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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 04:55

Parmi les meilleurs polars parus en format poche durant le mois de septembre 2014, on peut retenir ceux de deux romancières.

L'une, Anglaise, manipule le mystère et le suspense avec une jolie souplesse. L'autre, Allemande, nous entraîne dans une affaire d'espionnage très actuelle. Deux talents différents, dans la manière et l'inspiration, pour des romans de belle qualité.

 

Belinda Bauer : "Le voleur d'enfants tristes" (Éd.10-18)

En Angleterre, dans le parc national d'Exmoor, autour du village de Shipcott, on a déjà vécu des affaires meurtrières. L'agent de police Jonas Holly reste suivi par une psy, depuis que son épouse a été assassinée. L'inspecteur Reynolds n'est pas pressé de voir Jonas reprendre du service. Avec sa collègue Elisabeth Rice, ils vont devoir revenir enquêter dans ce secteur dont Reynolds apprécie peu les habitants. Âgée de treize ans, Jess Took a disparu en forêt, attendant son père pratiquant la chasse à courre. Plus certainement un kidnapping qu'une fugue, le ravisseur ayant laissé un message écrit : Vous ne l'aimez pas. Il est vrai que John Took n'est pas des plus sympathiques. Endetté, il se peut qu'il compte quelques ennemis, ce que les deux policiers vont vérifier.

Un deuxième rapt se produit peu après sur un parking. Pete Knox, neuf ans, attendait ses parents dans leur voiture. Le même message a été laissé à la place du petit Pete. Après cet autre enlèvement, Reynolds doit prendre l'affaire encore plus au sérieux. Steven Lamb a dix-sept ans. Il habite avec sa mère, sa grand-mère, et son jeune frère Davey. Ce dernier va fréquemment jouer avec son copain Shane dans des endroits qu'on leur a interdit d'explorer. Steven éprouve une vive suspicion envers Jonas Holly. Il a connu son épouse, qui semblait malheureuse, et pense que l'agent de police l'a assassinée. Par ailleurs, Steven découvre l'amour, grâce à la jeune Emily. Elle va l'initier au monde du cheval, sa passion.

La psy qui traite le cas de Jonas Holly n'exclut pas des réactions violentes de sa part. Ce qui ne l'empêche pas de signer pour qu'il reprenne son poste. Elle hésite à parler de ses doutes à Reynolds. Ce dernier organise une battue pour retrouver les enfants, qui dure trois jours et mobilise plus de cent personnes, dont les habitants des environs. Jonas Holly y participe, ayant repris ses fonctions. Malgré ces gros moyens, on ne repère aucune trace de Jess Took ou de Pete Knox. C'est à l'occasion d'un salon du cheval que Charlie Peach, enfant handicapé, est à son tour enlevé. Comme Steven et Emily, Jonas est sur les lieux, mais sans doute est-il déjà trop tard pour retrouver le gamin…

Pour tout lecteur, il est bon de se laisser guider par la curiosité. Avec ce roman de Belinda Bauer, c'est une excellente surprise qui nous attend. En particulier par la «ruralité» du contexte, montrant réellement l'Angleterre non-citadine. Mais, au lieu d'un quotidien logiquement sans histoire, on s'y attaque à des enfants. La bonne interrogation est : dans quel but, quel travers psychologique anime le ravisseur, plutôt que de vouloir l'identifier formellement. Ce qui fait planer le mystère, présent sans la moindre lourdeur. Bien qu'il y ait enquête policière, avec Reynolds (et ses implants capillaires) ou Elisabeth Rice (quelque peu maladroite), c'est le fascinant tableau d'ensemble de Shipcott et des environs qui donne le ton de ce suspense subtil.

Une très belle réussite.

Polars poche : Belinda Bauer (Éd.10-18) et Alex Berg (Éd.Babel Noir)

Alex Berg : "Zone de non-droit" (Éd.Babel Noir)

Valerie Weymann est avocate à Hambourg. Avec son mari Marc, elle a deux filles, Leonie et Sophie. Associée au cabinet du paternel Kurt Meisenberg, Valerie traite de dossiers internationaux. À l’heure où un grand sommet politique doit se tenir à Hambourg, en ce mois de décembre, elle doit faire un aller-retour rapide pour une réunion à Londres. À l’aéroport, Valerie est interpellée par la police sans qu’on lui fournisse d’abord d’explication. Elle va être interrogée par un enquêteur allemand, Eric Mayer, et un agent de la CIA en fin de carrière, Robert F.Burroughs.

Il s’agit de son amie pédiatre Noor al-Almawi, dont Valerie est sans nouvelle. Noor mène des actions humanitaires en Syrie, ce qui lui a causé quelques ennuis. Puisqu’on ne veut pas lui dire ce qui est reproché à Noor, Valerie ne coopère pas. Pendant ce temps, son mari Marc s’inquiète, d’autant que Mayer perquisitionne bientôt chez eux, lâchant le nom de Noor al-Almawi. Celle-ci serait complice du récent attentat meurtrier, ayant tué plusieurs enfants à Copenhague. Il est vrai qu’elle est proche de Mahir Barakat, cerveau supposé de l’attentat, et de Safwan Abidi, l’exécutant présumé. Valerie connaît elle aussi ces deux hommes. Trois ans plus tôt, elle a même eu une brève liaison avec Abidi.

Si l’Américain Burroughs est sûr que l’affaire de Copenhague est due à Al-Quaida, Eric Mayer estime que c’est plutôt un acte isolé. Leur collègue canadienne Marion Archer n’a pas d’idées préconçues, mais se méfie de l’agent de la CIA. Tous deux se doutent que Burroughs a exfiltré Noor al-Almawi vers une prison secrète, afin de lui extorquer des aveux. Une bombe est signalée à la gare hambourgeoise de Dammtor, ce qui n’est pas une fausse alerte. Une série d’explosions va causer cinq morts et une vingtaine de victimes. La vidéo surveillance permet d’identifier rapidement le coupable de ce nouvel attentat, Safwan Abidi...

Voilà une intrigue qui, sans nul doute, va nous réconcilier pour de bon avec les romans d’espionnage. Certes, les histoires d’agents secrets face au terrorisme ont parfois donné des résultats riches en aventures. Ici, le sujet prend une tournure plus noire et originale, évoquant les abus de pouvoir dans la lutte contre les ennemis. Dans notre monde devenu paranoïaque, pas si éloigné de la réalité, un simple soupçon peut entraîner des dérapages, couverts par des lois d’exception.Les prisons secrètes de la CIA, naguère l’antichambre de Guantanamo, ce n’est hélas pas un fantasme. Personne n’approuve la violence terroriste, contre laquelle on doit riposter. Mais avec clairvoyance. Tel est l’engrenage que l’auteure dénonce. Tout en ménageant un intense suspense sur le rôle des divers protagonistes, autant que sur le sort de Valerie. Une lecture à dévorer, car c’est un roman extrêmement prenant.

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 04:55

Lisa Genovesi est une jeune prof d'Italien dans un collège. Si ce fut autrefois une école de filles, l'établissement est désormais assez cradingue. C'est sans enthousiasme que Lisa quitte le matin son compagnon Pierre, libraire flegmatique, pour aller enseigner. Elle est consciente que le métier a changé depuis le temps où son père était professeur dans une école tranquille, au milieu des vignes. On respectait alors le savoir, le rôle éducatif du prof. Dans son collège peuplé d'enseignants résignés, l'ambiance est moins chaleureuse. Avec certaines classes, c'est même assez proche de la jungle. Le CPE (conseiller principal d'éducation) Hervé Sarafian se montre plus sûrement accusateur que solidaire envers les professeurs. Si Lisa ne “maîtrise” pas car inexpérimentée, ce serait donc de sa faute.

Les élèves de Troisième 2 sont les plus virulents. Marik et Adrami, les caïds dominants, se savent soutenus par Marel et Noumein. Turbulents, insolents, faibles qualificatifs pour ces cancres qui insultent “pour rigoler”. Une petite prof comme Lisa fait une belle cible à leurs yeux. Ils multiplient les incidents, quasiment en toute impunité. Ce n'est pas Cindy, qui se prostitue à seize ans pour s'acheter “de la marque”, qui sauvera la médiocrité de la classe. Avec une collègue de l'école, Lisa tente vainement de la raisonner sur ses mœurs. Il n'y a que Samira qui mérite encore l'intérêt parmi eux. Si elle est studieuse, c'est avant tout afin d'échapper le plus possible à l'esclavage familial. Lisa fait ce qu'elle peut pour l'aider. Au milieu de ces élèves non civilisés, impossible d'espérer leur apprendre quelque chose.

Ces ados ne viennent même pas des cités, puisque c'est un collège de centre-ville. Lisa s'interroge sur sa vocation : “La plongée dans l'enfer de l'humiliation, c'est le châtiment que l'on réserve aux criminels dans les États autoritaires… Qu'ai-je fait, moi, pour qu'on me ligote ainsi et qu'on me jette dans cette boucherie, moi j'ai toujours été honnête et bonne, et pétrie de l'espoir d'une humanité meilleure...” Lors d'une bagarre entre les caïds de la Troisième 2, la jeune femme est légèrement touchée. Un petit repos lui est accordé, qu'on lui reprocherait presque. À son retour, Samira ne figure plus dans l'effectif de cette classe. Ça devrait révolter tout le monde, ça les laisse indifférents. “Tu sais, je n'arrête pas d'avoir envie qu'ils crèvent” confie finalement Lisa à son compagnon Pierre.

Après des vacances de Noël en Finlande, loin de la fausse quiétude provençale, Lisa est de retour au collège. Les humiliations quotidiennes reprennent. Quand on lui vole son sac à main, elle ne craint pas de porter plainte. Car, avec son adresse à l'intérieur, c'est à sa sphère privée qu'on voudra s'attaquer désormais. Quand il se produit un sérieux incident en classe, avec un Opinel, ça va précipiter la suite et affermir le caractère de Lisa…

Marie Neuser : Je tue les enfants français dans les jardins (Pocket, 2014)

Face aux ados provocateurs, pour lesquels les incivilités sont la norme, y compris dans les établissements scolaires, certains ont des réponses toutes prêtes. Étalant leurs certitudes, ils parlent de laxisme, prônent une discipline de fer. Zéro tolérance pour les élèves, leurs parents, et surtout pour les profs. Ces donneurs de leçons, jaloux des vacances dont les enseignants bénéficient, ne tiendraient probablement pas une journée devant les fauves de certaines classes. S'il reste un brin d'angélisme chez quelques personnes, pas si nombreuses, à l'inverse on sait pourtant que la fermeté façon gardes-chiourmes n'est pas une solution satisfaisante. D'autant qu'il suffit d'être “bons en math” pour que même les ardents partisans de l'éducation à la dure soient tolérants avec les fauteurs de troubles.

C'est une véritable introspection que présente ici Marie Neuser. Un parcours de jeune prof qui espère résister à la pression ambiante dans un collège difficile. Un peu de nostalgie, en se souvenant du temps où régnait encore un respect de l’École (bien que ces époques soient fort lointaines, à vrai dire). Surtout, une sombre description de la résignation des uns, du manque de solidarité professorale, de réactions parentales erronées, et de l'impossibilité d'améliorer les comportements de ces violents élèves. Ces adolescents ne sont ni des victimes, ni des rebelles. Ni la majorité, il convient de le préciser. La détresse de l'héroïne illustre sans nul doute les réalités vécues par les nouveaux enseignants. Un roman noir édifiant sur une situation actuelle.

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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 04:55

John Mannering fut l'un des plus brillants cambrioleurs anglais. Il sévissait autrefois sous le nom du Baron. Désormais, Mannering a cessé ses activités illégales. Il s'occupe d'une boutique de bijoux anciens, et autres œuvres d'art. L'inspecteur de police Bristow n'ignore pas les anciens méfaits de Mannering. Mais il fut toujours impossible à la police de prouver qu'il était le Baron. Aujourd'hui, c'est un nouveau cambrioleur qui fait la Une à Londres. Il se montre aussi astucieux et audacieux que l'a été en son temps le Baron. Ce voleur a été surnommé l'Ombre. Pour tenter de l'alpaguer, Bristow compte sur John Mannering.

Le Baron ne serait pas fâché de connaître l'homme – ou la femme – qui fait preuve d'autant de talent que lui en matière de vol. La première piste mène à Gavin Russel, un truand antipathique, entouré d'une bande aussi rebutante. La seule méritant la sympathie serait Veronica Fleming. Compagne de Gavin Russel, elle apparaît sous l'emprise du truand. Redevenant une fois encore le Baron, Mannering va tenter d'infiltrer ce gang en se faisant passer pour un modeste cambrioleur possédant un bon savoir-faire. Toutefois, c'est un jeu dangereux, car Russel n'hésite pas à supprimer ceux qui lui font obstacle.

Difficile de croire que le truand soit l'Ombre. Dans ce cas, il n'aurait nul besoin de l'aide d'un professionnel du cambriolage. Jouer à l'enquêteur pour aider la police, pourquoi pas puisque ça excite John Mannering ? Néanmoins, le major Fleming (père de la belle Victoria) et sa famille risquent d'être en péril. Le Baron et sa fiancée sont aussi en danger, car le combat contre l'Ombre va s'avérer plutôt ardu…

Anthony Morton : L'ombre du Baron (Ed.Ditis, 1957)

Très productif, le romancier britannique John Creasey (1908-1973) utilisa quantité de pseudonymes, dont Anthony Morton, Michael Halliday, Jeremy York, et J.J.Marric. Sous le nom d'Anthony Morton, il est l'auteur de quarante-sept aventures du Baron, dont (sauf erreur) vingt-sept ont été traduites en français. Écrit en 1951, “L'ombre du Baron” est le dix-neuvième titre de cette série.

Diffusée dans des collections populaires (La Chouette Ditis, J'ai Lu Policier, J'ai Lu, Le Masque), cette série a connu un succès certain. Arsène Lupin (de Maurice Leblanc), Arthur J.Raffles (d'E.W.Hornung), l'Aristo (d'André Héléna), ou d'autres encore, les personnages de gentlemen cambrioleurs furent longtemps des valeurs sûres de la littérature policière. C'est probablement beaucoup moins vrai à notre époque. Quant aux intrigues, elles nous paraîtront stéréotypées, mais restent efficaces. On peut toujours lire ces romans pour le contexte de leur temps, et pour leur bon petit suspense.

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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 04:55

Vers la fin des années 1930, trois hommes s'évadent du pénitencier de l'Oklahoma où ils ont passé plusieurs années. Ces repris de justice bénéficiaient d'un régime assoupli, pour bonne conduite. Il y a Bowie Bowers, âgé de vingt-sept ans, meurtrier. Les deux autres sont des voleurs de banques chevronnés : T.W.Masefeld, dit Chicamaw, quarante-quatre ans, et Elmo Mobley, dit T-Doub, trente-cinq ans. Ils ont braqué des conducteurs de voitures afin de s'éloigner aussi rapidement que possible du pénitencier. Avant de gagner le Texas, il est prudent qu'ils se planquent quelques jours à Keota, chez le cousin Dee Mobley. Ce dernier tient une station-service avec sa fille, la belle et farouche Keechie. Chicamaw est celui qui s'alcoolise le plus dans le trio d'évadés. T-Doub ne songe qu'aux futurs casses qu'ils réaliseront. Bowie pense parfois aux rares proches qui lui restent.

Dès leur arrivée au Texas, ils braquent un poste d'essence, emportant un arsenal d'armes à feu qui leur sera sûrement utile. Quand Chicamaw raconte ses expériences, en particulier au Mexique, ce pays fait rêver Bowie. Le trio s'installe dans une maison meublée à Zelton. Ils sont quasiment fauchés. C'est Mattie, la belle-sœur de T-Doub, qui les ravitaille. Son mari étant en prison, elle aura besoin d'une part des butins à venir pour payer un avocat. Sa jeune sœur Lula n'est pas prête à s'acoquiner avec l'un ou l'autre des fuyards. Pour le premier casse, le trio a choisi une banque de Morehead. Il leur reste un millier de dollars chacun, frais déduits. Le braquage suivant sera bien plus fructueux. Visant une banque de Zelton, ils prennent dès l'ouverture en otage le directeur et deux employés. C'est plus de 22.600 dollars qu'empochent chaque gangster. Bien au-delà des espérances de Bowie.

Il vaut mieux se faire oublier pendant un mois, la police enquêtant après avoir fait le lien entre les deux affaires. Bowie et Chicamaw retournent en Oklahoma. Ils sont victimes d'un accident de voiture, qui va entraîner la mort de deux policiers. Blessé, Bowie se réfugie à Keota, où Keechie va s'occuper de lui. Pendant ce temps, Chicamaw picole et dilapide sa part du butin, tandis que les flics enquêtent sur leur accident. Bowie comprend qu'il s'était sans doute montré maladroit avec Keechie. Le magot de Bowie joue-t-il sur les sentiments de la jeune femme ? Ils deviennent bientôt intime, commençant à faire des projets. Ils prennent la direction du Texas, où Keechie pense qu'ils seront tranquilles. Antelope Center, un site pour des malades curistes, bel endroit pour abriter leur bonheur. Mais, pour les desperados, le Destin est rarement clément…

Edward Anderson : Des voleurs comme nous (Éd.Points, 2014)

Un pur chef d'œuvre du roman noir classique, datant de 1937. Son découpage scénique convenant bien au cinéma, il fut adapté deux fois. En 1948, par Nicholas Ray, sous le titre “They live by night” (Les amants de la nuit). Puis en 1974, par Robert Altman, avec son titre d'origine “Thieves like us”. Le second semble le plus proche, mais on doute qu'il ait été possible de respecter l'intégralité de l'intrigue, ni surtout son état d'esprit. Néanmoins, malgré ces adaptations et bien que Raymond Chandler en ait dit le plus grand bien, le livre d'Edward Anderson resta longtemps méconnu. 

Raconter les tribulations de repris de justice, beaucoup d'auteurs de polars l'ont fait des décennies durant. Cependant, il ne suffit pas que se succèdent les poursuites, qu'éclatent des coups de feu et que s'entassent des billets pour convaincre. Les protagonistes doivent exister, tels des êtres de chair et de sang, avec leurs actes et leurs états d'âmes. “Une femme qui t'en veux peut te mettre dans la merde en moins de rien. Oui mec, les flics ce serait du gâteau, s'il y avait pas les femmes dépitées et les mouchards...”

Quoi qu'en dise le directeur de la banque braquée à Zelton, T-Doub et l'Indien alcoolique Chicamaw sont des têtes brûlées. Leurs parcours montrent qu'ils n'ont peur de rien, qu'ils resteront éternellement ce qu'ils sont. On accorde davantage au superstitieux Bowie le bénéfice du doute, tant sur son passé que pour son éventuel futur. Toutefois, c'est un dur comme ses complices, ne nous y trompons pas. Des caractères forts, un scénario ultra-solide, voilà un très bel exemple du roman noir authentique. À ne pas manquer.

 

“Des voleurs comme nous” est disponible en poche dès le 18 septembre 2014

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12 septembre 2014 5 12 /09 /septembre /2014 15:20

Les auteurs annoncés au festival de polar de Villeneuve Lez Avignon, du 3 au 5 octobre 2014 : Barbara Abel (Belgique) - Olivier Bordaçarre - Michel Bussi - Véronique Cambo - Sire Cédric - Paul Colize (Belgique) - Sandrine Collette - Victor Del Arbol (Espagne) - Marie Devois - Pascale Dietrich - Laurent Guillaume - Pierre Hanot - John Harvey Royaume-Uni) - Michel Imbert - Hervé Le Corre - Karim Madani - Dominique Manotti - Marcus Malte - Stefan Mani Islande) - Eric Maravelias - Nicolas Mathieu - Michaël Mention - Zygmunt Miloszewsky Pologne) - Bernard Pasobrola - Gilda Piersanti - Louis Sanders - Anne Secret - Michel Quint - Marc Villard - Claudine Aubrun - Benjamin Guérif - Jean Podéros - Benoît Séverac - Geronimo Stilton - Janine Teisson- Max Cabanes - Jean-Christophe Chauzy – Chetville - Sébastien Goethals - Miles Hyman - Olivier Roman - Dominique Rousseau - Anthony Pastor - Jean-Louis Thouard – Titwane.

Festival polar de Villeneuve Lez Avignon, du 3 au 5 octobre 2014

Les romans en compétition pour le Prix des Lecteurs 2014 de ce festival :

 

Victor Del Arbol : La maison des chagrins (Actes noirs) - Hervé Le Corre : Après la guerre (Rivages) - Karim Madani : Casher Nostra (Le seuil) - Stefan Mani : Présages (Série Noire) - Eric Maravelias : La faux soyeuse (Série Noire) - Nicolas Mathieu : Aux animaux la guerre (Actes noirs) - Zygmunt Miloszesky : Les impliqués (Mirobole) - Michel Quint : Veuve noire (L'archipel)

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11 septembre 2014 4 11 /09 /septembre /2014 04:55

Vers 1988, Anne Seibert est une publicitaire free-lance âgée de trente-trois ans. Divorcée d'un mari violent désormais interné, elle s'est installée depuis trois mois à New Rochelle, dans l’État de New York. Anne est insomniaque, et les conseils du spécialiste qui la suit n'y peuvent pas grand-chose. Quand elle se lève au milieu de la nuit, il n'est pas rare qu'elle voit rentrer son voisin, Mark Chaney. Grand, robuste, âgé de trente-six ans, arborant une Rolex et conduisant sa Jaguar, c'est un homme qui respire la réussite et la séduction. Il dirige avec son ami Emil Welder une florissante société de conseil financier. Son habitude de rentrer à plus de trois heures du matin est due à ses voyages d'affaires, semble-t-il. À son amie Carol, Anne avoue qu'elle se sent attirée par son charmant voisin.

Au contraire, Mark Chaney est gagné par la paranoïa. Il imagine que, si Anne est debout à l'observer chaque nuit, c'est qu'elle le surveille. Qu'elle est chargée de mener une enquête sur lui. Qu'elle représente donc un danger contre lequel il doit réagir. Sous son allure si classieuse, Mark Chaney est un assassin. Souvent, la nuit, il ramène ses victimes dans le coffre de sa Jaguar. Il les descend dans sa cave verrouillée, ultra-sécurisée, les place dans un congélateur. Ses cibles ne sont pas choisies au hasard. Il s'agit de personnes qui ont autrefois causé du tort à Emil Welder et à lui-même. Adolescents au lycée de Bell Grove, suite à des dénonciations, on les traita comme des malfaisants. Ils passèrent quatre ans dans une institution, ce qui justifie l'implacable vengeance de Mark Chaney.

Anne dort mieux depuis les prémices de cette relation avec son voisin. Il l'a invitée un soir chez lui, l'autorisant à visiter entièrement sa belle maison. Ce qui excite plus encore la paranoïa de Mark, lequel songe à provoquer un faux suicide de la jeune femme. Trop de risque d'amener la police dans leur quartier, se raisonne-t-il. Pourtant, leurs maisons sont déjà surveillées à leur insu. Car, suite aux soupçons du FBI sur les activités financières de Mark, l'équipe du policier Angelo Garibaldi s'intéresse à eux. Y compris au cas d'Anne, qui pourrait être la complice de Mark Chaney.

Après une sortie en couple pour une balade dans la région, Anne doit partir en mission à Detroit. Mark en profite pour faire une visite clandestine chez elle, remarquant son appareil photo et une arme à feu. De Philadelphie, où il a retrouvé son ancien proviseur, en passant par Washington, où habite la psy qui traita le cas des deux ados, jusqu'aux environs du campus d'Amherst, le voisin d'Anne poursuit son périple criminel. Quelque peu jalouse de ces voyages mal expliqués, la jeune femme ne réalise pas la dangerosité de la situation…

William Katz : Nuits sanglantes (Presses de la cité, 2014)

Ce qui est épatant dans un tel suspense, c'est que nous avons sous les yeux l'intégralité des faits. Ce faisant, William Katz respecte la loi n°2 édictée par S.S.Van Dine dans ses “Vingt règles pour l'écriture de romans policiers” : «L'auteur n'a pas le droit d'avoir recours, vis-à-vis du lecteur, à des ruses et des procédés autres que ceux utilisés par le criminel à l'égard du détective.» Certes, les policiers ne jouent qu'un rôle accessoire, mais le lecteur n'est aucunement trompé par l'auteur.

L'assassin, maladivement intrigué par les insomnies de sa voisine, son complice, la série de meurtres et les cadavres ramenés dans le coffre de voiture, tout est raconté. Et pourtant, l'intrigue fonctionne à merveille. Face à ce cruel voisin, William Katz évite même la facilité artificielle de charger l'ambiance. Si «Le véritable roman policier ne doit pas comporter d'intrigue amoureuse» disait aussi Van Dine, l'auteur détourne cette idée. Anne est une victime potentielle, oui, mais rien ne vient vraiment l'effrayer. C'est dire que, loin d'être glauque, on nous présente l'histoire avec une belle subtilité. Dans la tradition, un suspense impeccable, tout simplement.

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9 septembre 2014 2 09 /09 /septembre /2014 04:55

Ayant travaillé à l'international, Mark Walpen a créé en Suisse une société de conseil et de sécurité. Il est le fils d'un diplomate de haut rang aujourd'hui âgé de soixante-six ans, Ralf Walpen, et d'une mère bretonne du Morbihan. Mark est veuf : son épouse Shannon et leur fille Tallia sont décédées dans l'un des attentats du 11-septembre. Il élève maintenant ses jumeaux, Zoé et Elliott, aidé de son amie Anook et de Ralf. Mark a fondé un département de géostratégie, en complément de sa société. Ses prestations sont celles d'un service secret indépendant et neutre, toutefois proche des autorités suisses. Avec son équipe de baroudeurs, les Faucons, dirigés par Paul de Séverac d'après les consignes de Mark. Ralf Walpen et son ami Pierre de Weck servent d'interface avec le gouvernement suisse.

Lors de la crise libyenne, un an et demi plus tôt, l'équipe de Mark a montré son efficacité. Cette fois, deux familles suisses semblent avoir été victimes d'un enlèvement pendant un voyage sur la Mer Rouge. Les premiers éléments offrent une piste en Égypte, du côté de Louxor. Dans le même temps, trois attentats ont visé des ambassades à Rome, dont celle de Suisse. Une opération signée par l'ALA, Armée de Libération Arabe, encore inconnue mais qui s'inscrit dans la mouvance d'Al-Qaïda. Un peu plus tard, un triple attentat en tous points similaire est commis à Paris. Les Faucons entrent en action en Égypte, parvenant bientôt à libérer sans dégâts les otages suisses. C'est dans une base militaire de Djibouti que leurs geôliers seront interrogés par le chef des Faucons.

Une société suisse de composants électroniques servant aux détonateurs est soupçonnée par les autorités. Le banquier Michel Aubert en est le propriétaire, mais les actionnaires principaux viennent de Dubaï. D'ailleurs, c'est dans les Émirats que se trouve le banquier en ce moment. Rebecca, de l'équipe des Faucons, est la plus indiquée pour enquêter sur place. Si elle ne tarde pas à repérer Aubert, les sociétés auxquelles il est associé à Dubaï apparaissent fort opaques. Quand il rentre en Suisse, le banquier plaide la légitimité de sa situation lorsqu'il est interrogé par la police. Pour approcher les émirs, Rebecca va passer par la Normandie, en intégrant l'univers des écuries de courses de chevaux. Grâce à son ami banquier honnête Laurent Boissier, Mark se renseigne sur Michel Aubert...

Mark Zellweger : L'envol des Faucons (Éd.Eaux Troubles, 2014)

Les romans d'espionnage connurent un immense succès au temps de la Guerre Froide. Il leur arrivait de souligner un point stratégique, ainsi le public peu informé apprenait-il de supposés secrets. Avant tout, la quasi-totalité de ces livres étaient des romans d'action riches en aventures à travers le monde. Depuis une trentaine d'années, on a assisté à une mutation du contexte international. Il y a toujours des guerres, et les services secrets sont encore en alerte permanente. Mais il existe une interpénétration des intérêts, financiers en général, qui rend plus complexe l'identification des ennemis : “Je résumerai la situation en disant que, pour Dubaï, le Qatar, l'Arabie Saoudite et d'autres encore, la main gauche caresse les Occidentaux, la droite cajole les islamistes terroristes, et les deux s'ignorent.” Parler de “terrorisme” paraît désormais simplificateur, les enjeux étant plus vastes.

Dans la réalité, la Suisse n'est pas le pays le plus ciblé par des opérations terroristes. Les musulmans n'y sont ni mieux, ni moins bien traités qu'ailleurs. Mais la votation concernant l'interdiction d'ériger des minarets pouvait exciter des djihadistes extrémistes. Telle est l'idée qui permet à l'auteur d'inclure son pays dans le combat anti-terroriste. Sachant qu'il y a bel et bien des armées mercenaires, le groupe des Faucons n'est pas moins crédible. On y observe une neutralité politique, couplée à des résultats de terrain. “Deepak reçut le "GO" dans son oreillette. Aussitôt, Nibs visa l'ampoule avec son Walther P99 muni de son silencieux. L'obscurité envahit la pièce. Les lunettes infrarouge sur le nez, ils sautèrent dans la salle. Paul arriva en silence par la porte. Une minute plus tard et quelques coups de feux tirés, l'assaut s'acheva. «Une véritable démonstration» se dit Paul.”

Inutile de préciser que, outre le résumé partiel ci-dessus, nos héros vont traverser moult péripéties périlleuses. S'attaquer aux puissants n'est jamais sans danger. La belle tradition du roman d'action et d'espionnage reste vivace, s'accordant au monde actuel agité. Un suspense rythmé comme on les aime.

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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 04:55

Issu de famille aisée, Christian Arribeau est un jeune médecin néphrologue. Sa spécialité traite des graves maladies des reins, celles qui conduisent aux dialyses ou aux greffes. Très ambitieux, il a suivi un cursus impeccablement calculé, qui lui permettra bientôt de décrocher le titre de Professeur. Car Arribeau s'intéresse fort peu aux malades, visant une carrière universitaire et dans la recherche médicale. Il a toujours su écarter les rivaux, et s'il s'est marié avec Céline, dermatologue, c'est surtout parce qu'elle est la fille du Doyen de la Faculté. Un problème lors d'une intervention chirurgicale aurait pu réduire à néant ses efforts. Mais ce fut sa collègue, la séduisante Delphine Valleur, qui endossa toute la responsabilité. Depuis, handicapée en fauteuil, elle a obtenu un poste au Ministère de la Santé. Arribeau et Delphine restent de proches amis, ce qui ne plaît guère à Céline.

Cette nuit-là, ayant fêté ensemble son nouveau succès, le médecin sort de chez Delphine un peu éméché, tandis que tombe la pluie. Quelques centaines de mètres plus loin, la voiture d'Arribeau heurte mortellement un SDF qui avait surgi pour traverser la rue. Il ne voit d'autre solution que de prendre la fuite, afin de ne pas entacher sa réputation. Au carrefour suivant, sa voiture est emboutie par un véhicule volé pourchassé par la police. Il ne tarde pas à réaliser que ce second accident masque les traces du premier. Céline ayant compris qu'il a passé la soirée chez Delphine, elle décide de retourner chez ses parents. Un problème que le médecin devra résoudre, car son puissant beau-père désapprouve la situation. Arribeau reçoit alors un courrier anonyme, une photo prise peu après l'accident avec le clochard où le médecin est reconnaissable. Il ignore qui espère ainsi le piéger.

Le jeune lieutenant de police Igor Pougnisky n'est pas dupe du double accident d'Arribeau. Il interroge le médecin, qui simule la surprise, puis rencontre Delphine, qui admet que ce SDF était bien connu dans le quartier. La voiture d'Arribeau a été détruite en fourrière, ce qui supprime une possible preuve. Toutefois, l'autopsie du clochard révèle qu'il était gavé de barbituriques et ivre, ce qui signifie qu'on l'a poussé sur la rue. Pougnisky contacte à la Brigade Criminelle le service dirigé par la policière Claude Chaudron. Avec son équipe, elle va collecter de nouveaux élément, et rapidement progresser dans l'enquête.

Les remous autour de la vie privée et de l'accident d'Arribeau créent de sérieuses tensions au sein du milieu hospitalier. Tandis que Céline évoque carrément le divorce, le médecin reçoit de nouvelles photos accablantes. C'est assurément quelqu'un de son entourage, peut-être professionnel, qui veut lui nuire définitivement : “Ce complot subtil me donnait le vertige. Quelle était la prochaine étape ? Les instigateurs de cette sombre machination n'est resteraient pas là. On allait bientôt me faire chanter. […] Mais le pire était à venir.” À la Crim', on envisage un lien avec un clan appartenant au banditisme. Toutes les pistes restent à exploiter…

Olivier Kourilsky : Le 7e péché (Éditions Glyphe, 2014)

Il est préférable que les auteurs évoquent des sujets ou des univers qu'ils connaissent. C'est le cas avec Olivier Kourilsky. S'il écrit des suspenses médicaux, c'est qu'il a exercé comme médecin chef du service de néphrologie dialyse au centre hospitalier sud francilien de 1982 à 2009. On ne le prendra certainement pas en défaut quant aux ambiances qu'il décrit, ni sur le parcours d'un praticien en néphrologie. Il a raison de nous dire ce qu'est un MCU-PH, et autres détails qui ne nous sont pas familiers. On trouve la même précision dans les décors parisiens qu'il évoque. Avec lui, même le contexte est soigné.

Voici donc le portrait d'un médecin plus arriviste que seulement ambitieux, orgueilleux au point de s'avérer quelque peu méprisant. Il est très possible que ce genre de personnages existent dans ces milieux où l'on fait de longues études, où gravir les échelons n'est pas si aisé, ce qui peut causer une fierté exagérée. Ici, l'arrogant docteur Arribeau n'est pas absolument détestable, mais on a envie de garder une certaine distance envers lui. Ses ennuis ne doivent rien au hasard, il ne le nie finalement pas. À trop vouloir conquérir une réussite sociale, toujours un peu factice, on risque inimitiés ou déconvenues, voire plus.

Avec ses péripéties, l'intrigue policière est plutôt solide. Le thème de l'innocent accusé à tort est revisité de belle manière, le héros n'étant pas irréprochable. Olivier Kourilsky sait nous captiver du début à la fin, ce qui est effectivement le résultat souhaité. Un suspense dans la bonne tradition.

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