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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 05:57

Belz est une petite île bretonne peuplée de pêcheurs, au large de Lorient. Marko Voronine y débarque, ayant été embauché comme marin-pêcheur par Joël Caradec. Ce que cherche surtout Marko, c'est qu'on l'oublie quelques temps. Clandestin venu d'Ukraine, il a fait le voyage dans un camion avec ses compatriotes Anatoli, Vasili et Iryna. Suite à un grave incident, ils ont supprimé les mafieux roumains qui les transportaient, récupérant l'argent qu'ils avaient versé. Les quatre Ukrainiens ont promis de se recontacter via Internet avant de tenter leur chance séparément. C'est ainsi que Marko a abouti sur Belz. Le microcosme insulaire n'est pas le meilleur endroit pour passer inaperçu. Un étranger inexpérimenté qui est engagé à la pêche au lieu d'un îlien chevronné, ça attire l'antipathie.

Pierrick Jugand, autre patron pêcheur local, apparaît le plus mécontent. Il semble prêt à dénoncer Marko. Dépressif, cet homme marié est tracassé par son métier toujours plus ingrat. Avec son équipage, c'est lui qui ramène d'une sortie en mer un pied humain coupé au tibia. Sinistre trouvaille, qui va amener sur l'île le commissaire Fontana, nouvellement en poste à Lorient, et son adjoint du cru, Pierre Nicol. Se montrant peu, Marko croise toutefois des gens moins hostiles. Tel l'abbé Lefort, qui connaît bien les pénibles conditions de vie des îliens. Il n'ignore pas que planent légendes et mystères sur cette “Île aux Fous”, comme certains l'appellent. Autre personne sympathique, Venel, le causant libraire de Belz raconte à Marko une de ces étranges histoires, celle de ce pêcheur de sardine qui du jour au lendemain oublia sa langue maternelle pour s'exprimer dans un langage inconnu.

Outre le vieux marginal Papou, figure insulaire qui se montre plutôt cordial avec Marko, l'Ukrainien fait encore la connaissance de la belle institutrice Marianne. S'ils deviennent intimes, c'est que Marko ressemble beaucoup à un défunt ami îlien de la jeune femme. Par Internet, l'Ukrainien recommande la prudence à sa famille restée au pays, et reçoit un message de Vasili et Iryna. Émissaire de la mafia roumaine, Dragos Munteanu est chargé de retrouver les fuyards. Grâce à des contacts, il ne tarde pas à localiser Vasili et Iryna près de Paris. Son périple l'enverra plus tard vers le sud de la France. Si Marko a envisagé de quitter l'île, il doit y renoncer. Une enquête est lancée après la mort suspecte de Pierrick Jugand, avec de nombreux flics sur place...

Emmanuel Grand : Terminus Belz (Éd.Liana Levi, 2014)

Pour un premier roman, Emmanuel Grand réussit un pari risqué. Car situer une intrigue sur une île est plus piégeux qu'il y paraît, une forme de théâtralité étant à craindre. Et les clichés ont la peau dure : “Environnement hostile” décréta un juge des divorces au sujet de l'île de Sein. Un certain isolement, une population en vase clos, une méfiance insulaire, ne suffiraient pas à restituer l'ambiance de façon crédible.

Le réalisme naît d'abord à travers les personnages. Telle l'île balayée par les tempêtes, même s'ils sont tourmentés, ils se doivent de rester forts autant qu'ils le peuvent. Et d'agir à bon escient, ce qu'ils feront. C'est là que le clandestin Marko doit trouver sa place, dans un contexte qu'il ne maîtrise guère. Fort bien dessinés, les portraits contribuent largement à l'atmosphère des lieux, donc à la bonne impression que nous donne cette histoire.

S'il esquisse un peu de fantastique, avec l'Ankou symbolisant la mort dans l'univers celtique, l'auteur évite à juste titre de “charger” les effets. Ce mythe ayant déjà beaucoup servi, il va ici “illustrer” l'aspect mortifère du récit. Il faut nuancer la formule “L'Ankou tue. Il n'épargne personne” car ce n'est pas un criminel, mais celui qui vient chercher les morts à leur heure.

Bien que ça n'enlève absolument rien aux réelles qualités de ce roman, qu'on me permette d'être tatillon sur ce secteur géographique. Si un auteur plaçait la Tour Eiffel sur les Champs-Élysées, il se ferait incendier. Cette île de fiction correspond à Groix, en face de Lorient. Par contre, Belz est le nom d'une commune proche, au bord de la ria d'Étel. Autre détail sans gravité, l'abbé Lefort se serait présenté sous le qualificatif de “recteur”, habitude qui a encore cours.

Quant à la mafia balkanique ou moldo-valaque lançant le menaçant Dragos à la poursuite des Ukrainiens, ça appartient au romanesque folklore des “méchants”. L'auteur fait un choix narratif : le suspense mise moins sur le dénouement, que sur les péripéties énigmatiques vécues par les protagonistes. Néanmoins, c'est par une marée d'équinoxe de mars que l'affaire aboutira. Un polar intense et convaincant, d'une lecture très agréable.

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17 janvier 2014 5 17 /01 /janvier /2014 07:48

En décembre 1996, dans la région d'Angers, trois policiers sont exécutés successivement par un tueur qui apparaît chevronné. Jousse est abattu dans un stand de tir, puis c'est Aumard qui est supprimé alors qu'il fait son jogging. Le tueur prend par surprise Ledoux, leur collègue, dans sa propre voiture. Sans doute l'assassin vise-t-il un quatrième homme. Bien que ce dernier ne soit pas le moins important, il devra patienter. D'autres personnes sont au même moment dans les parages, ne devant pas entraver la meurtrière mission qu'il s'est fixée.

D'un côté, il y a le jeune informaticien Kamel Ouslemane et son amie Malika Addi, attachée à l'Unesco. Kamel est le fils d'un défunt notable du régime algérien, Rachid Ouslemane, lequel fut toute sa vie marquée par un épisode sanglant de la guerre d'Algérie. Le tueur éprouve une certaine affection pour Kamel et Malika, beaucoup moins expérimentés que lui pour combattre dans l'ombre.

De l'autre côté, se trouve Lyes Si Arkoun. Sous son allure de cheikh du désert, c'est un haut responsable islamiste en poste en France. Au nom d'Allah, c'est un grand manipulateur visant le triomphe du GIA et du FIS, dont la puissance progresse alors dans le monde arabe. Bien informé, il a repéré le cas de Kamel qui, avec Malika, pourraient nuire à ses projets. Accompagné de Saïd, son homme de main, Lyes Si Arkoun a pris en filature le jeune couple jusqu'à Angers.

La police a délégué le commissaire Costa Pedretis, et son adjoint Lumet, afin de faire toute la lumière sur le triple meurtre angevin. Énergique par nature, il a bien l'intention d'avancer vite. En consultant des vidéos ayant trait aux trois meurtres, Costa Pedretis remarque une moto suspecte. Renseignements pris, elle appartient à un tranquille prof de philosophie et animateur de théâtre, Michel Gerber, âgé de quarante ans. Rien ne semble le relier avec les victimes.

Le commissaire n'ignore pas que Jousse, Aumard et Ledoux furent auteurs d'une lourde bavure qui causa deux morts, en octobre 1979. La mise en scène de leur légitime défense restait douteuse. Si le tribunal correctionnel de Marseille relaxa en 1982 les trois policiers, ça ne les disculpait pas forcément. Pour le tueur, la meilleure façon de protéger Kamel et Malika, c'est de s'attaquer à Lyes Si Arkoun, avant d'affronter son ultime cible...

John C.Patrick : Dies Irae (Éd.Lokomodo / Asgard, 2013)

Il s'agit d'une intrigue comportant plusieurs “approches”. On retient d'abord le roman d'aventure, riche en péripéties et en suspense. Aucun temps mort, l'action étant menée tambour battant. Avec ses contradictions, inhérentes à ceux se trouvant dans sa position, le tueur n'a pas à faire preuve de pitié envers les “victimes” de sa vengeance. Ce n'est ni un redresseur de torts, ni un cinglé, pas même un militant. Juste quelqu'un de déterminé qui pratique “sa” justice, face à des personnes qui se sont commodément abrités derrière un paravent de légalité.

 

L'autre aspect de cette histoire s'avère plus politique. Entre guerre colonialiste, islamistes de la décennie 1990, et réseau d'activistes extrêmes, comment en serait-il autrement ? On impose à l'opinion publique une version manichéenne de certains faits de société, d'un monde où bons et méchants sont identifiés. Le propos de l'auteur vise aussi à rappeler les méandres des ententes opaques, façon poupées gigognes. Certains veillent à ce que ces faits ne soient surtout pas médiatisés. Une réédition poche bienvenue, pour un livre datant de 1999. Un roman rythmé franchement palpitant, au noir contexte, voilà qui séduira les lecteurs de très bons polars.

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16 janvier 2014 4 16 /01 /janvier /2014 05:55

Lundi 16 août. À Notre-Dame-de-Paris, la journée précédente a été très chargée, avec la procession traditionnelle de l'Assomption. Ce matin, on ne peut que remarquer cette jeune femme en blanc, court vêtue, priant sur le banc de la chapelle de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. On s'aperçoit bientôt qu'elle est morte, probablement depuis plusieurs heures. Le dossier est immédiatement confié à la magistrate blonde Claire Kauffmann. “Mignonne, froide comme une lame et raide comme la Justice” dit d'elle le commandant Landard, flic depuis vingt-deux ans. Venu du tout proche Quai des Orfèvres, c'est lui qui est chargé de l'enquête. Il est assisté par le jeune lieutenant Gombrowicz. Le légiste leur apprend que le vagin de la victime a été scellé avec la cire d’un cierge. On peut se demander si Mourad, un des surveillants, a bien fait sa dernière ronde avant de boucler la cathédrale. Il certifie que ce fut le cas. 

Cette jeune fille excitante fut à l'origine d'un incident, la veille. Elle suivait de trop près la procession de la Vierge, selon un jeune homme blond qui est intervenu, la bousculant avant qu'on le maîtrise. Étant sûr qu'il reviendra vite à Notre-Dame, les flics montent une souricière et ne tardent pas à l'alpaguer alors qu'il vient de se confesser. Il se prénomme Thibault. Claire Kauffmann et Landard tiennent leur coupable. C'est peu dire qu'il idolâtre la Vierge Marie. Une perquisition est menée dans l'étouffante maison de la mère de Thibault. La chambre du jeune homme est un singulier musée dédié à la Vierge, mais les dessins qu'il lui a consacré sont nettement moins chastes. Quand Landard pense avoir défini le scénario plausible du crime, Thibault commet un acte qui ressemble à un aveu. Ce qui devrait clore l'enquête, au grand soulagement des autorités ecclésiastiques.

Disgracié suite à une maladie infantile, souffrant encore le martyre, marqué par la mort de son frère aîné, le père François Kern est compatissant envers les abîmés de la vie. Comme les prisonniers de la centrale de Poissy, dont le lucide Djibril. Mais aussi les égarés qui fréquentent Notre-Dame, où il est en poste chaque été. Il ne croit pas que l'obsessionnel Thibault ait assassiné la jeune Luna Hamache, étudiante en licence d'Histoire, si tentante qu'elle ait été dans sa courte robe blanche. Même si le SDF Kristof s'exprime dans un sabir polonais, le père Kern pense comprendre le message de ce témoin : “Le péché a pénétré entre ces murs. Il n'a pas eu besoin d'entrer par le trou de la serrure. Tout simplement parce qu'il avait la clé.” Lorsqu'il contacte Claire Kauffmann, affirmant que la victime était attendue à Notre-Dame la nuit de sa mort, est-ce suffisant pour relancer l'affaire ?

Alexis Ragougneau : La Madone de Notre-Dame (Éd. Viviane Hamy, 2014)

Certes, il serait facile d'imaginer Kern, 1m48 pour 43 kilos, sous les traits de Quasimodo. Bien sûr, Esmeralda pourrait être ici incarnée par la substitut Claire Kauffmann, aussi bien que par la victime, la belle Luna. Oui, d'autres parallèles avec l'œuvre de Victor Hugo sont possibles. Et Landard serait un cousin de Javert ? Contentons-nous de lire un livre à la fois, celui-ci. Même dans un haut-lieu tel que Notre-Dame-de-Paris, une enquête reste un puzzle à reconstituer, un ensemble de pièces qui finissent par s'emboîter. Pour ce faire, il convient de bien observer les personnages, leurs caractères et leurs failles. Il faut avouer qu'au niveau des protagonistes, l'auteur nous a gâtés.

Ainsi, l'affaire serait confiée à une magistrate peu expérimentée et au pire flic de Paris ? Même s'il ne s'agit pas de super-limiers, ce n'est pas si exact et on ne les blâmera pas. Claire n'a jamais évacué le secret qu'elle trimballe depuis près de vingt ans. Si le sans-gêne du rustre Landard n'indique pas le policier d'élite, c'est qu'il souhaite expédier au plus vite ce petit crime. Avec son mal-être, le père Kern n'apparaît pas le plus qualifié pour les investigations. Qu'on appelle ça la Foi, ou de l'obstination teintée d'instinct, il discernera bientôt les vérités masquées.

L'essentiel atout favorable de ce premier roman d’Alexis Ragougneau, c'est son écriture fluide et même vive. Sans négliger une construction du récit fort bien pensée. Car on verra que certains “seconds rôles” ont également toute leur place. Voilà un nouvel auteur tout-à-fait prometteur, à découvrir dès maintenant.

 

- "La Madone de Notre-Dame" est disponible dès le 23 janvier 2014 -

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 05:55
Ça va durer encore longtemps ? Action-Suspense a 6 ans.

Voilà près de douze ans que je me fais l'écho du polar. Action-Suspense a aujourd'hui six ans. Mon credo n'a jamais varié : “Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.” Je suis quelque peu privilégié, je l'ai toujours admis. Peut-être s'agit-il, via ce confort de lecture qui est mon unique récompense, de rester libre de ma tonalité, de cultiver une passion en encourageant des auteurs.

Je ne vends rien, je suggère, j'informe, je propose. Ensuite, chacun(e) reste libre de ses lectures. Nul ne peut me reprocher un quelconque parti-pris. Transmettre, avec enthousiasme, parce que l'on devine la valeur –voire le potentiel– d'un auteur. Avancer naturellement, sans regret, sans calcul et sans prétention, franchement heureux du succès de certains afin qu'ils puissent continuer à écrire et à publier. Pas de grande ambition, ni même de projet bien compliqué, là-dedans. Être soi-même n'est-il pas suffisant ? Mettre en vitrine quelques livres qui méritent un public large, ce n'est pas une mission dont je me flatte, c'est un plaisir.

Peu avant Noël et en ce début janvier, j'ai reçu deux courriers (écrits à la main – ce qui devient rare) qui me confortent dans ce modeste objectif. Voilà ce qui me fait chaud au cœur, ces relations sans la moindre arrière-pensée. “Parce que c'était lui, parce que c'était moi” disait Montaigne de son ami La Boétie. Ce qui définit aussi nos relations, avec quelques habitués... Ça va durer encore longtemps ? Dans cet esprit, j'espère continuer à partager cette passion, avec celles et ceux qui ont l'amabilité de me lire.

Ça va durer encore longtemps ? Action-Suspense a 6 ans.
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14 janvier 2014 2 14 /01 /janvier /2014 05:55

Né en avril 1945, le Dr Olivier Kourilsky a publié depuis 2005 plusieurs polars aux Éditions Glyphe. Les lecteurs ont pu le croiser dans de multiples salons du livre à travers toute la France (entre autres, au Salon du livre de Paris ou au Salon du polar de Montigny-les-Cormeilles en 2010, au Salon du Mans ou au Salon du polar de La Ferté-sous-Jouarre en 2012, au Salon du livre de Bondues-Lille Métropole, au Salon du polar de Templemars ou au Salon du livre policier de Lens en 2013). En cette année 2014, il sera présent au Quais du polar à Lyon (librairie Decitre) et au Salon du livre de Villeneuve-sur-Lot, parmi beaucoup d'autres rendez-vous chez les libraires et dans les festivals du livre.

Les six titres d'Olivier Kourilsky, publiés chez Glyphe : Meurtre à la morgue, 2005 - Meurtre avec prémédication, 2007 - Meurtre pour de bonnes raisons, 2009 (prix Littré 2010) - Homicide par précaution, 2010 - Dernier homicide connu, 2012 - Homicide post mortem, 2013.

Olivier Kourilsky répond à l'Interview Express

Olivier Kourilsky a accepté de répondre à l'Interview Express d'Action-Suspense. Qu'il en soit vivement remercié.

-L’ambiance de vos romans, c’est plutôt : Soleil bruineux sur jungle urbaine, ou Grisaille radieuse sur cambrousse pittoresque ?

En lisant cette question, je découvre que la météo complète est représentée dans mes romans ! Ce n’est guère étonnant, ils se déroulent dans des endroits très divers qui vont de la région parisienne (été comme hiver) au Laos, en passant par la Bretagne nord (où, comme on sait, il fait beau plusieurs fois, par jour !). Je m’aperçois aussi qu’elle ne joue pas un rôle primordial. Point n’est besoin d’avoir une ambiance sinistre pour développer des envies de meurtre. Chez moi, on tue par tous les temps

-Vos héros sont plutôt : Beaujolais de comptoir, ou Double whisky sec ?

En tant que médecin, je suis réticent à les voir s’enivrer (ils ne fument pas beaucoup non plus !), mais je ne peux pas les surveiller en permanence. Je leur ai en tout cas appris à préférer les bons crus au gros rouge qui tache, le Ruinart au mousseux et le pur malt au Chivas !

-Vos héros sont du genre : J’aime personne, ou Je me déteste ?

On trouve tous les genres, mais ce serait plutôt j’aime personne - enfin, pour les méchants... Néanmoins, leur désamour est volontiers sélectif : la vengeance est un moteur fréquent dans mes histoires criminelles, comme dans celles de la vraie vie d’ailleurs.

-Vos intrigues, c’est : J’ai tout inventé, ou Y a sûrement du vrai ?

De nombreux auteurs indiquent que leurs intrigues partent souvent d’un fait divers réel. Là, aucune hésitation : j’invente tout ! En revanche, j’adore parsemer mes intrigues d’anecdotes vécues (et « retravaillées »), de clins d’yeux destinés à qui saura les déchiffrer (lieux, noms, etc.). Et comme beaucoup de mes romans se passent dans le milieu hospitalier, il s’y mêle forcément quelques détails véridiques. De même, mes personnages sont entièrement fictifs, tout en représentant parfois un kaléidoscope de certains traits de caractère appartenant à d’autres. Je me tue à le répéter à ceux de mes amis qui s’obstinent à y chercher une personne qu’ils connaissent !

-Vos intrigues sont : Des torrents imprévisibles, ou Des fleuves canalisés?

Je dirais plutôt des fleuves canalisés, ce qui n’exclut pas des débordements imprévisibles, en particulier lorsque mes personnages m’échappent et exigent d’avoir leur vie propre. J’ai un synopsis en tête (et parfois sur le papier !) avant de commencer un livre, mais ensuite l’appétit vient en écrivant, les idées bouillonnent et je peux emprunter des chemins de traverse, y compris tomber dans un torrent.

-Quel est votre propre état d’esprit : C’était mieux demain, ou Le futur c’est maintenant ?

Il y a définitivement (comme on dit en anglais) des choses que je trouvais mieux avant. Ça n’empêche pas d’essayer de redresser le tir.

Olivier Kourilsky répond à l'Interview Express
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13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 05:55

Auteur d'un seul film culte underground (“Fleurs fanées”), le photographe Jacques Seltzer “est un gaillard d'au moins cent vingt kilos. L'argent et la vie facile ont fait prendre du volume à cet homme insatiable.” Depuis qu'un drame a causé le décès de sa fiancée, cet artiste aussi riche que provocateur à cessé toute activité, évitant les apparitions publiques. La légende prétend qu'il prépare depuis longtemps un nouveau film, “Black Néon”, qui sera son chef d'œuvre. En réalité, de ce projet, il n'a que le titre, pas la moindre ligne de scénario. Son agent à Hollywood est venu jusqu'à Paris, afin de le relancer. Kenny Azura, le plus influent producteur actuel, serait intéressé pour financer aveuglément ce mythique “Black Néon”.

Jacques Seltzer finit par accepter l'expérience. À condition de disposer de dope à gogo, d'abord. Et de pouvoir filmer dans les pires bas-fonds de Los Angeles “les gens qui correspondent aujourd'hui à ceux pour qui écrivaient Charles Bukowski et John Fante. Des ratés magnifiques. Des déjantés. Des tox et des putes. Pas des acteurs. Il faut des gens authentiques, qui mènent une vie authentique pour jouer dans mes films.” Son agent s'empresse de lancer le projet. Peu après, Seltzer débarque en Californie. “À mes yeux, Los Angeles représente la fin de la civilisation. J'éprouve autant de fascination que de répulsion pour cette ville” avoue-t-il, en s'installant dans un motel minable, pour se mettre dans l'ambiance.

Pour avoir un sujet à présenter au producteur, il faut un scénariste. Ce sera Randal P.Earnest. Élevé dans le milieu du cinéma, Randal est la brebis galeuse d'une famille de producteurs. Cet ancien toxicomane alcoolique est depuis des mois en cours de sevrage. Pour la drogue, il reste clean, mais il triche pour l'alcool. Ce que Seltzer attend de Randal, c'est qu'il lui trouve de quoi se shooter, et qu'il l'introduise au cœur de la lie de cette ville. Ça fait partie des rares compétences de Randal. Parmi ces paumés, on trouve un Irlandais qui se drogue avec tout ce qui fait planer, Jeffrey. Ce n'est pas en volant et revendant quelques livres qu'il subsisterait. Il est en couple avec Raquel, un travelo Noir qui se prostitue, et paie les dettes en retard de son compagnon.

Par ailleurs, un couple de femmes, Lupita et Genesis, arrive à Los Angeles. Elles ont d'urgentes raisons de fuir Reno, dans la Cadillac Eldorado 1970 de Lupita. Cette dernière est une froide killeuse. Manchote, elle est tatouée sur tout le corps. Armée, elle n'hésite pas à abattre toutes les personnes avec lesquelles existe un problème. Même un pharmacien et son employée, braqués avant de prendre la route, n'y échappent pas. Lupita ne culpabilise jamais, quelle que soit la dureté de ses actes. Pour Genesis, pute mal payée et maltraitée, une aubaine de pouvoir accompagner cette monstresse. Los Angeles ne doit être qu'une étape pour elles... Et pendant ce temps-là, avance le projet de film le plus chaotique de l'histoire du cinéma, fut-il underground. Randal et Jeffrey seront les seuls à surmonter les plus critiques situations qui se succèdent en rafale...

Tony O'Neill : Black Néon (13e Note Éditions, 2014)

Nul besoin d'avoir lu “Sick City” (2011), précédent titre de l'auteur avec Jeffrey et Randall, pour apprécier ce “Black Néon”. Ville de tous les excès, Los Angeles conserve une façade de respectabilité grâce à Hollywood. Le grand public ne s'intéresse qu'aux déboires et aux bonheurs des stars de cinéma ou de télé. Ça permet de masquer une réalité nettement plus sordide, glauque à l'extrême. Le pétard de shit, c'est quasi-toléré, habituel. Bien que les autorités offrent un peu de substituts de drogue en dispensaires, tout est bon pour trouver les plus forts stupéfiants. Ce qui rend féroces les toxicos. Randal résume bien ce qu'ils sont : “Je le connais, le junkie de base. En général, c'est un con fini.”

L'auteur n'oublie pas d'épingler ceux qui décrètent le talent, même s'il n'y en a guère. Si tous les protagonistes sont gratinés, le personnage de la fascinante Lupita, la dure-à-cuire, apparaît assurément le plus jusqu'au-boutiste. À la manière de Randal, il vaut mieux rester témoin (même impliqué) que de plonger dans cet univers si peu ragoûtant. Un regard sans concession sur l'autre facette de Los Angeles, la moins clinquante, la plus noire, salement déglinguée, voilà ce que nous présente Tony O'Neill. On peut dire qu'il ne nous épargne rien, dessinant d'un trait fluide les scènes et les portraits. Ce n'est pas tant lui qui ironise, c'est le destin sans issue de ces gens qui crée cette dérision tragi-comique.

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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 05:55

Une petite ville de France, intemporelle et pittoresque. Ces derniers temps, c'est autour de la jeune Marie Marron que se cristallisent les évènements. Pas plus sotte que d'autres, un brin naïve sans doute, elle s'avère assez lente, peu réactive. Orpheline, Marie habite avec sa tante, la vieille Hortense. Celle-ci n'est d'ailleurs pas si âgée, mais se complaît dans une existence confinée. Marie est la secrétaire à temps partiel du dentiste local. L'épouse de ce dernier est toujours absente, voyageant à son gré. Un de leur fils, Maurice, étudie la philologie, filière universitaire aux débouchés inexistants. Il aussi lymphatique que Marie. Il a peu de chances de lui plaire, car la jeune femme s'est éprise de Gustave Machin. S'il n'a guère d'allure, ce commercial est un vindicatif, limite sanguin, clamant haut et fort sa conception obtuse du monde. Il a tout pour plaire à la timide Marie, qui est son contraire.

Francine Dumoulin est l'inamovible secrétaire de mairie. Bien consciente de sa laideur, elle économise en vue d'une opération esthétique. Gustave Machin s'est mis en tête que Marie doit remplacer Francine à son poste de la mairie. Pour ce faire, il élabore un plan tortueux qui a de fortes chances d'échouer. Gustave se rapproche de Francine, partageant deux ou trois soirées alcoolisées. Comme c'était à craindre, le projet tourne mal, avec le décès de Francine. La mise en scène d'un suicide est si peu crédible, que le chef des gendarmes Barnabé n'y croit pas un instant. La même nuit, un gros ivrogne du coin est retrouvé mort non loin de là. Effectivement, il avait croisé Francine peu avant. Voilà donc un coupable idéal, et une affaire résolue. Un temps suspecté, Gustave s'était vite disculpé. Néanmoins, après tant de stress, il est interné à l'Institut de Récupération, tenu par des religieuses.

L'étudiant Maurice connaît de sévères contrariétés, quand la filière est supprimée. Josette, une native du cru, également. Le petit ami de celle-ci, Rudolph, s'impose bientôt dans le paysage local. Diplômé en Ingénierie Providentielle, on va inventer pour ce pékin-là un poste de factotum. Il risque de mettre de l'animation chez la vieille Hortense, où il s'est installé. La mairie (où Marie est devenue secrétaire) veut organiser une fête, un concours de misses réservé aux femmes mûres de la contrée. Il faut s'attendre à divers remous. Du côté de l'Institut, c'est une vraie révolution que Gustave Machin impose, avec la complicité de la jeune Catherinette, une nonne passionnée. La mère supérieure n'eût sûrement pas permis ces bouleversements, mais elle était bien fragile. Tant de choses se produisent ici, loin d'être expliquées, que ça pourrait apporter une forte médiatisation à la commune...

Julie Douard : Usage communal du corps féminin (P.O.L. Éd., 2014)

Malgré quelques victimes, il ne s'agit pas d'un polar, d'un roman criminel. L'auteure a concocté là une comédie très amusante. Elle nous raconte des vicissitudes villageoises truculentes, dignes du “Clochemerle” de Gabriel Chevallier (1934). Le procédé n'est donc pas neuf, l'essentiel étant qu'il fonctionne. On est ici dans une bourgade anonyme, les décors sont peu décrits. Sauf pour les besoins de la cause, bien sûr. À l'instar d'un Dashiell Hammett, Juliette Douard fait du béhaviorisme littéraire : ce sont les comportements et les faits qui déterminent la psychologie de chacun des protagonistes ; c'est la mise en présence de caractères différents ou opposés, qui entraîne la cocasserie des situations.

L'humour ne va pas sans caricatures. Certains portraits sont directs, des gens comme Gustave ou Francine étant aisés à imaginer. Il y en a de plus nuancés : “Aussi étonnant que cela pût paraître, Maryse Chabodon, qui n'avait jamais montré la moindre parcelle de tendresse pour les membres de sa famille, avait ses bonnes œuvres. Et parmi elles, se trouvait l'Institut de Récupération (...) En effet, Maryse s'était toujours sentie proche des personnes qui avaient pété les plombs une bonne fois pour toutes ; car c'était bien ce qu'elle avait envisagé pour elle-même, sans toutefois y parvenir...” Tant de péripéties, en particulier de gérer le concours de misses, sont autant d'expériences nouvelles pour la jeune Marie. Sans doute sera-t-elle à peu près la seule à en tirer un profit personnel.

Une tonalité enjouée, des aventures plutôt délirantes, voilà un roman drôle qui fait du bien.

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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 05:34

Je fais partie des dix blogueurs que cette chipie de Lystig a “tagué”, nous adressant le logo du “blogueur convivial”. Soit elle a fumé la moquette, soit elle a forcé sur le Châteauneuf-du-Pape avarié, mais y a forcément erreur de casting. Moi, à qui on a décerné la Médaille interrégionale du plus grand Misanthrope, pour l'ensemble de mon œuvre. Moi, qui gagne tous les ans la Palme de platine au Championnat du monde des râleurs. Moi, qui participe quatre fois par an à des stages de détestation, histoire de rester au top de la méchanceté. Et mon titre de Roi de l'Exécration, je ne l'ai pas mérité, peut-être ? Des années passées à maudire, à mordre, moi chez qui l'agressivité est une seconde nature, moi qui ne sais que mépriser les autres.

Et paf, me voilà désigné “convivial”. Quel choc ! Quelle honte ! Quelle infamie ! “Lorsque tu apprendras que tu as été désigné, te réjouir tu devras. Danser la gigue et arborer le logo de ce tag sur ton blog tu feras” ajoute la perfide et sadique Lystig. “Puis, les dix internautes les plus bavards sur ton blog tu nommeras. Les prévenir (sur leur blog) de ton méfait tu devras” insiste la diablesse. Ouf, je vais pouvoir donner libre cours à mes instincts négatifs, à ma hargne trublionne. Me faire traiter de “convivial” est déjà assez déplaisant.

Eh bien, pour contrarier Lystig, et pour la punir de sa douteuse initiative, pas question de répercuter sur quiconque ce tag diffamatoire. Sinon, la prochaine fois, elle nous traitera carrément de gentils, de sympas, et pourquoi pas de copains. Pis quoi encore ! Je suis un type infréquentable, et j'entends bien le rester.

Convivial ? Convivial ? Est-ce que j'ai une tête de convivial ?
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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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