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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 05:55

Baptiste Chauvalet est un quadragénaire à l'allure sportive, aux yeux bleus, à la chevelure commençant à grisonner. Voilà plusieurs années qu'il est dessinateur judiciaire, illustrateur de procès. Baptiste est marié Julie. Ils sont les parents du petit Léo, dans ses sept ans. Du moins était-ce la vie de cet homme, avant que n'arrive le drame. Un jour, Baptiste est en retard, de sa propre faute, pour venir chercher Léo à l'école. Court laps de temps durant lequel l'enfant disparaît. Très vite, on se mobilise pour le retrouver, en vain. L'entourage de Baptiste subit les conséquences immédiates de la disparition, chacun perdant pied. Lui, il continue à chercher des pistes, à relancer la police. Bientôt, Baptiste se sent seul face à l'adversité. C'est grâce à une part de hasard qu'il retrouve Léo en piteux état. La police le suspecte d'avoir enlevé et maltraité son fils, car il y a des précédents.

Baptiste finit par retrouver le véritable kidnappeur. Il commet l'erreur de le tuer. Il ne peut rien nier. Vengeance avec préméditation, c'est sur ces bases que s'est déroulé son procès aux assises. La justice s'en tient froidement aux faits, clairement établis. “Pas d'émotion messieurs mesdames ! Surtout pas de grain de sable sentimental, les juges sont là pour appliquer la loi. Mais moi je suis là pour sauver ma peau, madame la présidente, pour faire comprendre aux jurés notre drame à Léo et à moi.” Le trio de juges plus les six jurés, cinq femmes et un homme, qu'il faut convaincre d'une certaine bonne foi. D'autant que Baptiste lui-même a toujours été hostile à la peine de mort. Or, il s'est permis de tuer, une ambiguïté qui ne plaide pas en sa faveur. Baptiste peut-il espérer la clémence d'un jury qui se compose en majorité de femmes ? Rien n'est écrit d'avance.

Les jurés délibèrent longuement, ce qui permet à Baptiste de se souvenir de tout ce qu'il a vécu. Les tribunaux, il les a beaucoup fréquentés pour son métier. D'Antonio Ferrara à Maurice Agnelet, en passant par Florence Rey ou Jacques Viguier, et tant d'autres. Il est à leur place, celle de l'accusé déjà coupable, déjà exclu de la société. Car le fait d'avoir eu plusieurs amantes ne peut certes pas l'aider. Aussi faux soit-il, le témoignage d'un ami du kidnappeur présent lors du meurtre reste accablant. Et le comité d'excités qui, à l'extérieur du tribunal prétend le soutenir, ça fait également mauvaise impression. Après l'expérience oppressante de la prison préventive, c'est d'une longue peine dont Baptiste risque d'écoper maintenant. Son sort ne lui appartient plus...

Christian Bindner : La suite ne sera que silence (Le Passeur, 2014)

Christian Bindner a été chroniqueur judiciaire, relatant de grands procès d'assises pour la radio. Ce qui explique que ce premier roman n'évoque pas seulement le cas d'un homme qui a supprimé le kidnappeur de son jeune fils. C'est aussi un regard sur l'ensemble de la justice, alimenté par l'expérience de l'auteur. Le rôle de la présidente du tribunal, inflexible quant à son autorité. Celui de l'avocat général, avec un petit hommage mérité à Philippe Bilger. Celui des divers intervenants, dont les psys et les familles. On nous offre un rappel de quelques célèbres affaires, dont Jean-Marie Villemin meurtrier de Bernard Laroche, ou la repentance philosophique de François Besse. Véronique Courjault qui, comme toujours, bénéficie ici d'une regrettable complaisance, les médias ayant plaidé en sa faveur.

Équitablement, l'auteur souligne l'éternelle interrogation de notre époque, concernant la victimisation tous azimuts. Au moindre incident, chacun se proclame victime, se lamentant publiquement. S'agissant d'une affaire criminelle, même si le mort fut un sombre pervers, l'avocat de la partie civile attaque avec une exaltation qui peut s'avérer convaincante. Du côté de l'accusé, puisque c'est lui le narrateur, on se pose aussi en victime, au nom du petit Léo. Il est bon de s'interroger sur la valeur argumentaire autour de cette notion si galvaudée, souvent privée de tout sens. Ça fait partie des questions soulevées par chaque procès, évidemment. La justice reste un sujet très sensible, la plupart des gens estimant qu'elle est mal rendue. C'est une sorte d'exploration “de l'intérieur”, une fiction permettant d'approcher la réalité, que propose Christian Bindner. À chacun d'affiner sa réflexion.

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 05:55

Nouveau-Mexique, comté de La Plata. Jeune Noir métis, Ogden Walker est un des adjoints du shérif Bucky Paz. Il n'éprouve pas tellement de sympathie pour Mme Bickers, mais il a fait son job quand des coups de feux ont été signalés autour de chez elle. Revenu peu après, Ogden a découvert le chat de Mme Bickers mort. On ne tarde pas à retrouver le cadavre de cette dame, caché sous une trappe dans sa maison. Odgen ne repère guère d'indices utiles sur les lieux. Le jeune policier se dit que le décor est artificiel dans le logement de Mme Bickers. La fille de la victime, Jenny Bickers, arrive de Santa Fe où elle vit. Ayant été élevée par sa grand-mère, elle n'a jamais été proche de sa mère, qu'elle décrit “indépendante, obstinée et cachottière.” Ogden offre à la jeune femme de s'installer chez sa propre mère, le temps de régler ses affaires ici.

Par ailleurs, plusieurs voitures ont été vandalisées dans un canyon des environs. Et quatre personnes ont été mortellement intoxiquées dans un fourgon stationné près de La Plata. L'un d'eux, José Marotta, faisait partie d'une famille très pieuse. Son copain Emilio prétend ne rien savoir des activités de José. Malgré tout, Ogden saura le faire parler. Après un court répit qu'il consacre à la pêche avec son ami et collègue Warren Fragua, Ogden se retrouve face à deux agents du FBI. Ils enquêtent sur un groupuscule facho, Le Grand Espoir Blanc. Même si Ogden doit se déplacer jusqu'à Tempe (Arizona), c'est peut-être le vieux Lester G.Robbins qui l'orientera sur la bonne voie.

Une toute autre mission conduit Ogden à rechercher une femme disparue, que sa cousine Irlandaise voudrait retrouver. Il dégote une adresse pouvant correspondre. Mais la femme très gravement blessée sur laquelle tombent Ogden et l'Irlandaise n'est pas la cousine. En réalité, l'adjoint du shérif va bientôt mettre le nez dans une affaire de prostitution. L'aide de l'expérimentée inspectrice Barry ne sera pas inutile... La troisième mission d'Ogden l'amène à enquêter sur un certain Derrick Yates, qui vit dans le coin d'Eagle Nest, dont le fils s'est fait prendre à braconner du poisson. Mais l'affaire s'avère plus compliquée que prévu. Quand l'odeur de drogue vient la polluer, c'est à Warren Fragua de partir sur les traces de son ami et collègue Ogden...

Percival Everett : Montée aux enfers (Babel Noir, 2014)

Noir américain, Percival Everett est un universitaire qui explore diverses formes littéraires, et non pas spécifiquement un auteur de polars. Ce roman est un triptyque, montrant trois volets de la vie du personnage central. On se sert d'intrigues policières assez solides, pour aborder quelques facettes de l'Amérique actuelle. Même si nous avons ici un shérif gras, un adjoint à l'accueil (Felton) indifférent à tout, et un collègue (Fragua) préférant la pêche aux enquêtes, il ne s'agit pas de caricaturer. Juste de montrer un pays au quotidien, loin du mythe flamboyant des États-Unis.

On sent qu'en temps normal, le job d'Odgen Walker n'a rien d'excitant. “Ogden n'aimait pas du tout l'intonation de sa voix, nettement accusatrice. La coupe de cheveux lui rappelait un sergent qu'il n'avait jamais aimé à l'armée. L'uniforme l'impressionnait, il se sentit soudain mal à l'aise et malheureux.” Fatigué dès le matin, ni bien ni mal dans sa tête, un peu décalé dans cet État à majorité latino, doté d'une mère fort sympa, Ogden est un type moyen. Qui peut rester tel qu'il est, ou alors basculer indifféremment côté héros ou vers une part sombre. Sans doute est-ce son apparente banalité qui nous donne envie de mieux le connaître à travers ses tribulations.

Il ne faut donc pas s'attendre à lire un strict polar, un suspense angoissant ou un roman noir calibré. Et pourtant, même si c'est difficile à définir, il arrive que des histoires aient quelque chose de fascinant. L'écriture, très fluide mais avec quelques éclipses narratives volontaires, contribue à cette excellente impression.

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 05:55

1914 – 1944 – 2014. Cette année étant celle de la commémoration des guerres d'hier, il est naturel que la revue L'Indic y consacre un dossier. D'autant que quantité de polars sur fond de guerre jalonnent l'histoire de la Littérature policière. Dans ce n°17, on lira donc le “Dossier Guerres” confectionné par Julius Marx, Sylvain Forge, Jocelyne Hubert, Geoffroy Domangeau, Emeric Cloche, Alexandre Clément, et Caroline de Benedetti. Soulignons que ce dossier comporte une interview de Sam Millar, qui ne masque pas son sentiment sur l'Irlande du Nord, pas exactement libre selon lui. “Policiers sous l'occupation” donne l'occasion d'évoquer le livre de Jean-Marc Berlière sur ce sujet épineux. Dans ce numéro, la rubrique “Garde à vue” présente une interview de Carlos Salem. Autre atout de ce n°17 de L'Indic : “Scoop” nous invite à une visite au commissariat Waldeck Rousseau, avec Jean-François Pasques.

Par ailleurs, on y retrouve les rubriques habituelles :

Sévices : Les mots-croisés de Jacques Mailhos

Bande Originale : par Emeric Cloche

Focus : Jeux de pouvoir, la série State of play, par Caroline de Benedetti

Affaires classées : Le virus, Lionel White, par Julius Marx

Dernière séance : U.S.A. Guerres à domicile, par Julien Védrenne

Verdict : Premier sang, David Morrell - Les impliqués, Zygmunt Miloszewski - Sale temps pour le pays, Michaël Mention - Sympathy for the devil, Kent Anderson - La bombe des mollahs, Paul Fauray - Impact, Philip Kerr - La cote 512, Thierry Bourcy - Vox / Cobra, Dominique Sylvain - Les anagrammes de Varsovie, Richard Zimler - African Tabloïd, Janis Otsiemi - La grande peur du petit blanc, Frédéric Paulin

L'Indic – Abonnement : 18 euros les 3 numéros - règlement par chèque à l'ordre de Fondu Au Noir, 2 rue Marcel Sembat - 44100 NANTES

L'Indic n°17 est disponible  – “Dossier Guerres”

Je me permettrai juste une observation négative concernant une chronique de la rubrique Verdict, consacrée à “African Tabloïd” de Janis Otsiemi. Que JD, qui signe ce texte, n'ait pas aimé ce roman, c'est parfaitement son droit. Il n'apprécie ni le langage, ni le scénario, et trouve le résultat décevant. C'est très surprenant, mais surtout fort peu étayé dans sa critique. Ce qui rend cette chronique ridicule, c'est son final. Comparer “African Tabloïd” de Janis Otsiemi avec “Zulu” de Caryl Férey, c'est le comble de l'absurdité, de la niaiserie. Chaque auteur suit sa propre inspiration, développe son écriture personnelle, traite ses sujets à sa manière. “Comparaison n'est pas raison” dit le proverbe. C'est même ici nier l'originalité de chacun. Mais il se peut que JD n'aime que les polars estampillés “roman noir approuvé par Caryl Férey”.

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15 mars 2014 6 15 /03 /mars /2014 05:55

Marie Devois n’est pas une néophyte, puisqu'il s'agit là de son cinquième titre. Paru en 2011, ce roman est de nouveau disponible dans la collection Art Noir, chez Cohen & Cohen Éditeurs. Il s’inscrit dans un univers que l'auteure connaît bien, le monde de la Justice. D’ailleurs, elle évoque en filigrane l’activité des magistrats au quotidien, autant que les procédures liées aux affaires criminelles. Sans doute avons-nous ici un policier menant l’enquête. Héros plutôt solitaire, sûrement parce qu’il fut abandonné dès sa naissance. Pourtant l’ambiance est aussi proche du roman noir, par son côté sociétal. L’assassin et ravisseur, dont nous connaissons bientôt l’identité, commet des crimes pour démontrer quelque chose. La précision des lieux contribue à la véracité du récit, Marie Devois fréquentant les villes et régions qu’elle décrit. La traque de l’assassin et ses mystérieuses motivations nous entraînent dans un suspense de très belle qualité...

Marie Devois : Van Gogh et ses juges (Cohen & Cohen Éd., 2014)

Une série de meurtres à l’arme blanche vise des magistrats autour de Paris. Un sixième crime vient d’être commis à Nanterre. Comme pour les précédents, on trouve près du cadavre un sachet contenant des éclats de peinture. C’est le seul indice relatif dont dispose la police. La victime n’avait pas de lien apparent avec les autres magistrats assassinés. Ce substitut n’avait pas été menacé non plus. Il a été attaqué par surprise, sans témoin. C’est Fred Andersen, policier au 36 surnommé Le Danois, qui enquête sur cette suite meurtrière. Malgré tous les recoupements et hypothèses, il n’entrevoit encore aucune piste sérieuse. Il pourrait aussi bien s’agir d’un flic obtus ou d’un gendarme se vengeant d’un magistrat.

Le juge Maxime Frot est bien content d’obtenir enfin un poste important à Paris. Il quittera sans regrets le tribunal de Vannes (Morbihan). Une nomination qu’il va fêter au restaurant avec son ami médecin Ronan. Alors qu’il regagne son domicile, Maxime Frot est mortellement agressé dans la rue. Ne doutant pas qu’il s’agisse de la même série, Fred Andersen se déplace en Bretagne. Frot n’a pas eu le temps de réaliser ce qui se passait avant de mourir, selon le légiste. Aucun témoin solide ayant vu qui que ce soit surveillant le juge. Pas même dans cette librairie BD fréquentée par Frot et son ami Ronan. Tandis que Fred Andersen regagne Paris, un courrier posté à Vannes a été adressé à la PJ. Le colis contient le couteau de combat ayant servi à tuer les magistrats.

Maëlle Aubier a été kidnappée chez elle, à Auvers-sur-Oise. Policière experte dans les trafics d’œuvres d’art, encore jeune, elle venait de prendre sa retraite. Maëlle ne tarde pas à identifier son ravisseur, ni à imaginer les raisons de sa séquestration. Elle ne court peut-être pas un danger mortel, même si l’homme est celui qui a supprimé les sept juges. Son voisin policier municipal finit par s’inquiéter. C’est ainsi qu’on découvre finalement la disparition de Maëlle Aubier. L’enlèvement d’une policière provoque le branle-bas dans les services d’enquête. Proche de Maëlle, Fred Andersen est particulièrement touché...

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14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 05:55

Avec la chute du régime de Nicolae Ceaușescu, à la fin 1989, la Roumanie peut espérer des jours meilleurs. Début 1992, rien n'est vraiment stabilisé dans cette région d'Europe. Séparé de la Moldavie par la rivière Prout, le pays est un voisin de la Russie. Le président russe envisage d'anéantir la Roumanie. Bien que réputé alcoolique, il est sérieux quand il ordonne au chef du KGB de mettre en œuvre son projet. Il faudra convaincre les autorités d'autoriser l'ancien roi Michel 1er de Roumanie à une visite à Budapest. Pas si simple, car des sénateurs comme l'arriviste Turicu s'y opposent avec véhémence. En parallèle, le KGB va engager un tueur professionnel pour abattre le roi lors de ce voyage. Vivant à Beverly Hills, Fred Coler est surnommé “L'homme aux mille visages”. Ses services coûtent très cher, mais son efficacité est sans faille. Quand il passe par Las Vegas pour apprendre les détails de sa mission, Fred Coler ne laisse pas de trace derrière lui.

Toutefois, une femme de ménage quinquagénaire employée au siège du KGB a enregistré le projet du président de la Russie. L'information est bientôt transmise à la CIA. Ceux-ci ne semblent pas vouloir s'impliquer tellement dans les affaires roumaines. L'ambassadeur de ce pays à Berne est néanmoins averti de la menace d'attentat. De leur côté, les jumeaux Al Kerim et Al Abhaz sont des agents secrets opérant pour les pays arabes. Ceaușescu ayant été un allié important du monde musulman, il s'agit de “faire payer” ceux qui l'ont renversé. Le duo d'arabes ignore qu'ils sont pistés par une jeune russe qui, en réalité, est employée par le Mossad, les services de renseignements israéliens. Certes, cette dernière aurait pu aisément éliminer Al Kerim et a raté cette occasion, mais ce n'est que partie remise. Payé par les Russes, le sénateur Turicu retourne sa veste et convainc le président roumain d'autoriser la venue du roi Michel 1er pour les fêtes de Pâques.

Surnommé Le Professeur, Ioachim Moga est le chef du SRI, les services secrets roumains. Il réunit rapidement ses trois meilleurs agents : Ioan Cantar, Horia Dragomirescu et Paul Conrad. Le trio doit explorer toutes les pistes afin d'empêcher un attentat, d'où que naisse le danger. Entre-temps, le tueur Fred Coler s'est fondu dans la population européenne. Il s'est même permis un passage en Suisse, à Versoix, où habitent l'ancien roi et sa famille. Après un détour par Vienne et les montagnes du Tyrol, il compte être à Bucarest pour le 26 avril, date fatidique. Al Kerim et Al Abhaz ne seront pas bien loin, eux non plus. Quant au KGB, il a envoyé de soi-disant touristes à la frontière pour lancer une invasion...

George Arion : Cible royale (Genèse Éditions, 2014)

L'édition française est restée longtemps indifférente aux polars venus des anciens Pays de l'Est. Sans doute à tort, car on découvre aujourd'hui quelques auteurs talentueux. Après le Polonais Zygmunt Miloszewski (“Les impliqués”, Éd.Mirobole), voici un auteur qui apparaît déjà très populaire en Roumanie, George Arion. Traduit par Sylvain Audet-Gaynar, “Cible royale” est probablement un des tous premiers polars roumains disponible en français. Il s'agit d'un chassé-croisé, sans véritable héros principal (si ce n'est la victime potentielle). Chacun essaie de mener à bien sa mission, non sans difficultés, que ce soit pour tuer ou l'inverse. Mihai Popescu, un anonyme bureaucrate sexagénaire, pourrait bien interférer dans tous leurs plans. La tonalité du récit est empreinte d'une certaine ironie, en témoigne le portrait du sénateur Turicu.

Basée sur un épisode réel, l'histoire est racontée avec une belle fluidité, entremêlant le parcours de tous les protagonistes. La fin de Nicolae Ceaușescu a marqué les esprits, ces images ayant fait le tour du monde. On se souvient aussi que les médias occidentaux ont, au début des années 1990, présenté l'ex-roi Michel 1er comme le meilleur recours pour l'avenir de la Roumanie. Propagande sans fondement : si à Pâques 1992, il fut acclamé par la foule, il n'a jamais représenté un socle politique pouvant concurrencer la démocratie en marche dans ce pays. On imagine bien qu'il n'y eut nul complot concret contre lui, ce qui n'empêche pas George Arion de lui faire jouer ici un certain rôle. Un roman d'action et d'aventures à découvrir, pour tous les amateurs de diversité dans le polar.

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13 mars 2014 4 13 /03 /mars /2014 05:58

Né en 1954, Thierry Jonquet est brutalement décédé en août 2009. Il a publié une bonne vingtaine de romans noirs et d'autres pour la jeunesse. Dans ses polars, la folie ou la monstruosité ne sont jamais bien loin. Les réalités sociales, non plus, pas exposées tel que le ferait un auteur engagé (terme qu'il n'aimait pas), mais avec une lucidité certaine. Surtout pas soumis aux schémas politiques, qu'il avait un temps suivis, il apporta au roman noir sa propre tonalité, son univers issu du vécu (hospitalier, en particulier). On ne perd jamais son temps à lire ou relire les romans de Jonquet, redécouvrant leur force à chaque fois.

Il écrivit également bon nombre de nouvelles, pour des magazines et divers journaux. Vingt-et-un de ces textes ont été rassemblés pour la première fois, présentés dans cette édition par Hervé Delouche. Ce livre est désormais disponible en format poche, chez Points. Quant au parcours littéraire et humain de Thierry Jonquet, c'est lui-même qui le raconte ici dans «Voilà comment ça s'est passé», premier texte de cette sélection. Il faut enchaîner avec le suivant, «Sommeil», où il raconte de façon onirique sa rencontre avec le directeur de collection de la Série Noire, Robert Soulat. Quelques exemples des nouvelles réunies dans ce livre. En commençant par l'inédit, donnant son titre au recueil...

Thierry Jonquet : 400 coups de ciseaux (Ed.Points, 2014)

«400 coups de ciseaux» : Isabelle est une jeune femme d'une trentaine d'années. Son mariage, comme bien d'autres choses, ce n'est pas elle qui en décida six ans plus tôt. Ingénieur, Stéphane Bullier était sans le sou. Il a vendu le brevet d'un alliage au père de sa future épouse. Il a obtenu un poste, des parts de l'entreprise. Il est entré dans la famille par le mariage. Très vite, Stéphane l'a obligée à se saouler, la faisant devenir alcoolique. Il l'a humiliée en jouant les pervers avec d'autres filles. Stéphane est un monstre qu'elle hait. Elle a décidé de l'assassiner. En simulant une mort accidentelle. Stéphane étant joueur de poker, on peut profiter de ses soirées chez son ami Nartier. Depuis qu'Isabelle a cessé de boire, un plan s'est mis en place dans sa tête. Elle dérobe une forte somme dans le coffre de son mari détesté. Elle a maintenant besoin d'un complice, un exécutant. C'est parmi les SDF qu'elle repère le moins décrépit d'entre eux. Elle l'approche par l'argent, lui permettant de recouvrer un peu de dignité. Puis elle lui explique ce qu'elle attend de lui. Suite au décès, la police est sur l'affaire. Pourtant, c'est surtout l'enquêteur d'une compagnie d'assurance qui va s'intéresser au dossier.

«Saint-Cantan in memoriam» : Le docteur Saint-Cantan était un psychiatre à la vocation affirmée. Un passionné des barjots, des dingues, des malades mentaux en tous genres. Il ne croyait qu'aux traitements concret, neuroleptiques et électrochocs, et puis on mesure le résultat. Inefficace, la plupart du temps, mais seule méthode acceptable. À la surprise générale, il accepta la proposition d'un jeune interne, Ladnier. Il s'agissait de tester une sorte de sociothérapie, par l'écriture. Une expérience pas bien dangereuse ?

«L'imprudent» : Âgé de trente-huit ans, Lucien Richet est commercial dans une société. Un homme stable et droit, sans histoire. Néanmoins, il va avoir a répondre à la Justice. Une affaire qui pourrait faire rire le substitut du procureur, tant elle est incongrue. Certes, Richet est célibataire, avec des maîtresses occasionnelles. Mais on ne s'attendrait pas de sa part à ce qui s'est produit. Un acte aussi pervers dans un cadre champêtre, qui aurait pu beaucoup plus mal se terminer à cause du nommé Nestor. Il s'agit de résumer les faits.

«Un débat citoyen» : Dans les années 2025, Pierre Cassandras est un brillant journaliste de terrain. Très connu, il se reconvertit dans la présentation du journal télévisé. Sachant que la concurrence est rude (l'autre chaîne majeure programme du cul à la même heure), il doit proposer des sujets forts. La deuxième partie du JT est donc consacrée à un débat citoyen, entre Kevin et Mouloud. Une rivalité de quartiers, qui annonce des étincelles, c'est bon pour l'audience.

«Votre histoire ne tient pas la route» : Adrien Gandieux est contaminé depuis son plus jeune âge par le virus de l'écriture. Ses expériences en «ateliers d'écriture» lui confirment qu'il possède de véritables qualités. Bien que ses premiers romans aient été refusés par les éditeurs, Adrien ne se découragea nullement. À vingt-cinq ans, tous les espoirs lui étaient encore permis. Dans le polar, par exemple, ce qu'il n'avait pas encore tenté. Encore qu'une histoire de chauffeur de car violant ses passagères attardées mentales et n'étant que tardivement inquiété, c'est trop peu crédible pour être publié.

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13 mars 2014 4 13 /03 /mars /2014 05:41

Jacques Flament Éditions lance une revue qui se veut avant tout un ouvrage collectif : "La clarté sombre des réverbères". Une publication qui se définit comme un objet pensant non identifié à périodicité aléatoire. Création atypique à la fois par la longueur des sujets traités (une dizaine de pages A4) et leur angle d'appréhension, cet ouvrage aborde différemment de la presse traditionnelle des sujets brûlants ou intemporels.

Une autre façon de voir le monde, prônant l’éloge de la lenteur, du recul, de la réflexion, de l’originalité qui fait sens, en privilégiant le développement à la brève, la réflexion à l’urgence, le reportage construit à l’entrefilet…

"La clarté sombre des réverbères" (nouvelle revue)

Au sommaire de ce premier numéro :

- SUR LA ROUTE DU ROM / vie et culture d’un peuple maudit, par Alain Callès
- GUY BAUDAT ET LA FORTERESSE DE CHATEAUBRUN / journal d’une rencontre, par Héloïse Combes
- LA CÉRÉMONIE / devenir nonne bouddhiste en Thaïlande, par Elodie Mopty
- LA CONTRAINTE… pour résoudre les problèmes, par Joël Luguern
- L'ÊTRE IMPOSSIBLE / lettre ouverte à mon jeune frère turc, par Henri Aram Hairabédian
- LA TRIBU EST DANS LE PLACARD / enfance et culture : de l’asservissement…, par Balval Ekel
- DU RICANEMENT / l'ère du buzz et la manipulation, par Sonia Bressler
- À L'HEURE DU SACRE / Faulkner en son royaume, par Alain Emery
- DELHI / d’une ville à l’autre, par Denis Brillet
- LA MORT DU BILLET DE BANQUE ? / enjeux et bouleversements, par Pascal Ordonneau
- LE GARÇON DE LA MÉDINA / choc des cultures à Ouarzazate, par Emmanuelle Cart-Tanneur
- PROTÉGER LES RÉFUGIÉS / le rôle du haut commissariat des nations unies pour les réfugiés
- THE LAST POW-WOW OF BRIGHT SKY / un visage pâle au pays des Indiens, par C.-A. Planchon, L. Ekson, P. Ifandy, C. Purnell, M. Bingham
- TRAITÉ DE L’ATELIER / tours et détours par la peinture, par Jacques Cauda
- CARTE BLANCHE à… BORIS DUMONT / Caravan avenue
- L’ANARCHIE, par Élisée Reclus

Bien qu'il ne s'agisse pas de polar, c'est une publication originale qui mérite sans nul doute un coup de pouce. Toutes les infos sur le site de l'éditeur (ci-dessous).

 

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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 05:55

Archilbald Sirauton est un ex-juge d'instruction, devenu depuis quelques années vigneron en Bourgogne. Il vit au manoir de l'Ardières, avec son chien et son employée Bougonne. Si elle se prénomme Amélie, ce sobriquet convient à cette dame qui aime à passer pour un peu sorcière. Xa, la fiancée comédienne d'Archi, vient de temps à autres au manoir. Archi est désormais maire de Saint-Vincent-des-Vignes, bien que ce ne soit pas une vocation. Il lui arrive de démêler des affaires criminelles. L'appui de l'adjudant-chef Fernandez, de la gendarmerie locale, ou du lieutenant de police lyonnais Bordas, adjoint de l'incompétent commissaire Poussin, ne sont pas inutiles à Archibald. À l'occasion le père Goma, le curé Noir natif de Brazzaville, peut s'avérer un allié vis-à-vis de la population.

Âgé de soixante-sept ans, Éric Pillorget a disparu depuis trois mois. C'est le propriétaire d'un vignoble de la région, aux confins du Beaujolais. En développant l'aspect commercial, et en s'appuyant sur la production de petits viticulteurs, sa société a pris son essor depuis de nombreuses années. La disparition de Pillorget risque fort d'inciter les actionnaires de l'entreprise à vendre aux investisseurs chinois qui n'attendent que ça. Edmonde Pillorget, épouse d'Éric, tient provisoirement les rênes avec le soutien de Victor Jarry, comptable et ami du propriétaire. Les services du commissaire Poussin ne retrouvant pas le disparu, Jarry s'adresse à Archibald afin qu'il mène sa petite enquête. S'il n'a pu résoudre le cas récent d'une quadragénaire inconnue assassinée par ici, Archi va tenter d'intervenir.

Un dîner chez les Pillorget permet à Archibald de mesurer que chacun d'eux ne défend que ses propres intérêts. Le seul qui soit fiable, c'est Maxime Aubert, le filleul d'Éric Pillorget. Tant qu'il ne dispose pas de la majorité des parts dans la société, en s'arrangeant avec Edmonde et quelques autres, il ne peut toutefois s'opposer à rien. Filoche, adjoint d'Archi, est doué pour dénicher les détails oubliés. Mais c'est Bougonne qui va donner une piste à son employeur. Le vigneron Marcel Lavoisier est le beau-frère de François, majordome des Pillorget. Ayant naguère trafiqué son vin, il se fit prendre. Depuis, il cache à peine être un des pires ennemis d'Éric Pilorget. Il essaie de manipuler François, dont la sœur Margot fit un temps partie de l'entourage des Chais Pillorget.

Vieil ermite atrabilaire et misanthrope vivotant dans la Dombes (Ain), Alphonse Bourdalin ne vit aucun mal à venir en aide à un marginal qui se logea dans une proche cabane. Mais un incendie a ravagé la pauvre cahute, et son occupant est mort. Des indices montrent qu'il s'agissait d'Éric Pillorget. On retrouve un codicille à son testament, qui permettra à Maxime de gérer sa société. Aux obsèques, Archi note la nervosité des actionnaires. Il va ensuite bousculer un peu Marcel Lavoisier, afin de le faire parler. Chez les Pillorget, la situation n'est pas encore assainie, et la mort risque de frapper à nouveau...

Philippe Bouin : Les Chais des ambitieux (Presses de la Cité, 2014)

Après avoir été publié depuis 2000 aux éditions Viviane Hamy puis chez Le Masque, Philippe Bouin a connu de beaux succès chez l'Archipel avec “Comptines en plomb” (2008, Prix polar Cognac), “Paraître à mort” (2010), “Va, brûle et me venge” (2011). En écrivant “Le vignoble du Diable” (Presses de la Cité, 2013), il a opté pour des romans s'inscrivant dans la comédie policière. Ce qu'il confirme avec “Les Chais des ambitieux”, deuxième volet des aventures d'Archibald Sirauton. L'alliance de l'humour, du suspense et du bon vin, donne forcément une tonalité fort sympathique à ces histoires.

Si le terroir bourguignon sert de décor aux intrigues, le personnage d'Archibald apparaît atypique, tant dans sa dégaine que par la non-méthode apparente de ses investigations. Tel un témoin s'impliquant officiellement peu, Archi laisse progresser les faits. Connaissant l'âme humaine, il sait qu'il est difficile de faire confiance à quiconque dès lors qu'existent des enjeux financiers.

Grâce à des gens comme Martinien Lefuissé et autres buveurs du Café de la Mairie, ou un malfaisant sans envergure genre Marcel Lavoisier, on a également l'occasion de sourire. Si le dénouement se passe dans le salon du château, clin d'œil à la tradition, entre-temps les péripéties et pistes diverses n'ont pas manqué. Auteur confirmé, Philippe Bouin nous présente-là une affaire énigmatique extrêmement plaisante à lire.

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Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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