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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 04:55

C’est le printemps à Isola, la métropole américaine. Âgé de quarante-cinq ans, l’homme d’affaires Anthony Forrest est abattu en pleine rue à la sortie de son bureau. Ce meurtre ayant été commis dans le 87e district, l’inspecteur Steve Carella est chargé d’enquêter. Il sera assisté par le lieutenant Meyer Meyer, du même commissariat. Selon les témoins, Anthony Forrest était unanimement apprécié, ce qui rend ce crime surprenant. Peu après, c’est au tour de Randolph Norden, quarante-six ans, d’être éliminé dans des conditions identiques. Pour le policier Carella, pas de doute : le tueur est un "canardeur" supprimant presque impunément qui bon lui semble – puisque apparaissant anonyme dans la ville.

La troisième victime est Blanche Lettiger, une prostituée alcoolique. Son proxénète Harry Wallach est cuisiné par Steve Carella et Meyer Meyer, mais il n’a pas un profil d’assassin. Blanche fut jadis étudiante, elle joua dans une pièce de théâtre semi-amateur. Le duo de policiers reste en contact avec l’Université, au cas où les archives révéleraient quelque chose. Le marchand de fruits et légumes Salvatore Palumbo et l’attorney adjoint Andrew Mulligan sont les victimes suivantes. La théorie initiale de Meyer Meyer – le tueur viserait des quadras ayant obtenu une belle réussite sociale – tombe à l’eau. Cindy Forrest, fille du premier mort, suit le dossier. Pour elle, le mobile du tueur est psychologique.

Tandis qu’un sixième meurtre est commis, le jeune policier Bert Kling est de retour de vacances. Il pourrait avoir un œil neuf sur cette suite criminelle. Deux personnes vont tant soit peu éclairer Steve Carella et Meyer Meyer. Thomas di Pasquale et David Arthur Cohen se souviennent d’un épisode datant de plus de vingt ans, qui justifierait peut-être une vengeance. Entre-temps, à Minneapolis, un certain Peter Kelby a été supprimé, septième victime du même tueur… Aujourd’hui, Helen Vale (ex-Struthers) est devenue une actrice connue. Elle contacte Steve Carella, au sujet de l’épisode déjà évoqué par Di Pasquale. Le plus suspect est Cohen. Durant la guerre, qu’il passa dans le Pacifique, il était tireur d’élite et parmi les plus efficaces. Mais le tueur se manifestera encore, même s’il rate sa victime suivante qui n’est que blessée…

Ed McBain : Dix plus un (Série Noire, 1964)

Le canardeur appartient à une race peu commune de meurtriers, qui n’a de commun avec son homologue du temps de guerre, le tireur d’élite, que la méthode employée. Ce peut être un gosse qui étrenne sa nouvelle carabine en tirant sur les passants, de la fenêtre de sa chambre. Ce peut être un monsieur qui a décidé de tirer sur tout ce qui porte du rouge. Ce peut être une sorte de Jack l’Éventreur qui tire sur toute blonde bien balancée qui passe dans la rue. Ce peut être un anticlérical, un anti-végétarien, un anti-octogénaire, un antisémite, un anti-pacifiste, un anti-tout.
Le canardeur qui œuvre en temps de paix a tout le loisir de tuer et de disparaître. Il est tranquille parce que ses victimes ne sont presque jamais armées et ne s’attendent pas à un acte de violence. L’affolement suit en général le coup de feu et lui permet de disparaître. Personne ne risque de riposter. Il laisse derrière lui un cadavre et il pourra se balader tranquillement dans les rues comme un paisible citoyen.
Carella et Meyer ne tenaient pas à avoir affaire à un canardeur.

Les amateurs de polars ont plaisir à lire ou relire, de temps en temps, une aventure des policiers du 87e district d’Isola. Steve Carella, Meyer Meyer et Bert Kling sont à l’honneur cette fois. “Dix plus un” fait partie des très bons titres de la série. Dès la page 92, l’auteur nous offre la principale clé de cette suite de meurtres. Si le tireur vise depuis des toits, utilisant des cartouches Remington 308, l’essentiel reste de comprendre ce qui motive ses actes… et de l’identifier. Une intrigue fort bien pensée.

Ce roman fut adapté au cinéma en 1971 sous le titre “Sans mobile apparent”, avec Jean-Louis Trintignant (Carella), Dominique Sanda, Sacha Distel, Carla Gravina. L’action se déroulait à Nice, dans ce film.

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4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 04:55

San-Antonio a écourté ses vacances en Dordogne avec sa maman, la brave Félicie. À peine est-il rentré à Paris que, ce soir-là, le Vieux – Achille, dit aussi le Tondu, son chef – l’appelle d’urgence. Un de ses amis éditeurs donnait aujourd’hui une soirée mondaine. Soudain, la plupart des invités se sont trouvés mal. San-Antonio est chargé d’aller voir sur place ce qui se passe. Le mystère est vite éclairci : tous ont consommé du whisky, du scotch Mac Herrel. L’alcool était dopé à l’héroïne, ce qui explique l’état des invités. Ces bouteilles ont été fournies par M.Olivieri, ami de l’éditeur. Quand la commissaire se pointe chez lui, on le retrouve mort. Dans la cave, la réserve de whisky Mac Herrel s’est envolée. San-Antonio en conclut que des contrebandiers se sont trompés en livrant ces bouteilles contenant de l’héroïne chez M.Olivieri.

Le Vieux autorise San-Antonio à partir enquêter en Écosse. Le commissaire sollicite d’être accompagné par l’inspecteur Bérurier : “…Béru n’est pas très intelligent. C’est un rustre, un soiffard, un butor, mais il a des qualités qui en font néanmoins mon plus précieux collaborateur… D’abord, il m’est attaché comme un chien ; ensuite, il est bon, courageux, tenace. Et enfin, il a par instant une espèce de jugeote matoise qui équivaut à du génie…” Après un tel éloge du Gravos, le Vieux ne peut qu’accepter que le Mastard accompagne San-Antonio au pays des cornemuses et du Loch Ness. Direction Glasgow. Puis le duo va s’installer au village de Stingine où, dans une auberge, "le commissaire-chéri-de-ces-dames" ne tarde pas à être intime avec Katty, l’accorte soubrette.  

Qu’en est-il des whiskies Mac Herrel ? La distillerie appartient à la vieille Daphné Mac Herrel, une digne old lady en fauteuil roulant. Sa petite-nièce, la blonde Cynthia, vingt-cinq ans, fiancée à un fils-à-papa du coin – sir Concy – est censée épauler son aïeule. C’est un technicien nommé Mac Ornish qui dirige la distillerie, à la production modeste. Surveiller de loin le château des Mac Herrel, c’est bien. Mais San-Antonio doit mettre en œuvre une ruse – avec la complicité de l’inénarrable Béru – pour s’y faire inviter. Bientôt, le voici dans la place, se prétendant écrivain tandis que Bérurier assume (mal) le rôle de son larbin. Il aimerait mieux consacrer ce séjour à la pêche dans le lac voisin. Il paraît que s’y cache un monstre, sans doute un cousin de celui du Loch Ness.  

Après une visite à la distillerie Mac Herrel, San-Antonio se heurte à l’hostilité frappante de sir Concy, le jaloux fiancé de Cynthia. De toutes façons, la jeune femme finit par faire des galipettes au lit avec cet invité français. Dans la nuit, San-Antonio retourne à la distillerie. Il trouve un cadavre dans un tonneau de scotch. Le commissaire n’en a pas fini de découvrir des secrets sur cette famille Mac Herrel…

San-Antonio : San-Antonio chez les Mac (Éd.Pocket)

Les aventures de San-Antonio, c’est avant tout une narration au vocabulaire inventif, à la tonalité amusée, et un univers aux personnages singuliers. Publié en 1961, “San-Antonio chez les Mac” correspond à cette définition. La présence active de Bérurier – surnommé selon les cas le Cradingue, le Gonflé, etc. – ajoute du piment aux péripéties. Toutefois, l’aspect polar n’est nullement négligé dans cette histoire. L’intrigue s’avère même plutôt solide. Un trafic d’héroïne dans des bouteilles en direct d’Écosse, pas si banal.

Une série de rebondissements attend San-Antonio, qui avoue : “Dans cette affaire, convenons-en, nous nous comportons davantage comme des malfaiteurs que comme des policiers. Violation de domicile, détérioration de voiture, incendie volontaire, rien ne manque à notre palmarès…” Qu’importe, puisque c’est pour que triomphe la vérité, et puisque ça donne un roman trépidant autant que souriant. Éternel San-Antonio…

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2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 04:55

Cette nuit-là, une fusillade se produit au cœur de Paris, rue Garancière. L’étudiant Marcel Corbon et un inconnu s’entre-tuent. Témoin de la scène, l’étudiante Martine Leboulay est blessée. Son amie Rita Blanchot, habitant juste à côté, sera retrouvée assassinée chez elle. Un drôle d’imbroglio auquel la police ne comprend pas grand-chose, si ce n’est qu’il s’agit certainement d’une affaire liée à un trafic de drogue.

En ce mois de juin, l’agent secret Francis Coplan passe ses vacances à La Baule. Il n’est pas loin de s’ennuyer, lui qui est un homme d’action, quand un incident lui permet de faire la connaissance d’une jeune fille, Martine Leboulay. Coplan n’a nullement l’intention de la séduire, mais ils se revoient avec plaisir, sans dépasser le stade du vague flirt. Ils s’organisent une balade nocturne en mer, vers les îlots des Grands Cardinaux.

Deux hommes les y attendent, des universitaires. Un professeur français et son homologue anglais. Ils voulaient rencontrer Coplan dans le plus grand secret, Martine ayant servi d’appât. Ils sont très inquiets au sujet du trafic de drogue visant en ce moment les étudiants de leurs pays respectifs. Car, dans les filières scientifiques, il peut y avoir des fuites concernant les technologies avancées, encore à l’étude.

Coplan comprend que c’est davantage une affaire d’espionnage que de lutte contre les réseaux de trafiquants. Dès le lendemain, l’agent secret et Martine quittent La Baule pour Paris. Ayant mis la jeune fille à l’abri, Coplan planque chez elle. Mais, suite aux meurtres de la rue Garancière, la diffusion du stupéfiant est au point mort. Le juge d’instruction Laborde confirme officieusement à Coplan que cette drogue est très spécifique.

Puisqu’il ne se passe plus rien en France, et que personne n’a d’infos à leur fournir, Coplan et Martine vont poursuivre l’enquête en Angleterre. Direction l’austère ville universitaire de Cambridge. Malgré l’hypocrisie régnant ici sur les "distractions" estudiantines, dont la consommation de drogues fait partie, Martine ne tarde pas à dénicher des contacts. Notamment une nommée Sally, qui diffuse généreusement le stupéfiant spécial.

Les trafiquants pratiqueraient du chantage sur les jeunes, les prenant en photos dans des situations scabreuses, afin de faire ensuite pression sur eux. Chez Sally, Francis Coplan est attaqué par un trio de sbires au service du réseau en question. Il est assez entraîné pour riposter et bien vite maîtriser le problème. C’est à Londres que l’agent secret et Martine peuvent espérer des réponses. Avec l’aide de Mallowan, agent du MI5, ça permettra de faire progresser plus rapidement leurs investigations…  

Paul Kenny : Arme absolue (Fleuve Noir Espionnage, 1958)

Au temps de la Guerre Froide, dans les années 1950-1960, les romans d’espionnage sont très prisés des lecteurs. Chez Fleuve Noir, l’agent OSS 117 (créé par Jean Bruce) est le premier héros français à se distinguer. Il poursuivra ses aventures dans la collection Un Mystère, mais il a déjà un successeur : Francis Coplan, l’agent FX18 (de Paul Kenny). Les romans d’espionnage se déclinent sur plusieurs modes. Affrontement direct sur le terrain entre espions de l’Est et leurs homologues de l’Ouest, souvent dans des décors lointains voire exotiques. Infiltration chez l’ennemi ou opération visant des traîtres travaillant pour l’adversaire. Élimination d’un haut responsable communiste du renseignement, pourquoi pas ? Protection d’un témoin, ou récupération d’un agent fait prisonnier par l’ennemi, ça arrive. La gamme d’intrigues est vaste, toujours dans le registre du roman d’action.

Avec Francis Coplan, on le constate dans ce “Arme absolue” (1958), il est fréquent que les missions ressemblent plutôt à des enquêtes policières, même si les investigations aboutissent à un contexte d’espionnage. Espion-détective, tel pourrait être le qualificatif à son sujet. Sous bien des aspects, ce type de romans témoigne d’une époque, d’un climat. Il est assez agréable de retrouver ces ambiances du passé.

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1 août 2018 3 01 /08 /août /2018 04:55

Pour le plaisir, un petit jeu. Voici un extrait d’un "classique" de la Série Noire, roman d’un auteur français paru en 1958. Il fut adapté au cinéma en 1960, sous le même titre. De quel roman s’agit-il, et qui en était l’auteur ? À vous de jouer…


 

Il indiqua le chemin de son dernier domicile, rue de Bruxelles, près de la gare. Éric stoppa deux cent mètres avant, et regarda partir Abel. Les enfants avaient posé sur la couchette la longue boîte plate du marchand de jouets. Cette voiture immense, avec un lit, des petites fenêtres ornées de rideaux, ressemblait à une chambre. Ça leur faisait drôle aussi de voir Éric revêtu d’une blouse blanche.

Le temps s’écoulait. Abel tardait. Éric ôta la blouse et sortit. Il s’achemina jusqu’à l’hôtel et passa devant, lentement, sans s’arrêter. Il revint sur ses pas et poussa la porte battante. Il y avait deux ou trois personnes devant le petit comptoir de la réception. À droite, s’ouvrait une sorte de salon. Deux hommes attendaient, assis dans des fauteuils autour d’une table ronde, très basse. Éric s’avança et prit place à la table voisine. Il pouvait observer l’ascenseur et la descente de l’escalier. Si Abel était arrêté dans sa chambre, il le verrait sortir avec les flics. Les deux types qui attendaient le regardaient. Ils ne parlaient pas entre eux.

Éric se demandait combien ils pouvaient être en haut pour avoir ceinturé Abel sans qu’il puisse se servir de ses armes. Bientôt, un homme apparut dans les escaliers; il était suivi d’Abel et un autre homme fermait la marche. Abel portait une petite valise. Éric se leva et glissa la main vers son automatique. À côté de lui, les deux clients ne bougeaient toujours pas.

En voyant Stark, Abel marqua l’étonnement et obliqua dans sa direction.

Tiens, tu es là, fit-il.

Stark comprit qu’Abel était seul. Il soupira et sa main reprit sa place. Abel avait vu le geste. Ils sortirent.

Ça m’a paru long, expliqua Éric, alors je suis venu et j’ai vu des types. On aurait dit qu’ils t’emballaient.”

Polar mystère
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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 04:55

Gilbert Vandœuvre, trente-quatre ans, est employé administratif chez France-Air-Pur, une association s’occupant de tourisme. Fiancé à Danielle, il est temps pour lui de rompre avec son amante Monique. Mais celle-ci lui annonce être enceinte de lui. Il faudrait beaucoup d’argent à Gilbert pour faire face aux frais du mariage d’un côté, à ceux occasionnés par la naissance du bébé de Monique de l’autre. Or, Gilbert ne dispose que d’un salaire modeste. Il tente de demander une augmentation. Sa requête est soumise à toute la hiérarchie de France-Air-Pur. Même s’il obtient un bonus salarial, ce sera loin de couvrir les dépenses à venir. Monique n’a pas l’intention d’avorter, et Danielle est déjà très excitée par la vie de couple qui les attend avec Gilbert.

S’il montait en grade dans l’administration de France-Air-Pur, un meilleur poste lui offrirait aussi un bon salaire. En évinçant son collègue Bertholy ? Cela ne l’avancerait guère. Par contre, en observant une partie de billard, Gilbert a sous les yeux un exemple de carambolage. Provoquer une "réaction en chaîne", voilà la solution. S’il élimine Maurice Lebignac, le directeur général, tous montent d’un cran dans la hiérarchie, Gilbert faisant partie des nouveaux promus. Il entreprend donc de surveiller Lebignac. Bien qu’il ait mijoté avec soin son plan, Gilbert admet qu’il n’est pas si facile de passer à l’acte. D’autant que le directeur général s’absente de Paris ce week-end-là. Gilbert n’a plus qu’à prendre en filature la sémillante épouse de Lebignac.

Gilbert s’aperçoit que cette dame est la maîtresse de Christian de Beaumanoir, adjoint de son mari. Adresser une lettre anonyme à Lebignac, lui révélant la vérité ? L’initiative de Gilbert reste sans effet. Alors, il en envoie d’autres, pas plus efficaces. Il comprend que l’élimination directe du directeur général est l’unique solution. Encore faut-il trouver le bon moyen, le moment idéal. Sur ce dernier point, Gilbert a son idée. Chaque année, France-Air-Pur organise une Kermesse d’Été (généralement sous une météo pluvieuse). C’est Gilbert qui en règle les détails. S’il parvient à ses fins, est-ce que l’inspecteur de police Sommet et son adjoint Laruche s’avéreront de fins limiers ? Ils se contenteront plus sûrement des apparences…

Fred Kassak : Carambolages (1959)

Au reste, il ne fallait pas exagérer l’importance des mots. Un homme qui a menti une fois ne se considère pas toute sa vie comme un menteur, celui qui n’a volé qu’une fois comme un voleur, celui qui n’a séduit qu’une femme comme un séducteur. Ce n’est pas parce qu’il commettrait une fois un homicide volontaire que Gilbert devrait se considérer toute a vie comme un assassin. Il y avait un assassinat à commettre, il le commettrait et voilà tout.

Petit hommage à Fred Kassak, décédé le 12 avril 2018 à l’âge de 90 ans. “Carambolages” fut publié en 1959 dans la collection "Crime Parfait ?" chez l’Arabesque, puis en 1962 dans la coll. Un Mystère des Presses de la Cité. Depuis de nombreuses années, ce roman figure au catalogue des éditions Le Masque. Cet auteur respecté fut récompensé par le Grand Prix de Littérature Policière 1958 et par le Prix Mystère de la Critique 1973. Respecté, il le fut moins par le cinéma : roman malin et drôle, “Carambolages” fut porté à l’écran en 1963, un film de Marcel Bluwal, adapté par Pierre Tchernia et Michel Audiard, avec Jean-Claude Brialy, Louis de Funès, Michel Serrault, Sophie Daumier. Une version que Fred Kassak désapprouvait, en témoigne cet extrait d’un entretien de 2017 :

Emmanuel Legeard: ...vous n’aimez pas l’adaptation de “Carambolages” avec Brialy?

Fred Kassak: Exactement. Où j’ai fait de l’humour, ils ont fait du guignol: on voit des acteurs qui s’agitent comme des pantins pour faire leur numéro… c’est le registre de la clownerie! Alors que l’humour, ça n’a rien à voir; c’est une tonalité de l’ironie. Donc, ils ont retenu l’idée principale, c’est entendu, celle de décapiter la hiérarchie pour débloquer l’ascension des échelons. Malheureusement, l’ensemble s’éparpille en gags plus ou moins laborieux, et on bascule dans le burlesque. J’ai beau adorer le burlesque et vénérer Laurel et Hardy, il n’avait rien à faire là. Alors, on pourra dire que j’entonne la complainte de l’auteur trahi, mais évidemment qu’il l’est, trahi, l’auteur, quand il trouve le ton pince-sans-rire qu’il a employé transformé en guignolade. Quant à la fin, non seulement elle n’est plus celle du roman, mais elle s’inspire tout droit d’About Eve, chef-d’œuvre auquel on ne devrait pas toucher… même si ce genre d’emprunt est aujourd’hui qualifié d’"hommage". Quoi qu’il en soit, la vérité m’oblige à dire que bien des gens que je connais et qui n’avaient pas lu le roman ont aimé le film, y ont beaucoup ri, et n’ont pas semblé comprendre mes réticences.

(http://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Famisdelegeard.wordpress.com%2F2017%2F09%2F02%2Ffred_kassak%2F )

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28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 04:55

Paris, en 1957. Myra Sorri, vingt-deux ans, vend des billets de la Loterie Nationale dans sa guérite, au coin du Boulevard Montparnasse. Son cœur balance entre deux hommes. Il y a Georges Moreau, employé d’un garage place Falguière, célibataire d’environ trente ans vivant avec sa mère. Et Francisco Lugo, dit Frisco, petit truand ami de Toni Sorri, le frère de Myra… Quand Paul Gervier, collègue antipathique de Georges, gagne quinze millions à la Loterie, Georges a envie de l’effrayer le soir-même. Une mauvaise idée selon sa mère et selon Myra, une blague infantile. Frisco a appris lui aussi le coup de chance de Paul Gervier. Avec Toni, ils le braquent à son domicile peu avant minuit. Avec cynisme, Frisco abat froidement Paul Gervier avant de repartir.

Georges Moreau arrive chez son collègue quelques minutes plus tard, armé pour lui faire peur, et le trouve mort. Entre-temps, la police a été alertée anonymement. Georges fuit par le toit de l’immeuble de Paul Gervier pour éviter les flics. Un peu plus loin, il tombe dans la chambre d’une jeune femme, Claire. Celle-ci est plutôt curieuse que choquée par l’intrusion nocturne de Georges. Même s’il sort pour aller expliquer l’affaire à sa mère, puis à son ami Maurice, il revient dans la chambre de Claire, la planque la plus sûre qu’il puisse espérer. D’autant qu’il a laissé des indices l’accusant sur le lieu du crime. Policier de la PJ, l’inspecteur-principal Frédéric Max est sur sa piste dès le lendemain matin.

Sans nouvelles de Georges, Myra a vite compris que c’est Frisco qui a tué Paul Gervier. Le policier Max interroge les employés du garage de la place Falguière, puis s’adresse à Myra (qui ne parle pas de Frisco), avant de questionner la mère de Georges. Chacun lui répète que Georges est un "brave type", pas un assassin, ce qui agace quelque peu l’enquêteur. Même l’ex-flic Mic Serrand, devenu détective privé, confirme cette impression d’innocence que donne Georges. Grâce à son copain Maurice, le fuyard contacte d’ailleurs Mic Serrand. Ce dernier approche Myra, convaincu qu’elle en sait bien davantage qu’elle ne le dit. Pour Georges et l’inspecteur-principal Frédéric Max, il ne suffit pas d’identifier le duo Frisco et Toni, il faudra sûrement les affronter, armes à la main…

Mario Ropp : Jeu sans joie (Fleuve Noir, 1957)

Marchant à quatre pattes, il alla jusqu’au bord du toit de l’immeuble. La maison suivante était plus basse d’un étage. Georges eut une grimace, puis découvrit des crampons de fer fixés dans le ciment. Il descendit cet escalier, fit quelques pas sur le toit plat et osa s’approcher de la pente, pas très abrupte, qui donnait sur la rue d’Odessa.
Il n’aimait pas beaucoup ça, mais il fallait pourtant trouver un moyen de quitter les toits. Les policiers pouvaient y monter d’un moment à l’autre et ce serait alors une belle corrida. Georges avait déjà vu ça au cinéma ; c’était drôle, bien sûr, mais très peu pour lui !
Des petites fenêtres avancées s’alignaient le long de la pente du toit, mais on ne pouvait voir si elles étaient ouvertes ou fermées. De plus, il y avait peu de chances que les chambres fussent inoccupées. Georges commençait à se sentir de plus en plus mal à l’aise. Et la présence de la rue, là en bas, l’attirait d’une manière dangereuse.

De 1957 à 1983, Marie-Anne Devillers (1917-2007) publia environ cent romans policiers dans la collection Spécial-Police, sous le pseudonyme de Mario Ropp. Ce qui fit d’elle un des auteurs les plus prolifiques de cette collection, avec une moyenne de quatre titres parus chaque année. Sans doute ses livres avaient-ils un réel succès, mais certains auteurs du Fleuve Noir estimaient que l’éditeur abusait de la situation. “Jeu sans joie” est le premier titre de Mario Ropp publié au Fleuve Noir, en 1957.

On est encore dans le Paris de l’après-guerre, avec ses garages de quartier, ses bistrots d’habitués, ses guérites où se vendaient les billets de la Loterie, ses véhicules d’époque, sa population modeste – telle la famille de Myra. Une ambiance typique des polars d’alors, avec un petit voyou qui n’hésite pas à tuer. Pour l’anecdote, notons que la mère de Georges s’appelle Jane Moreau. C’est cette année-là que l’actrice Jeanne Moreau accède à une vraie célébrité grâce à son rôle dans “Ascenseur pour l’échafaud”. Un suspense agréable, qu’il n’est pas interdit de redécouvrir.

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26 juillet 2018 4 26 /07 /juillet /2018 04:55

Un monsieur demande à parler au commissaire San-Antonio, qui est très pressé. Peu après, cet homme est abattu par un tireur devant les locaux de la police. Il s’agit d’un Polonais. Le vieil inspecteur Pinaud (dit Pinuche) déniche sans tarder des éléments sur la victime : ce défunt Polonais recherchait à Pigalle un truand de bas étage, Carmona. Or, ce dernier est emprisonné à la Santé après une brutale altercation avec San-Antonio à la Foire du Trône. Carmona l’a fait exprès, pour se protéger. Le commissaire fait libérer contre son gré le petit truand. C’est l’inspecteur Bérurier, spécialiste en la matière, qui est chargé de la filature de Carmona. Celui-ci se rend directement chez sa nana.

Les policiers retrouvent bientôt le couple mort chez la maîtresse de Carmona. San-Antonio a l’idée de changer d’aspect, prenant provisoirement le visage du truand décédé, afin de servir d’appât. Nul doute que ceux qui voulait choper Carmona sont encore sur le coup. Le faux truand s’installe à l’Hôtel des Pirouettes, dont le patron est un ami. Se baladant dans les quartiers chauds parisiens, San-Antonio/Carmona repère une séduisante jeune femme répondant au prénom de Régine. Elle a tout pour attirer les hommes et ne paraît pas farouche, la donzelle. Le commissaire ne se fait pas longtemps prier pour suivre sa conquête dans son appartement.

C’était un piège ! Trois types armés, dont le chef est un certain Staub, attendaient Régine et Carmona. Leur but consiste à faire parler le petit truand, à lui faire avouer quelque chose qu’il a découvert. Ils vont le torturer, sans la moindre pitié. Sauf que San-Antonio ignore totalement quel secret cachait Carmona. Le commissaire ne manque pas de résistance, mais il y a des limites. Et l’intervention de l’inspecteur Bérurier est tardive. La clé de cette affaire tarabiscotée, c’est certainement un homme mort depuis treize ans, un Polonais en exil…

San-Antonio : Le fil à couper le beurre (Éd.Pocket)

Publié en 1955, “Le fil à couper le beurre” appartient à la catégorie des authentiques romans policiers de la série. Le commissaire San-Antonio mène une véritable enquête sur le meurtre d’un Polonais assassiné sous ses yeux. Si la tonalité est déjà personnelle, et le vocabulaire riche en formules originales ou souriantes, l’histoire reste dans les codes classiques du polar d’action, avec un suspense bienvenu. Gros et vulgaire, Bérurier répond à un portrait encore plutôt limité en excentricités – ça évoluera grandement dans leurs futures aventures. Béru conduit une traction avant Citröen 15CV, véhicule dont tous les nostalgiques se souviennent avec émotion. Personnage de la série depuis l’année précédente, le vieil inspecteur César Pinaud fait ici une ou deux apparitions. Un très bon épisode des tribulations animées du commissaire San-Antonio.

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 04:55

Gérard Escaude, quarante-cinq ans, est policier dans la région toulousaine. Il ne se flatte pas d’une carrière prestigieuse, mais entreprend de raconter une enquête – basique, dans le quotidien du flic ordinaire – qui le marqua voilà une dizaine d’années. Il était alors en poste à Blagnac. L’urbanisation n’ayant pas encore tout grignoté, il existait toujours des terrains agricoles exploités autour de cette ville. Avec son épouse Émilie, Maxime Casse et son frère cadet Lilian avaient une ferme, et vendaient leurs produits sur les marchés. Une dame retrouva le cadavre de Maxime Casse dans un des champs de l’agriculteur. La police – Gérard Escaude et son collègue Guy Sicre – furent chargés de l’enquête.

Maxime Casse a été tué par arme à feu, objet qui ne se trouve pas près du corps. Le plus curieux, c’est sans doute que la victime est en chaussettes – blanches et propres – ne portant pas ses habituelles bottes vertes. Pourtant, le cadavre n’a pas été transporté et déposé là, c’est bien le lieu du crime. Escaude commence par interroger Émilie, la veuve. Elle affirme que l’exploitation agricole fonctionne correctement, que Maxime et Lilian se complètent pour cela, et que personne n’avait de raison de supprimer son mari. Le sang-froid d’Émilie étonne quelque peu le policier. On va bien vite retrouver les fameuses bottes de Maxime, rangées sous de cagettes. Bizarre de les avoir placées à cet endroit.

Les experts d l’Identité Judiciaire examinent tout ce qu’ils peuvent à la ferme, sous l’œil de Lilian – qui, après tout, est chez lui. Le type d’arme, un modèle très courant, a été identifié. Dans une remise utilisée par Lilian, on découvre des munitions correspondant à ce calibre. Interrogé au commissariat, le frère de Maxime déclare que tout se passait bien entre eux, qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre chasseur (contrairement à leur défunt père). Il travaillait en tracteur non loin de l’endroit où Maxime est mort, mais Lilian prétend ne pas avoir entendu de coup de feu. Difficile pour les policiers de mettre en doute le témoignage de Lilian, qui est un honnête agriculteur, pas un repris de justice fiché.

Le jeune Jérôme Dupin, employé à temps partiel par Maxime, n’est pas une piste sérieuse non plus. Lorsque l’arme du crime est retrouvée dans un endroit inattendu, ça ne répond guère aux questions que se posent les enquêteurs. Certes, ils possèdent désormais un suspect n°1, mais – libre après sa garde à vue – ce dernier prend la fuite. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’il sera repéré du côté du Pays Basque. Cette fois, l’affaire semble close pour Gérard Escaude, mais elle lui réserve une ultime surprise…

Patrick Caujolle : Le mort est dans le pré (Éditions Cairn, 2018)

Pour tout vous dire, j’écoutais ses réponses autant pour les mot prononcés que pour sa manière de les distiller. À coup sûr intelligente, elle n’hésitait pas, me regardait dans les yeux, mais choisissait ses termes avec circonspection, les épilant de son vocabulaire avec une pince sémantique aussi minutieuse que vigilante, comme si elle ne voulait pas les gaspiller. Le propre d’un agriculteur, me disais-je, c’est tout de même un peu de semer. Elle, au contraire, faisait tout pour ne rien éparpiller, pour ne rien émietter. Était-ce sa nature ? Était-ce par décence ? Était-ce par peur que mon terreau de flic ne fasse germer questions, contradictions ou invraisemblances diverses ? Ça, je l’ignorais encore, mais je constatais, j’emmagasinais.

Avec “Beau temps pour les couleuvres” (2014) et “Le prix de la mort” (2017), Patrick Caujolle a déjà démontré un talent certain en matière de polar. Le narrateur prend la précaution de nous prévenir : ce n’est pas un thriller spectaculaire, le genre d’enquête (un paysan tué dans son champ) qui n’intéresse même pas les cadors des Services Régionaux de Police Judiciaire. Pourtant, ça nécessite les mêmes efforts que des dossiers plus glorieux, les mêmes recherches scientifiques sur les indices, la même évaluation des témoignages. Ayant exercé ce métier, l’auteur connaît tous les aléas des investigations et des impressions ressenties par les policiers. Les enquêtes classiques, au plus près de la réalité, sont aussi passionnantes que les intrigues tarabiscotées. Ce que nous prouve ce très bon roman de Patrick Caujolle.

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