Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 07:20

 

Toujours combatif en ce début 2011, notre ami Gabriel Lecouvreur ! Ce que nous prouve François Darnaudet(-Malvy) avec une nouvelle aventure du Poulpe, Les ignobles du bordelais  (Éd.Baleine).

Prof de math dans la région bordelaise, Gaston Galois est fier d’appartenir au clan Malvy. Il revendique l’esprit athée et républicain de cette lignée familiale, qui fut largement composée d’enseignants. Depuis 1870, beaucoup font figure de Hussards de la République. Gaston Galois est un cousin du président du Conseil général de Midi-Pyrénées, Martin Malvy. Ce dernier est le petit-fils de Louis-Jean Malvy, ministre de l’Intérieur durant la Première Guerre mondiale. Si Gaston s’est récemment intéressé à la généalogie de sa famille, c’est justement à cause de Louis-Jean Malvy. Partisan de la négociation plutôt que pacifiste, il fut contraint de démissionner en 1917 suite aux violentes attaque de Clemenceau et de Léon Daudet. Ce furent surtout les royalistes de l’Action Française qui firent circuler de sales rumeurs, l’accusant d’être un Juif masquant ses origines.

DARNAUDET-2011Si Gaston a vérifié dans les Archives que ces affirmations étaient fausses, ce n’est évidemment pas par antipathie pour les Juifs, juste pour rétablir la vérité. De nouvelles attaques contre le clan Malvy émanent de royalistes bordelais, au sein de la Dernière Action Française. Ces nostalgiques des Bourbons publient un bulletin trimestriel défendant leurs lubies. C’est Charles de Villeneuvette, qui possède une fortune personnelle et des vignes dans le bordelais, qui dirige ce groupuscule. Journaliste tout juste sorti de l’IUT, Fabrice Doucrier a sans doute été la meilleure recrue de la DAF. Parmi ses articles visant les politiques actuels, il a tenté de relancer la rumeur sur les origines juives des Malvy. Quand Doucrier est retrouvé assassiné, Gaston Galois n’ignore pas qu’il risque d’être suspecté. Aussi, avant de se faire discret, adresse-t-il un appel au secours au Poulpe.

Gabriel Lecouvreur se rend bientôt dans la région de Bordeaux, d’Andernos, vers le Bassin d’Arcachon. Si Gaston n’est pas à son domicile, le Poulpe y fait la connaissance d’Olympe Galois, la sœur du prof de maths. Une fort jolie brune quadragénaire, ça le changera un peu de sa blonde Cheryl. Ensemble, ils vont interroger Nadine, solide ostréicultrice copine d’Olympe. Elle fut la petite amie de Doucrier. Ils s’étaient disputés peu avant le meurtre. Même si elle a un possible alibi, elle reste soupçonnable. Deux flics des RG rôdent dans le secteur, à la recherche de Gaston. Gabriel a intérêt à ne pas trop se faire remarquer d’eux. À l’IUT de Talence, un témoin confirme que Fabrice Doucrier avait une mentalité dégueulasse, une déontologie de rat d’égouts. Gabriel et Olympe approchent la DAF, sans savoir qu’ils sont vite repérés. Toujours traqué par les RG, Gaston leur donne rendez-vous à Auch, dans l’ancienne maison des Malvy…

Prenant pour base un authentique fait historique rappelant l’affaire Dreyfus, François Darnaudet nous rappelle que l’antisémitisme reste actif en France. Les arguments n’ont guère évolué depuis Maurras et Léon Daudet. Les références au Juif Süss et autres ouvrages détournés de leur sens servent encore. Quant aux discours anti-républicains et racistes, certains royalistes s’en délectent toujours. Peut-être les agissements des monarchistes sont-ils encore plus larvés que ne le suggère ici l’auteur. Il ne sont pas les seuls à cultiver des idéaux puants, hélas ! Face à cette xénophobie, Darnaudet nous livre un bel exemple "d’origine au faciès", où le type méditerranéen de Gaston lui attribue diverses ascendances. C’est sans doute arrivé à quelques personnes, en effet. Contre des adversaires fachos identifiés, Gabriel Lecouvreur est donc dans son élément. Il lui faut néanmoins découvrir qui a tué le jeune journaliste arriviste (pléonasme). Entouré de la brune Olympe et de la blonde Cheryl, il y parviendra sûrement. Un nouvel épisode dans l’esprit poulpesque libertaire, bien documenté qui plus est. Le résultat est à la fois sérieux et souriant.

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 07:20

 

Né en 1894, Dashiell Hammett est décédé le 10 janvier 1961, il y a tout juste cinquante ans. Fin 1922, il intègre l’équipe du magazine Black Mask, qui publie des nouvelles criminelles. Hammett devient très rapidement le chef de file du mouvement littéraire hard-boiled, dont les héros sont des durs-à-cuire. Il devient l’exemple à suivre pour les autres rédacteurs de Black Mask. Son sens des dialogues, l’utilisation du langage de la rue, de l’argot, ses descriptions par touches successives, précises, la force du rythme de ses phrases : tout ce qui définira son style apparaît déjà dans les premières nouvelles dit Natalie Beunat, en préface de Coups de feu dans la nuit. Cet Omnibus, qu’elle présente et supervise (en VF), propose soixante-cinq nouvelles (dont neuf inédites en français) réunies pour la première fois en un seul ouvrage.

HAMMETT-2011Père du Roman Noir, Dashiell Hammett fut lui-même un personnage singulier. Son œuvre fut écrite en quelques années seulement, de 1922 à 1934. Pour bien situer l’auteur, il est souhaitable de lire d’abord les deux préfaces, dont celle de Richard Layman, biographe de Hammett. Le texte de la petite-fille de Dashiell Hammett, Julie Marshall Rivett, intéresse aussi les admirateurs de l’écrivain.

Cinq magnifiques romans et leurs adaptions à l’écran ont apporté la notoriété à Dashiell Hammett. Ils ont été re-traduits et réédités en un seul volume dans la collection Quarto, chez Gallimard. Néanmoins, ses nouvelles offrent une autre approche aux lecteurs. De nombreux livres historiques et une multitude d’informations variées permettent de se documenter sur l’Amérique des années 1920-1930. Bien qu’étant des fictions, les textes d’Hammett donnent tout autant un témoignage sur l’époque, une illustration vivante du contexte. Car l’écrivain observa sans nul doute le monde de son temps, et pas seulement quand il fut détective (de 1919 à 1921) pour Pinkerton.

L’ensemble des protagonistes de ses histoires semblent issus de la réalité, décrits avec justesse. Il n’étale pas leur psychologie, puisque leur comportement et les faits suffisent à les comprendre. Voici un exemple d’une situation exposée clairement, indiquant une ambiance en quelques phrases. Le plancher vacilla sous mes pieds. Les fenêtres vibrèrent avec une violence qui dépassait l’intensité de l’orage. Le fracas assourdi d’une grosse explosion couvrit les bruits du vent et de la pluie qui tombait. Sans être toute proche, la déflagration n’était pas assez éloignée pour s’être produite hors de l’île. Grâce à pareille concision, les faits sont partagés et ressentis par le lecteur, bien mieux qu’en délayant la scène ou en prêtant au personnage d’inutiles hypothèses.

Au fil du temps, les nouvelles d’Hammett contiennent davantage de violence, pour obéir au thème de Black Mask. Pourtant, il évite généralement de montrer crûment les meurtres, n’en rajoute pas sur la brutalité. Si son héros est en difficulté, il fait face aussi sereinement que possible au danger. Je levai les mains. Je n’étais pas armé, n’ayant pas pour habitude de me munir d’un pistolet, sauf lorsque je sais que je vais en avoir besoin. Et mes poches auraient pu être bourrées d’une douzaine de flingues, ça n’aurait pas changé grand-chose. Je ne déteste pas tenter ma chance, mais elle n’existe pas lorsqu’on fait face au mufle d’un automatique qu’un homme décidé braque sur vous.

Histoires de détectives privés, avec le Continental Op (l’agent de la Continental) et, bien sûr, Sam Spade faisant ses premières apparitions dans ces nouvelles. Il faut rappeler que ce sont des hommes mûrs, des enquêteurs efficaces. S’ils sont dans l’action, rien à voir avec des super-héros dotés de facultés supérieures. Ils font leur métier, cherchant à définir la vérité, le plus humainement possible. La jungle urbaine est leur terrain de prédilection. Ils ne sont pas confrontés qu’aux gangsters ou à la Prohibition. Les combines tordues et les criminels les plus retors, souvent peu soupçonnables, tel est l’univers de ces détectives.

Dans chaque texte, les intrigues sont diablement bien pensées et développées. Un humour certain est perceptible dans nombre de ces nouvelles. Pour ne citer qu’un exemple, L’ange de l’étage (1923) offre un joli clin d’œil : Le squelette d’histoire que la fille lui avait raconté par-dessus les reliefs de son repas pouvait, grâce à un minimum d’efforts, se muer en une longue nouvelle qu’il n’aurait aucun mal à placer. Les histoires de truand étaient toujours très demandées, et celle-ci comporterait une monte-en-l’air femelle piquée sur le vif. Gardons évidemment le suspense sur le savoureux dénouement de l’affaire.

Dashiell Hammett ne fut pas un simple raconteur d’histoires. À travers ces nouvelles, on comprend sa volonté de créer une intensité, une force narrative, et certainement une forme de témoignage. Son style direct lançait les prémices du Roman Noir, dont il est pour tous les passionnés et pour toujours le créateur. Ces Coups de feu dans la nuit pourraient bien devenir le livre de référence des amateurs de noirs polars.

 

En complément, on peut aussi lire ou relire les "Interrogatoires" de Dashiell Hammett (Éd. Allia, 2009), document essentiel sur l'auteur.  

HAMMETT-2009Dans les années 1950, le maccarthysme et sa paranoïa anti-communiste créent aux Etats-Unis un climat dangereusement malsain. En ces temps de Guerre Froide, on accuse bon nombre d’intellectuels de sympathies pour la cause communiste. S’il se qualifie toujours d’écrivain, Dashiell Hammett n’a plus produit de romans ou nouvelles depuis fort longtemps. En 1946, il a été élu président du Congress of Civil Rights de New York, groupe ayant institué un fonds de cautionnement visant à faire libérer les militants de gauche arrêtés pour raisons politiques. Après que quatre d’entre eux se soient soustraits à l’obligation de comparaître devant un tribunal, Dashiell Hammett et d’autres administrateurs du Congress of Civil Rights furent convoqués en justice. Son témoignage, le 9 juillet 1951, constitue le premier interrogatoire de ce livre. Hammett refuse de répondre à toutes les questions concernant les quatre fugitifs, ainsi que sur son éventuel militantisme communiste. Il invoque le Cinquième Amendement de la Constitution américaine (qui permet à tout citoyen de ne pas témoigner, si la réponse peut lui porter préjudice). Les initiales DH figurent sur des documents de cautionnement. Hammett reconnaît le fait, sans admettre qu’il s’agit de sa signature. Quant à fournir les livres de compte de son association, il n’en est pas question. Dashiell Hammett va être condamné à six mois de prison (pour outrage à magistrat).

Le deuxième interrogatoire intervient le 24 mars 1953, devant une sous-commission sénatoriale. Cette fois, on est dans le cadre de “la chasse aux sorcières”, sous l’égide de Joseph McCarthy, même s’il n’est pas présent. Dans ce document (nouveau, car disponible depuis 2003), Hammett témoigne de ses activités d’écrivain. On veut encore lui faire avouer des sympathies communistes, lui demandant si ses textes évoquent des questions sociales. Il cite sa nouvelle Night Shade, qui traite plutôt des problèmes raciaux entre Blancs et Noirs. Deux jours plus tard, le 26 mars 1953, Dashiell Hammett est entendu pour un troisième interrogatoire, cette fois en présence de McCarthy. L’une des principales questions est la suivante : est-ce ses droits d’auteurs ont partiellement servi à financer des activités communistes aux Etats-Unis. Sur le sujet, Hammett invoque toujours le Cinquième Amendement. Le sénateur McCarthy ne manque pas de l’interroger sur ses idées politiques. On appréciera les réponses (réfléchies) de Dashiell Hammett.

Il faut se souvenir de la forme solennelle des procès et des auditions de ces commissions dirigées par Joseph McCarthy, telles que quelques documentaires nous les ont montrées. La froideur méprisante - voire ironique - des accusateurs, si sûrs d’incarner le patriotisme et la justice, est effrayant. Purs exemples du délit d’opinion, indignes d’une nation prétendant défendre la Liberté, qu’aucun complot subversif ne menaçait. Remarquable témoignage sur la personnalité du principal pilier du Roman noir, en un temps où le militantisme n’était pas une idée abstraite. Traduits et présentés par Natalie Beunat, ces “Interrogatoires” constituent un document extrêmement intéressant.

Cliquez ici pour l'interview de Natalie Beunat, autour du livre "Dashiell Hammet, mon père" (de Jo Hammett)

Partager cet article
Repost0
8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 06:57

 

Publié aux Éditions de Minuit à l’automne 2010, Enlèvement avec rançon d’Yves Ravey mérite assurément l’attention des lecteurs de polars…

Max est comptable depuis vingt-deux ans dans l’usine de Salomon Pourcelot. Il habite seul la maison de ses parents. Son frère Jerry s’est exilé en Afghanistan depuis deux décennies. Son père est décédé, sa mère séjourne en maison de retraite médicalisée. Cette nuit-là, Max et Jerry franchissent la frontière avec la Suisse toute proche, passant en fraude par la montagne. La présence de Jerry doit être la plus discrète possible, car il n’est revenu que pour un kidnapping. Il s’agit pour les deux frères d’enlever Samantha, la fille de Salomon Pourcelot. Ils comptent réclamer cinq cent mille Euros de rançon. Toujours autoritaire, Jerry dirige l’opération en professionnel. Le rapt se déroule sans anicroche. La jeune femme est bientôt séquestrée dans la chambre des parents de Max et Jerry, sous la surveillance de ce dernier, insensible à ses récriminations.

RAVEY2010Comme tous les jours, Max rejoint l’usine à vélo. À peine arrivé, la secrétaire Clotilde lui annonce que le patron veut le voir. Pourcelot prétexte une dette de jeu pour demander à son comptable de réunir le demi-million d’Euros. Il y en a une petite moitié en liquide dans son coffre-fort personnel. Le reste, Max va le chercher à la banque. Puisque tout semble conforme, la demande émanant du patron de l’usine, les employés de la banque n’ont pas de raison de s’interroger longtemps. Avec la complicité de Clotilde, Max fait quelques achats, des sacs de sport destinés à répartir la rançon entre son frère et lui. Le comptable donne la somme en liquide à Pourcelot, avant de regagner son domicile. Jerry l’y attend. Il a maintenant hâte d’en finir. Certes, il maîtrise la situation, mais des imprévus restent possibles. Plus que quelques heures avant l’échange contre la rançon.

Quand Samantha est chargée à l’arrière de leur fourgon Ford, l’opération débute. Une nette tension règne entre les deux frères. Malgré ses affirmations, Jerry n’est sans doute pas insensible au charme de Samantha. Rendez-vous a été fixé avec Salomon Pourcelot à la scierie, à l’autre bout de la ville. C’est Jerry qui mène l’affaire, avec son habituelle froideur. Après avoir reçu les billets, il enferme la fille et le père dans la Vel Satis de Pourcelot. Les deux frères se dirigent vers la gare, où Jerry est censé prendre le dernier train du soir. Mais des hommes rôdent anormalement à cette heure sur les quais et autour de la gare. Pour Jerry et Max, il est préférable de prendre la fuite. Ils rentrent à la maison, où le comptable dispose d’une parfaite planque pour le butin…

 

Sachant qu’il ne s’agit pas exactement d’un pur polar, il est prudent de dissocier le thème et la manière. Les cas d’enlèvements constituent un des grands sujets de la littérature policière. Évidemment, ce sont des histoires où l’on s’attend à une entourloupe. Pour les héros, "ça passe ou ça casse". Ils ne sont pas certains de s’en tirer victorieusement : ils appartiennent fatalement au cercle des suspects. L’auteur joue sur ce dernier aspect avec une belle dextérité. Max, le narrateur, comptable sans charisme, apparaît comme le maillon faible de l’opération. Jerry est, quant à lui, de la race des combattants. Advienne que pourra !

Second point, la tonalité du récit est minimaliste, elliptique. Peu de protagonistes dans cette affaire qui doit se dérouler en moins d’une journée, ceci explique en partie ce choix. Ce qui n’empêche ni les péripéties à suspense, ni de pointer tel détail sur la relation entre les deux frères ou sur l’évolution du kidnapping. Même quand le propos est plutôt allusif (le rapport entre Samantha et Jerry), on sent un souci de précision, de véracité. Cette subtilité dans la forme est extrêmement agréable. Un roman de belle qualité, démontrant qu'il n'y a guère de barrière entre romans traditionnels et littérature polar.

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 07:00

 

Réédité en janvier 2011 chez Rivages, Barjot ! fut le premier roman en solo de Jean-Hugues Oppel, publié initialement début 1988...

Âgé d’une quarantaine d’années, Jérôme Salgan rentre chez lui avec un peu de retard ce soir-là. Il est victime d’un incident en voiture, doublé trop vivement par un chauffard dont il note le numéro. Il met quatorze minutes à changer de roue, recroise le même véhicule trop pressé peu avant d’arriver à son domicile. Il découvre qu’un incendie ravage sa maison. Les secours sont sur les lieux, mais il est impossible de sauver sa famille et ses amis qui l’attendaient. OPPEL-2011Sept victimes, pour un carnage qui n’a rien d’accidentel. Un commando vient de les éliminer par erreur. Le commissaire Kreps et son équipe sont également sur place. Ces flics-là dépendent d’un service du ministère de l’Intérieur dirigé par le colonel Chartreuse. Cette police anti-terroristes avait chargé le commando de supprimer les membres du Groupe Terreur, des émules de la Bande à Baader. Énorme bavure, les cinq individus s’étant bêtement trompés d’adresse.

Entre coma causé par le choc et convalescence dans une clinique, Jérôme est hospitalisé durant sept mois. Quand il est légèrement plus solide, un notaire vient lui annoncer qu’il hérite de la Mercedes et de l’appartement de son ami Georges, qui a péri lors du drame. Jérôme est-il capable de sortir ? Le psy qui le soigne estime que, en théorie, rien ne s’y oppose. Il n’est pas si affirmatif sur les réactions à venir de son patient, toutefois. De son côté, le commissaire Kreps poursuit son enquête sur le Groupe Terreur, avec ses méthodes : On va faire de la police, mon petit gars ! Comme on en fait depuis Vidocq et Maigret ! Planques et filatures dans le plus pur style de la maison Bourreman. Flair, patience et godasses à clous ! Même si la piste est incertaine, les flics de Kreps ont repéré une sympathisante des terroristes. Surveillance discrète, pour le moment.

Jérôme s’installe dans l’appartement de Georges. Par hasard, il remarque la voiture du chauffard de la nuit du drame. En effet, c’est bien la même plaque d’immatriculation. S’il était dans son état normal, apte à penser sereinement, il devinerait la futilité de sa conviction. Rien ne lui dit que ceux qui ont effacé un quart de vie familiale sont ses écraseurs. Pas l’ombre d’une preuve, pas la moindre parcelle d’indice révélateur. Néanmoins, une nécessaire vengeance va le guider désormais. OPPEL-1988Il commence par secouer le rockeur qui conduit le véhicule en question, avant de le supprimer. Le propriétaire de la voiture est le patron d’un bar-club, qu’il ne tarde pas à éliminer à son tour. Jérôme réalise bientôt qu’il a agi trop vite, qu’il se trouve dans une impasse. Le commissaire Kreps a vite compris qui avait tué les deux hommes. Il lui donne un coup de pouce pour la suite. La manipulation va même aller beaucoup plus loin…

Sans doute peut-on lire ce roman telle une histoire dénonçant des méthodes policières douteuses. Ce serait ignorer la fantaisie grinçante, le décalage narratif, dont savait déjà faire preuve l’auteur. Le cas du carnage de départ n’est pas exactement réaliste. Pourtant, il constitue une entrée en matière convaincante, qui justifie la sanglante vengeance. Soulignons l’écriture précise et nerveuse d’Oppel, qui offre une belle efficacité au récit. Le tempo est vif, la tonalité ironique, le scénario solide. Voilà une bonne occasion de redécouvrir un très bon roman noir.

Partager cet article
Repost0
6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 06:55

 

C’est un roman assez court, d’une centaine de pages. Pourtant, Lola, Reine des Barbares (Éd.Baleine) de Margot D.Marguerite nous présente une histoire intense, dure, débridée…

Lola est âgée de quatorze ans. Ce qui ne l’empêche pas de vivre en couple, avec Papier. C’est à la fois son homme et son dealer. Car Lola est une junkie déjà accro à l’héroïne. Elle est terriblement amoureuse de Papier : En quelques mois, c’est devenu une vraie passion. Il m’a bluffée Papier. Il peut paraître gauche, mais il est très démerdard. Personne ne sait comment, mais il a la meilleure poudre. Enfin, c’est ce qu’il prétend. Il squattent les boxes d’une cave dans la cité des Alouettes, une des moins reluisantes de cette banlieue. Le gardien ne les en empêche pas, vu que c’est le père de Lola et qu’il craint Papier. Ce jour-là, Le Grécos débarque avec deux associés, alors que son mec s‘est absenté. C’est le fournisseur de Papier. Il réclame le fric que le dealer oublie depuis longtemps de lui verser. Lola ignore où Papier planque l’argent. Le Grécos et ses amis violent tour à tour la jeune fille, la cognant sans qu’elle puisse leur répondre.

MARGUERITE-2011Quand elle sort des vapes, Le Grécos apprend à Lola la mort de Papier : Au lieu de venir s’excuser d’avoir voulu me voler, Papier a préféré se sauver (…) Il a couru jusqu’à l’A9, a passé le grillage et a enjambé la barrière de sécurité. C’est comme s’il s’était jeté sous les roues du camion. Tout le monde l’a vu. Un gros qui roulait à plus de cent, il n’a même pas eu le temps de freiner et ne s’est pas arrêté. Les voitures derrière aussi ont continué, plu­sieurs sont passées sur le corps de Papier. Triste fin, qui laisse Lola en état de choc quelques semaines. Le Grécos est soupçonné du meurtre de Papier par la police. Ils ne vont sûrement pas mener une enquête en bonne et due forme pour un coupable idéal tel que Le Grécos. S’il pouvait retrouver la thune que le devait Papier, il s’éloignerait de ces quartiers. Consciente qu’il peut lui fournir autant de drogue qu’elle en a besoin, Lola est prête à l’accompagner. C’est le nouvel amour de sa vie.

Après que Lola ait récupéré une arme qu’elle avait dérobé, le couple fait un détour par la cité Val de Flor. C’est là que crèche Loulou, le demi-frère de Lola, plus loser que dealer. Du fric pour leur cavale, il n’en a pas, mais il est contraint d’offrir à sa sœur des képas de drogue. Dans un moment de lucidité, Lola pense que le pactole de Papier se trouve chez Cactus. Ce dernier s’occupe d’un garage, minable atelier clandestin. Lola réclame son héritage : “Je lui laisse un temps de récupération, puis je rattaque. Je veux la drogue et l’argent de Papier, je suis sa veuve, ce qui lui appartenait me revient. Cactus ne peut guère s’opposer au flingue qui le menace. Après avoir volé une voiture, voici Lola et Le Grecos partis pour une longue virée sur les routes. La campagne ne les inspire pas vraiment. Ceux qui vont croiser le chemin des deux fugitifs risquent de ne pas pouvoir en témoigner après leur passage…

 

Ce roman s’inscrit dans la tradition du néo-polar (on se dit qu’il aurait pu figurer autrefois dans la collection Sanguine, de P.Mosconi, par exemple). Si l’action est brute, l’écriture est inspirée. Certes, Margot D.Marguerite utilise l’éternel mythe de Bonnie and Clyde, dans une version plutôt trash. Mais c’est bien le contexte actuel qu’utilise ici l’auteur. Avec des personnages déjantés à souhaits, placés dans une marginalité sans solution. Pour Lola, l’issue consiste à s’évader dans ses trips, de s’imaginer telle une prestigieuse walkyrie.

Quant à son compagnon, il est sans illusion sur notre société : “Le Grécos se marre jaune. Ils nous prennent pour des cons, on n’est pas des cons. On sait qu’ils chan­gent juste les noms des cages [immeubles]. Elle sont construites par la même boîte. Une boîte à cages qui a le mar­ché des cages pour toute la France. Peut-être même pour toutes les cages du monde entier. Alouettes, Hirondelles, Val de Flor, des noms de merde trouvés par des bâtards, si t’y habites, rien qu’à les entendre tu sens la haine monter en toi.” Il se rêve un futur propre et aisé : “J’ai remarqué que les gros riches sont tous pour l’honnêteté. Ils ont un max de fric, font mourir des millions de gens, d’animaux, pour gagner encore plus de fric, mais restent irréprochables. Moi, si je crame un chat, on va me foutre en tôle, c’est pour cela que je veux devenir l’un d’eux, pour ne pas gâcher ma vie. C’est le démarrage qui est difficile, ensuite c’est cool et à partir d’une certaine fortune, tu deviens l’ami des flics, puis des juges et enfin du Président.”

Précisons pour les âmes chastes que la sexualité est ici sans tendresse, présentée crue et violente. Ainsi le veut la tonalité de cette histoire “coup de poing”. Un auteur encore capable d’écrire ainsi mérite d’être lu par tous les amateurs de romans noirs.

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 06:58

 

Le roman de Massimo Carlotto et Marco Videtta Padana City est maintenant disponible en version poche, chez Points. Le contexte de cette affaire criminelle donne une force certaine à l’histoire…

Au Nord-Est de l’Italie, la plaine du Pô a connu un développement économique important, ce qui intéresse aujourd’hui des investisseurs étrangers. Jeune avocat dans une ville de cette région, Francesco Visentin appartient à une des grandes familles locales. Il est le fils unique du magistrat le plus respecté ici, Antonio Visentin. Sa fiancée Giovanna Barovier est d’ailleurs avocate dans le cabinet de son père. La famille de cette dernière fut longtemps puissante, mais connut des revers de fortune. Alvise Barovier, le père de Giovanna, fut impliqué dans une sale affaire, et fit de la prison avant de disparaître. Bien que ça rende furieux Filippo, ex-petit ami de la jeune femme, Francesco et Giovanna vont se marier dans quelques jours. Filippo n’est autre que le fils de la comtesse Selvaggia, qui dirige la Fondation Torrefranchi. Cette organisation a beaucoup investi dans l’essor économique du secteur. C’est le père de Francesco qui est leur avocat.

CARLOTTO-VIDETTA-2011Quand Francesco découvre sa fiancée morte dans sa baignoire, il est bientôt soupçonné de meurtre par le juge Zan, magistrat sans envergure. Honnête et consciencieux, le Lieutenant Mele (des carabiniers) est plus objectif. Filippo refuse de confirmer l’alibi bien réel de Francesco. Il s’avère que Giovanna venait d’avoir un rapport sexuel consenti. On peut supposer qu’elle a été assassinée par son amant. Carla, la meilleure amie de la victime, confirme que Giovanna devait révéler la chose à son fiancé : Elle m’a dit qu’elle était devenue la putain de l’homme qui lui avait gâché la vie. Quand une bagarre oppose Francesco et Filippo, le reporter local médiatise sans hésiter cette querelle entre deux fils de bonnes familles. La puissante comtesse Selvaggia fait comprendre au journaliste où est son intérêt. Un nouveau reportage détourne l’attention de cette affaire, dans lequel le journaliste désigne les étrangers à la vindicte populaire.

Filippo disculpe finalement Francesco. Le jour des obsèques de Giovanna est celui où ils devaient se marier. Le père de la jeune femme a toujours clamé qu’il était victime d’un complot. Carla désigne à Francesco un terrain ayant appartenu à Alvise Barovier, servant désormais de décharge pour des produits toxiques censés être recyclés. Barovier fut ruiné à cause du banquier véreux Zuglio. C’est un combinard ayant dupé bien des gens avec des placements bidons, un usurier protégé en haut lieu car il sait blanchir l’argent sale. Le Lieutenant Mele cherche depuis longtemps à le coincer. C’est une société appartenant à Davide Trevisan, un ami de Francesco, qui devait s’occuper de l’élimination des déchets. Elle est agrée par la Fondation Torrefranchi, aussi est-il préférable de rester discret sur ce dysfonctionnement. Une photo montrant Giovanna en compagnie de Lucio Zuglio, fils du banquier, permet de faire avancer l’enquête de Francesco…

 

Les traditionnelles méthodes d’enrichissement douteux sont toujours de mise dans la haute société italienne actuelle, nous dit-on ici. Sous couvert de progrès économique, la spirale des investissements modifie en pire la vie de la population. Pour calmer le peuple, la télévision cible des responsables, des fautifs forcément étrangers.

Au sein de la bourgeoisie dirigeante, règne une hypocrisie basée sur une prétendue méritocratie élitiste. Ces familles forment des réseaux, afin de rester les véritables maîtres occultes d’une région ou d’un pays. Le même constat serait assurément valable en France et ailleurs. Tous nos dirigeants ne sont-ils pas issus de sphères semblables ? Les arrangements vis-à-vis de la légalité, et autres conflits d’intérêts, ne sont hélas pas qu’une spécialité italienne.

On n’oublie évidemment pas qu’il y a un meurtre dans cette intrigue, où le suspense est bien présent. Crime passionnel ou élimination d’un témoin gênant ? Telle est la question. C’est en cherchant le coupable que le jeune avocat découvre le vrai visage de cette société à laquelle il appartient. Voilà un passionnant roman au contexte réellement sombre.

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 06:56

 

En ce début d’année, nouvelle enquête riche en sourires et en péripéties pour notre commissaire sicilien préféré, dans La piste de sable d’Andrea Camilleri (Fleuve Noir).

Alors, qu’est-ce qu’il fut nouvellement à Vigàta ? Ce matin-là, le commissaire Salvo Montalbano trouve le cadavre d’un cheval devant sa villa, sur la plage de Marinella. Couvert de sang, l’animal a été martyrisé, battu à coups de barres de fer. Furieux, Montalbano suit les traces et découvre vite l’endroit où la bête a été massacrée. Il ne tarde pas à appeler ses collègues policiers pour collecter des indices éventuels. Tandis qu’ils sont occupés, le cadavre du cheval disparaît. Ceux qui l’ont maltraité sont venus récupérer l’animal mort.

Qu’est-ce qu’ils y connaissent aux chevaux, à la police de Vigàta ? Moins que rien, sauf Catarella qui sait qu’on fait un marquage pour chacun. Quand Rachele Estermann porte plainte pour le vol de son cheval, Montalbano ne doute pas d’avoir identifié le cadavre. En vue d’une course hippique privée à Fiacca, le cheval se trouvait dans les écuries de Saverio Lo Duca, notable local, une relation de Rachele.

CAMILLERI-2011Montalbano s’avoue troublé par cette belle quadragénaire, grande, blonde, cheveux aux épaules, longues jambes, yeux bleus, corps ferme et athlétique z’actement comme on s’imagine les walkyries. Pas difficile d’en savoir plus sur elle, puisque Rachele loge actuellement chez Ingrid, l’amie-amante Suédoise de Montalbano. La piste des courses clandestines n’est pas exclue. Le nommé Prestia serait un des organisateurs, pour une branche de la Mafia. Il n’a pas pu dire non. Donc il s’est mis contre Balduccio aussi sur le terrain des affaires Je le vois pas vieillir sereinement, ce Prestia conclut Montalbano. Le gardien de l’écurie témoigne que les voleurs ont, en réalité, dérobé aussi un deuxième cheval, appartenant à Saverio Lo Duca. Celui-ci ayant porté plainte à Montelusa, les policiers de Vigàta n’auraient pas à enquêter de leur côté.

Invité avec Ingrid à la course du dimanche à Fiacca, le commissaire se sent totalement déplacé dans cette société d’aristocrates parieurs. Néanmoins, il se rapproche intimement de Rachele. Ce qui ne le satisfait pas autant qu’il l’a cru, d’ailleurs. Au retour à Marinella, de bien curieux voleurs ont saccagé la villa de Montalbano, sans rien emporter. Ce n’est pas leur première visite. Il peut s’agir d’un nouvel avertissement mafieux, à cause d’un procès à venir où le policier va témoigner. Ses collègues essaient de piéger les malfaiteurs quand ils insistent, tentant d’incendier la villa. Un des individus est blessé lors d’un échange de tirs.

Si le clan Cuffaro de la Mafia pense impressionner Montalbano, ils se trompent. Il contacte quand même le procureur avant le procès. Le policier a du mal à cerner la combine qui agite depuis trois mois une poignée de suspects. Pour les vols de chevaux, la piste d’un ex-palefrenier de Lo Duca se précise. Une vengeance qui manque de clarté dans les détails. Peut-être un porte-bonheur en forme de fer à cheval peut-il aider le commissaire à démêler cette affaire ?…

 

Est-il encore nécessaire de vanter les mérites du Maestro sicilien ? Chacune des escapades insulaires auxquelles il nous convie, nous offre le plaisir de côtoyer un temps l’ami Salvo. Précisons que la tonalité largement humoristique, ou les états d’âmes amoureux du fringant quinquagénaire, ne doivent pas masquer les qualités de l’intrigue proprement dite. Car le développement de l’aspect criminel, ainsi que le dénouement, sont toujours à la hauteur. On aime également la fluidité narrative de Camilleri, qui n’a pas besoin de plusieurs pages pour planter le décor : C’était une journée qu’on aurait dit une photo. Comme il n’y avait pas un souffle de vent, tout était immobile, éclairé par un soleil particulièrement attentif à ne rien laisser dans l’ombre. Il n’y avait même pas de ressac.

Soulignons encore la complicité entre Montalbano et le lecteur quand, après avoir simulé la colère devant le questeur et le procureur, il tourna le dos aux deux hommes, ouvrit la porte et sortit, en se félicitant de la bonne réussite de sa scène de grand tragédien. À Hollywood, il aurait sûrement fait carrière. Et peut-être qu’il aurait décroché un Oscar. Aucun risque d’être déçu par les enquêtes de Montalbano, bien sûr !

- Disponible dès le 13 janvier 2011.

Partager cet article
Repost0
3 janvier 2011 1 03 /01 /janvier /2011 07:10

 

Premier Coup de cœur 2011, le roman de Yishaï Sarid Le Poète de Gaza se place dans le contexte israélien d’aujourd’hui. Une fiction qui ne masque rien des réalités, une histoire très convaincante…

Agent confirmé des services secrets israéliens, son rôle consiste à empêcher les attentats suicide. Il passe une grande partie de son temps à interroger proches et amis des gens soupçonnés de terrorisme. La méthode psychologique ne donne pas forcément de bons résultats, aussi doit-on souvent rudoyer les témoins, les maltraiter au besoin. Marié à Siggie, père d’un enfant de quatre ans, l’Agent ne passe guère de temps auprès de sa famille. De plus en plus écœurée par cette situation, son épouse a accepté un poste à Boston où elle va s’installer bientôt, avec leur fils. Quand un incident mortel se produit lors d’un interrogatoire, son supérieur Haïm ne peut disculper totalement l’Agent. Prendre un peu de repos, quelques heures en famille au bord de la Mer Morte, ne suffit pas. D’autant qu’il a une autre mission en cours, dont les résultats apparaissent fort aléatoires.

SARID-2011Près d’un quart de siècle plus tôt, Dafna fut une romancière prometteuse. Mariée à un cinéaste inspiré, elle connut un beau succès avant de tomber dans un quasi anonymat. Se faisant passer pour un écrivain amateur ayant besoin de conseils, l’Agent prend des cours auprès de Dafna. Celle-ci cherche de l'aide pour son ami de toujours, le poète palestinien Hani. Atteint d’un cancer en phase terminale, pour qu’il vive paisiblement ses derniers jours, elle voudrait qu’il soit soigné en Israël. C’est par ce biais que l’Agent espère mettre la main sur le fils de Hani, chef présumé d’un réseau terroriste. Censé être un riche Israélien disposant de relations haut placées, l’Agent ne peut pourtant pas brusquer les choses. Dafna a un autre gros problème à régler. Consommateur de drogue endetté, son propre fils Yotam se cache et végète dans une cabane sur la plage de Césarée.

Selon l’arrogant jeune junkie, c’est le puissant Nokhi Azria qui est cause de ses problèmes. Yotam aurait passé pour lui de la drogue des Etats-Unis vers Israël, avant de détruire la dernière livraison. D’où cette dette, que Yotam est incapable de rembourser. Bien qu’Azria soit très protégé, l’Agent parvient à converser avec lui. Sans doute le financier n’est-il pas un saint, mais la version du jeune homme est loin de la vérité. Même si Yotam rentre à Tel-Aviv, il ne restera pas moins accro à la drogue. Très affaibli, le poète Hani s’est installé chez Dafna après un séjour à l’hôpital. Comme l’indiquaient de vieux rapports sur lui, c’est un modéré n’ayant jamais menacé le pays. L’Agent sympathise vite avec le Palestinien Hani, tout en sentant que Dafna n’est pas complètement dupe de leur relation. Même s’il mène a bien cette dernière mission, l’avenir de l’Agent reste incertain…

 

Ce sujet sensible et toujours actuel est traité de façon remarquable et nuancée par l’auteur. Il ne s’agit pas de l’histoire idéalisée d’un faucon devenant colombe, ce qui aurait peu de sens. Cet Agent fut recruté alors qu’il était étudiant, pour sa culture et son sens psychologique, pour préserver la paix. Le patriotisme est logiquement une notion très forte chez les Israéliens. On nous confirme ici l’efficacité des services secrets de cet État. Il serait vain de nier les attentats meurtriers perpétrés par des extrémistes. Toutefois, au nom de la sécurité d’Israël, tortures et mauvais traitements sont-ils acceptables ? Enfermer à Gaza toute une population palestinienne coupable, est-ce tolérable ? La politique israélienne considérant tous les Arabes comme de monstrueux ennemis est-elle justifiée ? Telles sont les questions sous-jacentes que pose Yishaï Sarid. Une normalisation pacifique entre Israël et ses voisins semble éternellement possible autant qu’improbable.

Bien maîtrisée, l’intrigue à suspense évite le manichéisme facile, le propos démonstratif. À travers les personnages, c’est la réalité humaine de chacun, leurs parcours individuels, qui importent. Même s’il ne peut afficher une vraie franchise, l’Agent devrait finir par le comprendre. Les lecteurs aussi, bien évidemment. Un roman d’une très belle justesse, carrément passionnant.

Disponible dès le 5 janvier 2011.

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/