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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 06:25

Quand il est question de portraits, qu'on utilise les verbes peindre ou dépeindre, il s'agit toujours de décrire quelqu'un en détail, d'en donner une certaine image, d'en rendre compte tel qu'il est ou tel qu'on le voit. Certains, comme Roland Sadaune, savent le faire à travers les mots, dans des romans ou des nouvelles. Possédant un talent supplémentaire, ils sont aussi capables de peindre les visages sur des toiles, d'en faire des tableaux selon leur sensibilité. Depuis une douzaine d'années, Roland Sadaune a choisi quelques figures du polar, du roman noir, pour peindre leurs portraits en 50x50. Il a réalisé trente-sept toiles dédiées à des auteurs, tels que Didier Daeninckx, Caryl Férey, Thierry Jonquet, Jean-Hugues Oppel, Romain Slocombe, Franck Thilliez, Marc Villard et bien d'autres. Il vient de les rassembler dans un bel ouvrage à couverture cartonnée, “Facteurs d'Ombres”, publié chez Val d'Oise Éditions.

Roland Sadaune : Facteurs d'Ombres (Val d'Oise Éditions, 2013)

C'est Claude Mesplède, grand maître de l'univers polardeux, qui est l'auteur de la préface de ce livre. Face à chaque tableau, on trouve un portrait de l'écrivain dû à des passionnés du polar comme Jean-Louis Touchant, Paul Maugendre, Pierre Faverolle, Julien Védrenne, Gilles Guillon, Jeanne Desaubry, Stéfanie Delestré, Francis Mizio, Pascal Kneuss, Sylvie S . ou Claude Le Nocher. Chacun(e) donne sa vision personnelle de l'auteur peint par Roland Sadaune. Cette ouvrage comporte aussi plusieurs nouvelles, quelques croquis, de petites bédés qui parurent dans la Revue 813, ainsi qu'une interview de Sadaune. On y trouve encore la liste bibliographique des romans et nouvelles déjà publiés par lui, de même que celle des nombreuses expositions de peinture qui ont jalonné sa carrière. Ce beau livre est un pont entre les deux plaisirs de Roland Sadaune, le polar et la peinture.

Un ouvrage à s'offrir pour mieux connaître ce “peintre de polars”, comme il aime se qualifier.

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4 décembre 2013 3 04 /12 /décembre /2013 05:55

Orphelin, Armel a été élevé par des parents adoptifs. Alors qu'il vient de passer son Bac, après l'élection de François Mitterand et la mort de Bob Marley, arrive l'été 1981. Des renseignements, il en possède sur ses défunts parents naturels. En particulier grâce à Liz Gerrard, Anglaise décomplexée, une femme qui n'a jamais eu froid aux yeux. Bien que typé arabe, Armel est natif de la Presqu'île de Crozon, en Bretagne. Il est le fils que Maëlle Le Bec eût avec son amoureux kabyle, Rachid. De famille là-bas, il ne lui resterait que le frère de sa mère, Yannick Le Bec. Cet agriculteur renfrogné n'a plus conservé grands liens avec sa famille, après le drame remontant à 1963-64. Puisqu'Armel a hérité de la petite maison de sa grand-mère, il décide d'y passer ses vacances estivales.

En 1981, Sant-Fieg (Saint-Fiacre) est toujours dominée par le politicien affairiste Joseph Mériadec. Lui ayant succédé à la mairie, son fils Killian fut marié à Chantal, autrefois amie de Maëlle. Il l'a laissée tomber au profit de la belle Aline, de treize ans plus jeune que lui. Ami des Mériadec, Paul Duchamp (dit Paulo) a quitté son métier de fermier et fait fortune dans l'immobilier. Ce qu'il pense être un succès, ayant acquis un statut de notable, est fort relatif quand on remarque sa dégaine de plouc. Bien que marié à Christine, il est un des amants de Chantal, dont la seule solution fut de se prostituer. Même si un vieux secret risque de leur nuire, les Mériadec et leurs amis se trouvent satisfaits de leur sort. Et ils méprisent des besogneux tels que le vieux Jil Turnal, leur ennemi de toujours.

Les seuls auprès de qui Armel trouve de la sympathie, ce sont justement Jil Turnal et son ancien collègue cantonnier Martial. Militant breton de la première heure, dès le début des années 60, Jil Turnal était ami avec Rachid. Entre rebelles qu'ils étaient, Turnal espéra intégrer le Kabyle dans son mouvement. Hélas, les plaies de la Guerre d'Algérie n'étaient pas encore refermées pour les plus ardents Bretons d'alors. Depuis bien longtemps, Turnal attend de prendre sa revanche sur Joseph Mériadec et sa clique. La présence d'Armel à Sant-Fieg ne passe pas inaperçue. Toutefois, Killian et Paulo préfèrent ne pas en informer Yannick Le Bec, oncle d'Armel. Pourtant le fermier va être le premier touché par des actes vengeurs, quand ses vaches et ses porcs sont exterminés. Et la situation va vite empirer...

Stéphane Heurteau : Sant-Fieg – tome 2 : Armel (Coop Breizh, 2013)

En mai 2013, paraissait le premier tome de cette histoire, dont voici la suite et la fin. En octobre, cet album (tome1) a été récompensé par le Prix Polar Cognac du Meilleur One Shot Francophone de BD. Une distinction largement méritée, pour la nature humaniste du scénario, comme pour son graphisme inspiré. On pourra désormais acquérir soit les deux épisodes dans un seul coffret, soit ce second tome si on a déjà le précédent. Par ailleurs, Stéphane Heurteau est coauteur (avec Corbet) de la série Fanch Karadec “l'enquêteur breton” aux Éditions Vagabondages. C'est dire que, dans ses albums, ce dessinateur se plaît à nous montrer la Bretagne, région où il habite.

Ce serait une erreur de penser qu'il s'agit simplement d'une “intrigue régionaliste”. Certes, il s'agit bien de restituer l'ambiance d'une bourgade côtière, d'un petit coin de Bretagne. Par son thème universel, ces faits pourraient se produire ailleurs, pourquoi pas ? L'auteur rappelle également le contexte des époques citées, qu'il s'agisse du décès de Xavier Grall, poète reconnu, ou de la dramatique marée noire causée par l'Amoco Cadiz, mais survole aussi l'actualité générale d'alors. Dans la préface, le chanteur Gilles Servat se reconnaît quelque peu dans le personnage rebelle de Jil Turnal. Quant au jeune métis Armel, il garde une allure mélancolique, qui le rend physiquementtrès crédible. Ce deuxième et dernier tome de Sant-Fiegest assurément à la hauteur du premier. Il n'est pas trop tard pour apprécier ce double album.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 05:55

La France des années 2050 a beaucoup changé. Né en 2025, librement élevé par des parents non-conformistes, Franck Doutandre n'est guère à l'aise dans ce monde-là. Tout a commencé avec la prise du pouvoir par les féministes ultra, peu après la naissance de Franck. La présidente Elsa Mindacié lança rapidement ses réformes autoritaires. Au nom de “la femme-victime-ancestrale”, on édicta quantité de lois sexistes contre les hommes. Régulation des naissances dans l'esprit eugéniste, évaluation de la dangerosité potentielle des bébés, enseignement dirigé favorisant les filles, tous postes de décision réservés aux femmes : une politique visant à détruire l'ennemi masculin, qui fut reprise et amplifiée par Anaïs Pouagne-Deferre, l'actuelle présidente. Quand on a été, comme Franck, élevé selon des principes hors-normalisation, difficile d'adhérer aveuglément à cette gynocratie.

Les déboires de Franck débutent réellement lorsqu'il veut se marier avec Amandine. Son analyse prénuptiale, dictée par la critères officiels, détecte qu'il serait porteur du “gène du viol”. Plus question de mariage, pour Amandine. Serveur au Café des Ombres, Franck se montre maladroit en séduction avec sa collègue Cynthia. S'ensuit une plainte qui lui fait perdre son job. Interpellé, Franck est obligé de suivre un pénible stage de redressement moral, sous les ordres de la grosse et agressive Annabelle. Chez un psy, Cynthia réalise un peu tard que le discours ultra-féministe l'a manipulé. Éduquée à la conquête victorieuse, elle en oubliait que charmer est un jeu. Franck comprend bien vite qu'il doit feindre la soumission, apparaître dans la normalité de son époque. Déjà, il se promet de prendre sa revanche. Quand le stage se termine, on lui offre un emploi dans une morgue.

Franck n'est pas convaincu par la rébellion des masculinistes : “La guerre doit se mener sur le terrain des idées et mobiliser des individus de toutes conditions sociales et de tous genres. L'ennemi, c'est la bêtise et elle n'a pas de sexe !” Méfiant envers son supérieur, Franck se tient tranquille, tandis que la présidente Pouagne-Deferre persiste à lobotomiser les foules. Les futures mesures anti-hommes sont carrément démentielles. Par contre, la tolérance envers les femmes fautives augmente, déniant leur culpabilité. Christine et Fabienne sont les deux premières à subir successivement la vengeance de Franck. Il y aura aussi Élodie, cas à part puisqu'il s'agit d'une prostituée clandestine. Ce n'est pas la vaste enquête en cours autour de ses viols, qui cause à Franck des cauchemars sur fond de requiem. C'est le déséquilibre de la société, alors qu'il cherche simplement l'amour...

Catherine Marx : Moralopolis (Tabou Éditions) – Coup de cœur –

Il est heureux que cette histoire soit écrite par une femme, car un auteur homme eût été taxé du plus ignominieux machisme, d'être un vil réactionnaire contre les justes avancées en faveur de la population féminine. Et pourtant, tout ce que décrit Catherine Marx dans ce roman d'anticipation n'est que la vérité extrapolée, déjà partiellement en action. Certes, nous n'en sommes pas à vivre sous la dictature d'un pouvoir féministe radical. La répression n'en est pas encore au point qu'elle évoque, si virulente même contre ceux qui ne causent aucun tort aux femmes. Néanmoins, on s'en rapproche à grand pas. Depuis quelques années, la Justice “excuse” largement les femmes infanticides, un traitement psychologique se substituant à l'essentiel de la peine de prison. Par contre, gare au grand-père accordant un bisou chaste à ses petits-enfants, le voilà rapidement classé pédophile.

La situation pourrait donc empirer, nous suggère l'auteure. À travers l'eugénisme, qui guette les handicapés : “Ah, les belles allocutions publiques pour vanter la grandeur d'âme et la tolérance des politiciens vis-à-vis des personnes handicapées, par exemple. Ça vaut son pesant de cacahuètes comme modèle de duplicité. Oui, on a aménagé la ville pour mieux les intégrer à la société […] Ils peuvent nous dire merci ! Seulement ce qu'on tait, c'est qu'on exècre le handicap, qu'on ne veut pas de handicapés, qu'on agit en amont pour ne plus en mettre au monde...” Quant aux contrôles sur la dangerosité supposée des mômes, en est-on si loin ? Quant aux pères divorcés présentés comme d'infâmes tyrans et des obsédés sexuels, n'est-ce pas déjà un argument ? Cultiver une violente opposition avec les hommes, “victimiser” sans nuance les femmes, certaines s'y emploient, hélas.

Anticipation, oui, mais c'est aussi un regard sur notre société actuelle : “Sous l'effet conjugué de la sur(dés-)information, du stress et du pharmaco-dopage, l'être humain a métamorphosé ses schémas de pensée. Atteint par la fièvre acheteuse, envahi par de faux besoins qu'il jugera vitaux et urgents à satisfaire, sa capacité à s'émouvoir pour autrui s'est lentement mais considérablement atrophiée. Il a perdu le sens de la compassion, il n'est plus que peur, condamné à mener un combat autocentré pour ne pas être broyé par une société de consommation qui exige de lui une servilité absolue, en échange d'un statut social précaire, mais néanmoins indispensable pour subsister en qualité d'acteur économique […] Paradoxalement, plus on grimpe dans l'échelle sociale, plus c'est surfait, l'accumulation de biens matériels et le sentiment de réussite occultant le côté dérisoire et vain de cette conquête matérialiste.”

Bien sûr, “Moralopolis” n'est pas une thèse, c'est une fiction. Dans un proche futur, bien que son comportement soit ordinaire, un jeune homme se voit étiqueté “violeur”. Comme il n'est ni un mouton gobant les discours de la présidente, ni un collabo admettant trop commodément des pratiques dictatoriales, il tente de réagir. Il est prêt à respecter les femmes en se comportant à égalité, mais tout le pousse à aller trop loin. Pourtant, derrière les principes despotiques, perce parfois chez celles qu'il croise un romantisme féminin parfaitement normal. Plutôt entraînante, la tonalité du récit est majoritairement ironique, mordante sur quelques points. Outre un léger érotisme, il existe une certaine part de suspense, quant au sort du jeune Franck. Un roman sociétal, assez sombre sur notre avenir, sans être désespéré car l'humour n'est pas absent, qui mérite un grand coup de cœur.

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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 05:50

Journaliste à la Voix du Nord, Lakhdar Belaïd est un auteur qui se fait trop rare. Il a publié “Sérail Killers” (Série Noire, 2000) – “Takfir Sentinelle” (Série Noire, 2002) – “World Trade Cimeterre” (Cherche-Midi éditeur, 2006).

Plus récemment, “Mon père, ce terroriste” est paru chez Seuil, en 2008 : « Pendant la guerre d’Algérie, la France métropolitaine est le théâtre d’une guerre civile particulièrement sanglante. À Marseille, Paris, Lyon, ou encore Lille, les rues se métamorphosent en champs de bataille. Embuscades, fusillades, enlèvements, tortures… De 1955 à 1962, l’affrontement entre le Front de Libération Nationale (FLN) et le Mouvement National Algérien (MNA) fait près de 4 000 morts. Journaliste d’investigation, Lakhdar Belaïd a pu retracer le parcours d’un “terroriste”, son propre père, l’un des chefs clandestins du MNA. À l’aide de témoignages, d’archives, mais surtout en ayant eu accès aux rapports des enquêteurs qui ont arrêté son père et démantelé son organisation, l’auteur reconstitue une série d’attentats commis dans le Nord-Pas-de-Calais, et dévoile ainsi les secrets d’une “guerre fratricide”...»

Lakhdar Belaïd lauréat du trophée Georges Hugot 2013

Son dernier roman datant de 2011, “Les fantômes de Roubaix”, est publié dans la collection Polars en Nord (n°87) chez Ravet-Anceau. On y retrouve le reporter de ses premiers romans publiés dans la Série Noire. « Journaliste à Roubaix, Karim Kodja fait la connaissance d'un grand-oncle dont il n'avait jamais entendu parler. Le vieil homme, qui porte les mêmes noms et prénoms que lui, a un passé trouble de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Karim Kodja senior s'accroche aux pas de son petit-neveu au moment où la métropole lilloise est le théâtre d'une série d'attentats. Il est toujours là où on ne l'attend pas, semble en pleine forme pour son âge et finit par hanter les cauchemars du journaliste. Quels sont ses liens avec les meurtres commis par un tueur d'extrême-droite ? Qui est cet autre vieillard qui semble le pourchasser ? »

Lakhdar Belaïd est le lauréat du trophée Georges Hugot, remis ce samedi 23 novembre 2013 dans le cadre du salon du livre d'Aniche (Nord). Une récompense méritée pour cet excellent auteur. Et une référence car, parmi les précédents trophées Georges Hugot, il y eut Didier Daeninckx, Jean-Bernard Pouy, Frédéric Fajardie. On espère sincèrement que Lakhdar Belaïd nous proposera à l'avenir de nouveaux romans noirs...

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 07:57

Willibald Adrian Metzger vit en Autriche, à notre époque. C'est un homme plutôt spécial, un célibataire que l'on peut qualifier d'asocial. Restaurateur de meubles anciens, voilà un métier de solitaire méticuleux, le seul qui lui ait convenu. Ce qui lui permet de siroter son vin rouge à l'abri des regards, aussi. Déjà au lycée, Metzger fut un élève à part, tête de Turc de la plupart de ses condisciples. Les brimades des dominants de la classe, tel Dobermann qui abusait de sa force, il les subissait en affichant un certain flegme. Gardant sa neutralité, l'élève Pospischill (devenu depuis commissaire de police) appréciait Metzger pour ce trait de caractère. Pour Metzger, la Terminale B détermina sans doute la suite de son existence, rompant vite tout contact avec les autres élèves. Il ne sut jamais pourquoi Dobermann quitta l'établissement brutalement avant la fin d'année, ni ce qu'il devint.

Un soir, vingt-cinq ans après l'époque du lycée, il découvre dans le parc qu'il a coutume de traverser face à son ancienne école, le cadavre du cruel Dobermann, assassiné. Le temps de prévenir la police, et le corps a disparu. Son ami d'antan, le commissaire Pospischill, pense qu'il s'agit d'une hallucination due au vin rouge. Ayant récupéré l'un des mocassins râpeux de Dobermann, Metzger comprend qu'on veut l'impliquer dans ce décès. Pourquoi ressusciter un passé guère amusant pour lui ? Il apprend que Dobermann fut accusé d'une tentative de viol sur la séduisante prof Birgit Kitzler, raison de son départ prématuré. Et que le même Dobermann revint quatre ans plus tard se venger mortellement d'un de leurs condisciples. Condamné, il fit un long séjour en prison, dont il sorti voilà quelques temps physiquement diminué. Ces faits qu'il ignorait jusqu'à là attisent la curiosité de Metzger.

Il demande à Pospischill les adresses des anciens élèves encore vivants, afin d'organiser une réunion des anciens de la Terminale B. De retour au lycée, il découvre que le nouveau directeur est leur ex-prof de chimie, qui a épousé entre-temps Birgit Kitzler. Metzger renoue avec la gardienne de l'établissement, Danjela Djurkovic. Une femme sur laquelle il fantasma autrefois car elle était nettement plus jeune que son mari, maintenant décédé. Il entrevoit la possibilité de devenir intimes, désormais. Metzger recontacte leur professeur principal de Terminale B. Peu à peu, il réalise que les faits accablant Dobermann s'avèrent moins sûrs qu'on ne l'a dit. La soirée de retrouvailles des anciens élèves se passe bien, mais sans lui apporter de révélation cruciale. Pourtant, dans l'ombre, quelqu'un essaie effectivement de l'aiguiller vers la vérité. Grâce à cette enquête, “Metzger est sorti de son trou et, pour la première fois, il a le sentiment d'être vivant.”

Thomas Raab : Metzger sort de son trou (Carnets Nord, 2013)

Il convient de saluer avec un réel enthousiasme l'arrivée de ce nouveau détective amateur qui, dans son Autriche d'origine, a déjà vécu une demie douzaine d'aventures. Certes, ce brave Metzner n'a jamais plu aux femmes, il manque d'exercice, il ne supporte pas la fumée de tabac, il n'a pas voulu apprendre à conduire, il n'a pas une haute opinion de ses contemporains, et il est fier d'avoir les mêmes initiales que Mozart. Les gens le voient comme “un type crédule, bon enfant, un peu porté sur la boisson” forcément inoffensif.

Il connut une enfance perturbante, une adolescence sans brio, et mène une vie effacée. Pas un super-héros, ce bonhomme de quarante-cinq ans. Néanmoins, ou justement pour tous ces motifs, Metzger est un personnage irrésistiblement attachant. Aussi parce qu'on sent en lui l'envie d'aller au bout de ses investigations parallèles, malgré son impréparation.

Ah, les copains de scolarité, quel souvenir conserve-t-on d'eux ? Images du bon temps ou épisodes désagréables ? Élèves médiocres dénigrant le système éducatif, élèves studieux qui restaient moyens malgré leurs efforts, cadors arrogants qui croyaient posséder un réel charisme, et ceux toujours prêts à inventer une sale rumeur au détriment des autres. Un bilan un peu mitigé pour beaucoup d'entre nous. Sans doute est-ce ce qui nous rapproche de Metzner. Lui, qui se savait déjà “décalé”, il y a gagna un certain humanisme. Ce regard bienveillant, qui permet de choisir avec qui on va fraterniser.

À force de rester stoïque face à ses tourmenteurs, il passa pourtant à côté d'un incident aux conséquences dramatiques. Aiguillonné par sa tendresse amoureuse envers Danjela, il s'agit pour Metzger d'y revenir, de vérifier ce qui était vrai ou faux. Sur une tonalité narrative fort enjouée, avec de petites traces d'ironie, un suspense vraiment délicieux. On espère déjà que ses autres enquêtes seront traduites en français.

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30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 06:00

Évènement familial et convivial, "Vaison la nouvelle invite le Polar" rassemble chaque année une dizaine de grands auteurs de polars et romans noirs. La plupart ont été récompensés par des prix littéraires tels que Le Grand Prix de Littérature Policière – Le Trophée 813 – Le Prix Mystère de la Critique – Le Grand Prix du roman noir de Cognac – Le Prix Sang d'encre ou Le Prix Michel-Lebrun. Rencontres-dédicaces et conférences sont au programme. Mais c'est aussi une incitation à l'écriture qui est proposée, à travers un concours de nouvelles.

Concours de nouvelles polars 2014 de Vaison-la-Romaine

Dans le cadre des 4e Rencontres autour des Littératures Policières à Vaison-la-Romaine (du 12 au 18 avril 2014), le concours de nouvelles qui accompagne cette manifestation débute dès maintenant. À partir de cette année, il est ouvert à tous au plan national. La date limite de participation est fixée au 31 janvier 2014. Tous les renseignements (règlement, thème, dotation) figurent sur le blog. La remise des prix aux lauréats aura lieu dans le cadre de cette semaine consacrée au polar.

Le thème de l'année : “Ceux qui m'aiment prendront le train”.

Depuis Le crime de l'Orient-Express d'Agatha Christie, jusqu'à La vie duraille de J.B.Nacray (Pennac, Pouy, Raynal), en passant par La maldonne des sleeping de Tonino Benacquista ou L'inconnu du Nord-Express de Patricia Highsmith, et quantité d'autres polars en tous genres, train et littérature policière vont de pair. Soyez malins, inventifs, inspirés, novateurs pour renouveler le sujet dans ce concours de nouvelles.

Toutes les infos sur leur blog, cliquez ci-dessous.

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30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 05:55

Samedi 7 et dimanche 8 décembre 2013, rendez-vous dans l'Ouest, au 14e salon du roman populaire d'Elven (à 20 km de Vannes, direction Rennes). “Des romans à la loupe – Le détective privé et amateur dans la Littérature populaire”, tel est le thème de cet événement.

Samedi 7, de 14h à 18h, à la Médiathèque Municipale d’Elven, des invités interviennent autour de ce thème. Invité d’honneur, Xavier Maumejean évoquera les deux maîtres : Sherlock Holmes et Hercule Poirot. Jacques Baudou : les détectives du roman policier historique. Michel Besnier : Aux origines du privé. Marc Madouraud : Les détectives de l’étrange. Francis Saint Martin : Des détectives à quatre sous. Jean-François Merle : Le privé, de la prohibition à la contre culture. Président de séance et organisateur des Rencontres : Jean-Luc Rivera. Ensuite, le comité de lecture décernera e “Prix du Roman Populaire d'Elven 2013” à Frédéric Couderc, pour son roman “Un été blanc et noir” (Flammarion).

7 et 8 décembre 2013 : 14e salon du roman populaire d'Elven (56)

Dimanche 8, à partir de 9h30 – Salle des Fêtes d’Elven (entrée libre) – Dédicace de plusieurs auteurs de romans et de BD. Sont annoncés :

Frédéric COUDERC (Prix du Roman Populaire 2013) - Mireille LESAGE - Jean-Pierre ALAUX - Firmin LE BOURHIS - Jaunay CLAN - Sylvie MILLER - Cyrille GUIMARD - Jacques BAUDOU - Xavier MAUMEJEAN - Michel BESNIER - Francis Saint MARTIN - Guillaume MOINGEON - Daniel CARIO - Marianne LECOMTE - Brigitte NICODEME… L’affiche réalisée par Jean Tag, œuvre originale réalisée pour la 14e édition du Salon du Roman Populaire et disponible en tirage limité, pourra être dédicacée par l’artiste.

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29 novembre 2013 5 29 /11 /novembre /2013 05:55

Une nouvelle page se tourne dans le monde de l'édition. À partir de janvier 2014, Fleuve Noir devient Fleuve Éditions. Ce n'est pas la première évolution de cet éditeur. Créé en 1949 par Armand de Caro, le Fleuve Noir fusionna dès 1962 avec les Presses de la Cité, dirigées par Sven Nielsen, chacun gardant alors sa liberté éditoriale. Une trentaine d'années plus tard, la famille de Caro ayant cédé la place, une nouvelle structure succéda au groupe Presses de la Cité. Désormais, le Fleuve Noir se diversifie, ne publiant plus uniquement de la littérature populaire, misant sur 100% d’inédits grand format. Les polars et thrillers qui ont jalonné l’histoire de la marque seront, nous dit-on, regroupés dans la collection qui gardera l’appellation Fleuve Noir. Place à Fleuve Éditions, donc.

Ce n'est pas sans un léger pincement au cœur que les passionnés de polars d'antan, qui admettent leur part de nostalgie, accueillent cette nouvelle. Spécial-Police, Espionnage, Anticipation, Angoisse, l'Aventurier, et autres Grands Romans, autant de collections qui font partie de l'univers du lecteur passionné. Avec San-Antonio pour locomotive, le Fleuve Noir nous a fait connaître quantité d'auteurs pour la plupart français, souvent d'une qualité artisanale bien meilleure que l'affirmaient certains. Ce n'est pas en quelques mots que l'on va retracer le parcours exemplaire de cet éditeur. On ne peut que conseiller la lecture de “Fleuve Noir, 50 ans d'édition populaire” de Juliette Raabe, publié par la Bibliothèque des Littératures Policières (BiLiPo) en 1999.

Fleuve Noir devient Fleuve Éditions, retour sur un succès éditorial

Il serait stupide de comparer la production de polars d'hier et celle d'aujourd'hui, de dire que l'une est plus intéressante que l'autre. Néanmoins, le Fleuve Noir répondit longtemps à un état d'esprit, que résumait fort bien Georges Rieben, créateur du Prix Mystère de la critique : “Le Fleuve Noir, lui, s'étalait dans toutes les directions. Il redonnait une place aux méandres de la France profonde. Il sinuait dans les petits commissariats de quartier. Il s'engageait à contre-courant dans des romans d'énigme pure, à la Agatha Christie ou à la Steeman. Il redonnait une existence à l'aventure et aux amours qui perdurent et dont le langage populaire dit si bêtement qu'elle finissent bien. Il faisait même des incursions, parfois réussie, dans le comique.

Ses auteurs, il est vrai, provenaient de milieux très différents, pas forcément intellectuels. L'officier ayant assisté à la mort de Himmler côtoyait le traducteur surdoué, le cadre d'une entreprise automobile, le boucher épris d'évasion, le sous-préfet en proie à l'ennui, le coureur automobile en rupture de machine ou le juriste d'une compagnie pétrolière. Le Fleuve Noir méritait son nom. Il était en crue constante...” (in “Fleuve Noir, 50 ans d'édition populaire”)

Littérature populaire, une formule souvent dénigrée. Les auteurs majeurs du Fleuve Noir la revendiquaient. En témoigne cet interview de Georges J.Arnaud, par Robert Bonaccorsi en 1983 : “J'accepte d'être défini comme un auteur de roman populaire. Au départ, il y a une question de présentation matérielle des livres. Ils paraissent dans des séries bon marché, avec une périodicité, un papier qui n'est pas extraordinaire. Dans le temps, au Fleuve Noir, l'illustrateur Michel Gourdon dessinait les couvertures avec grand talent et donnait plus ce côté populaire que les photographies qui l'ont remplacé. Voilà pour le côté matériel de la chose.

Ensuite, pour le roman populaire, c'est un roman qui fait plus appel à l'intrigue qu'au style, c'est un roman à rebondissements ; en général, un chapitre se termine par un coup de théâtre qui relance l'action. Ensuite, il fait appel à des sentiments beaucoup plus accessibles au public, aux lecteurs, qu'une psychologie trop élaborée ou qu'une psychanalyse trop difficile. Il y a aussi des références à une littérature populaire du 19e siècle, c'est comme une suite dans le contexte du monde actuel et en utilisant d'autres théâtres d'action...” (in “Fleuve Noir, 50 ans d'édition populaire” de Juliette Raabe).

À travers ces deux extraits, on comprend probablement ce qui anima cette génération d'auteurs, et cet éditeur populaire que fut le Fleuve Noir. Le monde bouge, change, mais c'est cet état d'esprit qui a permis le succès immense des collections d'alors. On espère que Fleuve Éditions conservera quelque peu cet esprit-là.

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