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3 mai 2014 6 03 /05 /mai /2014 04:55

Si le sémillant commissaire San-Antonio reste le fringuant célibataire chéri de ces dames, depuis environ six mois, il file le parfait amour avec Wenda. C'est avec cette blonde et sculpturale poupée Russe d'origine, portée sur les doubles doses de whisky, que ce soir-là il va assister à un spectacle de music-hall. Fakir égyptien hypnotiseur, le Petit Marcel triomphe en ce moment à l'Alcazar. San-Antonio n'est pas chaud pour jouer dans le show, où des pékins du public sont manipulés sur scène. Parmi eux cette fois, se trouve le Gros, l'inspecteur Bérurier en personne, qui se ridiculise encore davantage que les autres. Dès la fin du spectacle, l'adjoint de San-Antonio s'éclipse bien vite, semble-t-il. Tandis que le commissaire s'adonne à la gaudriole avec la belle Wenda, Berthe Bérurier et un de leurs amis recherche vainement son mari (auquel elle n'est pas d'une scrupuleuse fidélité).

Au petit matin, San-Antonio s'en retourne à l'Alcazar, fermé à cette heure. Ça n'empêche nullement le commissaire d'y pénétrer. Dans la loge du Petit Marcel, il découvre Bérurier sans connaissance, ni réaction. Le Gros est en catalepsie, hypnotisé jusqu'à l'os. San-A ne tarde pas à dénicher l'adresse d'Edwin Zobedenib, ce qui est le vrai nom du Petit Marcel. Il a l'occasion de prendre en filature Landowski, le costaud qui sert d'assistant au fakir sur scène. Quand il arrive chez l'hypnotiseur, sa rousse secrétaire particulière Solange Roland apprend au policier que Zobedenib est parti pour Londres, profitant d'un jour de relâche. San-Antonio bigophone à ses collègues d'Orly, afin de retarder le départ de l'artiste.

Toujours dans le même état inquiétant, Bérurier a été ramené chez lui, dans sa chambre : “Elle me rappelle une porcherie que j'ai beaucoup aimée ; en moins moderne toutefois et en beaucoup moins propre. Mon pote Béru gît sur sa couche matrimoniale, plus défoncée qu'un chemin de terre après le passage d'une division de panzers.” Edwin Zobedenib est amené chez Bérurier, afin de le réveiller. Ce qui s'avère totalement impossible, car ce n'est pas Petit Marcel qui l'a hypnotisé. Interrogé sur sa fin de soirée, l'artiste paraît avoir un alibi suffisant. Le coupable court toujours, éliminant au passage le concierge de l'Alcazar, et cherchant à hypnotiser le brave inspecteur Pinaud, qui se trouvait sur son chemin...

San-Antonio : Berceuse pour Bérurier (Pocket 2014)

San-Antonio a été confronté à de dangereux trafiquants, à d'anciens nazis, à des sociétés secrètes, à des affaires d'enlèvements ou des cas d'espionnage, à des complots visant des personnalités. Quant à cette intrigue écrite en 1960, c'est d'une pure enquête policière dont il s'agit. Néanmoins, avec le pétillant San-Antonio, on ne se contente pas de suivre bien gentiment la piste du suspect. Converser courtoisement en guise d'interrogatoire, ce n'est pas dans sa manière. De l'aventure énigmatique et trépidante, du mystère autour de personnages hauts en couleur, voilà ce qui excite ce diable de commissaire.

Et quand c'est “l'hénaurme” Bérurier qui est victime, il met les bouchées doubles pour éclaircir l'affaire. Certes, vu son état cataleptique après une prestation mémorable sur scène, Bérurier reste incapable de participer aux investigations. Le sympathique Pinuche, le deuxième bras droit de San-Antonio, y contribuera quelque peu.

Pour ce qui est du contexte, nous sommes à l'époque où le music-hall connaît un très grand succès. Souvenons-nous de la chanson de Charles Trenet datant de 1955 “Moi, j'aime le music-hall”. Transmission de pensée (Myr et Myroska), prestidigitation et hypnose sont aussi populaires que les chanteurs célèbres de ce temps-là. Concernant le directeur du théâtre, San-Antonio fait allusion à “M.Poulatrix, le champion olympien du lancement du disque (spécialisé dans le trente-trois tours).” Bien sûr, il s'agissait de Bruno Coquatrix (1910-1979), qui s'occupa de Bobino et surtout, dès 1954, dirigea avec un immense succès l'Olympia jusqu'à son décès...

“Berceuse pour Bérurier” s'inscrit dans la meilleure tradition des aventures de San-Antonio.

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 04:55

Rayane Raname est natif de Saint-Denis. Diplômé en IUT, c'est dans sa ville qu'il a choisi de développer ses compétences d'entrepreneur. Dans un premier temps, il est entré dans le réseau de Said Bensama, le leader du trafic de drogues à Saint-Denis. Un boulot pas si différent de ce qu'il avait appris. Faire ses preuves sur le marché de la dope, s'implanter et s'organiser jusqu'à devenir un partenaire du boss. Pour Rayane, sa clientèle sert aussi de base à un fichier de bons contacts. En effet, le jeune homme a pour projet de monter une agence de communication, 5Styles. Avec son physique à la Justin Timberlake, il possède déjà un atout favorable. Néanmoins, pour créer à la fois un magazine gratuit, un autre en parallèle sur le Web, et faire toutes sortes d'évènementiels, il sait qu'il faut bosser dur.

Puisqu'il s'est trouvé un remplaçant pour le bizness de drogue, Said Bensama accepte de s'associer au financement de la société de Rayane. C'est le moment d'activer ses réseaux, de relancer ses contacts. En particulier, les meilleurs parmi ceux qu'il a rencontré quand il était étudiant. Études de marché, plans marketing, Rayane ne lésine pas sur les moyens, ni sur le temps passé à préparer le projet. Dans un créneau branché sur le monde actuel comme celui qu'il exploitera, Rayane n'ignore pas qu'il faut frapper fort et vite. Plutôt que de se contenter des structures économiques existantes, il joue sur sa propre image : une success-story de banlieusard. Pour le commercial, primordial afin de rentrer du fric, autant que pour la partie technique de ses activités, il engage les salariés les plus motivés.

Les grosses sociétés ont compris l'enjeu : viser les jeunes des banlieues. Les commandes affluent bientôt. Assisté de la belle Ayem, Rayane réussit son pari. Dans l'évènementiel, il faut savoir se montrer généreux en offrant un peu de drogue à ses interlocuteurs, parfois. Pas un problème pour Rayane. L'implantation à Saint-Denis comporte certains avantages, car la clientèle est consciente d'améliorer l'économie banlieusarde, mais les inconvénients existent aussi. Pour Said Bensama, la priorité reste dans le chiffre d'affaires de la drogue, et il ne connaît aucune pitié. À l'agence 5Styles, même si elle tourne bien, la dynamique risque de s'essouffler au bout de quelques mois. Et à Saint-Denis, les flics ne sont jamais loin pour vous rappeler votre passé...

Rachid Santaki : Business dans la Cité (Éd.Seuil, 2014)

La collection initiée par Pierre Rosanvallon et Pauline Peretz s'intitule “Raconter la vie”. Une fiction courte, environ quatre-vingt pages, pour illustrer le quotidien actuel de la France du 21e siècle. Dans notre monde, tout est désormais dédié à l'information, mais est-ce que ça correspond vraiment au vécu de nos concitoyens ? La sociologie expliquée dans les médias s'avère plutôt globale, au détriment de l'individu. On a le sentiment que parler de “classe ouvrière” ou de “femmes au foyer”, c'est penser que le parcours de chacun est tout tracé, dans un milieu social défini. Que, par exemple, un camelot faisant les marchés crée une grosse entreprise ou une diplômée devienne conductrice de bus, on ne retiendra que des reconversions anecdotiques. Alors qu'il s'agit bien d'évolution dans la vie de ces gens.

Le cas des banlieues dites “sensibles” est-il traité avec justesse par nos médias ? Même les reportages en immersion, genre “les cités vues de l'intérieur”, en reflètent-ils le climat et le contexte ? On peut s'autoriser à en douter. Car ce volontarisme dont nous parle ici Rachid Santaki, cette envie de lancer des affaires commerciales saines, c'est aussi un des aspects des cités. Personne ne se voile la face, les trafics de drogue sont prospères, et il y a effectivement une “économie parallèle” florissante. Non, les règlements de compte entre gangs ne sont pas une invention. Pourtant, même s'ils sont des exceptions, faut-il aussi condamner d'avance ces (plus ou moins) jeunes qui cherchent la bonne porte de sortie ?

Rachid Santaki a déjà publié, entre autres, les romans “Les anges s'habillent en caillera Ed.Moisson rouge 2011, Des chiffres et des litres Ed.Moisson Rouge 2012, Flic ou caillera Le Masque 2013. Dans un style vif évoquant la tension régnant autour de ses personnages, Rachid Santaki se fait, en quelque sorte, le porte-parole de ces populations-là. Une novella à classer autant dans le témoignage que parmi les romans noirs.

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30 avril 2014 3 30 /04 /avril /2014 04:55

Ilya Volochin est âgé de bientôt seize ans. Cet ado intelligent a pour passion les échecs et l'aïkido. Avec ses cheveux déjà gris et son allure mûre, il apparaît assez distant. Ce n'est pas du mépris pour les autres, juste une expression de sa timidité. Fils d'un magnat russe du pétrole, Ilya a toujours évolué dans les meilleurs milieux sociaux. Son père Yevgeni vient de mourir dans un attentat, du côté de la Sibérie. Quittant la Californie, Ilya est contraint de rejoindre sa grand-mère, qu'il ne connaît pas encore, en Grande-Bretagne. Il n'est guère à l'aise lorsqu'il débarque d'avion à Londres.

En l'absence de sa grand-mère, c'est le chauffeur Harry Armitage qui prend en charge Ilya, le conduisant au manoir de Haven. Dès le lendemain, il découvre le lycée Excelsior, censé être un établissement pour élèves d'élite comme lui. En réalité, son arrivée ne passe pas inaperçue, vu le laxisme qui règne ici. Probablement est-ce pour cela qu'on vient d'y nommer un nouveau proviseur, bien plus strict que celle qui le précéda. Ilya sympathise avec la jeune Angela Cruz, une fille assez délurée. Il repère aussi un Black appelé Pad, un hacker traficotant des infos pour les autres élèves.

Dès les jours suivant, Ilya adopte un style vestimentaire plus décontracté. Néanmoins, il se doute qu'on l'a déjà remarqué. Au manoir, l'avocat de son père le met au courant des affaires en cours, et de ses droits d'héritier. Sa grand-mère, qu'il n'a encore pas vue, reste un des piliers de l'empire Volochin. Au lycée, après avoir disparu quelques jours, Angela revient sous un autre look, plus conforme l'esprit actuel de l'école. Ilya fait connaissance avec deux lycéennes, Jennifer et Carrie. Vu sa carrure, cette dernière peut effectivement être surnommée la boxeuse, sport qu'elle pratique.

Ilya, Angela, Pad, Carrie et Jennifer écopent d'une punition, deux heures de retenue dans la vieille bibliothèque du lycée. Quand ils se retrouvent bloqués face à des adversaires belliqueux, Ilya et Carrie sont les mieux armés pour la bagarre. Cet étrange danger qui plane autour d'eux trouve son origine une soixantaine d'années plus tôt. Au temps d'une expérience appelée Protocole Olympe. Ilya et ses amis vont devoir faire des choix, qui ne seront pas sans conséquences dans leurs vies...

David S.Khara : Thunder – Quand la menace gronde (Rageot, 2014)

La sortie de ce roman jeunesse est l'occasion de faire le point sur le fulgurant début de carrière dans l'écriture de David S.Khara. Après une première version publiée par Rivière Blanche, c'est chez Michel Lafon que parut “Les vestiges de l'aube” sous sa forme définitive. Ce roman est devenue une BD, dont le premier tome (Morts en série) est publié chez Dargaud. L'adaptation est signée Serge Le Tendre et David S.Khara, les dessins sont de Frédéric Peynet. Une approche différente d'un excellent roman.

Ce sont les éditeurs et libraires rennais de Critic qui lancèrent la trilogie ayant fait le succès de David S.Khara, grâce à l'enthousiasme de certains chroniqueurs. Désormais, les trois tomes (Le projet Bleiberg, Le projet Shiro, Le projet Morgenstern) sont disponibles chez 10-18, en version poche. Belle occasion de lire l'intégralité de cette série de thrillers riches en mystères et en péripéties énigmatiques autant que mouvementées...

Cette fois, c'est dans le roman destiné à la jeunesse que David S.Khara exerce ses talents d'auteur. Il réunit les meilleurs ingrédients pour raconter une histoire pleine de mystère et de rebondissements. S'il ne sait trop à qui il peut faire confiance, ce riche orphelin qu'est Ilya Volochin ne manque pas d'atouts pour affronter d'éventuels ennemis. Arts martiaux et échecs ont aidé à sa maturité d'esprit. Autour de lui se dessine un petit groupe d'amis, avec lesquels il vivra d'autres aventures. En effet, après “Quand la menace gronde”, un deuxième tome de la série “Thunder” est dès maintenant annoncé pour octobre 2014.

Selon le principe du Bien contre le Mal, deux organisations vont se faire face dans cette intrigue. Un récit mouvement, non dénué d'un peu d'humour. Avec un sympathique clin d'œil : les scientifiques du Protocole Olympe se nomment Gilliam, Cleese, Palin, pour ceux qui n'ont pas oublié les Monty Python. Avec “Thunder”, David S.Khara signe une arrivée fort convaincante dans le roman jeunesse.

David S.Khara : Thunder – Quand la menace gronde (Rageot, 2014)

Lorsqu'il publia ses premiers titres, David S.Khara accorda deux interviews à Action-Suspense. Il suffit de cliquer sur les liens ci-dessous pour lire ses réponses.

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29 avril 2014 2 29 /04 /avril /2014 04:55

Lee est âgé d'une vingtaine d'années. Sa sœur Claire et son mari Graeme restent sa seule famille. Il était ado quand leurs parents décédèrent dans un accident de voiture. Lee a rapidement mal tourné. La délinquance l'a bientôt mené en prison. Il sut faire face à un dur comme le nommé Morris. Il semble même qu'il ait causé la mort de quelqu'un, là-bas. Employé par le caïd Marcel, le repris de justice Josef est un truand vieillissant, qui a toute sa vie été trop tourmenté pour se montrer brillant. Il a repéré Lee à sa sortie de prison, lui faisant miroiter une existence facile s'il bossait pour lui. La première mission importante du jeune malfaiteur consistait à intervenir chez la famille Stella, mêlée au trafic du caïd Marcel. Guère impressionnés, ils lui ont tiré dessus, puis ils ont déposé son corps dans un motel miteux, avec la valise de Lee contenant l'argent de Marcel, pas plus de 6000 $.

Wild est un médecin généraliste quinquagénaire aux yeux bleus, mais à l'allure fatiguée. Morphinomane, il a plusieurs fois tenté de décrocher, sans succès. Sa dépendance lui a fait commettre une erreur médicale. Wild vient de tout quitter, fuyant les suites judiciaires de cette affaire. Il s'est arrêté dans ce même motel minable où Lee gît, gravement blessé. Si le médecin peut nettoyer la plaie, il est incapable de retirer la balle du corps. La patronne du motel les obligeant à s'en aller, Wild envisage de se rendre chez son vieux maître, le Dr Sherman, qui saura opérer Lee. Sur le trajet, une première halte oppose le duo à deux étudiants, un frère et une sœur, qu'ils doivent menacer. Rien ne garantit leur silence. Wild et Lee font étape dans un second motel, où leur véhicule est remarqué par une patrouille de police. Malgré l'état de santé de Lee, le duo doit s'enfuir au plus vite.

De son côté, Josef remonte la piste. 6000, c'est une broutille, mais le caïd Marcel n'aime pas se faire doubler. Le vieux Josef apprend que Lee a une sœur, s'adresse aux Stella, interroge la patronne du motel où on déposa le corps sanglant du jeune homme, découvre qu'un docteur s'occupe du blessé... La morphine dérobée par Wild est utile pour calmer les douleurs de Lee, tandis que le duo continue le voyage dans un wagon de marchandise. Dans une gare de triage, Wild est arrêté tel un vagabond par un agent de sécurité. Bien que faible, Lee intervient pour le sauver avant l'arrivée de la police. Vaille que vaille, le duo arrive jusqu'à la maison du Dr Sherman. Il est trop tard pour que celui-ci puisse les aider. Plein d'angoisse, Wild n'a d'autre choix que d'essayer d'extraire le projectile du corps de Lee...

Chris Womersley : La mauvaise pente (Éd.Albin Michel, 2014) – Coup de cœur –

Le Destin, beaucoup de fictions traitent ce sujet. La première qualité d'un roman noir consiste à nous montrer, soit comment le Destin avance vers une inexorable fatalité, soit la possible lueur de rédemption qui sauvera le (ou les) héros. Il ne suffit pas de nous dire que ceux-ci se sont lancés dans une fuite éperdue, encore faut-il nous révéler d'où ils viennent. Et, peut-être, quelle est “la faute” qui les a entraînés dans leurs mésaventures. Ces circonstances (car il n'y a jamais de raison unique) ne peuvent pas être identiques pour un médecin drogué, un jeune voyou, et un truand déclinant. Une fiche de police ne suffirait pas à décrire tout cela. Aussi faut-il fouiller dans leurs vies, revenir sur le passé respectif de chacun, explorer même leurs cauchemars, pour les connaître tant soit peu.

C'est là que réside le talent de Chris Womersley, dans cette écriture maîtrisée qui donne une force au contexte et un réalisme crédible à ses personnages. Par exemple, il décrit ce motel comme une frontière entre banlieue et campagne, entre la civilisation et l'incertain. Ou bien, quand le docteur est arrêté par un vigile, son incapacité à se défendre s'avère poignante. Et puis Josef, affligé d'un tic qui l'amène à gratter son tatouage, un détail fait pour être retenu. Sans compter l'expérience carcérale de Lee, qui lui revient en mémoire tel un bilan négatif tandis que son état de santé empire. L'auteur ne tombe pas dans la facilité qui eût été de passer d'un rapport conflictuel entre Lee et le Dr Wild, qui se serait transformé en confiance complice. Non, chacun garde son propre état d'esprit.

Au fil du récit, leurs portraits s'étoffent, ce qui ajoute une intensité grandissante à leur périple. Sombre histoire, oui. Mais s'il s'agit d'un noir suspense où l'échec est très présent, l'écriture de Chris Womersley reste longtemps porteuse d'un espoir. Un roman de qualité supérieure, assurément proche de l'excellence.

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28 avril 2014 1 28 /04 /avril /2014 04:55

Âgé de trente-six ans vers 1957, Paul Dutraz a longtemps occupé un poste colonial en Oubangui-Chari (République Centre-Africaine). Souffrant de problèmes de foie, ce rentier encore jeune revient s'installer en France. Il a acheté une maison en Sologne, à un certain Blanchin, récemment veuf. Un indice permet à Paul de penser que la mort de l'épouse en question n'était pas naturelle. Mais, s'il y a eu crime, ce n'est pas son affaire. Paul se sent bientôt seul dans cette propriété de Ronchieu. Puisqu'il a dans l'idée de se marier, il passe une petite annonce. Anne-Marie Grisard, dite Mina, lui apparaît comme la compagne qui pourrait lui convenir. À quarante-deux ans, dotée de cheveux gris, cette femme mûre ne manque pas d'attraits. Leur union étant célébrée, Mina se montre sexuellement ardente.

Que son épouse ait un fils de vingt-trois ans, étudiant aux Beaux-Arts, ça ne dérangeait pas Paul. À cause d'une entorse, ce peintre médiocre qu'est Dominique rejoint la maison du couple. Mina s'avère maintenant moins passionnée de sexe. Peut-être aussi parce qu'elle doit surveiller sa santé. Elle avoue tardivement à Paul qu'elle souffre d'une maladie de cœur. D'ailleurs, le couple va faire les démarches nécessaires pour une assurance-vie en faveur de Paul et régler les éventuelles questions d'héritage. La présence de Dominique reste pesante pour le couple. Paul va s'apercevoir que le jeune homme n'est nullement blessé, qu'il s'agissait d'un prétexte pour rester près de sa mère. Paul réalise également que Mina porte des lunettes factices et se teint les cheveux en gris.

Il peut suspecter son épouse, mais sans comprendre ses motivations : “Mina se serait rendue coupable de quoi ? De s'être vieillie... Cette accusation aurait fait rire n'importe qui ! N'importe qui, sauf moi.” Il est vrai que son médicament pour le cœur n'a pas d'odeur, car c'est tout simplement de l'eau. Quand il enregistre Mina et Dominique sur son magnétophone, Paul se convainc que ce sont des assassins. Il simule un départ inopiné pour l'Oubangui-Chari, ce qui lui donne du temps pour enquêter sur Mina et son complice. La piste va mener Paul de Rouen à Cannes, puis à Marseille. C'est là que l'ex-propriétaire de sa maison, Blanchin vit avec sa seconde épouse. À son retour à Paris, Paul va devoir mettre les choses au clair...

Frédéric Dard : Cette mort dont tu parlais (Pocket, 2014)

Ce roman de 1957 fut adapté par l'auteur au cinéma, sous le titre “Les menteurs”. Le film d'Edmond T.Gréville, sorti en octobre 1961, était interprété par Jean Servais (Paul), Dawn Adams (Mina), Claude Brasseur (Dominique), Francis Blanche (Blanchin), Anne-Marie Bellini, Roland Lesaffre, Anne-Marie Coffinet, et Claude Chabrol dans un petit rôle. En 1963, l'ultime film d'Edmond T.Gréville sera aussi adapté d'un roman de Frédéric Dard, “L'accident”. Le cinéaste décédera dans un accident de voiture en mai 1966, ironie du destin. Il est coutumier, et sans doute facile, de dire que ces productions ont “mal vieilli”. Dû à un réalisateur assez inspiré, interprété par des acteurs compétents, ce film suggère un certain érotisme, et l'ambiance restitue un suspense plutôt tendu.

Quant au roman, il n'est pas indispensable de rappeler la belle qualité des intrigues noires imaginées par Frédéric Dard. Celui-ci n'avait aucun besoin de rendre trop complexes ses sujets. Un trio de personnages principaux, des questions d'argent, et déjà on se doute que la situation va mal tourner. Par contre, il est important de souligner le soin apporté aux portraits. Même ceux esquissés en quelques mots, comme celui de la voisine aubergiste Valentine. Pourquoi Paul choisit-il la mûre Mina ? En peu de ligne, c'est expliqué : “D'une part, une jeune femme m'aurait donné des enfants... Et puis, il y avait pire : j'aurais pu en tomber amoureux. Ce qu'il me fallait, c'était plus une compagne qu'une épouse, une femme entre deux âges, calme, raisonnable, avec qui je ferais chambre à part.”

La souplesse du récit n'empêche pas un contexte criminel. Mais ça permet, par exemple, de montrer comment obtenir aisément une info : “Ç'aurait été ailleurs que dans le Midi, il est probable qu'on ne m'aurait pas fourni de renseignements par téléphone, mais là-bas les gens sont confiants. Je suis tombé sur une femme dont l'accent évoquait l'ail.” En outre, la construction de l'intrigue n'est pas si basique. On le voit avec le cas de Blanchin, qui a vendu sa maison à Paul... Si Frédéric Dard s'est imposé comme un des grands de la Littérature populaire, ça ne doit rien au hasard : il maîtrisait parfaitement chacun de ses romans. C'est évidemment vrai pour “Cette mort dont tu parlais”.

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 07:45

En 2004, vu le succès des Experts à la télé, les éditions Fleuve Noir présentèrent une série de novelisations de bon nombre d'épisodes, des romans signés Max Allan Collins. Sans doute pas des livres mémorables, mais ces versions permettent aussi de garder un souvenir des intrigues exploitées à la télé. Deux exemples, plus ou moins réussis...

 

"La Tangente" (Les Experts Miami 5)

Soupçonné du meurtre de sa maîtresse, Thomas Lessor quitte Las Vegas pour la Floride. Les experts locaux ont prouvé trop tard sa culpabilité. Ils alertent leurs collègues du CSI de Miami-Dade. Vice-président des hôtels Boyle, Lessor n’est jamais arrivé au Conquistador – dirigé par Daniel Boyle, fils de sa femme Deborah. Le chauffeur de sa limousine est trouvé mort dans le coffre. Puis on découvre la tête et les mains de Lessor sous le sable d’une plage de Miami Beach. Cela rappelle les méthodes de la mafia. Selon la chanteuse Maria Chacon, Boyle s’entendait mal avec le mari de sa mère. Horatio Caine et ses experts notent qu’il a des amis mafieux. Il admet accumuler les dettes de jeux. Bien qu’il ait engagé un privé à Las Vegas, Boyle n’a pu démontrer les infidélités de son beau-père. Il nie l’avoir supprimé.

L’arme du crime figure dans les fichiers du CSI. Ce revolver fut utilisé en 1987 à Trenton. Les suspects d’alors sont désormais de paisibles retraités… vivant à Miami. L’un d’eux vient de mourir. Au funérarium, Caine interroge ses deux amis. Leur alibi n’est pas si clair. L’ambitieuse chanteuse Maria Chacon avoue que Lessor était son amant, fort utile pour sa carrière. Elle non plus ne dit pas toute la vérité. Son vrai nom est Ciccolini. Un des tueurs retraités est son oncle. Grâce aux indices (dont un sonotone) Caine reconstitue les faits. Les papys meurtriers auraient laissé moins de traces, sans un sérieux incident. Difficile de prouver que la manipulatrice Maria commandita ce crime...

Afin d’ajouter du caractère à cette bonne histoire, novelisée d'après la série, on extrapole les sentiments et on précise les situations. Les Experts de Las Vegas apparaissent aussi au cours de l’aventure. Outre l’aspect policier, on note un certain humour dans cette enquête d’Horatio Caine et de son équipe. Un polar très plaisant, même sans connaître la version télévisée.

Les Experts Miami - version roman chez Fleuve Noir (2004)

"Les héritiers" (Les Experts Miami 6)

Kurt Wallace, grand patron de la mafia de Miami, vient d’être abattu. On redoute une guerre de pouvoir entre gangs locaux : les Culebras, les Trench, les Mitus, les Faucones. Horatio Caine et le CSI de Miami-Dade cherchent des indices. Jeremy Burnett, flic du DEA, est prêt à leur fournir les infos qu’il glanera. Mais il est blessé lors d’une fusillade, où son épouse trouve la mort. L’analyse des douilles indique que l’arme utilisée pour les deux attaques est fichée. Elle est sous scellés, dans l’immeuble ultra sécurisé de la justice fédérale. On l’y a replacée après qu’elle ait servi – comme le prouve un test du CSI. Kenneth LaRussa, le substitut du procureur responsable des scellés, affirme n’y rien comprendre. Pour Caine, il n’est pas un suspect évident.

Quand les chefs des gangs tentent une réunion de paix, ils sont tous exécutés. Sauf le chef des Culebras, qui devient le principal suspect. D’autres armes sous scellés ont été empruntées pour cette opération. On retrouve les cadavres de deux tueurs, éliminés par leur commanditaire. Jeremy Burnett et son ami Nickerson cherchent à localiser les Culebras. Caine est convaincu que quelqu’un a manipulé tous les gangs afin qu’ils s’entretuent. Par ambition politique, LaRussa aurait pu le faire. Caine a également repéré un trafic de drogue, dans les stupéfiants mis sous scellés. Celui qui voulait s’imposer comme nouveau patron mafieux a donc accès à ces locaux surveillés...

Comme il se doit, ce suspense est solide et agité. On est plus sceptique quant au thème. La guerre des gangs, à Miami ou ailleurs, est une vieille recette trop exploitée. On suit l’enquête sans être absolument passionné, ni vraiment surpris. Les péripéties nous permettent d’oublier la faiblesse du sujet.

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 06:30

22 auteurs de polars sont annoncés les 6, 7, 8 et 9 Juin 2014 au

2e "Salon du Polar 83" - Espace Culturel du Lavandou - 

Avenue de Provence - 83980 Le Lavandou

Le Lavandou (83) : salon du polar début juin 2014
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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 04:55

Giriviller est un village rural situé aux confins de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges. En 1924, on y compte une centaine d'habitants. La Grande Guerre, encore proche, a laissé quelques séquelles. Certains se sont expatriés, tel le frère du maire. Hélas, Germain et sa famille n'ont connu à ce jour que des déboires en Algérie. En ce dimanche de Pâques, la bonne du curé découvre un cadavre nu dans l'église. Tué par une baïonnette, le corps fait penser à un crucifié allongé. Le curé ne tarde pas à avertir le maire, Émile Husson, qui va aussi rapidement que possible alerter la gendarmerie dans un village voisin. Chacun se demande si l'inconnu a été tué dans l'église, ou si on a déplacé là le cadavre. Le procureur qui végète dans son poste à Lunéville est bientôt mis au courant. Il n'ignore pas que les campagnards sont peu causants, ce qui annonce une enquête difficile.

Âgé de trente-deux ans, Pierre Rieuze est journaliste pour l'Est Républicain. Lui-même fils de reporter, il espère prouver ses qualités. Le meurtre de Giriviller peut lui offrir une belle occasion de convaincre son rédacteur en chef. Au village, il observe l'agitation dûe à cette affaire si inhabituelle ici. Il va s'installer chez Mlle Anna Martin, qui possède quelques biens et fait le service chez les notables locaux, dont le maire. Fille-mère, Anna élève son fils de huit ans René, légèrement boiteux. C'est à des policiers nancéiens, dont le quinquagénaire commissaire Juste Robin, que sont confiées les investigations sur ce crime. Le procureur a identifié la victime, Georges Dutertre, un avocat de Lunéville. Époux de Clarisse, il est le gendre du banquier juif Hartmann, très connu en Lorraine. Celui-ci ne souhaitant pas être mêlé à l'affaire, les policiers et le journaliste doivent se montrer prudents.

Clarisse Dutertre ne paraît pas particulièrement choquée de la mort brutale de son mari. D'autres savent que l'avocat ne dédaignait pas la fréquentation des bordels chics. Le banquier Hartmann ne cache pas sa méfiance envers son gendre. Pierre Rieuze consulte les archives de Giriviller, recensant un cas de sorcellerie datant du 17e siècle. Toutefois, il s'agit cette fois d'un crime de sang, plus brutal. Dans les environs, on a remarqué un cheval de selle abandonné, peut-être volé. Mais c'est surtout le cas de Paul Thouvenin qui intéresse les enquêteurs. Ce vagabond sans véritable alibi est arrêté, interrogé. Il s'avère qu'il a appartenu en 1914 au même régiment que Georges Dutertre, qui y fut lieutenant. Le commissaire peut imaginer un coup de colère vengeur de Thouvenin, mais ça ne colle pas avec la mise en scène de l'église. Pierre Rieuze, lui, trouve bientôt un indice crucial...

Francis-Émery Roch : Meurtre à l'église (Éd.Serpenoise, 2013)

Publié par un éditeur régional, ce roman serait digne de figurer dans une grande collection de polars historiques. En effet, l'intrigue est idéalement maîtrisée, solide à souhaits, et l'érudition locale n'empiète nullement sur la part criminelle du récit. Loin de la caricature, les lieux et les portraits des personnages sont fort bien dessinés, totalement crédibles. Si le calme est revenu après la Première Guerre mondiale, on voit que l'ambiance reste un peu pesante. En témoigne le profil de Thouvenin, médaillé durant le conflit, et pourtant qui erre à travers la région. Le poids des notables se fait encore sentir sur la population, une influence qui ne se diluera que nettement plus tard.

Située à cinquante kilomètre au sud de Nancy et à une vingtaine de Baccarat, Giriviller est aujourd'hui une commune d'environ quatre-vingt habitants qui existe réellement. Ce livre a été publié début 2013. Depuis, l'ancien maire ne se représentant pas en 2014, il semble bien que (sauf erreur) le nouveau ne soit autre que Francis Roch, l'auteur de ce roman. Voilà qui explique la précision du récit et, sans doute, l'utilisation de quelques mots typiques du parler lorrain, traduits dans un petit lexique. Un authentique suspense historique et régional, très réussi et franchement sympathique.

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