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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 05:55

Les Éditions du Palémon rééditent deux très bons romans de Firmin Le Bourhis. Il s'agit d'enquêtes de police classiques, aux parcours balisés, dans des décors bretons existants. Le Duigou et Bozzi, duo de policiers, se complètent parfaitement. Les pistes ne manquent pas, et la logique de l’histoire est respectée. Aspect académique qui a fait le succès d’une multitude de romans solides. Ajoutons ici une partie documentaire, qui caractérise les suspenses de Firmin Le Bourhis. C'est vrai en particulier pour le second titre, très bien documenté sur le dopage dans le sport, un phénomène à ne jamais banaliser. Ces deux romans, aux intrigues séparées, peuvent effectivement se lire l'un après l'autre.

"La belle Scaëroise" : Une lettre annonce aux policiers quimpérois François Le Duigou et Philippe Bozzi qu’un meurtre a été commis la veille à Scaër, petite ville des environs. Il y avait foule en ce lundi de Pentecôte, jour de la traditionnelle Cavalcade, ce dont l’assassin a profité. Âgée de trente-cinq ans, la victime Patricia était belle et intelligente. Sa vie professionnelle était une réussite. Sa vie privée, moins. Mais elle allait bientôt avoir un enfant, et prendre un nouveau départ. Les policiers interrogent d’abord son meilleur ami, qui était (sans espoir) amoureux d’elle, puis son ex-compagnon, qui ne leur semble “pas net”. Des voisines ont vu quelqu’un grimé en clown sortir de chez Patricia à l’heure du crime. Mais le témoin n°1 reste Bruno Le Louarn, le nouvel amour de la jeune femme.

Patron de société, ce dernier est encore marié. Le jour du meurtre, il préparait les changements à venir. Son alibi est faible, alors que des indices basés sur l’ADN l’accablent. Abattu par la mort de Patricia, il nie les hypothèses accusatrices des policiers. Quand il est mis en examen, Mme Le Louarn se démène, faisant pression sur les enquêteurs. On retrouve finalement l’arme du crime dans le bureau de Bruno. Phil n'est pas mécontent. François, qui ne croit pas Bruno coupable, vérifie quelques pistes. Mme Le Louarn, épuisée d’avoir défendu avec vigueur son époux, entre en cure de repos. Bien renseigné, François identifie le complice de l’assassin.

F.Le Bourhis : La belle Scaëroise - Étape à Plouay (Palémon 2014)

"Étape à Plouay" : Un coureur cycliste de vingt-six ans est victime d’un accident mortel en voiture, suite à une attaque cardiaque. Son sponsor, qui fut suspect dans une précédente affaire, s’adresse aux policiers Le Duigou et Bozzi. Certes, le virage est dangereux. Mais on ne peut exclure l’influence des produits dopant sur la santé de ce futur pro. Le champion était apprécié par son club cycliste, où on refuse l’idée de dopage. Enceinte, la jeune épouse du défunt se montre fort peu coopérative dans un premier temps. Les contrôles étaient négatifs, répète-t-elle. Les policiers apprennent que des espoirs du cyclisme – dont le coureur fit partie – furent invités lors d’étapes du Tour de France.

Certains de ces coureurs ont, depuis, quitté le vélo. On leur proposait des traitements indétectables, mais dangereux. Un nommé Théo, prétendu journaliste belge, contacta de nombreux jeunes, dont Thomas. Ex-cycliste, Thomas accepte d’aider la police. Il saura reconnaître Théo. La femme de la victime apporte aussi des éléments. Le 14 juillet, l’étape du Tour arrive à Plouay. Dans la foule en fête, Théo échappe à Thomas. Un spécialiste de l’étude du dopage sportif donne aux policiers des explications aussi complètes qu’effrayantes. Des laboratoires fabriquent des drogues mettant en péril la vie des coureurs, car l’enjeu financier est énorme.

Les policiers ratent encore leur cible à Saint-Brieuc. Non loin de là, un autre pro vient de mourir du cœur. Théo sera encore repéré à Châteauroux. Fin août, au célèbre Grand Prix de Plouay, tout est mis en œuvre pour coincer le trafiquant.

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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 06:10

Quel est le point commun entre Franck Thilliez, Caryl Férey, Marcus Malte, Olivier Truc, Antonin Varenne, Antoine Chainas, Serge Quadruppani, François Boulay, et DOA ? Il s'agit d'auteur français renommés dans le roman noir. Surtout, tous ont été récompensés par le Prix des lecteurs de Quais du Polar, à Lyon : DOA pour Les Fous d’avril (2005), Franck Thilliez pour La Chambre des morts (2006), François Boulay pour Traces (2007), Marcus Malte pour Garden of love (2008), Caryl Férey pour Zulu (2009), Antoine Chainas pour Anaisthêsia (2010), Serge Quadruppani pour Saturne (2011), Antonin Varenne pour Le Mur, le Kabyle et le Marin (2012) et Olivier Truc pour Le Dernier Lapon (2013). Afin de fêter les dix ans de ce prix Quais du Polar, ces neuf lauréats des années passées ont été sollicités pour composer une nouvelle inédite, figurant dans ce recueil. Éclectiques, ces textes le sont forcément, puisqu'il s'agit d'auteurs d'inspirations et de tonalités fort différentes.

Dans L'Échappée, Caryl Férey fait référence à cette année 2009 où lui fut décerné, entre autre, le prix Quai du Polar pour Zulu”. Il eut la généreuse idée d'inviter sa famille pour Noël à une croisière en catamaran de grand luxe aux Antilles, direction les Grenadines. Sa frêle mère (encore moins épaisse que lui, c'est vrai), son sportif malchanceux de frère, la fiancée de celui-ci, la fille et la compagne de Caryl, et un couple d'amis locaux seront du voyage. Avec un Antillais fumeur de pétards comme skipper du catamaran. Peu amarinés, les passagers s'aperçoivent bientôt que la mer nocturne est peu engageante, et que leur bateau pourrait assez vite ressembler au Titanic. Quelques heures de traversées, d'île en île, pas de surprise cauchemardesque à craindre. Enfin si, justement... Les romans de Caryl Férey frappent fort. Mais ses textes courts sont également savoureux.

Marcus Malte nous entraîne dans un bled perdu du Tennessee, pour “Max Vegas”. Le vieux Max Vegas et un gamin végètent dans une sorte de casse automobile. Il paraît que le gros bonhomme a connu des temps plus glorieux, et même un grand amour. Sur la fin de sa vie, il s'est découvert un don : “Max Vegas faisait revivre les morts. Ouais, on peut dire ça. Je sais que c'est difficile à croire... Faut pas me demander comment il s'y prenait parce que j'en ai aucune idée.” Le bouche-à-oreille ayant fonctionné, des tas de gens sont venus consulter Max. Grâce à ce genre de don, il aurait facilement pu faire fortune... Un texte empreint d'une belle poésie, dans une ambiance se référant aux classiques romans noirs.

Collectif : Brèves de Noir (Éd.Points, 2014) -Quais du Polar-

Le texte d'Antonin Varenne “Dernière lumière” a pour décor une sous-préfecture touchée par la crise économique. Malgré tout, Estelle, âgée de trente-cinq ans, décide de braver le marasme ambiant et d'y ouvrir une boutique de vêtements et lingeries, La Mercerie. Un commerce illuminé, qui va attirer quelques clientes curieuses à son ouverture. Bien vite, la jeune femme doit admettre que la rentabilité est trop faible, et sa santé s'en ressent. Un jour, prise d'une crise d'asthme, Estelle fait la connaissance du pompier volontaire Eric, venu la secourir. Débute une histoire d'amour, qui s'avérera plus tragique que prévu.

Franck Thilliez présente une histoire bien plus glauque encore, librement inspirée d'un célèbre cas judiciaire. Médée est une mère de famille attentive à ses deux enfants. Mariée à David, elle n'éprouve aucun plaisir sexuel, mais paraît s'en accommoder. Médée a peu de relations sociales, ne retrouvant ses frères et sœurs qu'à l'occasion du décès de leur mère. Son mari ignore à quel point la cave de leur maison est un refuge pour Médée. Avec son congélateur, sa baignoire. Et sa prisonnière, prénommée Hélène, à laquelle la jeune femme rend ponctuellement visite. Même si le criminel secret de Médée est découvert un jour, on lui trouvera des circonstances atténuantes.

Dans “Une trajectoire”, Antoine Chainas présente celle d'un financier qui franchit la plupart des étapes d'une carrière brillante dans ces milieux. Marié à Julia, il ne doute guère de ses compétences. Traverser une crise économique mondiale n'a pas de raison de l'inquiéter, puisqu'il en tire longtemps bénéfice. Le suicide d'un de ses stagiaires ne le perturbe pas vraiment, non plus. Et il ne s'interroge pas sur ses relations sexuelles extra-conjugales, qui font partie de son standing. Belle trajectoire oui, mais au final ?... Les autres nouvelles inédites sont signées François Boulay, Serge Quadruppani, Olivier Truc et DOA. Un recueil très agréable à lire, notamment grâce à sa diversité de textes.

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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 05:55

Coburn est une petite ville de Géorgie, à environ cent de kilomètres d'Atlanta. Les Madison forment un couple d'universitaires quadragénaires. Ils sont les parents d'une fille adulte, Alexandria. La population locale les considère comme des privilégiés, à l'image de tous les enseignants. D'autant que Sam Madison, qui exerce son métier sans grande passion, peut sembler méprisants aux yeux de certains. Lorsque son épouse Sandrine se suicide, à l'âge de quarante-six ans, le professeur Madison apparaît rapidement suspect. Il est vrai qu'il a accueilli sans émotion la policière venue constater le décès, cette nuit-là. L'agente nota le capharnaüm régnant dans la chambre de Sandrine, ce qui lui parut peu naturel. L'avocat de Madison montrera que la policière avait déjà connu des cas de désordres similaires, ce qui suggère qu'elle avait des préjugés contre l'enseignant. Elle en fit part à l'inspecteur Ray Alabrandi, qui déclencha immédiatement une enquête. À charge, visiblement.

Sur son lit de mort, Sandrine Madison a laissé un ultime message dans un livre d'histoire, sa matière universitaire. Phrases nébuleuses faisant référence à Cléopâtre, claires dans le seul esprit de Sandrine. Un texte qui ne fait aucune allusion au suicide, toutefois. Sam n'a pas tardé à perdre son emploi à l'université, logique dans une telle ville qui ne supporte pas les remous. À l'heure du procès, alors que l'universitaire comparaît libre, son avocat juif insiste pour qu'il masque son habituelle allure ironique. Il devra discrètement rappeler à l'ordre Sam plusieurs fois. Loin d'être sûre de l'innocence de son père, sa fille Alexandria est présente aux audiences et loge chez eux. Jenna, la sœur unique de Sandrine, fera un bref passage, sans montrer tellement de sympathie à Sam. Pour lui-même, Sam ne peut nier que leur couple ne fonctionnait plus. Ce qui n'excuse pas vraiment la relation intime qu'il eut avec April Blankenship, un épisode pouvant s'avérer compromettant.

Il y aura le témoignage du coroner, venu constater sur les lieux que Sandrine avait pris un mélange de vodka et de médicaments puissants. Celui du Dr Ana Ortins, la médecin qui confirma à Sandrine que ses inquiétudes étaient fondées, qu'elle était bien atteinte d'une maladie invalidante. Non sans conséquence pour le mari de la malade. Les médicaments fatals furent prescrits par l'intermédiaire de Sam, qui se chargea de l'aller les chercher auprès du pharmacien Wayland. L'inspecteur Alabrandi reste négatif envers Sam, par son témoignage comme depuis le début : “Je remarquai qu'il qualifiait le mot laissé par Sandrine de "déclaration" et non de lettre de suicide, et en conclus qu'il avait déjà décidé que j'étais homme à me servir des mots pour embrouiller les choses ou en cacher certaines.” Le professeur Malcolm Esterman, proche de Sandrine, son confident, possède peut-être certaines clés permettant de comprendre les faits...

Thomas H.Cook : Le dernier message de Sandrine Madison (Éd.Seuil, 2014)

Lorsqu'une intrigue traite d'un procès criminel, on la baptise “roman de prétoire”. Voilà un qualificatif expéditif, alors que ces histoires bénéficient en général de fines nuances. Déjà, dans un procès réel, il convient de tenir compte du contexte, de la psychologie, autant que des faits. S'agissant de fictions, s'ils introduisent de subtils éléments servant soit à la défense, soit l'accusation, les meilleurs auteurs veillent à garder une authenticité. Dans les audiences au tribunal, mais aussi dans le vécu des protagonistes. Et c'est la nature même du procès, entre témoignages et hypothèses, qui va créer naturellement le suspense.

Thomas H.Cook fait partie de ces écrivains qui ne choisissent jamais la facilité. Coupable ou innocent, ce n'est pas strictement la question ici. Nous sommes tous responsables de notre comportement vis-à-vis de notre entourage, et un couple qui dure n'échappe pas à ce principe. De leur lointain voyage en amoureux autour de la Méditerranée en passant par Albi, jusqu'au suicide supposé de son épouse, Sam va se remémorer les hauts et les bas de leur vie commune. Sandrine lui reprochait-elle un certain renoncement ? Oui, sans doute. Pourtant ce n'est pas suffisant pour pousser au suicide une femme intelligente.

On appréciera une fois de plus la souplesse narrative et l'élégance du style de Thomas H.Cook. Par exemple, quand dans une même scène se côtoient les propos d'un témoin et le souvenir que Sam en garde. Images immédiates de la procédure en cours, doutes plus ou moins légitimes, réflexions intérieures de l'accusé, regard des autres, un roman d'une grande richesse et d'un bel humanisme, comme sait en concocter ce remarquable auteur.

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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 05:55

Fiona Griffiths est âgée de vingt-six ans. Elle vit à Cardiff, au Pays de Galles. Voilà environ trois ans qu'elle est entrée dans la police. N'ayant pas encore une réelle expérience d'enquêtrice, on lui confie des tâches routinières. Par exemple, en ce moment, elle vérifie les comptes de Penry, un ex-flic devenu escroc. Les relations de Fiona avec ses collègues restent mitigées. Peut-être savent-ils plus ou moins qu'elle a eu de sérieux soucis de santé à la fin de son adolescence. Ou est-ce parce que la jeune femme peu liante ne fonctionne pas à la caféine et aux boissons alcoolisées. L'inspecteur Dennis Jackson est le supérieur de Fiona. Il se montre plutôt bienveillant avec elle. S'il est ferme quand Fiona dépasse les bornes, comme lorsqu'elle cogna un témoin en légitime défense, Jackson sait aussi écouter sa protégée.

Janet Mancini avait le même âge que Fiona. Prostituée occasionnelle, se droguant parfois, elle semblait capable de mener une vie plus normale. Car elle voulait garder sa fille April, six ans, et bien s'en occuper. Suite à un appel téléphonique, on les a retrouvées mortes dans une maison crasseuse d'un quartier pauvre de Cardiff. Le double meurtre apparaît l'évidence, d'autant que la tête de la petite a été fracassée par un évier. Sur les lieux, se trouvait la carte bancaire du riche Rattigan. Cet homme d'affaires a disparu dans un crash aérien, il a quelques temps. Il semblait avoir joué un rôle dans le dossier de l'escroc Penry. Une photo prise sur un hippodrome atteste qu'ils étaient proches. L'inspecteur Jackson accepte que Fiona soit associée à l'Opération Lohan, nom de l'enquête sur le meurtre des Mancini.

Grâce à l'ADN décelé dans la maison du crime, la police cible quatre suspects. Fiona et sa collègue Jane Alexander doivent interroger une cinquième personne, la prostituée Stacey Edwards, qui connaissait Janet Mancini. Après avoir obtenu plus d'infos sur elle, les deux enquêtrices arrivent trop tard : Stacey a été supprimée. C'était bien elle qui avait alerté la police. Jackson ne reproche rien à Fiona, car il la sent déterminée et assez imaginative. La policière essaie de s'imprégner de l'esprit des victimes. Le visage de la petite April l'accompagne au quotidien...

Harry Bingham : La mort pour seule compagne (10-18 Ed., 2014)

Un ordinaire roman d'enquête ? Certainement pas. Certes, il y a des mystères, des pistes, des suspects, et l'intrigue criminelle est permanente, très tendue. Pourtant, ce qui nous donne envie de poursuivre la lecture, c'est la vie de Fiona Griffiths. Une vraie Galloise qui s'éloigne de temps à autres de la citadine Cardiff, pour ne pas oublier ses racines. “Voici le véritable Pays de Galles. Le vieux Pays de Galles. Pas celui créé par les Victoriens, tout en charbon, acier, ports et usines. Mais le pays des Celtes. De l'opposition... Opposition à l'envahisseur. Un grand bras d'honneur multiséculaire. Ici, la population parle le gallois, parce qu'elle n'a jamais parlé autre chose...” Profitons-en pour saluer l'écriture impeccable de l'auteur.

Si Fiona reste quelque peu en décalage, la jeune femme est bien plus inspirée que les forces de police de Cardiff dans cette affaire. On la sait plus fragile que d'autres flics, plus sensible à la mort pour des raisons personnelles. En retrait par rapport à sa famille, aussi, et pas seulement parce que son père n'a pas toujours été très net dans ses activités. À la fois, Fiona ne manque pas de maturité ni d'intelligence, mais elle est encore à la merci des troubles qui ont perturbé son passé. L'aspect psychologique alourdit parfois un récit. Ici, à l'inverse, c'est le moteur qui fait avancer l'héroïne, et qui rend le suspense de plus en plus excitant. La nuit qu'elle passe dans un endroit insolite, par exemple, lui permet d'entamer la dernière étape de cette aventure. On espère la retrouver dans des romans à venir, car Fiona est un personnage très attachant. Un suspense à découvrir absolument.

- A noter, la sortie d'un nouveau roman d'Harry Bingham : "Jusqu'à ce que la mort les réunisse" aux Presses de la Cité -

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22 mars 2014 6 22 /03 /mars /2014 06:44

Ville de taille moyenne située en Charente-Maritime, Rochefort-sur-Mer est une cité qui ne fait guère parler d'elle aujourd'hui. Certes, on n'y a pas oublié le tournage du célèbre film de Jacques Demy. Mais, depuis une vingtaine d'années, c'est la construction à l'identique du vaisseau L'Hermione qui offre une bonne image de Rochefort. Le navire de La Fayette fut autrefois construit en grande partie par des bagnards, dont beaucoup perdirent la vie sur le chantier. Ce sont des ouvriers spécialisés qui, deux décennies durant, ont réalisé la copie du mythique bateau. Le meurtre de Guillaume Marchand, menuisier sur L'Hermione, surprend et secoue quelque peu la tranquillité de Rochefort-sur-Mer.

Natif du Béarn, le commissaire Pierre Camdebourde est en poste à La Rochelle. Il a ses habitudes à Rochefort, où vit sa compagne Patricia, originaire de cette ville. Il est assisté de Bertrand Venise, policier un peu moins mûr que lui. Tous deux mènent l'enquête sur le meurtre du menuisier. Sur le chantier de L'Hermione et en ville, tout le monde semble avoir une bonne opinion de la victime. Avec sa compagne, une infirmière assez revêche, le défunt fréquentait entre autres le restaurant La Casa, et s'intégrait bien ici. Camdebourde a le sentiment que le jeune Antonin Rigal, collègue de la victime, ne dit pas tout ce qu'il sait sur Guillaume Marchand. Ce peut être simplement de la timidité.

Le maire actuel reçoit une lettre anonyme, vaguement menaçante en ces temps précédant les élections municipales. Le corbeau parle de couler L'Hermione dès ses premiers tests de sortie en mer. D'autres politiques et la police recevront des courriers comparables. Il est difficile de discerner les motivations réelles du maître chanteur, où de voir un lien avec les meurtres. Car, en effet, un deuxième homme est poignardé. Benoît Merle, contremaître du chantier de L'Hermione, est retrouvé mort place Colbert. Tandis que les médias locaux s'emparent vite de l'affaire, il s'avère que les deux victimes s'entendaient bien sans être de grands amis. Ce que confirme Natacha, l'ex-femme de Merle, qui habite à Royan.

Avec son propre fils et celui de sa compagne, Camdebourde se sent à l'aise. Beaucoup moins avec Lola Maupertuis, l'amie assez bizarre de Patricia. Une piste peut se dessiner quand on découvre que l'assassin chausse des baskets taille 49. Il va falloir comparer avec quelques personnes ciblées. Autre hypothèse à explorer : la laide infirmière a menti sur son emploi du temps le soir de la mort de son compagnon. Entre raisons politiques et motifs personnels, les policiers cherchent toujours les vrais enjeux de cette affaire...

Marie-Claude Aristégui – Arnaud Develde : Sinon l'Hermione coulera (Editions du Caïman, 2014)

Il s'agit d'un pur roman d'enquête, traditionnel et balisé. Grâce au contexte autour du commissaire Camdebourde, les auteurs donnent une certaine crédibilité aux personnages. Clairement, leur but est de nous présenter cette ville sous divers aspects. Il est vrai que l'histoire de Rochefort-sur-Mer est déjà ancienne, et mérite qu'on s'en souvienne. On ne peut échapper aux “Demoiselles de Rochefort” de Jacques Demy, qui participa à la gloire de l'endroit. En guise de clin d'œil, tous les intitulés des chapitres sont des titres de films.

On assiste à un de ces dîners bourgeois typiques et un brin désuets, réunissant une poignée de notables locaux et nationaux, commerçants connus, préfet, commissaire. On revient en détail sur le faramineux projet autour de L'Hermione, lancé par un ancien maire et soutenu par les autorités. Dont les écrivains Paul Guimard puis Erik Orsenna ont été les ambassadeurs. Un chantier incroyable à notre époque, il est vrai. Évidemment, c'est dans ce cadre que se développe l'intrigue criminelle. Voilà un roman policier sympathique, à la découverte d'une ville qui n'est pas sans charme.

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 05:55

Début des années 1960, en Suède. Erik est un adolescent de quatorze ans. Il a un grand frère, Henry, de huit ans son aîné. Après avoir tenté de partir à l'aventure, Henry écrit pour un journal local. Plutôt séduisant et sûr de lui, il est fiancé à Emmy Kaskel. Le père d'Erik et Henry est gardien de prison, quinquagénaire. Leur mère est hospitalisée pour un cancer, qui risque de s'avérer prochainement fatal. En secret, Erik est l'auteur d'une bande dessinée, contant les aventures du Colonel Darkin, un héros plein de panache. Il est prévu qu'Erik, Henry et Emma passent l'été dans leur maisonnette appelée Tibériade, au bord d'un lac situé à vingt-cinq kilomètres de chez eux. Henry veut en profiter pour écrire un roman existentialiste. Son cadet ne voit pas bien ce que ça peut être.

Edmund, récent copain de classe d'Erik, va partir en vacances avec eux. La mère du garçon est gravement alcoolique, ce qui crée un parallèle relatif vis-à-vis du cas d'Erik. Gardien de prison aussi, le père d'Edmund est le second mari de sa mère. Son vrai géniteur était un type violent, qu'il ne regrette pas mais recherchera peut-être un jour. Une enseignante remplaçante a fortement marqué les esprits durant les dernières semaines de l'année scolaire. L'éclatante beauté d'Eva Kaludis est comparable à celle de Kim Novak, une des stars américaines de cinéma de l'époque. Comme tous les collégiens, Erik et Edmund fantasment sur elle. Eva est fiancée à Bertil Albertsson, dit Berra. Ce champion de hand-ball connu dans toute la Suède est surnommé Bertil le Canon, pour sa frappe puissante. Le genre de couple idéal qui permet à des ados de mesurer combien ils sont eux-mêmes insignifiants.

Erik et Edmund ont parcouru les vingt-cinq kilomètres à vélo, pour s'installer à Tibériade. Leur complicité mutuelle va se renforcer au fil des semaines. S'il garde son insouciance, Erik cherche à mieux comprendre le monde adulte. À ses yeux, il se résume à “cancer, Treblinka, amour, baiser, mort”. Les deux ados se hasardent à Lackaparken, lieu festif des environs. Ils y croisent la belle Eva Kaludis, avant d'assister à une bagarre dont Berra est le protagoniste central. Incident mineur parmi d'autres, qui ne trouble pas Edmund et Erik. “C'était un été du tonnerre. Tout allait bien. Jusqu'à là.”

Fin juin, après avoir retapé le ponton sur le lac, le duo voit arriver Eva Kaludis en compagnie d'Henry. Les ados seront bien vite témoins des relations sexuelles du couple. Sans doute est-ce Berra qui a cogné Eva, quand elle se réfugie auprès d'Henry. Plus tard, on va retrouver le cadavre de Berra sur un parking des environs. Personne n'a envie d'avouer au policier Lindström que le sportif était passé peu avant à Tibériade. Même si Henry peut apparaître suspect, l'affaire restera sans réponse pendant trente-cinq ans...

Håkan Nesser : Un été avec Kim Novak (Éditions Seuil, 2014)

Il est sans doute bon de souligner qu'il s'agit d'un roman mettant en scène des ados, et non pas d'un roman-jeunesse, type de livres ayant aussi leurs qualités. Ces histoires sont généralement très réussies, car il existe toujours une part initiatique là-dedans. Si Erik et Edmund ne possède évidemment pas une maturité d'adulte, leur petite expérience de la vie les a déjà confrontés à des épreuves. Bien sûr, cet “été de la Catastrophe” constituera une étape marquante de leur parcours.

Avec une très belle subtilité, Håkan Nesser décrit ces petits riens qui sont typiques de l'adolescence. Une razzia pour voler les boules de gomme des distributeurs. La fierté d'avoir restauré un ponton. Fréquenter tels des jeunes gens ce lieu de fête qu'est Lackaparken. Ne pas s'immiscer outre mesure dans les affaires de cœur d'Henry. Et, naturellement, fantasmer sur une jeune femme splendide.

L'époque n'est pas choisie au hasard. En Suède, comme partout en occident, ce début des années 1960 symbolise une certaine légèreté. S'il évoque quelques noms célèbres d'alors, l'auteur n'abuse pas des références. On lit avec plaisir que les deux ados sont de grands admirateurs de Perry Mason, Della Street et Paul Drake, les héros d'Erle Stanley Gardner. Dans la situation telle qu'elle est décrite, on comprend aisément que l'affaire criminelle qui vient perturber leurs vacances “ne peut pas” trouver sa solution. Par contre, elle aura des conséquences, logiquement. À l'opposé du polar spectaculaire, une intrigue assez intimiste qui se révèle fort séduisante.

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 05:55

Le 15 août 2013, j'ai attribué un “Coup de cœur” à ce livre de Kate Summerscale paru déjà quelques semaines plus tôt. Sans doute n'était-ce pas la meilleure époque de l'année pour l'évoquer. Puisque cet ouvrage est désormais disponible en format poche chez 10-18, voilà l'occasion d'en reparler.

En Grande-Bretagne au temps de la reine Victoria, Isabella appartient à la classe moyenne supérieure. Veuve après son court premier mariage, mère d'un enfant en bas âge, elle se remarie à trente-et-un ans, en 1844. Son époux est l'industriel Henry Robinson. S'il est ingénieur, c'est surtout un homme d'affaires s'affichant progressiste. Très vite, il accapare la dot et les rentes de son épouse, pour mener à bien ses projets. Le couple aura deux autres enfants, mais leurs relations se dégradent tôt. En partie parce qu'Henry Robinson gère assez mal ses affaires. En 1850, ils s'installent à Édimbourg, en Écosse. Intelligente, Isabella fréquente le salon mondain de Lady Drysdale, situé non loin de chez elle. Elle y fait la connaissance d'Edward Lane, vingt-sept ans, étudiant en Droit puis en Médecine, le gendre de Lady Drydale. Des affinités se créent entre ces personnes cultivées que sont Edward et Isabella, sans doute teintées d'attirance en ce qui la concerne.

Leurs rapports restant intellectuels et platoniques, la situation est frustrante pour la jeune femme. D'autant qu'elle s'ennuie par ailleurs, et s'accroche de plus en plus avec son mari. Écrivant régulièrement un journal intime, elle y évoque l'hypocrisie du mariage idéalisé et sa défiance vis-à-vis de la religion. Isabella est en contact épistolaire avec George Combe, ami Écossais de bon conseil. Quand la famille Robinson part habiter dans le Berkshire, ils continuent à s'écrire. Dans son journal, Isabelle masque peu les fantasmes qui l'habitent, envers Edward Lane. Celui-ci prend la direction d'une clinique d'hydropathie, méthode médicale expérimentale “moderne”. Cet institut est situé à Moor Park dans le Surrey, qui n'est pas si loin du Berkshire. Isabella lui rend visite de temps à autre. Si l'on en croit son journal, pas totalement explicite, leur complicité va jusqu'aux ébats intimes.

Henry Robinson découvre un jour le journal d'Isabella, ainsi que ses divers courriers, dont ceux échangés avec George Combe. Des écrits compromettants pour son épouse, qui l'amènent a demander d'abord en justice une séparation de corps. Un nouveau Tribunal civil des divorces, indépendant des instances religieuses, vient d'être créé quelques semaines plus tôt...

Kate Summerscale “La déchéance de Mrs Robinson” (10-18 Ed, 2014)

Même si les actuelles affaires de divorces sont compliquées, elles paraissent “ordinaires”. Ce qui n'était évidemment pas le cas dans la prude Angleterre victorienne, vers 1858. Se résumant au statut d'épouse, le rôle des femmes est alors socialement mineur. Certes, on ne leur interdit pas la culture, à travers d'aimables salons mondains, et il y a des femmes écrivains telle, ici, l'originale Mrs Crowe. Mais, par exemple, s'intéresser à la phrénologie semble anormal pour une mère de famille. Le cas atypique d'Isabella Robinson va encore plus loin. “Émotive et dépressive, ambitieuse et anxieuse, elle était perturbée par ses appétits sexuels”, une concupiscence attisant sa libido. C'est bien elle qui relance à plusieurs reprises le jeune médecin, jusqu'à obtenir ces ébats tant espérés.

En réalité, les désirs d'Isabella Robinson sont davantage romantiques, non pas ceux d'une nymphomane. Bien que le roman de Flaubert ne soit pas encore publié, elle est proche de l'esprit d'Emma Bovary. Ce qu'elle exprime dans son journal, de façon allusive quant aux relations sexuelles, c'est plutôt sa solitude rarement égayée par ses rencontres avec ses amis et Edward Lane. Une femme adultère ? On verra les conclusions de la justice. N'étant plus sous la tutelle religieuse extrêmement moraliste, le tribunal juge les faits, avancée considérable. Le contexte social corseté et la psychologie, naissante à cette époque, sont également des éléments capitaux dans les mésaventures conjugales d'Isabella.

Kate Summerscale se sert de toutes les pièces du dossier qu'elle a collectées afin de nous présenter une parfaite reconstitution du sujet. C'est un récit vivant du petit univers d'Isabella Robinson qu'elle retrace. Tout ici explique le comportement de la jeune femme, en ce siècle où se développe la science et où les femmes veulent être mieux considérées. Nul féminisme pour autant, l'auteure restant d'une neutralité objective. Malgré ses airs de “polar historique”, ce n'est pas une fiction polardeuse. Un livre remarquable, impressionnant par sa justesse et sa tonalité.

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 18:29

Né à Lormont (Gironde) le 23 mai 1930, Alain Aslan, de son vrai nom Alain Gourdon, est décédé le 11 février 2014 à Sainte-Adèle (Québec, dans les Laurentides). Frère de Michel Gourdon (1925-2011), qui illustra la majorité des couvertures du Fleuve Noir jusque vers la fin des années 1970, Aslan fut lui aussi un illustrateur plein de talent, très connu grâce à ses pin-up (en particulier pour Lui). Il publia plusieurs albums, dont le dernier date de 2010 (Editions La Musardine). Quand on aime le polar, on apprécie les pin-up. On adorait celles d'Aslan.

Aslan, le maître des pin-up, est décédé à près de 84 ans
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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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