté déserteur, oblige Marty à le prendre à son bord (il a vu le corps dans le coffre). Que faire, sinon obéir ? Le sergent veut faire un détour pour récupérer Cora (son ex-petite amie) et le nouveau fiancé de la jeune femme, Jérôme. Robert va se servir de ce dernier pour changer d’identité, avant de disparaître avec Cora. Marty et Cora comprennent d’instinct qu’ils doivent s’allier. Leurs tentatives pour reprendre l’avantage contre Robert ne sont pas couronnées de succès. Ce n’est pas ce lâche de Jérôme qui les aide beaucoup. Mais la chance naîtra-t-elle de cette rencontre, ou bien un dernier coup du sort empêchera-t-il Marty de s’en sortir ?

La tonalité ironique convient parfaitement à cet excellent roman, captivant du début à la fin, aux rebondissements entre espoir et malchance. On sympathise avec ce brave Marty, qui vit une nuit si mouvementée.

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9 novembre 2010 2 09 /11 /novembre /2010 07:01

 

Publié dans la collection Le Riffle Noir, À minuit, les chiens cessent d’aboyer de Michaël Moslonka met en scène un policier désabusé (dans la bonne tradition du roman noir) face à une population qu’il n’a guère de raisons d’apprécier…

Auchel est une commune de l’Artois, dans le Pas-de-Calais. Un corps poignardé à l’Opinel vient d’être signalé sur l’aire de stationnement du McDo local. Le policier David Blacke et sa collègue la lieutenante Laribi sont chargés d’élucider le crime. La victime ne risquait pas d’attirer la sympathie de Blacke. Certes, il est habitué à côtoyer le racisme ordinaire au bistrot Le Joker. Pénible, mais il supporte. Par contre, ce nazillon trentenaire de Dylan Druelles s’affirmait activiste. Il venait de créer le FDL, groupuscule fascisant inspiré par un mouvement similaire anglais. Il suffit à Amélie Laribi de visiter la chambre de Druelles pour mesurer la haine raciale qui l’animait. Un décor abject voué à l’intolérance la plus violente. Pour Blacke, l’assassin a souhaité que ce meurtre soit visible, spectaculaire. Aussi le policier autorise-t-il le journaliste Valéry Bullitt à étaler cette affaire. Ce qui ne va pas être du goût du commissaire Lheureux, le supérieur de David Blacke.

MOSLONKA-1Il n’est pas difficile de désigner un suspect idéal. Frère d’une employée du McDo, Johnny Tarjeski est repris de justice sans envergure. S’il rôdait la nuit par là, c’était pour protéger après son service sa sœur qui l’héberge, semble-t-il. Si Johnny disparaît volontairement, c’est quand même qu’il n’est pas si clair. Bien que plusieurs pistes soient explorées, l’enquête n’aboutit qu’à des impasses. Elle est bientôt relancée par un nouveau meurtre, à Marles-les-Mines. S’étant introduit au domicile de la victime, l’assassin s’est acharné sur cet homme. Il s’agissait d’un internaute signant Rintintin, proférant des opinions extrémistes sur de nombreux sites. Si la lieutenante Laribi est sûre d’un lien avec le premier crime, Blacke s’est mis en arrêt-maladie, ne se passionnant plus pour tout cela.

Amélie Laribi insiste, et réussit à le convaincre de ne pas abandonner. Le journaliste Valéry Bullitt apporte des éléments à Blacke. Le patron du bar Le Joker confirme que Johnny Tarjeski connaissait les deux victimes. Sans doute est-il en danger, aujourd’hui. Blacke interroge Scarlett Mechelle, une lesbienne ayant eu une vive altercation avec Dylan Druelles. De son côté, Amélie Laribi rencontre l’oncle de Johnny. Il prétend s’être éloigné de la famille Tarjeski, et nie avoir la moindre influence sur son neveu. La policière n’y croit guère, et fait surveiller la maison de l’oncle. Tandis que Valéry Bullitt est hospitalisé après une violente agression, David Blacke est sanctionné par sa hiérarchie. Pourtant, la suite de l’affaire sera encore meurtrière, et même explosive…

 

L’auteur nous présente donc un bel exemple de flic désabusé. Ancien vendeur en librairie ayant compris la bassesse humaine, David Blacke n’est pas seulement un être tourmenté. Il n’y a pas que les chiens du voisinage qui l’importunent. La meute de ses contemporains, pétris d’idées franchouillardes et de certitudes xénophobes, alimente sa misanthropie et un certain cynisme. L’humidité qui sature l’air et la grisaille des cieux ont sur son état d’esprit un effet d’allégresse malsain : il exulte à l’idée de tous ces gens qui se lamentent sur la météo pourrie. Moins drôle que dans les "Brèves" de J.M.Gourio, la clientèle du bar Le Joker est l’illustration de l’abêtissement général. Néanmoins, ces vains aboyeurs sont un peu moins détestables que les victimes, plongées dans leurs délires racistes et leur violente propagande.

Ambiance noire pour une vraie enquête, où se mêlent pistes et suspects, mais aussi dégoût et amertume. Cette tonalité sombre convient parfaitement au récit, dans lequel la jeune collègue de Blacke apporte une lueur plus positive. Michaël Moslonka nous propose un polar bien maîtrisé, donc fort réussi. À découvrir !

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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 06:57

 

MEYER-KERDELLANTBravo, le précédent record (1019) est battu !

Vous avez été 1098 participants à proposer les bonnes réponses, pour tenter de gagner le roman de Éric Meyer et Christine Kerdellant “Les fils de Ramsès”, suspense grand format sorti le 3 novembre chez Jean-Claude Lattès.

Merci à celles et ceux qui, ayant découvert ainsi ce webzine, ont ajouté un petit mot sympathique. D’autres jeux-concours vous seront prochainement présentés ici.

À mon grand regret, tout le monde ne pouvait pas gagner, seul le tirage au sort à l’aveugle en a décidé.

 

Voici les noms des CINQ GAGNANTS :

 

Sandra Baudion, de Beaune (21)

Denis Brouillon, de Bengy-sur-Craon (18)

Christelle Grivault, de Rennes (35) 

Jean-Louis Dudek, de Le Plessier-Rozainvillers (80)

Annie Beauvieux, de Carrières-sous-Poissy (78)

 

Merci aux Éditions Jean-Claude Lattès http://www.editions-jclattes.fr/ 

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 06:58

 

Luc Baranger importe Gabriel Lecouvreur au Canada. Dans Maria chape de haine (Éd.Baleine), Le Poulpe enquête au Québec…

Si son frère évolue dans d’influents milieux politiques et sa sœur dans les hautes sphères bancaires, le policier Réal Larouche n’est pas le plus brillant enquêteur du Québec. Quand on retrouve un cadavre sur la rive du lac Memphrémagog, il est chargé de l’affaire. L’homme n’est pas mort noyé, ni à cause de la balle qui lui a éclaté la rotule, mais d’un violent coup de marteau sur la nuque. C’est grâce à ses chaussures que la victime est bientôt identifiée. Il s’agit de Quentin Cointreau, un Français installé près de Magog depuis une vingtaine d’années. Il s’occupe d’une auberge locale avec son épouse Maria Dansereau.

BARANGER-PoulpeQuand Maria contacte Gabriel Lecouvreur, ce dernier ne tarde pas à sauter dans un avion, en direction du Québec. Quentin Cointreau, c’était son meilleur ami d’enfance, presque son jumeau puisqu’ils étaient nés le même jour. Quentin et son frère furent élevés par un père qui finit en prison. Ado révolté des années 1970, Quentin adopta les théories des anars les plus radicaux. Son chaotique parcours passa par l’Armée, avant qu’il n’entraîne Gabriel avec lui au Québec, vingt-sept ans plus tôt. Marquée par le froid et la dèche, l’expérience tourna vite court pour le Poulpe. Un peu à cause de la belle Maria, dont tous deux étaient amoureux. Cette ex-junkie et Quentin se mirent en couple, tandis que Gabriel rentrait en France. C’est en héritant des chambres d’hôtes de sa grand-mère que Maria et son compagnon purent heureusement sortir de la mouise.

Certes, le domaine touristique qu’ils exploitent fonctionnent bien. Pour disposer d’autant de fric, c’est que Quentin s’occupait d’autres affaires. Le révolutionnaire ardent d’autrefois semblait bien s’être accommodé de la société capitaliste nord-américaine. Quand, débarquant au Québec, Gabriel questionne Maria à ce sujet, elle prétend ne rien savoir des activités extérieures de Quentin. Qu’il interroge leur voisin, un vieux Breton de soixante-seize ans nommé Cadoudal.

Dés le lendemain, le Poulpe se rend chez celui-ci, où il est accueilli par une ourse très câline. Cad est un aventurier ayant vécu plusieurs vies. Il connaît les activités parallèles de leur défunt ami. Quentin commença par un petit bizness de chantage à crédit, avant que les deux hommes ne s’associent pour des coups plus juteux. Jouant parfois à Robin des Bois, il organisèrent pour leur propre profit de fructueux rackets. Que Réal Larouche vienne les interroger n’inquiète guère le vieux Cadoudal. Le trio a toutes les raisons de bien s’entendre, surtout quand la menace se précise. Maria étant maintenant en danger, il s’agit de la sauver…

Si le Poulpe est voyageur, il traverse rarement les océans. Pourtant, le voici à 130 kilomètres à l’ouest de Montréal, dans une station touristique de l’Estrie, entre lac et montagne. Les souvenirs concernant son ami tiennent une large place dans cette histoire. Que sont les anars d’antan devenus, au fil du temps ? Pour Gabriel, c’est aussi l’occasion d’explorer la situation politico-économique du Québec, où les malversations ne seraient pas plus rares qu’ailleurs, nous dit-on. L’exemplarité resterait une notion relative là-bas aussi ? Luc Baranger est généreux en vieil argot français, sans négliger le savoureux langage québécois. Pas avare non plus d’images évocatrices : Le Poulpe regardait [Maria] bouche bée, fasciné, comme si elle était la Vierge Marie en string léopard ligotée par des lanières de cuir au grand menhir de Locmariaquer. (Petite rectification anecdotique : surnommer le vieux Cadoudal le Bigouden est erroné, car Kerléano dont il est natif se trouve dans le Morbihan). C’est un fort sympathique épisode du Poulpe qui nous est proposé une fois encore.

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