De son vrai nom Marcus Beresford, Marc Brandel est né le 28 mars 1919 à Londres et décédé le 16 novembre 1994 à Santa Monica, en Californie. De 1945 à 1985, il écrivit une quinzaine de romans, dont plusieurs pour la jeunesse. Il fut surtout scénariste pour la télévision. Un seul de ses titres “Ça va chauffer” (1956) fut traduit en français (par Igor B.Maslowski) dans la collection Un Mystère. Une bonne raison de retenir ce suspense ? François Guérif le classe parmi ses cent préférés, dans son livre de souvenirs “Du polar”. Il lui consacra une fiche du “Dictionnaire des Littératures Policières” de Claude Mesplède.
La traduction n'a rien de trop vieillotte, hormis une expression telle que “ce n'est pas mon tapis” (pas concerné) ou quand on situe mal quelle police désigne la Milice d’État. Le récit étant fluide et très bien écrit, ça n'a pas grande importance. Car il s'agit bien d'un roman noir remarquablement construit, qui nous présente avec soin chacun(e) des protagonistes, et où monte inexorablement la pression. Entre bourgeoisie traditionnelle, religion encore présente, classes populaires dénigrées, et sexualité mal vécue, les meilleurs ingrédients sont réunis pour un suspense intense.
Une référence du roman noir, effectivement, qui mériterait une réédition.
Grantchester est une petite ville, au début des années 1950. Issu de la plus ancienne famille locale, le Dr Charles Gordon en est l'autorité morale. Marié à la discrète Yvonne, il est le père de la taciturne Madelon. Âgée de dix-neuf ans, celle-ci se réfugie dans ses fantasmes, qui concernent Jerry Fletcher. Jeune scientifique menant des expériences sur les rats, il est aussi timoré que Madelon. Le quadragénaire chef de la police Ray Koster n'a guère à réprimer que de petits délits, sur fonds d'alcoolisme. Le banquier Reider ami de toujours de Charles Gordon, Hadow propriétaire de l'usine de gants, Canby qui dirige le journal local rétrograde, sont les principaux notables de Grantchester, habitant le secteur huppé. Il existe ici un quartier sud pour les ouvriers, forcément de mauvaise réputation. On n'aime guère les étrangers. On se méfie même ceux de Molton, la ville voisine.
Le cadavre découpé d'une jeune femme est découvert près de la voie ferrée, la tête étant introuvable. Elle a été tuée peu avant, au cours de la nuit précédente. Des rumeurs fort incertaines courent vite en ville. Heureusement, on identifie bientôt la victime. Clara Hoyt, vingt-cinq ans, enceinte au moment de sa mort, tenait un salon de beauté après avoir été employée à l'usine. Elle semblait apprécier les sorties festives. Il n'en faut pas plus au passéiste Canby pour décréter que cette traînée a été tuée par un homme de rencontre étranger à la ville. Charles Gordon et le policier Koster sont moins catégoriques, mais le temps passe sans élément nouveau. “Le deuxième corps fut trouvé vingt-sept jours très exactement après le premier” par un ivrogne du coin, dans une poubelle, sans la tête. Cette fois, la jeune victime est Ann Bridge, fille d'une bonne famille.
Le banquier Reider engage des détectives pour fouiller les maisons du quartier ouvrier. Ce qui créée bientôt des tensions dans la population. Les magasins ferment tôt, de peur qu'on agresse leurs employées. Horace Palmer, qui dirige la Mission caritative, se montre perturbé par ces crimes et leurs effets. La police doit intervenir au Steve's Bar, quand une altercation accusatrice intervient entre clients. La troisième victime est Carrie Minton, la bibliothécaire âgée de trente-cinq ans, cousine de Charles Gordon. L'atmosphère est à la suspicion générale, y compris au sein du groupe de notables, qui ont pourtant des alibis. “Jusqu'à présent, la police a réussi à prévenir des troubles graves, mais en sera-t-elle capable lorsque le Moloch exigera une victime ? En tout cas, innocent ou coupable, il faut que quelqu'un soit arrêté” écrit Jerry Fletcher dans son journal intime. C'est vers lui que le père d'Ann Bridge oriente finalement les plus vifs soupçons...