Coup de Cœur pour “Amères thunes”, le nouveau polar de Zolma publié chez Krakoen. Ça se passe au début des années 2000 dans le sud, entre Provence et Dauphiné. Rémy Baugé et Clotilde Massa sont les principaux collaborateurs de Raoul Trille, créateur d’un supermarché qui tourne bien. Âgé de 48 ans, Rémy ne craint pas vraiment l’arrivée du successeur de son patron. Jean-Edgar de Fourchon est un jeune con diplômé qui, sitôt après la passation de pouvoirs, impose ses propres méthodes.
Réduire les coûts pour faire gagner plus à l’actionnaire, importer des produits à bas prix au lieu de continuer avec les fournisseurs locaux, stratégie qui les conduit bientôt à pratiquer le hard discount, en changeant l’enseigne. Alors que son couple se détériore jusqu’à provoquer le départ de son épouse, Rémy se retrouve “intronisé responsable des travaux à la con”. Y compris quand il s’agit de virer ses collègues. Quand il s’agit de s’en prendre à Clotilde Massa, Rémy se rebiffe. C’est ainsi que tous les deux sont successivement renvoyés.
S’il envisage un cambriolage du supermarché, c’est autant dans le but de causer des ennuis à Jean-Edgar de Fourchon que pour s’emparer d’un gros butin. Rémy connaît parfaitement les lieux. Il a besoin de complices. Nadir et Eddy sont assez fiables. Gutenberg est le plus aguerri. Ancien agent de sécurité du supermarché, Roderer est d’accord, juste pour nuire à celui qui l’a viré. En tant qu’ex-cadre, Rémy n’ignore pas qu’il sera fatalement suspecté. C’est du côté de Saint-Nazaire et parmi des supporters de l’OM, qu’il va se fabriquer un alibi aussi solide que possible. Le jour J, malgré un léger problème de véhicule, l’opération se déroule correctement. Un joli pactole les attend dans le coffre-fort, ainsi qu’une somme colossale en billets plus douteux.
Ses complices sont avertis qu’ils ne doivent rien dépenser dans l’immédiat, pour éviter les soupçons. Comme il s’y attendait, un duo de flic interroge Rémy. Il fournit les détails de son alibi, ce qui n’empêche pas sa garde à vue et la perquisition de son domicile. Jean-Edgar de Fourchon l’a évidemment désigné comme suspect principal. Rien n’est découvert chez Rémy, et son alibi est même conforté par un témoignage indiscutable. Tout irait à peu près bien, si ses complices n’avaient pas emporté le trésor douteux. Pour ce fric-là, qui représente un sérieux danger, la police n’est pas au courrant. Les enquêteurs ont alpagué un probable coupable. Rémy songe alors que son butin dormirait bien mieux en Suisse. Le compagnon de Clotilde Massa va l’y aider…
Nous avons là tous les ingrédients d’un excellent polar, écrit dans les règles de l’art. La fluidité narrative est impeccable, sans la moindre lourdeur. Le suspense est permanent, mais jamais pesant. Des pointes d’humour sont les bienvenues. Le monde de l’entreprise, du bizness normal aux méthodes ultra-libérales, est décrit tel qu’il existe. Si le personnage central possède un vécu, il ne trimballe pas toutes les misères du monde, et il assume ses actes. Tous les protagonistes ont leur juste place dans l’histoire, s’avérant parfaitement crédibles. Très solide, le scénario est aux antipodes de romans prétentieux, tarabiscotés. Présentés avec clarté, les faits n’en sont pas moins passionnants. Bien au contraire, c’est en respectant la meilleure tradition du pur polar que Zolma nous entraîne dans cette aventure. Une belle réussite, qui mérite un chaleureux Coup de Cœur.
Mes chroniques sur les autres romans de Zolma : "Mistral Cinglant" - "Adios viracocha" - et sur trois titres (Croisière jaune, Mistral cinglant, Mort en sauce).